Christian Lacroix, Michèle Moutashar, Les Picasso d'Arles & Invitation à Christian Lacroix @ Musée Réattu
Pablo Picasso, Arlequin, 1971. Peinture. Courtesy Musée Réattu, © Pablo Picasso
Acte V, Scène 2: Les Picasso d'Arles
Dans le labyrinthe intérieur que forme le musée Réattu, de cours en loggias et de tribunes en coulisses, l'accrochage Acte V écrit un scénario tout en tension, qui puise aussi bien dans l'ensemble des collections du musée que dans des emprunts «explosifs» d'oeuvres de Javier Pérez ou Dieter Appelt.
Cet accrochage mouvant, après une première scène inaugurée début 2012, joue ce printemps sa scène 2, à partir d'un pan mythique des collections: le fonds Picasso, qui comprend l'extraordinaire suite de 57 dessins offerts par l'artiste en 1971, véritable journal de peintre conçu en 36 jours, deux peintures majeures — le portrait de sa mère Maria Lopez (1923) et le célèbre Portrait de Lee Miller en Arlésienne de 1937 —, et plusieurs gravures, notamment tauromachiques. De nombreuses photographies, réunies grâce à la générosité de leurs auteurs — de Lucien Clergue à André Villers, de Robert Doisneau à Willy Ronis — complètent cet ensemble et offrent une singulière galerie de portraits, où se croisent les «diamants noirs» du regard de Picasso et la présence de ses compagnes et muses, telles Jacqueline Picasso ou Françoise Gilot. Un an après l'anniversaire des 40 ans de cette donation et un avant celui des 40 ans de la disparition de l'artiste, le musée Réattu donne un coup de projecteur sur cette collection unique, née du lien que Picasso a noué avec la ville d'Arles et le musée: un fil continu tout au long de sa vie, depuis son premier passage dans la ville en compagnie de Georges Braque — dont sont issus les dessins des Arlésiennes de 1912 — aux réminiscences du thème en 1937 sous les traits de Lee Miller, jusqu'aux Arlésiennes de 1958, un an après l'exposition mémorable au Réattu en 1957, qui empruntent cette fois-ci le visage de Jacqueline.
Pablo Picasso, Pierrot et Arlequin de profil, 1971. Peinture. Courtesy Musée Réattu, © Pablo Picasso
Acte V, Scène 3: L'invitation à Christian Lacroix
Invité de ce moment particulier, Christian Lacroix fait son retour au musée 4 ans après l'exposition «Musée Réattu/Christian Lacroix» de 2008, dont l'empreinte demeure inscrite désormais dans le musée: la couleur d'un mur, quelques sols étonnants, et surtout le dépôt de 7 toiles de robes couture, entrées l'année suivante dans les collections. Christian Lacroix revient donc sur cette «rampe de lancement» que fut pour lui le musée, mais cette fois dans son rôle de costumier. Il se glisse modestement cette année dans certaines salles en enchâssant dans le parcours entièrement repensé par Michèle Moutashar et Andy Neyrotti quelques-unes de ses créations pour l'opéra, le théâtre ou la corrida; celles qui lui valurent, à deux reprises déjà, le Molière du meilleur costume (pour Phèdre, mis en scène par Anne Delbée en 1995, puis pour Cyrano, mis en scène par Denis Podalydès en 2007).
La nouvelle présentation, dans laquelle se glisse Christian Lacroix, déploie une cinquantaine de dessins, les peintures et les gravures de Picasso, ainsi que de nombreux portraits issus des collections; mais elle entraîne aussi l'oeuvre de quelques artistes profondément liés à l'histoire du musée: Ossip Zadkine, dont l'Odalisque en bois de 1936 rappelle les grandes heures du cubisme et ravive une figure chère à Picasso, qui disait l'avoir héritée de Matisse; ou encore Lucien Clergue, grand ami de Picasso et premier intercesseur de cette donation miraculeuse, qui investit une salle entière. Le point d'orgue de cette partition, nécessairement magistral, se déploie dans la chapelle du XVIème siècle de l'ancien Grand Prieuré de Malte, devenue pour un temps la scène de la Comédie Française: le volume de sa nef est dédiée à la distribution complète de Phèdre par Christian Lacroix...
Christian Lacroix, Costume pour le ballet Les Anges ternis de Charles Mingus, chorégraphie de Karole Armitage pour l’Opéra Garnier, 1987. Costume. Courtesy Centre national du costume de scène, © Christian Lacroix