L'Amour vu par Marguerite Duras s'expose jusqu'au 21 janvier 2007 à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine (Imec), aux portes de Caen, auquel la romancière avait confié ses archives en 1995 avant de disparaître il y a dix ans.Dominique Noguez, prix Fémina 1997 pour "Amour noir" et proche de Marguerite Duras, a construit un parcours fait d'ombres et de lumières sous les arcs brisés de la grange aux dîmes de l'abbaye d'Ardenne, site du XIIe siècle qui accueille chercheurs et professionnels de l'édition.

Le commissaire artistique de l'exposition a ainsi organisé quatre espaces dédiés aux rapports à l'amour qu'entretenaient Marguerite Duras, dans sa vie comme dans son oeuvre.

L'itinéraire commence par "Demandes d'amour", plus particulièrement centré sur son enfance en Indochine, ses relations avec une mère et un frère qui la battaient ou ses relations tumultueuses avec celui qui allait devenir "l'amant". Tout ceci est consigné dans des pages du "cahier rose marbré", premier des "cahiers de la guerre et autres textes", rédigé par Marguerite Duras en 1943.

Un deuxième volet, l'"amour passion", est exposé à travers une reconstitution du bal d'"India Song". Un écran, où apparaissent enlacés Delphine Seyrig et Mathieu Carrière, fait face à un miroir, un lustre et un piano, tout droit sortis de la scène.

Un violent cri, poussé par Michel Lonsdale dans cette oeuvre de 1974, symbolise la conception déchirante de la passion amoureuse version Duras et ébranle l'intimité du lieu.

Les "Confins de l'amour", module baptisé ainsi par son concepteur, cherche à présenter les zones extrêmes de l'expérience amoureuse. Le sado-masochisme dans "L'homme assis dans le couloir", la force des liens entre deux êtres qui ne souhaitent pas se rencontrer physiquement de "Navire Night" ou la passion sacrificielle et le voyeurisme du "Ravissement de Lol V Stein", sont ainsi présentés aux regards grâce aux manuscrits, souvent abondamment annotés.

La dernière partie, intitulée "A défaut d'amour", souligne par de nombreuses photos (avec Gérard Depardieu, François Mitterrand, Melina Mercouri, Bruno Nuyten ou Jeanne Moreau) qu'une vie entière peut-être difficilement placée sous le signe de l'amour passion mais que la camaraderie, la compassion, l'amitié, voire la gloire peuvent quelques fois le faire oublier.

Présenté en marge de cette exposition, un "couloir des voix" permet aux visiteurs de retrouver le timbre si particulier de la romancière et de découvrir sa singulière beauté à travers trente-quatre photos prises au fil de sa vie.

(Par Sylvain DUBUS )