André Vésale (1514-1564), De Humani corporis fabrica, Bâle, juin 1543, in-folio, édition originale dédiée à l’empereur Charles Quint, premier tirage.

In-folio [438 x 290 mm] de (6) ff., 663 pp. mal chiffrées 659 sans manque, (18) ff. pour l'index, l'achevé d'imprimer et la marque gravée de l'imprimeur : vélin ivoire à petit rabats, pièce de titre de maroquin rouge (reliure du XVIIe siècle). Édition originale, dédiée à l'empereur Charles Quint, dont l'auteur portait le titre envié de « premier médecin ». Remarquable impression bâloise, par les soins de Jean Oporin, imprimeur, professeur de grec et disciple de Paracelse. Né à Bruxelles en 1514, André Vésale poursuivit ses études médicales à Louvain, Paris et Padoue. C'est âgé de vingt-huit ans qu'il acheva la Fabrica. Il meurt en 1564 de retour d'un pèlerinage en Terre Sainte. Chef-d'oeuvre médical de la Renaissance, le traité est la première grande synthèse de l'anatomie, largement fondée sur la recherche expérimentale. Il offre en outre un accord presque parfait entre la science et la beauté, tant il est superbement illustré. Premier tirage. Le frontispice est considéré comme une des plus belles gravures sur bois du XVIe siècle. Il représente Vésale disséquant lui-même un cadavre, entouré d'une foule attentive. Autour du maître, on a pu identifier parmi les visages anonymes ceux de Colombo, Rondelet, Falloppe et la figure barbue du Titien (Hahn, Histoire de la médecine et du livre médical, 1962, p.139). 25 grandes planches à pleine page donnent à voir les écorchés dévoilant leur musculature dans des poses hallucinantes ou tragiques. Et près de 300 compositions dans le texte, sans compter les lettrines historiées et fort curieuses : gravées selon les instructions de Vésale, elles représentent des interventions chirurgicales, le vol d'un cadavre, la préparation d'un squelette. Dans le texte de la Fabrica, l'auteur relate précisément comment il découvrit un cadavre nettoyé par les oiseaux près d'une potence, et comment il introduisit en cachette les ossements à Louvain, en vue de préparer un squelette, les faisant bouillir préalablement. À l'arrière-plan des « hommes muscles », le paysage offre un surcroît d'intérêt. On est parvenu à localiser le site. En effet, chaque séquence mise bout à bout (le copier-coller informatique s'y prête assez bien) forme un seul panorama en continu, inspiré d'une région près de Padoue. L'atelier du Titien et Jean Stéphane de Calcar. Si les planches ne sont pas signées, on sait que les blocs de bois furent taillés à Venise avant d'être acheminés à dos d'âne pour le tirage bâlois. Longtemps attribuées au Titien lui-même, les compositions semblent être de la main de plusieurs artistes de l'entourage du Titien qui dirigea leur travail, dont le peintre Jean de Calcar, qui a dessiné notamment le portrait de l'auteur. Vésale lui-même, était un dessinateur habile (Rosand & Muraro, Titian and the Venetian Woodcut, 1976, pp. 211-233). Exemplaire très pur, non lavé, à très grandes marges. Déchirure restaurée anciennement, sans manque, p. 16 ; tache, p. 197. Il manque, comme souvent, quelques-unes des parties mobiles collées à la page 313. Mouillures marginales sans gravité. ? Printing and the Mind of Man, n° 71 : « The Birth of Modern Anatomy ».- Horblit, One Hundred Books Famous in Science, n° 98 : « The founder of modern anatomy. One of the most beautiful scientific books ever printed ».- Grolier, One Hundred Books Famous in Medicine, n° 24. Estimation : 140 000/200 000 €.

BELON (Pierre). L'Histoire de la nature des oyseaux, avec leurs descriptions, & naïfs portraicts retirez du naturel : escrite en sept livres. Au Roy. Paris, (Benoît Prevost pour) Guillaume Cavellat, 1555.

