Plaque en majolique du Duché d’Urbino représentant une Nativité, 1530-1550. Attribué à l’atelier d’Orazio Fontana, Duché d’Urbin
Plaque en majolique du Duché d’Urbino représentant une Nativité, 1530-1550. Attribué à l’atelier d’Orazio Fontana, Duché d’Urbino.
Hauteur : 31,00 cm - Largeur : 23,50 cm. Prix sur demande
Cette représentation de la Nativité est basée sur une peinture de Raffaello Sanzio, représentant la Sainte Famille réalisé vers 1510. Ce tableau est aujourd’hui conservé au Musée Condé de Chantilly connu sous le nom de la Madone de Lorette.
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Sur "La vierge de Lorette" du Musée Condé de Chantilly :
"À l’image de l’amour, l’histoire de l’art offre parfois de belles histoires. Dans le cas de La Madone de Lorette, il est question d’une oeuvre originale de Raphaël qu’on croyait perdue depuis bien longtemps, classant le tableau du musée Condé parmi la centaine de copies connues. Et puis, des recherches opportunes créent la surprise improbable de la "mise au jour" de cet original, jadis passé pour une oeuvre d’élève copiant le maître. Les débuts de La Madone de Lorette sont pour le moins nébuleux : conservée jusqu’à la fin du 16ème siècle dans l’église romaine de Santa Maria del Popolo, aurait-elle été offerte par le pape Jules II à l’église en pendant de son portrait (aujourd’hui conservé à Londres) ? À moins qu’il ne s’agisse d’une commande du riche Agostino Chigi pour sa chapelle de la Vierge de cette même église, chapelle d’ailleurs décorée par Raphaël...Dès l’origine, La Madone de Lorette est placée sous le signe de l’incertain : décroché en 1591 par un cardinal pour des raisons certainement peu catholiques, le tableau, comme Les Trois Grâces, trouve sa place dans la collection Borghèse au 17ème siècle, pour passer de mains en mains avant d’être acquis par le duc d’Aumale en 1854. Entretemps, coup de théâtre : une copie léguée au 18ème siècle à la basilique de Lorette passe pour l’original, en donnant au passage le nom de cette Madone ; les troupes de Napoléon ramènent l’oeuvre à Paris, où finalement l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’une copie, et médiocre de surcroît, valant à l’oeuvre d’être reléguée dans l’église de Morangis (dans l’Essonne)...d’où elle a actuellement disparu.
Revenons néanmoins à l’oeuvre de Chantilly, longtemps donnée comme une copie de Giovan Francesco Penni, élève de Raphaël au style méritant mais loin d’égaler celui du maître. Et pourtant, la méprise perdura jusqu’en 1983, preuve encore que le premier geste de l’historien de l’art est bien celui de regarder les oeuvres (sic !) : c’est l’époque où l’éminent Cecil Gould, en fouillant quelques archives, découvre que le Portrait de Jules II de Londres, oeuvre incontestablement autographe, était précédé sur l’inventaire de la collection Borghèse par un autre tableau de la main de Raphaël qui n’est rien de moins que celui de Chantilly ! La véracité de ce numéro d’inventaire ne faisant pas de doute, cette intéressante réattribution fut rapidement suivie d’examens en laboratoire qui constatèrent des repentirs de la part de l’auteur au niveau du dessin, interdisant la copie servile au caractère plus automatique. Une réhabilitation qui suscita bientôt un autre regard sur ce chef-d’oeuvre retrouvé de Raphaël, brillant représentant de sa période romaine. Et ce n’est pas Vasari qui le contredira : « Son [Raphaël] immense renom lui valut la commande du portrait du pape Jules II qu’il peignit à l’huile, de façon si vraie, qu’il inspirait le respect comme s’il était vivant. Cet ouvrage est aujourd’hui à Sainte-Marie-du-Peuple, avec une très belle Nativité [La Madone de Lorette] peinte en même temps, où la Vierge couvre d’un voile son fils. Celui-ci est d’une telle beauté que l’expression de son visage et tout son corps témoignent qu’il est vraiment le fils de Dieu. Non moins beau, le Visage de la Vierge, d’une suprême perfection, exprime une sainte joie. Saint Joseph, les deux mains appuyées sur un bâton, contemple, pensif, le roi et la reine du Ciel, avec toute l’admiration d’un saint vieillard. Les deux tableaux sont montrés au public lors des fêtes solennelles. »
De Florence, en effet, Raphaël gagne Rome en 1508, suite à l’appel du pape. Dans la Ville éternelle, le peintre réside jusqu’à son décès prématuré en 1520, s’attelant à la décoration des appartements du pape avec son désormais important atelier, tout en continuant à réaliser les commandes émanant d’autres personnalités. Que La Madone de Lorette relève du premier ou du second de ces mécénats, elle est en tout cas indéniablement révélatrice de la mue du style de Raphaël au contact de la grandeur de l’art romain passé et en cours : les gestes sont plus amples, notamment ces bras aux raccourcis hardis, rappelant la monumentalité de la sculpure antique, tandis qu’à travers cet emploi de couleurs à la fois plus subtiles et plus articielles Raphaël élabore son maniérisme sans oublier d’observer celui naissant de son grand contemporain aussi à Rome, Michel-Ange. L’affirmation du style se fait alors au dépend du contenu iconographique, sans que ce dernier soit soudainement absent. Bien au contraire : l’autre nom de la composition est La Madone au voile, évoquant le morceau de tissu avec lequel l’Enfant joue sous les yeux attentifs de sa mère. Le caractère ludique d’une telle mise en scène est pourtant accessoire à côté de sa signification réelle, religieuse : ce voile préfigure le linceul du Christ mort, mais ici la vivacité de l’Enfant indique pour certains commentateurs l’espoir de la Résurrection du Christ après la Passion. Une interprétation non évidente pour nos yeux laïcs, mais bien constatée par les contemporains de l’artiste tout comme la Vierge Marie, déjà consciente de la douloureuse destinée de son fils tel que le suggère Raphaël dans la tension du regard de cette mère.
