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Alain.R.Truong
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30 octobre 2011

Lucas CRANACH le vieux (Kronach 1472 - Weimar 1553)., « La nymphe de la source ».

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Lucas CRANACH  le vieux (Kronach 1472 - Weimar 1553)., « La nymphe de la source ». Panneau aminci, doublé et parqueté. Signé du serpent aux ailes repliées sur le tronc d'arbre à droite. Une inscription en haut à gauche : Fontis nympha sacri somnum ne rumpe quiesco  (« N'interrompez pas le sommeil de la nymphe de la source sacrée, je me repose »). 57 x 78 cm - Estimation 3 000 000 / 4 000 000 €. Photo Audap & Mirabaud - Paris


Provenance (d'après Friedländer et Rosenberg) :
- Berlin, collection Rudolf Oppenheim en 1925.
- Marché de l'art allemand.
- Collection privée polonaise.
- Paris, collection privée en 1932.
- Resté depuis cette date dans la même famille.

Bibliographie :
- Max J.FRIEDLÄNDER et Jakob ROSENBERG: Die Gemälde von Lucas Cranach (Berlin, 1932), n° 323, reproduit, exécuté après 1537.
- Max J. FRIEDLÄNDER et Jakob ROSENBERG :
Les peintures de Lucas Cranach (Paris, 1978), n° 402 reproduit, exécuté après 1537.
- Isolde LÜBBEKE : The Thyssen-Bornemisza collection : early german painting (1350-1550) (Londres, 1991), fig. 3 p. 208.

Œuvre en rapport :
Un dessin conservé à Dresde jusqu'en 1945 (fig. 11).

Autres versions :
- La nymphe de la source, panneau de tilleul, 59 x 92 cm, signé et daté sur le fût au centre du bassin 1518, Leipzig, Museum der bildenden Künste (fig. 1) ;
- La nymphe de la source, panneau de tilleul, 58 x 87 cm, vers 1515-1520, Berlin, pavillon de chasse de Grünewald (Berliner Jagdscloss Grunwald) (fig. 2) ;
- La nymphe de la source, panneau, 77 x 121,5 cm, peint vers 1526-1530, Madrid, musée Thyssen-Bornemisza (fig. 3) ;
- La nymphe de la source, panneau, exécuté vers 1525-1527, collection particulière ;
- La nymphe de la source, panneau, 50,8 x 76,2 cm, signé et daté sur le bord de la fontaine 1534, Liverpool, Walker Art Gallery (fig. 4) ;
- La nymphe de la source, panneau, 48 x 72,5 cm, similaire à notre version (avec participation de l'atelier), le nu restauré, dans le commerce d'art suisse en 1963 ;
- La nymphe de la source, panneau, 48,5 x 72,9 cm, signé du serpent aux ailes repliées, exécuté après 1537, Washington, National Gallery of Art (Expo. 2011, Cat. 112, repr. p. 196, datée vers 1540-1550) (fig. 5) ;
- La nymphe de la source, panneau, « plutôt de Cranach le jeune », exécuté après 1537, Kassel, Gemäldegalerie, Hessisches Landesmuseum (fig. 8) ;
- La nymphe de la source, panneau, 16 x 20 cm, signé sous le carquois suspendu à l'arbre, « plutôt de Cranach le jeune », exécuté après 1537, New York, Metropolitan museum (fig. 7) ;
- La nymphe de la source, panneau, 48,5 x 74,2 cm, exécuté après 1537, Besançon, musée des Beaux-Arts (datée vers 1540-1550 dans le catalogue de l'expo 2011 p. 196, non repr.) (fig. 6) ;
- La nymphe de la source, panneau, 48 x 72,5 cm, signé du serpent aux ailes repliées sur le bord antérieur de la fontaine, exécuté après 1537, collection particulière suisse en 1969 (peut-être la même que celle qui se trouvait dans le commerce d'art suisse en 1963).

Cadre en peuplier noirci à décors peints à l'or de rinceaux et de feuillages stylisés dans les angles et les milieux, travail florentin de la première moitié du XVIe siècle.

Cadre prêté par la Galerie Antoine Béchet, 10 rue de Louvois, Paris.

Le tableau est vendu sans cadre.

Nous remercions le Docteur Koepplin qui a examiné notre tableau.
Il souligne sa qualité artistique excellente ainsi que son bon état de conservation et le date des années 1540/1550.

A partir de 1537 et jusqu'à la mort de Cranach le vieux en 1553, Il lui parait impossible de différencier la main de Cranach le vieux de celle de son fils Lucas le jeune (1515-1586) ou de ses autres assistants.
En 1537, Lucas Cranach le vieux, âgé de 65 ans, perd son fils Hans et adopte comme nouvelle signature le monogramme de celui-ci.
Il est alors à la tête d'un atelier important dans lequel il concevait les compositions et participait à l'exécution des œuvres, comme le fera cent ans plus tard Pieter Brueghel le jeune dans l'atelier familial.

