Un Bosch de la collection Nathan Katz
Attribués à Jérôme Bosch, Bergers accoudés à un muret devant une étable, Saint Joseph séchant un linge devant un feu dans des ruines, panneaux de chêne, 33 x 14 cm chacun. Angoulême, jeudi 12 juin. R. Juge & V. Gérard-Tasset SVV. Cabinet Turquin. Estimation : 30 000/40 000 €.
Jérôme Bosch est sûrement l’un des maîtres anciens les plus populaires. Moult fois copié de son vivant déjà, il sera une source d’inspiration pour des générations d’artistes, jusqu’aux surréalistes qui l’érigeront en modèle. Bosch, pourtant, n’est l’auteur que d’une petite trentaine de tableaux : c’est le constat de la dernière grande exposition consacrée au maître flamand, organisée en 2001 à Rotterdam. Forts des nouvelles techniques d’analyses, les spécialistes ont ces dernières années réduit comme peau de chagrin la production du maître, n’hésitant pas à donner aux «petites mains» de son atelier le Couronnement d’épines de l’Escurial, l’Ecce Homo de Philadelphie et quelques autres chefs-d’oeuvre... D’ailleurs, nos deux panneaux, aujourd’hui «attribués», étaient donnés au maître dans le Friedländer de 1969, la bible. Car Jérôme Bosch – sixième au rang des plus riches citoyens de Bois-le-Duc, sa ville natale – est avant tout un chef d’atelier, à la tête d’une entreprise prospère, où oeuvrent plusieurs peintres.
Nos panneaux proviennent d’une collection prestigieuse, celle de Nathan Katz. Depuis septembre 2007, le nom de ce marchand d’art juif fait les gros titres dans la rubrique "Restitution des oeuvres spoliées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale". Après l’affaire Jacques Goudstikker, les musées hollandais sont ainsi à nouveau touchés par une demande. On se souvient que la veuve du négociant juif Goudstikker s’était vue contrainte de céder les oeuvres de la galerie aux nazis. Dans le cas Nathan Katz, il est question de quelque deux cent vingt-cinq tableaux qui auraient été vendus de force à Alois Miedl, l’homme de Goering : des oeuvres majeures de Gerrit Dou, de Jacob Ruisdael, de Van den Eeckhout... Il est vrai que le marchand Katz avait un goût très sûr. Mais revenons à nos deux panneaux, ils forment les volets d’un triptyque dont la composition centrale a disparu – vraisemblablement une Adoration des mages. Celui de gauche représente les deux bergers accoudés à un muret, une attitude qu’affectionne l’artiste dans ses compositions. Ils sont devant une étable, où l’on devine l’âne et le boeuf. Le volet droit, lui, reprend la figure de saint Joseph du fameux triptyque de l’Adoration des mages, dite Épiphanie, conservé au musée du Prado. Dans cette oeuvre majeure, Jérôme Bosch a en effet choisi d’écarter Joseph de la Nativité, pour mieux souligner la chasteté de la Vierge... Assis sur un panier d’osier, Joseph, ici vêtu d’une tunique rouge et non pas blanche comme sur le panneau de Madrid, sèche le linge près d’un feu sous un auvent, à l’ombre d’une architecture en ruine. Sur notre volet, le saint est devenu l’acteur principal de la scène, s’adonnant à l’une de ces petites occupations de la vie quotidienne chères à l’artiste. Jérôme Bosch n’était-il pas aussi considéré comme le premier peintre de genre ? Stéphanie Perris-Delmas (www.gazette-drouot.com)