Une iconographie aujourd’hui complexe, desservie par un art du dessin et du coloris sublimé par cette recherche infatiguable du Beau dans l’oeuvre de Raphaël. Et il se trouve que, contrairement aux Trois Grâces et à La Madone d’Orléans, nous conservons une feuille de l’artiste comportant entre autres des études pour La Madone de Lorette : les dessins se rapportant à l’oeuvre se concentrent sur la figure de l’Enfant, aboutissant au dynamisme enjoué de la figure peinte. Des études dessinées pour la Vierge, rien ne nous est conservé ou du moins connu, mais toujours est-il que son visage à l’ovale ferme surmontant de chatoyants vêtements aux camaïeux de rose ou de bleu nuit, résulte de patientes recherches sur la justesse de composition, soulignée par un accord de coloris aussi limités qu’esthétiques. Le fond sombre semble parfaitement adapté au recueillement de la scène, ainsi qu’à souligner les formes des personnages, et pourtant rien de tel n’est l’oeuvre de Raphaël : comme à l’accoutumée, notre peintre avait prévu une fenêtre ouvrant sur un paysage, afin de suggérer une ouverture spatiale tangible vers l’extérieur. Fenêtre aujourd’hui occupée par la figure de saint Joseph : rajout dû à l’auteur ou à un autre peintre ? Un simple coup d’oeil constate une qualité moindre du traitement de Joseph par rapport au reste de la composition, un jugement qui pourtant doit prendre en compte l’usure de la surface du tableau à cet endroit. Et si le saint Joseph n’est assurément pas de la main de Raphaël, ce n’est pas qu’une question de style : sur la centaine de copies connues de l’oeuvre, seules trois possèdent une fenêtre ouverte sur un paysage tandis que toutes les autres repètent le schéma actuel de l’œuvre de Chantilly. Un geste aujourd’hui impensable, car qui oserait dénaturer la personnalité d’un maître aussi estimé ? Il n’est pourtant pas si loin le temps où l’on s’autorisait à intervenir sur les oeuvres uniquement pour des questions de goût, quitte à les diviser ou les repeindre. Un affront, certes, mais conservé dans le cas de La Madonne de Lorette par sa nature historique, ce repeint ayant dû intervenir peu de temps après la création du tableau, d’autant plus que cette Madone a toujours été vu ainsi, un hypothétique "retour aux sources" risquant d’en surprendre et même d’en tromper plus d’un.
Ainsi un esprit éclairé aura rendu au maître l’oeuvre tenue pour être copie d’élève pendant plusieurs générations, dupant quantités de spécialistes et non des moindres. D’où le questionnement amer sur la carrière romaine de Raphaël, à savoir si le grand peintre du pape ne se perdit pas dans un style trop génial pour être sans cesse repris par les élèves, admirateurs, fils spirituels, etc. La difficile étude du disegno (dessin/dessein) chez l’artiste théorise souvent la fin de la carrière de Raphaël comme une grande entreprise où le maître élabore par l’esprit toutes les futures oeuvres peintes par son atelier ; un constat peut-être sévère, n’enlevant rien à l’intérêt de l’art de Raphaël et ses émules, mais pourtant maintes fois vérifié par un regard détaché sur les dernières oeuvres conçues du vivant du grand artiste. Néanmoins, La Madone de Lorette précède quelque peu cette complexe et ultime période, conciliant le charme serein des Vierges florentines à la connaissance de la grandeur romaine des arts et des formes. La Vierge peinte, inspirée par la statuaire de pierre, est avant tout redevable à la vie des modèles dessinés par l’artiste. Synchrétisme artistique, qui nous montre une jeune femme au charme humain et en même temps la mère du Christ avec ce détachement spirituel : rarement peintre n’aura réussi à concilier dans une même image la double nature de la Vierge, jeune mère frêle mais assumant sa destinée et celle de son divin fils. Un intérêt sensible, par-delà la simple étude stylistique, semble nécessaire pour authentifier les oeuvre d’un maître tant imité notamment par les plus grands, mais jamais égalé dans ces oeuvres religieuses traversées par un quelque chose d’indéfinissable réunissant le divin et l’humain
Grâces et Madones déclinent le Beau avec brio : Raphaël serait-il le peintre par excellence de la beauté féminine ? Il nous convie en tout cas à une certaine idée du Beau, avec cette noblesse quasi-poétique où chaque coloris chatoyant, chaque geste équilibré pourrait se suffire comme harmonie visuelle. Des images qui passionnent, indiffèrent, questionnent, se laissent contempler ou découvrir. Cinq siècles plus tard, on aurait tort d’avoir tout vu, lu, compris ou admiré chez ce peintre trop vite rangé dans une case tantôt classique, tantôt convenue, au risque de ne plus réellement voir son oeuvre ou pire, de ne plus la reconnaître tel l’autrefois malchancheuse Madone de Lorette. Finalement, on ne regardera jamais assez Raphaël..." par Benjamin Couilleaux (nerial.free.fr)