Wassily Kandinsky,  Épanouissement, 1943, technique mixte sur carton, 42 x 58 cm. Estimation: 1,6/1,8 M€.

Professeur de droit à Moscou, Wassily Kandinsky décide de devenir peintre et part pour Munich. Nous sommes en 1896 et il a trente ans. Oh, il avait bien sûr reçu une éducation exemplaire, comprenant des leçons de dessin, de peinture et de musique, mais de là à révolutionner la peinture ! Très vite, le peintre est convaincu d’une chose : "Chaque artiste, en tant qu’enfant de son époque, doit exprimer ce qui est propre à son époque", rédige-t-il en 1910 dans Du Spirituel dans l’art - à peu près au moment où apparaît l’art abstrait, dont il est un des pionniers avec Kupka, Mondrian et Malevitch. Un chemin fulgurant. Son travail de cette première décennie du XXe siècle se partage entre des petits tableaux, peints sur le vif aux couleurs vives et dans la pâte, et des tempera, réminiscences de ses nombreux voyages dans une touche divisionniste très personnelle. Kandinsky ne recherche pas l’uniformité de texture d’un Signac ou d’un Cross. Il utilise plutôt ces touches fragmentaires d’une manière très dynamique, qui semble faire flotter sur la surface les éléments de sa composition. Une schématisation qui annonce l’abstraction. L'éclat du blanc étonne aussi dans la tempera et gouache de 1905 intitulée Die Rosen (1,2/1,5 M€), où, devant une architecture, deux femmes en crinoline et chapeau de paille "glissent" sur les allées ocre, entre des pelouses et des bosquets d’arbres en fleurs qui répètent le mouvement d’arabesque animant toute la surface. Lorsque Kandinsky et son épouse, Nina, quittent l’Allemagne nazie pour s’installer à Neuilly, il est depuis plus de trente ans une figure reconnue de l’art contemporain en Europe. À Paris, bien accueilli par les surréalistes, en particulier par Miró, il est confronté aux guerres de chapelles entre tenants de l’abstraction – eux-mêmes divisés – et les apôtres de la figuration. Il entreprend de faire la synthèse de son oeuvre, pour mieux aller de l’avant sur le chemin de l’art abstrait. Une nouvelle palette apparaît, ainsi que les formes déclinées des structures naturelles, pour sortir la peinture abstraite de la sécheresse où elle s’est enfermée. Il rapproche peinture et poésie, comme on le voit dans ses titres, en français désormais. Épanouissement (voir photo) montre ainsi des masses en lévitation, une grande ouverture lumineuse, de simples lignes formant arabesque. "L’essentiel pour moi est de raconter mon rêve", explique-t-il en 1935. Jusqu’au bout, Kandinsky croira au triomphe de l’intuition créatrice, déjà exprimé dans Du Spirituel dans l’art : «Chaque artiste, en tant que serviteur de l’art, doit exprimer ce qui est propre à l’art en général».

Mercredi 25 juin, salle 5-6 - Drouot-Richelieu. Claude Aguttes SVV. M. Coissard.