7 parties en 1 volume in-folio [338 x 224 mm] à pagination continue de 14 ff., 382 pp., la dernière non chiffrée, (1) f. blanc : maroquin vert, dos à nerfs orné de caissons de filets dorés avec chiffre doré et répété à l'intérieur, armes dorées au centre des plats, coupes décorées (reliure de l'époque). Première et unique édition. Les années 1550 virent en Europe l'élan d'une littérature zoologique. La discipline avait été quelque peu à la traîne par rapport à la botanique, par exemple. Mais la zoologie devait être renouvelée par le rôle fondamental que jouaient désormais l'observation directe et le souci d'une illustration captée sur le vif. Portrait de Pierre Belon et 160 bois délicatement gravés, d'après les dessins de Pierre Gourdelle. Les dessins originaux du peintre parisien étaient l'un des fleurons de l'opulent cabinet de Pierre Berès, récemment dispersé (Livres du Cabinet de Pierre Berès, 2003, n° 8). Premier écrivain scientifique en langue française, Pierre Belon (1517-1564) « à la fois géologue, botaniste, zoologiste, s'intéressa aux poissons et aux oiseaux, voyagea dans toute l'Europe et le Moyen Orient. Il en résulte une oeuvre où l'observation occupe, peut-être pour la première fois, une place prépondérante. On y trouve référence aux anciens textes mais avec une distance critique, des rectifications d'erreurs et des essais de nouvelles classifications » (Tous les savoirs du monde, encyclopédies et bibliothèques, de Sumer au XXIe siècle, BN, 1996, n° 23). En français dans le texte. L'ouvrage s'inscrit dans les combats pour la langue française qui connurent une grande vogue au XVIe siècle, notamment dans le domaine scientifique. Comme Ambroise Paré qui écrivit directement en français pour être entendu des barbiers chirurgiens, Belon se justifie dans son épître liminaire au roi : « j'ay entreprins vous faire voir à part en sept livres, ce qu'ay trouvée es oyseaux digne de récit, l'ayant rendu en nostre langue, presque en mesme ordre & sentence de ce que (dieu aidant) vous présenteray en Latin (...). J'ay aproprié les mots françoys chascun à son naïf portraict, afin de le représenter à vos yeux : veu mesmement qu'onc homme (que l'on puisse sçavoir) ne les a publiez en ceste façon. » Prestigieux exemplaire de Jacques-Auguste de Thou. Il est relié en maroquin du temps : ses armes sont accolées à celles de sa première femme, Marie de Barbançon de Cany, avec leur chiffre doré au dos. L'exemplaire est bien complet des 2 feuillets blancs qui se trouvent à la fin du cinquième Livre et à la fin de l'ouvrage. Il est conservé dans une boîte en maroquin. Petites galeries de vers restaurées sans gravité. Légères cassures dans les marges de la fin et petite mouillure angulaire. Tache d'encre p. 320. Ex-libris George Agar Ellis.- Henri Gallice.- Marcel Jeanson (Catalogue, I, 1987, n° 57 : « Le livre second, qui est consacré aux oiseaux de rapine contient des chapitres intéressants sur la fauconnerie »). ? En français dans le texte, n° 52 : « Des nombreux livres publiés par Belon, l'Histoire de la nature des oyseaux est sans doute le plus accompli : cet ouvrage, le premier rédigé en français qui soit exclusivement consacré aux oiseaux, marque une étape importante dans l'histoire de la zoologie. Belon y témoigne d'une grande érudition mais aussi d'un louable esprit critique, alors peu fréquent. ».- Pinon, Livres de zoologie de la Renaissance, 1995, n° 91.- Mortimer-Harvard, French 16th Century Books, n° 50 : « Belon's text, as one of the first of its time to be based on direct observation and original drawings, is a major work in the field of natural history ».- Thiébaud, Bibliographie sur la chasse, 1934, p. 66.- Olivier, Hermal et Roton, Manuel de l'amateur des reliures armoriées françaises, planche 216, fers n° 4 et n° 6. Estimation : 45 000 - 65 000 €

DESCARTES (René) - Discours de la Méthode. Pour bien conduire sa raison, & chercher la vérité dans les sciences. Plus la Dioptrique. Les Meteores. Et la Geometrie. Qui sont des essais de cette Méthode. Leyde, Jean Maire, 1637.

