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Alain.R.Truong
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21 juin 2010

Secrétaire à abattant d'époque Louis XV, estampille de Pierre Roussel

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Secrétaire à abattant d'époque Louis XV, estampille de Pierre Roussel. photo Artcurial

En laque de Coromandel, placage de bois de rose, satiné et amarante, ornementation de bronze ciselé et doré, dessus de marbre brèche d'Alep restauré, à décor de paons parmi des rochers et des branchages de fleurs de pivoine, l'abattant découvrant un intérieur muni de six casiers et quatre tiroirs, la partie basse ouvrant par deux vantaux, l'intérieur aménagé de trois casiers, estampillé P. ROUSSEL et JME sur le montant arrière droit et traces d'estampille P. ROUSSEL sous le marbre à gauche. Hauteur : 117,5 cm. (46 ¼ in.), Largeur : 71 cm. (28 in.), Profondeur : 36 cm. (14 ¼ in.) Estimation : 30 000 / 50 000 €

Pierre Roussel, reçu maître en 1745

Provenance : Succession de Monsieur Alexandre Dumas fils, vente à Paris, galerie Georges Petit, les 2-3 mars 1896, lot 198, où acquis par Max Berhendt.
Puis par descendance jusqu'au propriétaire actuel.

Notes: Venue de Chine, la laque de Coromandel tient son nom de la côte sud de l'Inde où, sous forme d'objets mobiliers, elle était embarquée pour être importée en Europe par la Compagnie des Indes, ceci dès le début du XVIIème siècle. Elle se distingue par un décor creusé dans la matière épaisse composée de chaux, d'argile et de vernis, laquée puis rehaussée de pigments. Les motifs en blanc, aubergine, bleu turquoise, vert, rouge, jaune se détachent ainsi du fond noir.

Tandis que, dès les années 1730, la mode des chinoiseries s'étendit en France, les marchands-merciers démontèrent des panneaux de laque de Chine ou du Japon issus de paravents ou de coffres pour les appliquer sur des pièces de mobilier. La laque de Coromandel par son relief, par la multitude et la vivacité de ses couleurs, offrait de grandes possibilités décoratives. Cependant plus difficile à travailler, plus rares sont les pièces de mobilier enrichies de ce décor.

Parmi les ébénistes de renom qui ont orné leurs oeuvres de cette matière, citons BVRB qui utilisa la laque de Coromandel sur quelques pièces, notamment :
- Commode du Duc et de la Duchesse du Maine au château de Sceaux, collection du Duc de D., vente à Paris le 19 juin 1964, lot 273 puis collection Rossignol, vente Artcurial, hôtel Dassault, 13 décembre 2005, lot 119.
- Commode conservée au Metropolitan Museum à New York (donation Lesley et Emma Sheafer)
- Paire d'encoignures conservée au Metropolitan Museum à New York, collection de Monsieur et Madame Charles Wrightsman.

Jacques-Philippe Carel exécuta également une commode à portes à décor de Coromandel aujourd'hui conservée au Musée du Louvre.

Très rares sont les secrétaires ornés de laque de Coromandel.
Il est intéressant de noter que le livre journal de Lazare Duvaux précieux témoignage des années 1748-1758 recense cinq secrétaires ornés de laque dont aucun en laque de Coromandel.

Pierre Roussel (1723-1782) établi rue de Charenton dans le Faubourg Saint Antoine connut une longue et brillante carrière. Le Prince de Condé compta parmi ses clients et il livra du mobilier pour le Palais Bourbon et Chantilly. Dans son inventaire après décès, dressé le 12 mars 1783 Un bon nombre de meubles était en laque, certains en lac rouge, d'autres en faux lac ou en verni moderne. Il employa à plusieurs reprises la laque de Coromandel sur des meubles dont notamment :
- une commode provenant de la collection de la Comtesse d'Aulst puis collection Kahn Sriber, vente Christie's Monaco, le 17 juin 2000, lot 303 ; laque à décor d'ustensiles
- une paire d'encoignures acquis auprès de Raymond Kraemer à Paris en 1964 puis vente Christie's Londres, collection européenne, le 14 mai 2009, lot 67.

Notre secrétaire provient de la collection de Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie (Paris, 27 juillet 1824 - Marly-le-Roi, 27 novembre 1895) plus connu sous le nom d'Alexandre Dumas fils, auteur du célèbre roman La Dame aux Camélias (1848) plus tard transposé par Verdi dans son opéra La Traviata (1853). Rappelons qu'il était le fils illégitime d'Alexandre Dumas (1802-1870), à qui revient la paternité, entre autres, des succès littéraires que sont Les Trois Mousquetaires (1844), Le Comte de Monte Cristo (1845-46) ou encore de La Reine Margot (1845).

Dumas fils possédait deux appartements parisiens, 11, rue Ampère et 22, rue Alphonse de Neuville ainsi qu'une maison de campagne dans les Yvelines située à Marly-le-Roi qu'il avait hérité du dramaturge, ancien co-directeur de l'Opéra-Comique mais aussi ami et coauteur de son père, Adolphe de Leuven (1800-1884).

