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Alain.R.Truong
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6 septembre 2006

« Dunia » : le plaisir d’être une femme libre

Entretien avec sa réalisatrice, la Libanaise Jocelyn Saab

mardi 5 septembre 2006, par Falila Gbadamassi

9_12_20quanhoLe film égyptien Dunia sort sur les écrans français et libanais ce mercredi. L’occasion de découvrir cette culture arabe qui nous a toujours fascinées à travers la quête sensuelle d’une femme qui cherche à se réconcilier avec son corps. Entretien avec la cinéaste libanaise Jocelyne Saab dont l’œuvre a fait scandale en Egypte.

Etudiante en poésie soufie et en danse orientale, Dunia est une jeune cairote à la recherche du plaisir auquel son corps mutilé n’a plus droit. Plus qu’un film sur l’excision qui choque l’Egypte puritaine, la réalisatrice et journaliste libanaise Jocelyne Saab nous propose avec Dunia, ce que certains considèrent comme « son film le plus abouti », une ode à la liberté. Cette liberté que l’on refuse souvent aux femmes dans le monde arabe, et plus généralement sur la planète : être maîtresse de leur corps. Jocelyne Saab, dont l’enfance a été bercée par le cinéma égyptien, renoue avec sa tradition du film musical. Danse, chants et poésie soufie se mêlent dans Dunia pour nous donner une image plus positive d’une culture dont l’actualité nous fait trop souvent oublier la magie.

Afrik.com : Comment une Libanaise en vient à s’intéresser à l’excision en Egypte ?
Jocelyne Saab :
Je voulais avant tout parler du corps et des tabous qui l’entourent dans le monde arabe. L’excision est certes une mutilation physique, mais cette mutilation est aussi intellectuelle L’Egypte, où le problème se pose, me permettait de faire cette métaphore. Dunia est une quête du plaisir, un film sur le corps et la liberté de se réaliser à travers lui. L’Egypte, parce que c’est aussi le Bollywood du monde arabe. Il a une tradition cinématographique, des acteurs...Un film égyptien donne l’opportunité de toucher un public beaucoup plus large que s’il avait été libanais.

Afrik.com : La culture arabe est une culture très sensuelle, mais aussi très puritaine dans laquelle la femme se retrouve, et c’est le cas de plus en plus aujourd’hui avec la montée de tous les intégrismes, complètement emprisonnée. Pourquoi une telle contradiction selon vous ?
Jocelyne Saab :
Le monde arabe est un monde dans lequel, même s’il y a beaucoup de pudeur, la vague religieuse a effacé la vague nationaliste. Elle pousse au conformisme, à des pratiques qui relèvent du Moyen Age. Pendant tout ce voyage initiatique, Dunia ne cesse de se battre contre les préjugés et le poids des traditions. Elle le dit d’ailleurs à un moment dans le film : « Mon corps est séparé de ma tête », une tête dont elle peut disposer comme elle le souhaite. On ne peut que se battre contre ces courants. C’est pourquoi Dunia met en exergue la jolie culture arabe : sa musique, la poésie soufie, la danse.... C’est une autre vision du monde arabe que le film propose. Je souhaite que les gens se laissent aller à la découverte des autres en entrant de plain-pied dans cet univers (Dunia signifie en arabe « le monde, l univers », ndlr).

Afrik.com : Le film sort ce mercredi simultanément en France et au Liban. Est-ce que c’est le genre de film que l’on dédie à May Chidiac, une consœur présentatrice de la chaîne libanaise LBC, qui a été victime d’un attentat et qui est devenue, pour certains, une icône de la liberté d’expression ?
Jocelyne Saab :
Il ne faut pas tout mélanger. Tout ce que j’ai voulu faire, c’est de ne jamais parler directement des choses - il n’est, par exemple, jamais question du voile -, de déplacer le propos et surtout d’offrir 1h50 de plaisir. En d’autres termes, je n’ai voulu faire que du cinéma. Raison pour laquelle, même si mon film pose des questions cruciales, il n’a jamais pu être attaqué directement. Chacun y prend et y trouve ce qu’il veut, chacun l’interprète à sa façon et je n’influence personne. Dunia appartient à tous les spectateurs.

Afrik.com : Le casting de Dunia a-t-il été aisé si l’on s’en tient au scandale dont il a été l’objet à sa sortie, en 2004, en Egypte ?
Jocelyne Saab :
J’ai eu beaucoup de mal. De nombreux acteurs ont accepté le rôle et se sont désistés au dernier moment. Mohamed Mounir a été assez ouvert, il vient de Nubie où l’excision fait partie intégrante de la culture, on se demande même si elle ne vient pas de là. Il a compris l’impact qu’il pourrait avoir sur les gens en dénonçant cette excision de l’esprit. Les acteurs sont considérés comme des demi-dieux en Egypte. Notamment, lui, "La voix de l’Egypte" dont les chansons composent la Bande originale du film [
1]. On le découvre dans un autre registre : Mohamed avait fait des études d’art dramatique avant de se lancer dans la musique. Dunia lui a permis de renouer, sur le tard, avec sa passion pour le cinéma . Hanan Turk se bat également contre l’excision et comparé à ceux qu’elle avait eus jusqu’ici, c’est son plus beau rôle. Ils m’ont fait confiance parce qu’ils avaient peur que ma réalisation ne soit impudique. Je les ai rassurés en leur disant que j’étais une Orientale et que, par conséquent, je comprenais leurs inquiétudes.

Afrik.com : Quels sont vos projets ?
Jocelyne Saab :
J’étais au Liban pendant la guerre et j’ai réalisé un film artistique qui s’intitule Ponts blessés (Broken bridges). Je prépare également une installation pour le Musée national de Singapour sur la guerre et je travaille sur un nouveau scénario.

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