Y Thim, 40 ans, est le plus grand collectionneur d'instruments de musique et d'objets d'art des ethnies minoritaires du Tây Nguyên. Un fervent passionné de la culture traditionnelle certes, mais surtout un défenseur d'un patrimoine qui va à vau-l'eau...

Né dans le Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre), Y Thim a durant toute son enfance été nourri par les airs des gongs, des tambours et des flûtes. Il a commencé à collecter des instruments de musique et objets d'art des ethnies minoritaires il y a 10 ans. Maintenant, âgé de 40 ans et père de 3 enfants, dont un fils aîné de 16 ans, il ne cesse de rouler sa bosse dans sa région natale pour glaner ces objets qui le fascinent et contribuer à la préservation d'un patrimoine séculaire qui, en ces temps de fortes mutations sociales au sein des villages d'ethnies minoritaires, est menacé. Y Thim possède maintenant la plus belle collection de gongs et de jarres à alcool en porcelaine de la ville de Buôn Ma Thuôt (province de Dak Lak).

"Il y avait 10 ans, j'ai eu une réelle inquiétude. Car, dans ma région, bon nombre de villageois, trompés par des personnes peu scrupuleuses, se sont mis à balancer ou à vendre aux ferrailleurs des objets anciens, considérés comme +vieillots+, aussi précieux que des gongs. En plus, de nombreux jeunes ont commencé à se désintéresser du patrimoine musical de leurs aïeuls", a-t-il raconté.

À l'âge de 30 ans, Y Thim commence à collecter des objets d'art des ê Dê, M'Nông, Gia Rai... Devant son obstination, nombreux sont ses villageois qui estiment qu'il est … envoûté par les âmes de gongs ! Il commence sa collection de manière des plus prosaïques : dès qu'il a vent que des jarres, des tambours ou d'autres objets ont été balancés au pied d'une haie comme de vulgaires détritus, immédiatement il se rend sur place pour les récupérer.

Bien évidemment, il n'a pas constitué sa collection seulement à partir d'objets jetés aux orties. Il en a acquis aussi un bon nombre en les troquant, par exemple contre des dizaines de kilos de café, et en les achetant, jusqu'à plusieurs millions de dôngs la pièce. D'autres comme bracelets, bols, tasses, brûle-parfums, coffrets de toilettes ont été rachetés auprès de ferrailleurs. Il a même fait plusieurs centaines de kilomètres pour acquérir des sièges taillés dans des troncs de bois précieux, longs de près de 10 m.

Son rêve : une maison d'exposition sur pilotis
Sa maison est maintenant remplie de gongs et d'objets anciens, posés à même le sol ou pendus aux murs. Bref inventaire : 9 ensembles de gongs de 100 pièces au total, 40 jarres, 8 sièges en bois précieux, 6 tambours et des centaines de bols, de brûle-parfums, de coffrets de toilettes, de bracelets, de hottes... Sans compter divers sortes d'instruments de musique. "Avant, pour avoir une jarre ancienne, j'ais dû l'échanger contre un éléphant. Et un ensemble de gongs contre 10 buffles, explique Y Thim. Je suis donc virtuellement l'un des plus gros propriétaires d'éléphants et de buffles de la province de Dak Lak !". Sa maison est devenue trop étroite pour contenir toute sa collection, l'obligeant à en déposer une partie à la maison culturelle de son village.

Le rêve de Y Thim est de construire dans l'avenir une grande maison sur pilotis pour exposer tous ses objets et sensibiliser les futurs visiteurs à la préservation de ce patrimoine.

Cet homme a su communiquer à ses 3 enfants son amour de la culture traditionnelle et des vieux objets patinés par le temps. Ainsi, ses 2 fils, Y Nan Eban, 16 ans, et Y Yana Eban, 14 ans, suivent des cours à la Faculté des instruments de musique traditionnels de l'Université des arts et de la culture de l'Armée. Le benjamin, 6 ans, a demandé à son père de lui apprendre à jouer du gong et de la flûte. (Linh Thao/CVN)