Le problème de l'attribution à Lucas le vieux ou à Lucas le jeune des œuvres de cette époque fait l'objet de débats entre spécialistes.

Pour Dieter Koepplin, cette discussion est académique : notre tableau comme les versions conservées à Washington, à Besançon et à Oslo qui datent de la même époque peuvent être considérées comme des œuvres produites dans l'atelier de Lucas Cranach le vieux et le jeune dans lesquelles il est impossible de reconnaître la part de l'un et de l'autre.

Après des débuts dans l'atelier de son père Hans Maler, Lucas Cranach quitte la bourgade de Cronach, au Nord-Ouest de la Bavière actuelle, et se rend à Nüremberg et Vienne.
C'est pour lui l'occasion de se confronter à des images et des idées nouvelles, notamment celles de l'humaniste Conrad Celtis (1459-1508) et du Collège des Poètes fondé en 1501 par Maximilien I.
Ces rencontres sont déterminantes pour sa carrière :
sa nomination à la cour de Wittemberg en 1505 serait la suite d'une recommandation de Conrad Celtis auprès de Frédéric III le Sage.

Cranach qui apporte au prince-électeur sa maîtrise d'un nouvel outil de propagande, la gravure, restera attaché pendant plus de 50 ans à la cour de Wittenberg, au service de Frédéric III le Sage jusqu'en 1522, puis de son frère Jean le Constant et, à partir de 1532, de Jean-Frédéric dit le Généreux. De la période qui précède son arrivée à Wittenberg nous ne connaissons que quelques peintures, dessins et gravures sur bois.

En 1507, Frédéric le Sage est nommé gouverneur des Pays-Bas.
Cranach qui bénéficie de toute sa confiance, reçoit en 1508 des armoiries dont le motif central, un serpent couronné aux ailes de chauve-souris déployées portant un rubis dans sa gueule, est repris en signature sur tableaux et gravures.

Il apparaît ici sur le tronc de l'arbre, légèrement différent :
en 1537, le fils aîné de Cranach, Hans, âgé de 24 ans, meurt au cours d'un voyage en Italie et les ailes de chauve-souris se replient, devenant une aile d'oiseau. Lucas Cranach père et fils adoptent ces nouvelles armoiries en sa mémoire.

En 1508, Lucas Cranach est envoyé en mission auprès de Marguerite d'Autriche, séjour qui marque un tournant dans sa production. Il découvre les œuvres des écoles du Nord et, à travers elles, celles d'Italie, les échanges entre ces deux écoles de peinture étant une réalité depuis 50 ans déjà.

Quand il rentre en Allemagne, ses sources d'inspiration sont complètement renouvelées.
Celui qui apparaissait comme un maître du paysage aborde la représentation féminine, élaborant pour ses Vénus et Lucrèce le canon qui signe ses œuvres et lui apporte le succès.
Très vite, il rationalise l'atelier qu'il avait au château de Wittenberg et profite du bouillonnement d'une ville que son prince a dotée d'une université dès 1502 et qui attire artistes et intellectuels.

C'est ainsi qu'il a connaissance d'œuvres de Dürer, Burgkmair ou Jacopo de Barbari.
Tirant bénéfice des premiers pas de l'imprimerie, Wittenberg devient le cœur de la diffusion des idées nouvelles.

Les thèmes humanistes, repris de l'antiquité ou créations contemporaines, se développent tandis que décline la demande de sujets religieux.
C'est là que Luther, qui enseigne à l'université de la ville, lance la Réforme en affichant en 1517 ses 95 propositions sur la porte de l'église du château.
Dans ce contexte l'atelier de Cranach devient une étape incontournable.
En 1509 Lucas Cranach y peint le premier nu mythologique grandeur nature créé au Nord des Alpes, Vénus et Cupidon et en 1514, les premiers portraits de cour grandeur nature, ceux d'Henri le Pieux, duc de Saxe et de sa femme la duchesse Catherine.

Faisant preuve d'un véritable esprit d'entreprise, il ouvre sa maison à Melchior Lotter le jeune qui y installe en 1519 une imprimerie, facilitant l'édition et la diffusion de ses gravures. L'acquisition en 1520 d'une pharmacie facilitera son approvisionnement en couleurs et préparations diverses.

S'étant assuré ainsi une certaine indépendance, il peut se consacrer à l'invention de nouveaux motifs, soutenu par Jean le Constant qui encourage le développement de thèmes profanes érudits, souvent traités en forme d'allégories.

