Instruments de musique dans les pays indochinois
Si par péninsule indochinoise, on entend le Vietnam, le Cambodge et le Laos, chacun se distingue par une civilisation ancienne avec des us et coutumes différents. Pourtant, il existe une similitude chez ces communautés indochinoises.
La musique et ses instruments créés à partir des matériaux bruts de la nature : pierre, bois, terre, bambou, calebasse, peau d'animaux. Petit tour d'horizon des plus répandus chez les peuples indochinois.
Les tambours
Au temps préhistorique, les Viêt, comme d'autres peuplades de la région, voyaient dans le tambour en bronze un instrument religieux. Pour eux, cet instrument revêtait une signification sacrée qui permettait de communiquer avec Dieu et les génies célestes, dont notamment ceux du Tonnerre et du Soleil qui gouvernaient, paraît-il, l'existence de la communauté agricole. En ces temps là, les récoltes dépendaient entièrement du climat.
Pour les ethnies minoritaires des hauts plateaux du Centre, le "Génie du Tambour en bronze" représente leurs ancêtres lointains, plus proches du Ciel qu'eux. De nos jours, la tradition s'est perpétuée, on célèbre les nouvelles campagnes rizicoles au son des tambours "pour inciter, par l'intermédiaire des sons sacrés, le Génie du Tonnerre à faire pleuvoir", dit-on.
Dans l'orchestre traditionnel des Cham, une ethnie du Sud du Vietnam, les tambours jouent un rôle prédominant. On y trouve 2 genres d'instrument - le baramung et le kinang - dont la caisse est en bois et les fonds formés de peaux tendues. Le premier, sous les battements des mains, donne des sons graves et lents tandis que le second, frappé au moyen d'une grande baguette en bois, renvoie des sons éclatants et rapides. Sous les mains d'un virtuose, le Kinang peut produire jusqu'à 50 airs différents.
Différant dans leur style, les tambours lao et cambodgien constituent aussi un élément majeur de leurs orchestres académiques et populaires. Celui semblable au trông com vietnamien (tambourin dont on frappe de 2 mains les fonds) est baptisé ta phon chez les Lao et sam pho chez les Cambodgiens. Sans oublier une "paire" de tambours, appelée le kong that au Laos et le skor thom au Cambodge, qu'on frappe avec des baguettes. Au Vietnam, on le retrouve sous l'appellation trông van (tambour littéraire) et trông vo (tambour militaire).
Les gongs
En Indochine, les gongs ont une histoire millénaire. La population multiethnique du Tây Nguyên est fière de ses batteries de gongs (công chiêng) qui ont été reconnues par l'UNESCO comme patrimoine culturel de l'humanité. Les Gia Rai en comptent 5 qui diffèrent en nombre et en envergure : xinhtena (9 gongs), xinharap (3 gongs) xintorun (3 gongs)... Si les batteries des Gié Tiêng se composent chacune de 12 gongs, celles des Êdé en comprennent 9 plus un tambour. Les Bana sont, eux, de véritables virtuoses lorsqu'ils exécutent leurs 4 "sonates" où chacune a sa fonction : todrang pour animer la fête de "sacrifice du buffle" en l'honneur d'un triomphe militaire, tonoc pour exprimer les "remerciements au Génie de la Paix ", samoc pour souhaiter la "bienvenue au riz nouveau" et atân pour solenniser les funérailles.
À la différence de la batterie vietnamienne dont les gongs sont portés chacun par un joueur, celle du Laos ou du Cambodge, comprenant 18 pièces dotées d'une saillie au milieu, est disposée sur un support en rotin tressé. Les Lao la nomment khong vong, et les Cambodgiens, khong to-uch.
Les lithophones
Les lithophones, vieux de plusieurs siècles, sont découverts pour la première fois au Vietnam en 1952 à Lelut-liêng Krak, sur le Tây Nguyên. Quelques temps après, d'autres batteries sont tour à tour mises au jour sur les hauts plateaux de Khanh Son, Lâm Dông, Darlak... Dans d'autres hautes régions d'Asie du Sud-Est, on a découvert plusieurs sortes d'instruments dont la composition est similaire à celle des lithophones. Si le t'rung du Tây Nguyên est composé d'un chapelet des tronçons de bambou, liés les uns aux autres par des fils attachés à un cadre en boubou, le ronathan du Laos et du Cambodge est formé par plusieurs tronçons de bois qui donnent l'aspect d'une barque dotée de 21 touches.
Les flûtes de Pan
La flûte de Pan, ou le khèn en vietnamien, serait l'instrument musical le plus utilisé et familier chez les minorités ethniques, surtout les H'Mông des montagnes du Nord du Vietnam. À la tombée de la nuit, des villages entiers retentissent des mélodies du khèn. On y distingue des airs différents, comme "l'appel de son amie au rendez-vous", les réjouissances ou les confidences. Si la flûte de Pan vietnamienne et cambodgienne disposent, outre une languette, de 6 tronçons de petit bambou rassemblés en 2 rangs parallèles, celle du Laos en compte 12 rangés en 2 lignes.
Les instruments à cordes
Ce genre d'instrument, une sorte de cithare, est très diversifié au Vietnam, différent de part sa résonance et le nombre de ses cordes pincées. Si les Tày et Thai des montagnes du Nord Vietnam sont habitués à leur dàn tính (formé par une petite caisse de résonance de calebasse et une longue manche), les Viêt de la plaine se montrent orgueilleux du dan bâu (monocorde) dont les sons mélodieux sont considérés, par les filles, comme des plus fascinants. Les Cambodgiens ont aussi leur monocorde, le sa diêu.
Quant aux cithares à cordes frottantes, il existe des nhi, hô, gao au Vietnam ; des so-i et so-u au Laos ; des to-mo-chay et to-ro-u au Cambodge.
Hormis les instruments musicaux, les pays indochinois voient aussi une similitude dans leur art musical, surtout dans la fluctuation sonore. Pour ceux qui ont l'oreille, la musique indochinoise est différente des mélodies occidentales, chinoises, indiennes, ou de la région arabe. Et la musique traditionnelle du Vietnam est une des plus variées de l'Asie du Sud-Est. (Hoàng Kim Thât/CVN)