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Alain.R.Truong
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17 août 2011

«Singes et Dragons. La Chine et le Japon à Chantilly au XVIIIe siècle» : une exposition du musée Condé

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Planche extraite du Livre de Desseins Chinois tirés d’après les originaux de Perse, des Indes, de la Chine et du Japon, par Jean-Antoine Fraisse. Inv. 2005.26.F°5, Chantilly - musée Condé. © RMN / Thierry Ollivier

Pour la rentrée de septembre 2011, le musée Condé propose une exposition qui s’inscrit dans la thématique du « voyage » qui sera développée jusqu’à la fin 2011 par le Domaine de Chantilly. En effet, les visiteurs sont invités à remonter le temps, au XVIIIe siècle, quand artistes et artisans réalisaient des oeuvres peintes ou d’art décoratif sur commande, afin de combler un goût immodéré pour les décors asiatiques où singes et dragons se mêlaient parfois avec délicatesse aux animaux familiers de nos campagnes.

En ce début du XVIIIe siècle, alors que la France se passionne pour l’exotisme, le duc de Bourbon, prince de Condé (1692-1740), collectionne pour son Château de Chantilly les porcelaines, les indiennes - tissus peints ou imprimés fabriqués en Asie entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle - et les meubles en laque de Chine et du Japon. Il les fait copier par des artisans français et crée pour ce faire trois manufactures. En mécène entrepreneur passionné, il commande en 1735 au dessinateur Jean-Antoine Fraisse (1680-1739) un album de modèles, gravés en taille-douce, d’après ses collections. Les artisans au service du prince s’en inspirent, notamment pour les porcelaines de Chantilly ; et ce jusqu’en 1740 à la mort du Prince et au tournant de cet engouement pour l’exotisme. C’est à partir de cet ouvrage in-folio rarissime que Nicole Garnier, conservateur général du patrimoine chargée du musée Condé, a conçu son exposition de rentrée où sont présentés outre les deux exemplaires enluminés provenant des collections du Château de Chantilly et de la Bibliothèque nationale de France (Bnf), des gravures de Fraisse (dont deux de plus de trois mètres sont extraites de l’exemplaire enluminé), d’autres de Jean-Baptiste Guélard (1698-1767), des peintures de Christophe Huet (1700-1759) et des pièces d’art décoratif représentatives de cette époque où l’Extrême-Orient était de mise à la Cour et dans les plus belles demeures… Le visiteur est invité à compléter sa découverte de l’exposition « Singes et Dragons. La Chine et le Japon à Chantilly au XVIIIe siècle » par la visite d’exemples éblouissants que sont la Grande Singerie, située dans les Grands appartements. Les 16 et 17 septembre, ils pourront même ajouter à leur voyage en Orient la représentation de « Madame Butterfly », le célèbre opéra de Giacomo Puccini, donné dans le parc du Domaine, ou pour la période de Noël, le spectacle équestre qui se décline, pour l’occasion, en conte asiatique.

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Sous-tasse en forme de feuille (vers 1735). Le décor kakiémon représente une double grenade éclatée et des branchages fleuris. Inv. OA 976, Chantilly - musée Condé. © Mélanie DEMARLE

Quand l’art décoratif français s’inspire de l’Extrême-Orient

Dès la fin du règne de Louis XIV, la France développe un goût pour l’exotisme, nourri par les retours de voyage des missionnaires et les importations de la Compagnie des Indes. Porcelaines de Chine et du Japon affluent en masse en Europe, séduisant le monde occidental. A Chantilly, Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé (1692-1740), collectionne les porcelaines, les indiennes et les meubles en laque de Chine et du Japon.

Le duc de Bourbon, qui est chef du Conseil de Régence de 1723 à 1726 avant d’être exilé sur ses terres de Chantilly, veut éviter les importations coûteuses et décide de rechercher le secret de la porcelaine de Chine et du Japon. Pour cela, il fait venir à Chantilly un porcelainier nommé Cicaire Cirou, et crée une manufacture de porcelaine tendre à Chantilly entre 1725 et 1735 (cette porcelaine ne contient pas de kaolin, argile blanche dont les gisements en France ne seront découverts que dans la seconde moitié du XVIIIème siècle à Limoges). Le duc de Bourbon fait copier par des artisans français sa collection de porcelaines japonaises dites « kakiemon » du nom d’une famille d’artistes. Parallèlement, le duc de Bourbon crée pour son usage personnel une manufacture de laques et une manufacture d’indiennes, si proches des originaux qu’on ne peut les distinguer, selon les contemporains.

