Les nhà vuon ou maisons-jardins de Huê sont un des nombreux héritages de la dynastie des Nguyên. Autrefois résidences privées des mandarins, des membres de la famille ou de la cour royales, ce sont actuellement des lieux qu'aiment visiter les touristes. Là, ni luxe ni magnificence, juste un parfum d'harmonie qui flotte et vous enivre...
Un samedi matin comme les autres à Huê. Le soleil, qui vient de franchir la cime des arbres, commence à peser bien lourd sur les épaules des touristes. Le bon moment pour aller découvrir les nhà vuon (nhà : maison, vuon : jardin), et notamment la plus prestigieuse d'entre elles : la maison-jardin An Hiên. Bâtie en 1895, autrefois résidence privée de la 18e fille du roi Duc Duc, elle couvre presque un demi-hectare sur la rive gauche de la rivière des Parfums. Un lieu ombragé, idéal pour la réflexion, reflétant bien l'art de vivre à la huéenne, et qui a changé plusieurs fois de propriétaire. Elle appartient maintenant aux descendants de Nguyên Dinh Chi, qui l'a acquise en 1936 alors qu'il était gouverneur de la province de Hà Tinh (Centre). "Après sa mort, sa femme Dào Thi Xuân Yên a transplanté plusieurs espèces de plantes dans le jardin de sa famille”, a fait savoir Mme Ky, propriétaire actuelle, belle-fille de Nguyên Dinh Chi. Dào Thi Xuân Yên était la rectrice du lycée Dông Khanh de Huê, réservé aux filles, actuellement lycée Hai Bà Trung. Elle était aussi députée des 6e et 7e législatures de l'Assemblée nationale. Une femme de poigne, qui n'a pas hésité à diriger une grève scolaire contre l'administration française !. Dans le jardin, les fleurs les plus anodines comme jasmin, tournesol ou églantier… côtoient les plus nobles comme orchidées et même roses importées d'Europe. Il a aussi quelques "stars végétales" dont un sapotier offert il y a 70 ans par le Docteur Mai, arrière-petit-fils du grand poète Nguyên Du.

Mme Ky ouvre volontiers son jardin aux groupes de touristes, qui adorent batifoler dans le verger où cohabitent des arbres fruitiers des 3 miên (régions) du pays : Nord, Centre et Sud. Ils se laissent emporter par le charme du site et tentent d'imaginer la vie des lettrés et autres personnages importants de la société féodale d'antan.

Recherche d'harmonie entre l'homme et la nature
La dynastie des Nguyên a régné pendant près d'un siècle et demi, autant dire largement le temps pour le style architectural des maisons-jardins de s'affirmer. La plupart des maisons-jardins se trouvent en banlieue et dans les villages environnants. À l'époque féodale, on appréciait aussi, semble-t-il, de se ressourcer en campagne. Elles ont comme points communs d'être entourées d'une haie - de théiers ou d'hibiscus -, et d'avoir un joli portique d'entrée surmontée d'un petit toit. L'allée qui mène à la maison est souvent bordée d'abricotiers et parfois d'un bassin à lotus. Située au milieu du jardin, entourée de verdure, la maison principale est précédée d'un binh phong ou "écran" en maçonnerie, élément de défense magique contre l'influence nocive du vent.

La maison typique est le nhà ruong, en bois, à toit de tuiles. Le bois est résistant à l'humidité et aux insectes : gie luoi (chêne vietnamien), gu (sindora), lim (bois de fer)…

Le tout repose sur un système de colonnes, souvent une cinquantaine. Le modèle ordinaire comporte 3 ou 5 travées principales et 2 autres aux extrémités ou apprentis. L'autel des ancêtres se trouve au milieu de la travée centrale.

Selon une étude, Huê compte environ 7.000 maisons-jardins. Des dizaines sont devenus très célèbres comme Ngoc Son công chua où vivait la princesse Ngoc Son (fille du roi Dông Khanh), An Hiên, Vinh Quôc Công, Lac Tinh Viên, etc.

La municipalité compte bien évidemment tout faire pour protéger ce patrimoine exceptionnel. De 2006 à 2010, la province de Thua Thiên-Huê devrait ainsi débloquer 20 milliards de dôngs pour en restaurer environ 150, considérées comme les plus typiques d'un point de vue architectural et végétal. Selon le Comité populaire de la ville de Huê, un Fonds de conservation des maisons-jardins devrait être créé, alimenté partiellement par l'État.

Il va sans dire que les Huéens sont très fiers de leurs maisons-jardins, qu'ils considèrent comme une partie de l'identité culturelle et historique de leur ville, au même titre que la Cité interdite, la gastronomie, la musique de cour, l'art de dégustation du thé... Et puis les maisons-jardins huéennes reflètent bien la quête perpétuelle de leurs ancêtres : l'harmonie. Entre l'homme et la nature, entre le temporel et le spirituel, entre les hommes eux-mêmes et avec soi-même… (Long Hoàng/CVN)

Quelques adresses de maisons-jardins à Huê :
* Maison-jardin An Hiên : commune de Huong Long - Tél : (84-54) 52 36 47
* Maison-jardin Lac Tinh : 33, rue Phan Dinh Phùng - Tél : (84-54) 83 32 37
* Maison-jardin Ngoc Son công chua : 29, rue Nguyên Chi Thanh - Tél : (84-54) 52 54 11
* Ty Bà Trang : 51, rue Ông Ich Khiêm - Tél : (84-54) 52 42 54
* Tinh Gia Viên : 20/3, rue Lê Thanh Tôn - Tél : (84-54) 52 22 43
* Maison-jardin Y Thao : 3, rue Thach Han - Tél : (84-54) 52 30 18