Deux lampas, "façon de la Chine", Hollande, début du XVIIIème siècle & Deux lampas aux "magots sur la branche", époque Louis XV
Deux documents de lampas, « façon de la Chine », Hollande, début du XVIIIème siècle. Courtesy Thierry De Maigret
Brûle parfum, pagode, vases, rouleau calligraphié et chrysanthèmes brochés de soie crème et vert sur satin cerise ; 38 x 100 cm en 3 fragments raboutés (sur carton, usures). Estimation : 180 - 300 €
Notre attribution se base sur les travaux de C.Brown et S. Colenbrander qui, identifient un corpus de lampas à décor pseudo-chinois à deux chemins suivis, tissés à Amsterdam où n'existe pas de régulation de largeur de tissage. Notre soierie se rapproche fortement pas son armure et son iconographie d'un document de la fondation Abegg (inv. 2132) et serait vraisemblablement tissée en 76 cm si elle était complète. Le second fragment nous éclaire un peu plus sur ces lampas longtemps attribués à la Chine, grâce à un cartouche en caractères pseudo-chinois (ou pseudo Gujerati) identique aux échantillons compilés par le maréchal de Richelieu à la BNF ou au Musée des Tissus de Lyon, nous permettant ainsi d'envisager une même provenance et probablement même un atelier commun.
Le Goût de la Chinoiserie
La Chinoiserie, mode qui culmine au XVIIIème siècle, découle d'une curiosité inassouvie suscitant en retour un Orient de fantaisie, répondant à l'image rêvée qu'on s'en faisait. On ne parle donc pas ici d'authentiques objets orientaux, mais plutôt d'une parodie occidentale du style décoratif chinois.
Les premières ambassades hollandaises de Johann Nieuhof auprès de l'empereur de Chine en 1655-1657 puis celle d'Olfert Dapper en 1666 ; leurs relations de voyage illustrées par des estampes diffusées en France dès 1680 ; le China Illustrata du Jésuite Kircher en 1667 ainsi que la fameuse ambassade de Siam à Versailles en 1686, produisirent une source picturale infinie pour la Chinoiserie européenne. Peu soucieuse de géographie, elle englobait très largement Orient et Extrême-Orient sous le vocable "des Indes". De ces premières sources, découlent les fameux "Recueils d'ornements Chinois" d'artistes tels que Jean Bérain et Antoine Watteau en France, Weigel, Engelbrecht ou Paul Decker en Allemagne. Les mêmes motifs, copiés à l'infini serviront à leur tour de modèles pour la décoration intérieure des palais et notamment le décor des étoffes.
L'utopie et l'image d'une nature opulente, riche en fruits, oiseaux merveilleux et curieuses fleurs géantes, s'installe pendant des siècles dans le psyché d'européens qui ne veulent retenir des relations faites par les voyageurs que les détails pittoresques et alimentant le rêve. L'essor de la chinoiserie se fit donc surtout dans les pays qui ne commerçaient pas ou peu avec la Chine (Italie, France, et Allemagne). A la suite du Trianon de Porcelaine à Versailles, les cours européennes, de l'Allemagne à la Suède, en passant par Palerme ou Saint Petersbourg virent jaillir de terre pagodes et pavillons. Pour meubler ces "maison des plaisirs" une profusion de créations "chinoisantes" voit le jour : soieries tissées ou brodées, toiles peintes et tapisseries (Gobelins, Beauvais, Aubusson, Soho) s'ornèrent de paysages ou personnages "chinois", en fait plutôt des occidentaux déguisés, les européens ne se souciant pas de montrer les Chinois comme appartenant à une race différente de la leur. Les visages ont des apparences poupines avec des yeux à fleur de tête, des moustaches tombantes ou de longues tresses et de grands chapeaux coniques. Malheureusement, de même que les innombrables pavillons chinois qui avaient vu le jour à cette époque, aucune de ces étoffes ne semble avoir survécu, bien qu'attestées par les descriptions et les inventaires des palais royaux du XVIIème siècle qui regorgent de références à des textiles à la chinoise et façon de la chine.
Enfin, si la Chinoiserie baroque peignait un Cathay étrange, voire grotesque, soulignant surtout la prodigalité d'un Orient imaginaire, ce n'est qu'à partir des années 1720-1730 qu'elle obtient une place de choix dans le répertoire décoratif. Avec Watteau et Boucher en 1742 puis Pillement et ses "Ornements chinois" en 1750, la chinoiserie révèle surtout la grâce et la fantaisie du thème, en appliquant la sophistication parisienne aux "chinois".
Bibliographie : John Stalker and George Parker (1688) Treatise of Japanning and Varnishing ; Friederike Ulrichs, Johan Nieuhof's and Olfert Dapper's Travel account s; A Taste for the Exotic, Jarry, Madeleine, Chinoiseries : le rayonnement du goût chinois sur les arts décoratifs des XVIIème et XVIIIème siècles, 1981 Gruber Alain, Chinoiserie. L'influence de la Chine sur les Arts en Europe XVIIème - XIXème siècle, 198 ; Helmut Borsch Supan "China und Europa"
Deux lampas aux « magots sur la branche », époque Louis XV. Courtesy Thierry De Maigret
Satin cramoisi liseré crème représentant un « chinois » coiffé d'un chapeau conique avec arc à la main à califourchon sur une branche chargée de fruits et fleurs exotiques tandis qu'un serviteur coiffé d'un turban à la mode turque tente d'y grimper ; le second est le fameux lampas au chinois assis à l'ombrelle de Peyrotte (2 fragments de plus d'1 mètre, rapport incomplet). Estimation : 120 - 200 €
Bibliographie : Dessin d'après Alexis Peyrotte gravé par Huquier dans Nouveaux cartouches chinois et reproduit en papier peint à fond bleu par Réveillon en 1771. Exemplaire similaire au MHTL. 29712, Voir Le Manach, 1ère vente, 9 décembre 2009
Grand lampas liseré d' « un meuble » en Chinoiserie, vers 1760-1770.
Scène pseudo-chinoise d'une pagode et d'une femme à l'ombrelle entourée d'enfants au crâne rasé et hochet à clochettes, bouquet de fleurs et cage à oiseaux dans des rinceaux rocaille. Fond satin de 8, cerise, zébré de lignes brisées crème, tissage en grande largeur, plus de 70 cm pour 183 cm de long, indiquant sans doute une commande princière (fortes usure et lacunes, remontage, rapport complet). Estimation : 130 - 200 €
Thierry De Maigret. Vendredi 04 février à 13h30. Séverine Experton-Dard, expert. Drouot Richelieu, salle 10. EMail : contact@thierrydemaigret.com - Tél. : 01 44 83 95 20