Rites royaux et populaires de Hanoi d'antan
Berceau d'une civilisation quatre fois millénaire, la capitale Hanoi observe les rites communs à tout le pays pour accueillir le Nouvel An, mais avec des manières qui lui sont propres.
Aux temps féodaux, les rites royaux étaient rigoureux sous toutes les dynasties Ly, Trân ou Lê. Le 23e jour du 12e mois lunaire, le roi assiste à la cérémonie de purification des sceaux et la cour cesse tout travail jusqu'au 7e jour du 1er mois de l'An, ou se tient la cérémonie d'ouverture des sceaux, les mandarins reprenant alors leur travail.
Deux jours avant le Réveillon, le roi préside une cérémonie organisée dans le palais Dê Thich, en présence des mandarins en grande tenue. Au matin du dernier jour de l'an passant, Sa Majesté assiste à une représentation artistique à la porte Doang Cung de la capitale puis, l'après-midi, honore le culte de ses ancêtres au palais Dông Nhân. Le premier jour du Nouvel An, le roi se rend au palais Vinh Tho pour recevoir l'hommage du prince héritier avant d'aller visiter les tombes de ses ancêtres. Le soir, il donne un dîner royal au pavillon Chung Tiên, somptueusement orné pour l'occasion. Le 3e jour, il regarde une partie de cerf-volant entre ses princes et leurs mandarins surveillants. Puis le 15e jour, le roi ouvre la fête des lanternes dans son palais. C'est une scène inoubliable, au milieu de la cour se trouve un grand mât auquel est suspendu une multitude de lanternes multicolores. À son pied, se tiennent les bonzes en prières, entourés de mandarins agenouillés, en rangées.
Quant aux populations, leurs jeux publics printaniers sont liés à leur amour de la nature et de l'art : visiter les marchés de fleurs, acheter quelques estampes populaires Dông Hô et Hàng Trông pour orner la maison. Ceux qui ont un certain degré d'instruction se procurent des sentences parallèles et des calligraphies. À cette occasion, les lettrés pourvus d'une élégante écriture ne manquent pas de clients venant solliciter quelques caractères calligraphiés en chinois. Si l'on n'est pas trop exigeant, on peut chercher de vieux lettrés accroupis à même le trottoir, qui vendent ces "lettres" aux passants.
Les estampes populaires Dông Hô et Hàng Trông attirent l'intérêt du public non point par leur respect des perspectives (hélas ! absent) mais surtout pour leurs couleurs gaies évoquant une vie heureuse pour la nouvelle année. Souvent, les gens apposent, de chaque côté de la porte de leur maison, le tableau de deux messieurs représentant Talent et Prospérité. À l'intérieur, les murs sont ornés des images intitulées Honneur, Carpes contemplant la lune, Jeunes filles, Les quatre saisons, etc.
Le marché des fleurs de la capitale se tient dès le 23e jour jusque tard dans la nuit du Réveillon. Kumquat, chrysanthèmes, narcisses, roses, camélias, orchidées.... s'étalent en profusion sur la chaussée des rues Hàng Luoc et Câu Dông, donnant au marché l'apparence d'une forêt de fleurs de pêcher. Le trottoir est occupé par les stands d'objets votifs et de jeux pour enfants. Aller à ce marché des fleurs est une activité incontournable pour chaque Hanoien.
Sortir de la maison pour cueillir les jeunes pousses d'arbres est une tradition de longue date. Le Réveillon passé, les pagodes célèbres de la capitale comme Quan Su, Trân Quôc, Liên Phai, le temple Trân Vu... sont bondés de monde venant cueillir les jeunes pousses, symbole de prospérité, et prier Bouddha de les aider à réaliser leurs souhaits dans la nouvelle année. Mais les gens préfèrent cueillir les jeunes pousses aux alentours du temple Ngoc Son sur le Petit Lac. On croit que ce lieu renferme l'âme de la terre nationale qui devient d'autant plus sacré au moment du passage entre deux années.
Thang Long est le cœur de l'appareil administratif du pays. Les mandarins, hommes de lettres qui y vivent prennent en considération la pratique dite "ouvrir la plume" le jour de l'An. Cette cérémonie doit se dérouler avec minutie, tout particulièrement dans la préparation de l'encre de Chine. La calligraphie est un noble art qui traduit une conception de l'univers, une volonté, un talent et le cœur de son auteur qui sait que son acte sacré est assisté tant par ses ancêtres que par les génies du Ciel et de la Terre.
Hoàng Kim Thât/CVN