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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
12 mars 2006

Au chant du Coq, il y a 700 ans

En 1997, j'ai participé à un Comité consultatif de 30 membres en vue d'aider au choix d'un certain nombre de "femmes mythiques" du Vietnam qui devaient faire partie d'une liste mondiale de 1.000 femmes mythiques de 185 pays.
L'entreprise lancée par plusieurs organismes - français et américains gouvernementaux et privés, en collaboration avec l'UNESCO, visait le but d'organiser une exposition itinérante et de rédiger une encyclopédie sur les femmes mythiques du monde entier. On entend par femme mythique toute femme illustre, de la préhistoire et de l'histoire qui a joué un rôle important ou s'est distinguée par une action héroïque,- ou qui vit dans la mémoire d'une région, d'une nation, d'une culture,- ou qui représente des valeurs exemplaires, faisant la fierté de son peuple.
Si notre comité a hésité longtemps sans pouvoir se mettre d'accord sur le choix de femmes contemporaines, il a agréé sans difficulté celui de 12 femmes mythiques du Vietnam. Parmi celles-ci ne figurait qu'une femme politique, la reine Y Lan du 12e siècle. Il est regrettable qu'il n'ait pas choisi encore une autre femme politique qui mérite non moins ce titre: Bich Châu, femme du harem et favorite du roi Trân Duê Tông (1336 - 1377). Elle avait péri en mer. Un temple solitaire sur la plage dit village de pêcheurs Hai Khâu du district Ky Anh, province de Hà Tinh, honore sa mémoire depuis près de 700 ans.
Au temps de la royauté, quand le pays était en danger ou que la cour était ravagée par des félons, il se trouvait toujours quelque mandarin intègre qui présentait au souverain un placet pour proposer des réformes afin de redresser la situation. À ce sujet, la plus célèbre requête de notre histoire est sans doute celle ces "Huit propositions urgentes pour sauver le pays" (Tê câp bát diêu, 1867) adressée par Nguyên Truong Tô au roi Tu Duc qui rejetait d'ailleurs toute modernisation. La requête présentée par Bích Châu à son époux royal ne manque pas aussi d'envergure. Elle a pour titre de Ke minh thâp sach (Dix propositions présentées au moment du chant du Coq): allusion au poème Chant du coq du Livre des Odes de Confucius, poème parlant d'une femme de harem qui, au chant du coq, a réveillé le roi pour qu'il s'occupe sans tarder des affaires de
l'État avec ses mandarins.
Sur Bích Châu, on sait peu de chose. Dans le conte Le Temple enchanté à l'embouchure du Fleuve (Hai khâu linh tu)(1), la fameuse femme écrivain Doàn Thi Diêm (18e siècle) lui a consacré une histoire plutôt fantastique. Ainsi, le roi des eaux a puni le serpent marin pour avoir causé le mort de Bích Châu et a permis à cette dernière de revenir au monde des hommes. De Bích Châu, on sait que, née dans une famille du peuple, elle a été choisie comme femme du harem. Pour sauver une cour corrompue, elle a présenté une requête rejetée par le Roi. Selon la légende, au cours d'une tempête en mer, elle s'est offerte en holocauste en se noyant pour essayer de sauver la flotte de la fureur des génies marins.
Dans son temple, la population vénère toujours sa requête des 10 propositions présentées au roi au moment du chant du Coq :
1. Consolider la souche de la nation, éliminer toute cruauté pour apporter la joie au peuple.
2. S'en tenir aux traditions du passé, cesser de causer des ennuis au peuple, afin que règne l'ordre.
3. Licencier les fonctionnaires parasites, barrer la route à ceux qui abusent du pouvoir.
4. Arrêter les prévaricateurs pour alléger la souffrance du peuple.
5. Restaurer les belles mœurs pour faire rayonner la société.
6. Parler ouvertement, encourager le franc-parler.
7. Dans le domaine militaire, choisir les généraux selon leur compétence et non par népotisme.
8. Recruter des soldats robustes et courageux, ne pas juger sur la bonne mine.
9. Des armes bien fourbies et non étincelantes
10. Des plans de bataille bien conçus et non pour le décorum.
Les 6 premiers préceptes concernant l'art de gouverner relèvent de la doctrine confucéenne tandis que les 4 derniers sur l'art militaire se réfèrent à l'enseignement de Suntzu (Tôn Tu).
Dans l'ancienne société fortement confucianisée, la femme ne pouvait ni étudier, ni participer aux activités sociales. Bích Châu a transgressé cet interdit. Forte de son savoir et de son dévouement à la chose publique, elle a courageusement présenté une requête pleine de bon sens, et de générosité. Ce chant du coq retentit à travers les siècles jusqu'à nos jours, ses conseils restent toujours actuels.
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(1) du recueil Nouvelle version des Histoires Merveilleuses (Truyên Ky Tân Pha)
Huu Ngoc/CVN

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