Grâce à son inventaire après décès (Archives Nationales, MI /RS/1187) dressé entre les 6 décembre 1895 et 28 janvier 1896, nous savons que ce meuble était situé dans la chambre de l'écrivain rue Alphonse de Neuville. Il y est décrit au numéro 493 comme suit « Petit secrétaire en laque de Coromandel, à dessus de marbre, prisé deux cents francs ».

Le patrimoine d'Alexandre Dumas fils était important - propriétés foncières, droits d'auteur, valeurs mobilières et œuvres d'art confondus. L'écrivain, conscient de son grave état de santé et soucieux de l'avenir de ses deux filles Marie Alexandrine Henriette dite Colette et Olga Marie Jeanne ainsi que de sa jeune épouse, avait décidé par dispositions testamentaires le 27 juillet 1895 du partage en trois parts égales de la succession. A la lecture du testament, on retrouve les qualités réputées de l'homme, son souci pour la condition de la femme et de la justice sociale : « J'entre aujourd'hui dans ma soixante douzième année. Il est temps de faire mon testament, d'autant plus qu'à certains symptômes, il me paraît plus que probable que je ne verrai pas la fin de cette année, dans laquelle j'entre. Je ne m'en suis pas moins marié, il y a juste un mois avec une personne beaucoup plus jeune que moi, mais je tenais à lui donner cette preuve d'estime et d'affection qu'elle mérite à tous égards. Elle portera très dignement mon nom, j'en suis certain, si longtemps qu'elle ait à le porter, quand je ne serai plus là. De plus, elle est une personne énergique et vaillante qui fera respecter certaines volontés que je consigne ici. » […] Tout ce que je possède, sous quelque forme que ce soit, sera divisé en trois parts absolument égales, ma fille Colette prendra une de ces parts, ma fille Jeannine une autre, Madame Henriette Dumas, la troisième, mais en viager seulement. Quand elle mourra, ou si elle se remarie cette part fera retour à mes filles ou à leurs enfants. »

Le couple étant marié sous le régime de la séparation des biens, l'inventaire avait été dressé en deux catégories : les objets dépendant de la succession et ceux appartenant à la veuve Dumas.

Le total de la prisée du mobilier rue Ampère s'élevait à 141 303 francs, celui de la rue Alphonse de Neuville à 38 602 francs et pour la maison de Marly-le-Roi à 24 490 francs.

L'estimation élevée du mobilier du premier appartement s'explique par l'abondance des tableaux - entre autres de Vollon, de Meissonnier mais aussi de Delacroix (Le Roi Rodriguez après la bataille de Guadalete) de Millet (La Résurrection de Lazare), de Corot (Solitude) et de Géricault pour un Portrait d'homme. L'essentiel des meubles, principalement du XIXème siècle était situé dans le second appartement parisien. On peut noter que le notaire, Maitre Delapalme ne signala que deux chambres de l'écrivain : rue de Neuville et à Marly.

La maison de campagne étant meublée comme tel, le total de la prisée pour la chambre était de 900 francs, alors que celle de la chambre rue de Neuville s'élevait à 1 741 francs. Ainsi, on peut en déduire que la chambre où se situait le secrétaire de Roussel était celle qui avait le plus bénéficié d'un souci d'ameublement, de confort et de décoration.

Le secrétaire, meuble le plus précieux de la chambre à coucher, trônait parmi un grand canapé couvert en satin havane, un ensemble de sièges en palissandre et incrustation de filets d'ivoire, une petite table de style Louis XVI, un bureau cylindre Louis XVI, un paravent à trois feuilles décorés de paysages italiens, un autre à deux feuilles décoré de broderie, un écran à cheminée « à fond de glaces » en acajou, un autre « à monture Louis XVI, [en] bois doré », un lit capitonné, une table de nuit Empire, un buste de Madame Dumas en terre cuite par Franceschi, deux flambeaux en bronze doré Louis XVI, une miniature en grisaille par Klingstett représentant Trois jeunes filles dans un paysage, trois miniatures représentant des portraits de famille et Une Nymphe endormie et Faunes, un porte-cigares et un revolver et ses accessoires dans une boîte en chêne.

La collection a été vendue à Paris, à la galerie Georges Petit les 2 et 3 mars 1896 et rencontra un réel succès. Ainsi, notre secrétaire (lot 198) a été adjugé 2 000 francs, voyant ainsi multiplié par dix sa prisée. Le bureau cylindre Louis XVI lui aussi situé dans la chambre (lot 199), prisé 200 francs a été vendu quant à lui 750 francs.

Artcurial - Briest-Poulain-F.Tajan - Paris. Vente du Mercredi 23 juin 2010. Hôtel Dassault - 7 Rond Point des Champs-Elysées - 75008 - Paris. Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Marianne Balse au +33 1 42 99 20 51

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