In-4 [197 x 143 mm] de 78 pp. (1) f. de titre, 153 pp., (1) f., pp. 157-413, (1) p. (avertissement), (17) ff. (tables et privilège) : maroquin rouge, dos à nerfs orné à petits fers, décor à la Du Seuil, sur les plats, doublure de maroquin émeraude finement ornée de filets et roulettes dorées, tranches dorées, étui (Maylander). Édition originale. Elle est illustrée de figures et de diagrammes gravés sur bois. « Je pense, donc je suis ». Texte phare dans l'histoire de la philosophie occidentale ; on peut le considérer comme l'acte de naissance du rationalisme moderne. Le traité anonyme où Descartes abandonne le latin pour sa langue maternelle est aussi une autobiographie intellectuelle. Le Discours de la méthode fut d'abord ignoré ou remarqué uniquement à cause des trois essais scientifiques qui le suivent et qui en sont l'application. Mais les idées de Descartes obtinrent rapidement une audience européenne, malgré la proscription qui frappa l'ouvrage en France. Le Discours parut si dangereux que Louis XIV finit par l'interdire en 1685. Élégant exemplaire, grand de marges ; fine reliure doublée. Il est complet du feuillet d'errata et du privilège hollandais. Ex-libris des bibliothèques John Howell, Giancarlo Venerosi Pesciolini et Roger Budin, avec ex-libris. ? En français dans le texte, BN, 1990, n° 90.- Printing and the Mind of Man, 1967, n° 129.- Horblit, One Hundred books famous in Science, 1964, n° 24. Estimation : 45 000 - 55 000 €

Le Livre intitule lart de bien vivre : et de bien mourir. Etcet. Paris, André Bocard [pour Antoine Vérard], 13 février 1493