Le peintre en toile Jean-Antoine Fraisse, responsable de la manufacture d’indiennes, copie en 1735 les motifs « kakiemon » des porcelaines et les dessins des indiennes de la collection du duc de Bourbon, et les reproduit en taille-douce, procédé de gravure en creux sur métal, dans son Livre de Desseins chinois, ouvrage in-folio rarissime (13 exemplaires connus, dont seulement 3 enluminés à la main). L’exposition programmée au dernier trimestre 2011 par le musée Condé présente deux exemplaires enluminés de cet album exceptionnel du dessinateur Jean-Antoine Fraisse, illustrés de modèles tirés des porcelaines asiatiques et des indiennes importées d’Extrême-Orient ; l’un étant conservé au château de Chantilly et l’autre faisant l’objet d’un prêt exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France.

L’exposition propose au public de contempler des exemples aussi variés que significatifs de productions d’art décoratif dérivées, en partie, de motifs gravés par Fraisse : pièces textiles, objets d’art de la table ou simplement décoratif dont un grand nombre de porcelaines tendres produites par la manufacture de Chantilly. Des prêts très importants du musée du Louvre, du musée des Arts Décoratifs de Paris et de la Ville de Chantilly permettent de faire le lien entre l’Asie et Chantilly venant ainsi compléter la sélection des objets provenant des collections du musée Condé. De la formidable collection du duc de Bourbon, il ne reste que de trop rares pièces récupérées après la dispersion totale à la Révolution. Parmi celles-ci, un cabinet en laque du Japon spécifiquement restauré pour l’occasion et un impressionnant coffre en laque du Japon décoré de coqs et de poules viendront ponctuer le parcours de cette exposition thématique, représentative du goût de ce XVIIIe siècle français et de l’amour des Arts des Princes de Condé à Chantilly.

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Deux vases couverts identiques, à décor kakiémon dit « aux personnages », en porcelaine du Japon (Arita, 1690-1700) et de Chantilly (vers 1735).  nv. OA 1031-1032, Chantilly – musée Condé. © Mélanie DEMARLE

Suite de l’exposition, in situ

Pour servir de cadre à cette collection, le duc de Bourbon fait peindre en 1737 un merveilleux décor de motifs chinois, appelé « arabesques », sur les lambris et au plafond de son antichambre par un peintre que le XIXème siècle pensait être Watteau et que nous attribuons aujourd’hui au peintre animalier et décorateur Christophe Huet (Pontoise, 1700-Paris, 1759). Cette antichambre, située dans les Grands Appartements du Château de Chantilly, entre la Galerie des Batailles et le cabinet de travail du prince, reçoit aux quatre angles des figures de Chinois, tandis que partout courent de petits singes, animaux exotiques importés de Chine, qui présentent aussi l’avantage de pouvoir imiter les actions de l’homme. Le peintre n’hésite pas à représenter le duc de Bourbon et les siens sous la forme de singes, tantôt partant à la guerre, tantôt se livrant aux plaisirs de la chasse à courre. Christophe Huet, élève de Claude III Audran, est en effet spécialiste de ces décors de « singeries » : il en peindra d’autres à l’hôtel de Rohan à Paris (Archives Nationales) et au château de Champs-sur-Marne en région parisienne (Monument Historique de l’Etat, réouverture prévue en 2013 après travaux). Cette antichambre prend alors le nom de Grande Singerie. Christophe Huet réalise aussi un ravissant petit boudoir pour les appartements féminins du rez-de-chaussée, où les « singesses » comme on disait alors, imitent les actions des dames de qualité à Chantilly : chasse à courre, collation en forêt, dégustation de crème, cueillette des cerises, jeux de cartes, bains, toilette, manucure, coiffure… Christophe Huet est également l’auteur de grandes toiles représentant des animaux exotiques, qu’il peint à la Ménagerie de Versailles ou de Chantilly, et dont les paysages sont animés de pagodes chinoises. Le singe est encore un de ses animaux fétiches. Certaines de ces toiles seront également visibles dans les Grands Appartements.

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Plat rond (vers 1730-1735) où est figurée une femme en kimono tenant un bouquet de fleurs sous un pin, sur lequel est posé un oiseau. Inv. OA 1033, Chantilly – musée Condé. © Mélanie DEMARLE

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Assiette à décor kakiémon dit aux « dragons » (vers 1750). Inv. OA 1036, Chantilly – musée Condé. © Mélanie DEMARLE

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Coffre japonais en bois et laque du XVIIIe siècle. Sur les panneaux de laque noire, on peut voir en léger relief des poules, coqs et poussins picorant. Inv. OA 1798, Chantilly – musée Condé. © Mélanie DEMARLE

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Paysages avec animaux. Huet Christophe (1700-1759). Localisation : Chantilly, musée Condé (C) RMN (Domaine de Chantilly) / Martine Beck-Coppola

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