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Alain.R.Truong
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11 mars 2008

Eugène Delacroix (1798-1863), Roméo et Juliette devant les tombeaux des Capulets, vers 1855

12melikf

Eugène Delacroix (1798-1863), Roméo et Juliette devant les tombeaux des Capulets, vers 1855, papier marouflé sur toile, 35,3 x 26,5 cm. Estimation : 20 000/30 000 euros Bayeux, lundi 24 mars. Bayeux Enchères. Cabinet Turquin

Le romantisme connaît une grande ferveur sous la Restauration. Aussi le théâtre anglais enflamme-t-il l’imagination des spectateurs, d’un certain Eugène Delacroix notamment. Le jeune homme découvre l’oeuvre de William Shakespeare en 1825, lors d’un séjour à Londres, et assiste avec enthousiasme à diverses pièces interprétées par Kean et Young, acteurs parmi les plus réputés du temps. Le peintre en garda un souvenir si vif qu’à la cinquantaine passée, il analyse encore, dans son Journal, le génie "autant psychologique que poétique" du dramaturge anglais. À cette époque, notre artiste reprend aussi les sujets littéraires qui l’ont inspiré dans sa jeunesse, comme notre papier marouflé sur toile, largement diffusé grâce à la gravure d’Eugène Le Roux. Présentée à l’Exposition universelle de 1855, l’oeuvre aurait été acquise par Gabriel Delessert avant d’entrer en 1857 dans la collection de T. B. G. Scott, le président de la société des amis des arts de Bordeaux. Impressionné par le potentiel du récit shakespearien, Delacroix note encore dans son Journal, le 25 mars 1855 : "Il possède une telle puissance de réalité qu’il nous fait adopter son personnage comme si c’était le portrait d’un homme que nous eussions connu". Tous les amoureux s’appellent Roméo et Juliette. Depuis la première représentation, donnée en 1595, ces jeunes gens devenus vite célèbres sont en effet le symbole de la passion impossible.
Notre tableau représente justement le paroxysme de la tragédie des amants de Vérone : Roméo Montaigu et Juliette Capulet, appartenant à des familles déchirées par une antique vendetta, sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. Ils se marient secrètement, recevant l’aide d’une nourrice et d’un moine complices. Mais la société et la tradition les empêcheront de vivre cet amour au grand jour...
En metteur en scène confirmé, Delacroix transcrit donc le moment où Roméo, résolu à mourir sur la tombe de Juliette, entre dans la crypte des Capulets pour faire ses adieux à sa jeune épouse avant d’avaler la fiole de poison. Tout d’abord, il adopte un format en hauteur pour mieux resserrer la scène. Celle-ci est centrée sur les amants enlacés, promis à une mort inéluctable. L’austérité et la rigueur du décor intensifient encore l’émotion. Travaillant habilement le contraste des teintes chaudes et froides, notre peintre en restitue le caractère pathétique d’une façon magistrale. Le jeu de la lumière, l’entente admirable du clair obscur et la sobriété des couleurs projettent au coeur de la composition la silhouette diaphane de Juliette... Annonçant les gros plans du cinéma, notre tableau relève au total d’une gestuelle toute théâtrale. Cette image d’une grande histoire d’amour rejoint au panthéon des passions d’autres couples mythiques, Orphée et Eurydice, Tristan et Yseult...
Alors, goûtons sans modération l’élixir d’amour ! Chantal Humbert (www.gazette-drouot.com)

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