[1494 n. st.] 4 parties en un volume in-folio gothique [266 x 190 mm] de 199 feuillets sur 200 (il manque le dernier feuillet qui est blanc et le titre est en fac-similé), sur deux colonnes de 33 lignes par page. Art de bien vivre : a-d8, e6, f-h8, i6 Art de bien mourir : k-m8 (dont k1 blanc) L'aiguillon de crainte divine : n-r8, s6 L'advenement de Antechrist [puis Les Joies du paradis à partir de aa5 recto] : t-x8, y6, aa-cc8 (moins cc8 blanc, qui manque). Daim fauve sur ais de bois, traces d'attaches (reliure de l'époque). Deuxième édition. Antoine Vérard ne se distingua pas seulement par l'ampleur de sa production, il joua à la fin du XVe siècle le rôle d'un véritable éditeur d'art, fort bien en cour auprès de Charles VIII, le premier roi de France à posséder des livres imprimés. Il a donné à l'édition parisienne un éclat incomparable. On s'accorde à reconnaître que l'Art de bien vivre est son livre illustré le plus ambitieux. *La plus haute expression de la gravure française au XVe siècle. Le manuel du chrétien est articulé en quatre traités. La morale y est bien peu hédoniste, la note dominante étant donnée par l'Art de bien mourir qui vise à conjurer le memento mori et la vanité des choses humaines. En tout, 65 gravures sur bois, grandes et petites, dont huit à pleine page, certaines répétées. Sont représentés en images les préceptes de l'Eglise, les cérémonies du culte, les supplices de l'Enfer et les béatitudes du Paradis. On admire surtout la suite des Sacrements : sept planches à pleine page empreintes de ferveur religieuse et d'un sentiment profond d'humanité. « Il suffit de voir les femmes au corsage étroit et aux cornettes rabattues sur le cou, et ces enfants malingres, pour se sentir en plein Paris », dit J. Renouvier. Les compositions magistrales, sont aujourd'hui attribuées à l'un des peintres les plus actifs à Paris à la fin du XVe siècle. Nicole Reynaud l'a baptisé du nom de Maître d'Anne de Bretagne (Avril & Reynaud, Les Manuscrits à peintures en France, 1440-1520, BN, 1993, n° 147). Les 11 planches de l'Art de bien mourir laissent à penser que la mort est iconophile, lorsque anges et démons s'affrontent au chevet du moribond, jusqu'à cette crispation du dernier moment où tout peut être perdu ou gagné. 7 planches pour les peines d'Enfer. Leur attribution à Pierre Le Rouge n'est plus soutenue. D'une sensibilité flamboyante, propre au Moyen Age tardif, texte et images s'abandonnent à des détails hallucinants. De fait, il s'agit du témoignage de Lazare ressuscité. Le récit de ses visions dans l'autre monde est digne d'illustrer l'Enfer de Dante. Aux orgueilleux le supplice de la roue, aux envieux le fleuve glacé, aux paresseux la morsure du serpent, aux avares le chaudron de métal en fusion, aux luxurieux un puits de souffre ardent et des serpents qui leur dévorent le sexe. 16 planches pour l'avènement de l'Antéchrist, l'Apocalypse et le Jugement dernier. D'une facture naïve et anguleuse, les compositions presque abstraites ne sont pas moins suggestives : « Les étoiles tomberont du ciel, et les bêtes seront sans manger ». « Les pierres se combattront l'une contre l'autre », et autres bouleversements cosmologiques. (Brun, Le Livre français, 1969, p. 29 et Pl. IV.- Renaissance et modernité du livre illustré. Ouvrages remarquables de la collection Jean Bonna, Genève, 2007, pp. 19-27). L'Art de bien vivre n'est pas seulement un grand livre d'images, il résume les croyances religieuses et populaires de l'époque. « Il a édifié toute l'Europe, et, ajoute Emile Mâle, c'est l'un des plus curieux monuments de l'art et de la pensée au XVe siècle. Exemplaire de choix, complet des quatre traités, en reliure de l'époque. Il est beau, entièrement rubriqué en rouge et bleu, doté de belles marges. Il n'a pour seul défaut que d'avoir le titre, composé d'une seule ligne de texte, refait en fac-similé. Les gardes ont été renouvelées. Il est conservé dans une boîte en maroquin. Localisation des exemplaires. Non décrite par Brunet ni par MacFarlane, l'édition est d'une rareté insigne. Quatre autres exemplaires sont répertoriés : Bibliothèque Bodléienne (Oxford), et ceux incomplets, à la British Library, Berlin (Kupfer Kabinet) et Washington (Library of Congress). ? Rahir, Bibliothèque de l'amateur, p. 299.- GW, n° 2587.- Claudin, Histoire de l'imprimerie en France au XVe et XVIe siècle II, 1901, pp. 426-451.- Goff, A-1123 : l'exemplaire de la Library of Congress est le seul cité. Il provient des collections Dyson Perrins et Lessing J. Rosenwald ; un feuillet refait.- Schäfer, Part II : Parisian Books 1995, n° 17 : note de synthèse concernant les trois exemplaires de la première édition (1492), parmi les plus complets.- Gustave Brunet, Curiosités bibliographiques, 1867, p. 7. Estimation : 160 000 - 240 000 €

Pierre Bergé & Associés. Livres et autographes. Mercredi 23 avril, Drouot salle 7.  EMail : contact@pba-auctions.com - Tél. : 01 49 49 90 00