2Les Éditions Thê Gioi (Monde) viennent de publier le livre À la découverte de la culture vietnamienne, en français et anglais, de l'écrivain, journaliste, chercheur culturel Huu Ngoc. Nous vous présentons ci-après un article d'un lecteur français sur cette oeuvre.
Laissez-vous prendre par la main, laissez Huu Ngoc vous guider, allez flâner avec lui dans l'univers poétique des contes et légendes sur lesquels les Vietnamiens aiment asseoir l'histoire de leur civilisation. Qui que vous soyez, vous y prendrez un plaisir intense et chaque promenade enrichira votre coeur autant que votre raison, vous aurez l'impression d'y avoir glané un petit brin de sagesse.

L'histoire, récente ou ancienne, les mythes et les traditions en jalonnent les sentiers. L'auteur les conte en touches légères, toujours avec le sourire, parfois même, avec malice, et surtout avec une extraordinaire tolérance, indulgence même, vis-à-vis, de leurs acteurs. Pas de thèse, pas de synthèse, pas d'analyse grave ou sévère, ni vérités premières ni leçons de morale. Mais des suggestions propres à nous faire réfléchir et à voir de toute chose les milles facettes qui en font la beauté. À travers le Vietnam, du Viêt Bac jusqu'au delta du Mékong, chaque site que l'auteur nous fait admirer, chaque temple qu'il nous fait visiter, chaque plat qu'il nous fait déguster, chaque personnage qu'il nous fait rencontrer sont prétexte à l'évocation ici d'une anecdote, là d'une coutume, qui nous en apprennent plus sur le Vietnam et les Vietnamiens que le discours sévère des historiens, des ethnologues et des sociologues.

Malheur aux idées préconçues que nous pouvions avoir en partant ! Malheur aux formules réductrices dans lesquelles nous sommes parfois tentés d'enfermer ceux que nous connaissons mal ! Nous devrons vite nous en débarrasser. C'est la diversité d'une civilisation qui en fait la richesse, la complexité de la nature humaine qui en fait la beauté.

Certes, il y a des mots-clés qui jalonnent la promenade : la marque laissée par la morale confucéenne, la hantise de la domination chinoise et le poids de son héritage, l'indéfectible et courageuse volonté d'indépendance et de liberté du peuple vietnamien, son amour de la nature et son respect de la culture... pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus courants et parfois les plus galvaudés. Il y a aussi le passé récent, révoltante injustice de l'histoire, porteur de terribles souffrances dont nous savons bien que toutes les plaies ne sont pas encore refermées. Il y a tous ces visages émouvants de femmes dont l'histoire et la légende du pays sont parsemées, de la touchante Tô Thi à la si attachante Hô Xuân Huong en passant par les soeurs Trung et l'emblématique Kiêu de Nguyên Du dont la débauche ne parvient pas à entamer la pureté, tant est flagrante et révoltante l'injustice de son destin. Il y a le poids de la tradition paysanne, l'ouverture récente vers les ethnies montagnardes et les richesses de leurs cultures, l'héritage de croyances animistes et de superstitions occultes ou spirites. Il y a l'éternel esprit frondeur d'un Trang Quynh qui vainc par la ruse ceux qui, plus forts que lui, voudraient l'asservir ou l'opprimer. Il y a la poésie, omniprésente, par laquelle s'expriment les joies et les peines de tout un peuple...

Il y a tout cela bien sûr et de tout cela Huu Ngoc sait nous parler avec tendresse. Mais rien de cela ne saurait résumer le Vietnam. Qu'on ne s'y trompe pas ! Huu Ngoc ne nous le dit jamais de façon si explicite, tel n'est pas son style, mais ce qu'il nous conte nous le montre à l'évidence. Chacune de nos promenades nous apprend bien des choses, non seulement sur le Vietnam mais aussi sur nous-mêmes. Elle éclaire d'un jour nouveau ce que nous croyions savoir et nous rend de même coup conscients de l'immensité de ce qui reste à apprendre. À nous de mettre un peu d'ordre dans nos nouvelles connaissances, de les classer au gré de nos intérêts et d'en faire les synthèses qui conviennent à notre manière de voir le monde. Mais il est une chose dont j'en suis certain, nous conviendrons tous sans réserve : c'est que les promenades auxquelles nous convie Huu Ngoc nous auront appris à aimer son pays et son peuple encore plus profondément que nous le faisions déjà. (Pierre Darriulat/CVN)