Pierre Mignard (1612-1695) Portrait équestre de Philippe d’Orléans, Monsieur, frère de Louis XIV,
Pierre Mignard (1612-1695) Portrait équestre de Philippe d’Orléans, Monsieur, frère de Louis XIV, toile, 60,5 x 50,5 cm.
Estimation : 40 000/60 000 €.; Orléans, samedi 14 juin. Binoche-Maredsous SVV. Cabinet Turquin.
Il n’était sans doute pas aisé d’être le frère de Louis XIV. Loin s’en faut, confirmerait volontiers le duc d’Orléans, Philippe de France !
Moins élégant que son auguste frère, petit et rond, les traits disgracieux et le nez trop long, Monsieur n’avait déjà au départ que peu d’atouts pour rivaliser avec son aîné. Ajoutez à cela une éducation dirigée par le cardinal Mazarin : ce dernier décida en effet de "l’élever comme une fille", afin de l’écarter du pouvoir et de lui passer l’envie de conspirer contre son frère.
Brimé durant toute son enfance à cause de son attitude efféminée, des robes qu’il aimait porter, Philippe n’en devint pas moins un grand chef militaire. Ses exploits durant la guerre de Hollande, notamment la victoire de Cassel en 1677 contre le prince d’Orange, amplifièrent cette réputation. C’est cette bataille qui est représentée sur notre tableau. On reconnaît les moulins de la ville de NoordPeene, située en hauteur, ainsi que la rivière de la Lyncke, en contrebas.
À vrai dire, cette victoire fut le seul fait d’armes de Philippe de France. La faute à Louis XIV. Personne n’a le droit de faire ombrage au Roi-Soleil. On l’écarte tout simplement de l’armée, lui refusant tout autre commandement. Déçu, mais résigné, Philippe s’en retourne à sa vie de plaisirs dans son superbe château de Saint-Cloud.
Monsieur avait d’ailleurs du goût : il fut le protecteur de Molière et choisit l’un des plus grands peintres de son temps pour décorer son château, mais aussi pour faire son glorieux portrait, Pierre Mignard. Après vingt années passées à Rome, en pleine révolution classique menée par les Carrache, Pierre Mignard devient l’un des décorateurs les plus courus de son temps. On doit à ce novateur le travail illusionniste réalisé pour le salon ovale et le cabinet des Coquilles de Versailles, mais aussi à la coupole du Val-de-Grâce. Mignard devient également le portraitiste de la noblesse, du roi Louis XIV en tête. Difficile d’ailleurs de ne pas rapprocher la composition de notre toile du célèbre portrait équestre du Roi-Soleil, lors du siège de Namur en 1692, conservé au château de Versailles...
Adaptation en réduction, ou modello d’un grand tableau jamais réalisé, notre tableau n’en reste pas moins une oeuvre majeure, qui, de plus, a connu un destin fort goûteux ! En effet, au lendemain de la mort de Pierre Mignard, en 1695, Louis XIV décida de prélever ce tableau de l’atelier et de l’offrir. L’heureux destinataire ? Louis de Béchameil, marquis de Nointel, grand financier et surintendant de la Maison de Monsieur, avant d’être promu Maître d’hôtel de Louis XIV. Bref, un ami des arts et de la bonne chère, hautement apprécié du roi et de ses meilleurs sujets. Ainsi, François Pierre de La Varenne, l’auteur du Cuisinier françois qui officiait auprès du marquis d’Uxelles, lui offrit-il la postérité en gratifiant de son nom sa toute nouvelle sauce... Caroline Legrand www.gazette-drouot.com