La nymphe de la source en est un magnifique exemple.
Son iconographie ne peut être comprise qu'en relation avec le mouvement humaniste de l'époque.
Tout au long de sa carrière de peintre de cour Cranach traite ce sujet qui fut le premier nu féminin allongé dans un cadre naturel peint au Nord des Alpes, Giorgione ayant peint à Venise une Vénus endormie, vers 1508/1510.

Nous recensons au moins onze versions de la Nymphe à la source qui permettent de suivre l'évolution stylistique du maître. Toutes présentent la nymphe dévêtue étendue dans l'herbe dans une composition chaque fois différente.
Celle que nous présentons, exécutée après 1537, est parmi les plus belles.

Le buisson de gauche aux feuilles découpées, semblable à celui du tableau de Besançon, révèle le génie de l'artiste à concevoir une nouvelle image à partir d'une création antérieure.

Ce motif, déjà présent dans le premier tableau connu du peintre : La Crucifixion réalisée à Vienne vers 1500 est fréquemment utilisé pour marquer un premier plan et l'éloigner des horizons lointains. Le paysage, une source, est essentiel à la scène.

Cette conception d'une nature “ expressive “ est précisément ce que Cranach a apporté à la peinture de paysage.

La ligne souple qui dessine le corps de la nymphe est l'aboutissement d'un long travail de maturation et d'échanges avec la “ bella maniera “ que n'a pu accomplir Dürer mort bien avant lui.

Mandaté pour représenter les chasses des électeurs de Saxe et décorer leurs pavillons de chasse, Lucas Cranach a étudié dans divers dessins, gravures et peintures la représentation des cerfs.
Le musée de Copenhague conserve une Chasse au cerf peinte vers 1530. Les remous provoqués par les animaux poussés à l'eau par les chiens interdisent d'y représenter la belle transparence des eaux comme elle l'est ici, mais les animaux sont traités de la même manière. Vus de profil, leurs corps sont cernés d'un trait à l'intérieur duquel le dégradé passe doucement du brun au blanc. Les bois de l'animal sont traités avec soin et son regard est expressif.
L'un d'eux se désaltère à la source.

Dans un univers de forêts giboyeuses cet animal, celui des plaisirs nobles, est l'image d'une quête spirituelle.

La signification de l'œuvre destinée à un membre de la cour ou à un érudit, est complexe et plusieurs lectures sont possibles.
Si les flèches et le carquois des dernières versions, dont la nôtre, peuvent évoquer le repos de Diane, il n'en est rien des premières.

Datées vers 1515-1520, on y voit la nymphe devant une fontaine en pierre, sans autre attribut.
Le motif s'inspire d'une tradition locale : il existait près du Danube une fontaine gardée par une nymphe qu'un sculpteur avait représentée allongée à côté du monument.

On la voit sur un dessin attribué à Dürer (fig. 9), exécuté en 1514, conservé à l'Albertina à Vienne. Sur la fontaine étaient gravés des vers, bien connus à l'époque, de Giovanni Antonio Campani, humaniste actif au Vatican et à Florence autour de 1470 et mort en 1477 : Huius nympha loci, sacri custodia fontis / Dormio dum blandae sentior murmur acquae. / Parce meum quisquis tangis cava marmora somnum / Rumpere : sive bibas, sive lavere taces. (Nymphe de ce lieu/ gardienne de la fontaine sacrée/ je dors tandis que l'eau murmure doucement/ Prends garde de rompre mon sommeil en t'approchant du bassin de marbre : soit tu bois, soit tu te baignes en silence). Cranach résume le quatrain en ces quelques mots : « Fontis nympha sacri smnum ne rumpe quisco », qu'il place dans un cartouche de typographe en lettres capitales dans l'angle supérieur gauche du tableau.

Dans le dessin de Dresde apparaissaient les motifs apparentés à la chasse : cerfs, perdrix, flèches, arc et carquois, détails présents dans une gravure de Giovanni-Maria Pomedelli (Vérone, vers 1478/1479-1537) (fig. 10).

On y voit une nymphe allongée, pointant le mot QUIES, elle appelle au calme après le désordre amené par le passage des chasseurs. Peut-être Cranach a-t-il aussi vu un tableau perdu de Giorgione : Le repos de Vénus après la chasse qui lui aurait inspiré ces motifs.

L'artiste joue toujours sur l'ambigüité entre la séduction de la nymphe et l'interdiction faite aux humains de la regarder, rappelée par la devise :
FONTIS NYMPHA SACRI SOMNUM NE RUMPE QUIESCO.

