Une "Fuite en Égypte" en otage par un conflit familial entre les héritiers Doria Pamphilj
Annibale Carrache - Fuite en Egypte (c. 1603) - Galleria Doria Pamphilj - Rome - Source Wikimedia
PARIS [03.03.11] - Un conflit familial entre les héritiers Doria Pamphilj prive le Grand Palais d’un tableau d’Annibale Carrache, clou de l’exposition « Nature et idéal » qui ouvrira le 9 mars
Pour les organisateurs de l’exposition, c’est un coup dur. Le convoi d’œuvres venues d’Italie pour enrichir la grande exposition « Nature et idéal » , consacrée à l’émergence de l’art du paysage à Rome au XVIIe siècle, est arrivé à Paris sans l’une de ses œuvres les plus attendues : la Fuite en Egypte peinte à partir de 1601 par Annibale Carrache pour le cardinal Aldobrandini et conservée dans l’une des plus prestigieuses collections privées romaines, celle de la famille Doria Pamphilj. Or depuis maintenant trois ans, Jonathan et Gesine Doria Pamphilj, les deux héritiers de cette famille de la noblesse romaine, s’affrontent sur le terrain judiciaire. Comme l’a relaté avec précision Le Monde du 22 février, le conflit porte sur un différent familial. Par conviction mais aussi par crainte d’une dispersion de l’héritage, Gesine, elle-même mère de quatre enfants, refuse en effet de reconnaître la paternité de son frère - qui ne cache pas son homosexualité - sur ses deux enfants nés de deux mères porteuses différentes, ce que la loi italienne interdit. Elle a pour cela introduit une action en « désaveu de paternité » devant le tribunal civil de Rome.
L’absence de la Fuite en Egypte à Paris n’est donc qu’un dommage collatéral de cette affaire : le juge qui instruit l’affaire refuse désormais toute sortie d’œuvres de la collection du territoire italien. Au grand dam de la Réunion des musées nationaux (RMN), organisateur de la manifestation et impuissante face à cette décision judiciaire. Cette grande lunette peinte de plus de deux mètres de large devait ouvrir cette grande exposition de peinture du printemps, conçue en partenariat avec le Louvre et le Musée du Prado (Madrid). Toute la démonstration des commissaires, trois historiennes de l’art italiennes et un conservateur du Louvre, a été bâtie autour de cette oeuvre. Si le tableau figurera malgré tout en bonne place dans les publications de la RMN, la scénographie a dû être revue en urgence pour tenter d’atténuer cette lacune. Le public pourra néanmoins se consoler avec les quelques 80 autres tableaux de cette ambitieuse exposition, où figurent d’autres œuvres importantes sur le thème du « paysage idéal » dues à Carrache, Poussin, Lorrain ou Elsheimer. Sophie Flouquet www.artclair.com