Nue, elle est ici à peine voilée par une fine gaze qui exalte sa beauté et, faussement absente, semble regarder le couple de perdrix qui évoque, au-delà de la chasse, une relation amoureuse. On les retrouve dans bien d'autres sujets traités après 1520 :
La mélancolie du musée d'Unterlinden à Colmar, différents portraits du cardinal de Brandenbourg en Saint Jérôme, saint traditionnellement représenté luttant contre les tentations des plaisirs de la chair, Adam et Eve, ...

Dans les représentations d'Hercule et Omphale, devenues gibier mort, elles pendent à un clou.

Le motif de la nymphe est repris dans La fontaine de jouvence, peinte en 1546 (Bois, 121 x 184 cm, Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie).

On y retrouve également cette manière de passer d'un premier plan d'herbe verdoyante à un second plan (ici, l'eau) par de vifs coups de pinceaux figurant les brins d'herbe.
« La Nymphe de la Source » ne se présente-t-elle pas avant tout comme une allégorie de la tranquillité à laquelle pouvait aspirer Cranach dans une époque troublée ? S'il n'a pas caché son amitié pour Luther dont il a largement diffusé le portrait, il a toujours gardé une clientèle tant catholique que protestante.

La nymphe, une des plus belles images que nous transmet la peinture, n'est-elle pas là pour revendiquer la sérénité nécessaire à l'inspiration d'un artiste qui, refusant toute position excessive met son art au service de tous

Bibliographie en rapport : [Expo. Paris, Musée du Luxembourg, 2011] Cranach et son temps ; cat. par Guido Messling.

Rapport de condition réalisé par Laurence Baron-Callegari

CRANACH Lucas le vieux.
« La nymphe de la source ».
Tableau signé sur le tronc d'arbre à senestre avec le serpent aux ailes repliées.
Huile sur panneau.
Panneau doublé et parqueté.
57 x 78 cm
Support

Le constat d'état et les observations effectués sur le support sont faits par Patrick Mandron.

Le panneau original, probablement du tilleul, à fil horizontal a été fortement aminci entre 10 et 12/10 de millimètre puis plaqué sur un support inerte habillé au revers par un parquet mobile en chêne.

Ce support inerte est constitué d'un multiplie de 8 mm bordé sur les champs de chêne massif. (Bois de fil sur la longueur, bois de bout sur les champs latéraux).
Le revers est doublé par un contreplaqué chêne de 9/10 de mm.

Ce travail de grande qualité a probablement été réalisé il y a une vingtaine d'année avec une technicité élevée laissant supposé un travail réalisé à l'époque par la maison Huot ou équivalent.

Cette intervention a permis de rendre le support totalement inerte tout en conservant au tableau sa matrice originelle.
La matière du support bois lisible dans la couche picturale est conservée.

Les raisons de cet amincissement semblent plus liées à des problèmes esthétiques qu'à des problèmes de conservation.

Le panneau souffrait probablement de flèches importantes ; Les anciennes fentes à dextre et senestre sont totalement stabilisées.
Adhérence.
L'adhérence de l'ensemble est bonne.

On note de rares anciens soulèvements indurés. La préparation est épaisse et non pulvérulente.
Couche picturale.
Le vernis ancien oxydé, apparaissant plus fluorescent aux UV, reste présent et irrégulier dans certaines zones du tableau : les bords principalement.
Les vernis plus récents apparaissent grisonnants.

Les repeints sont localisés, peu nombreux et peu débordants. Ils se situent le long des fentes à dextre et senestre. Les repeints dans les jambes de la nymphe masquent des usures dans la jambe gauche et probablement un accident dans la cuisse droite.
Ces repeints sont désaccordés et débordants.

On note aussi de légers repeints sur l'épaule gauche de la nymphe. On note quelques repeints ponctuels dans la végétation.

La carnation est peinte en transparence et l'on retrouve parfois des petits grains de céruse qui affleurent.

Dans certaines zones on remarque des usures plus ou moins importantes le long des craquelures.

La transparence de la couche bleue constituant l'eau ne doit pas être interprétée comme des usures.
Les accents blancs qui animent cette couche recouvrent de la même façon le bleu et les zones claires laissant apparaître la préparation, ce qui prouve l'originalité de cette mise en œuvre.

LE TABLEAU EST DANS SON ENSEMBLE, ET POUR UN TABLEAU DE CETTE ÉPOQUE, EN TRÈS BON ÉTAT. LES REPEINTS, TRÈS LOCALISÉS NE MASQUENT PAS DES USURES MUTILANTES.

Audap & Mirabaud - Paris. Lundi 7 novembre 2011. Drouot Richelieu - Salle 5 - 9, rue Drouot - 75009 Paris. Tel. 01 53 30 90 30.

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