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Alain.R.Truong
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1 juin 2012

Nicolas de Staël (1914-1955), Poires sur une assiette rose

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Nicolas de Staël (1914-1955), Poires sur une assiette rose Photo: Christie's Images Ltd 2012

signé 'Staël' (en bas à gauche) , huile sur toile , 47 x 60 cm. (18½ x 23 5/8 in.) . Peint en 1954. Lot 14. Estimate €500,000 - €700,000. Price Realized €553,000

ProvenancePaul Rosenberg, New York
Joseph H. Hirshhorn, New York
Galerie Beyeler, Bâle
Collection privée, Turin
Vente anonyme, Sotheby's Londres, 1er avril 1981, lot 90
Collection privée, Londres
Vente anonyme, Phillips, de Pury & Luxembourg, New York, 12 novembre 2001, lot 29
Collection privée, Suisse
Vente anonyme, Sotheby's Paris, 8 décembre 2009, lot 19
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel 

LiteratureJ. Dubourg et F. de Staël, Nicolas de Staël, Catalogue raisonné de l'Oeuvre Peint, Paris, 1968, No. 817 (illustré p. 331).
F. de Staël, Nicolas de Staël, Catalogue raisonné de l'Oeuvre Peint, Neuchâtel, 1997, No. 895 (illustré p. 562)

ExhibitedWest Palm Beach, Norton School of Art; Minneapolis, Walker Art Center; Colorado Springs, Fine Arts Center, Nicolas de Staël, février-juin 1955.
Turin, Galleria Civica d'Arte Moderna, Nicolas de Staël, 1960, No. 97 (illustré au catalogue d'exposition).
Genève, Galerie Daniel Malingue, Staël, Priorité Peinture, 1992, No. 24 (illustré en couleurs).

NotesPoires sur une assiette rose est une nature morte aux couleurs vives peinte à l'époque où Nicolas de Staël faisait un retour remarqué à la figuration au cours de la dernière période de son oeuvre. Cette toile présente une synthèse exceptionnelle et novatrice entre le monde figuratif et les langages abstraits qui dominaient l'avant-garde dans l'immédiat après-guerre. Elle représente trois poires comme des éclats de couleur se détachant sur un fond dominé par les deux champs de couleur horizontaux que composent la surface et le mur, ponctué par le rose électrisant de l'assiette qui accueille la série des poires bleues. L'importance de l'oeuvre est manifeste puisque peu de temps après sa réalisation elle est entrée dans la collection de Joseph H. Hirshhorn, financier et philanthrope très en vue dont une grande partie de la remarquable collection sera léguée de son vivant au Smithsonian Institution, Washington DC, notamment un groupe de tableaux de Nicolas de Staël conservé au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden. Hirshhorn était un collectionneur enthousiaste qui entretenait des relations d'amitié avec de nombreux artistes à qui il rendait visite dans leur atelier, comme Alexander Calder, Alberto Giacometti et Pablo Picasso.

Jusqu'au début des années 1950, Nicolas de Staël a peint des oeuvres abstraites composées d'accumulations complexes et rythmiques de peinture souvent appliquée au couteau. A cette époque, plusieurs facteurs semblent l'avoir encouragé à trouver le moyen de réconcilier la force de la peinture abstraite avec le monde visible dans lequel tant de nos expériences sont ancrées. L'un des moments décisifs les plus connus se produisit alors que l'artiste assistait à un match de football au Parc des Princes où la puissance de l'éclairage faisait ressortir les couleurs vives des maillots rouges et bleus des joueurs, le vert de la pelouse et les blancs éclatants. Voyant ces couleurs participer à une lutte énergique sur l'étendue du terrain émeraude, Nicolas de Staël entreprit une série de toiles ayant pour thème des joueurs de football. En peu de temps, il élargit son répertoire figuratif de paysages, de nus et de natures mortes.

La structure formelle de Poires sur une assiette rose apparaît clairement. Staël a délibérément réduit la composition pour saisir cette scène d'intérieur intime. Les trois poires sont posées bien droites et imposantes sur l'assiette. Staël les a peintes à larges coups de pinceaux tournoyants, comme le fond qui témoigne de l'énergie débridée qui a conduit à la réalisation du tableau. D'une importance cruciale, la virtuosité du peintre transparaît dans la forme des trois poires: plutôt que d'apparaître simplement comme trois formes d'un bleu uni se détachant sur un fond de couleur, elles bénéficient d'un ombrage discret qui rehausse leur volume. En même temps, le liséré diaphane qui entoure chacune d'elle propulse la couleur au premier plan. L'observateur qui tient compte de tous ces facteurs perçoit dans quelle mesure cette composition d'apparence simple a en réalité été conçue en accordant une attention prodigieuse au détail.

Pendant cette période, Nicolas de Staël a peint des sujets figuratifs à l'aide d'amas de peinture appliqués au couteau, à l'exemple de ses paysages siciliens et de ses compositions abstraites antérieures. Poires sur une assiette rose date de l'époque où Nicolas de Staël revenait de plus en plus à l'utilisation du pinceau, peut-être pour se placer dans la lignée des artistes qui l'avaient précédé. Cet emploi confère à l'oeuvre présentée ici une clarté et une luminosité supplémentaires car la peinture y est appliquée de telle sorte que le support de la toile illumine le bleu des poires ainsi que le fond et le plateau couleur corail.

Ce retour à un moyen plus traditionnel jette un autre éclairage sur son désir de réconcilier la peinture contemporaine avec le passé. Nicolas de Staël était issu d'une ancienne famille de Russie mais avait mené la vie d'un exilé pétri d'histoire. Ce lien avec l'histoire et sa culture personnelle le conduisent à refuser de participer à la rupture délibérée avec le passé qui caractérisait l'art abstrait. Aussi usa-t-il des moyens de l'art abstrait, tels ces larges coups de pinceau et le quasi formalisme de la composition de Poires sur une assiette rose, tout en s'inscrivant en tant que peintre dans une longue tradition artistique. Il comptait toujours parmi ses influences ses aînés Henri Matisse et Georges Braque dont il vénérait les oeuvres ainsi, qu'une pléiade de grands maîtres et autres devanciers dont Diego Velasquez et, d'une importance capitale, Edouard Manet. L'héritage de Manet se retrouve dans la facture alla primade Poires sur une assiette rose et dans son économie élégante et délibérée, qui renforce tant l'effet des couleurs. La lueur évanescente des couleurs rappelle à l'observateur les compositions contemplatives et pourtant pleines de vie des natures mortes de Manet comme Le citron peint en 1880 et exposé au Musée d'Orsay à Paris. De la même façon, cette oeuvre est riche d'une intériorité mystérieuse qui reflète peut-être l'admiration constante de Nicolas de Staël pour un autre peintre français du XIXe siècle qu'il estimait tout particulièrement, Gustave Courbet.

Le retour de Nicolas de Staël à la figuration fut accueilli avec des réactions mitigées par l'avant-garde parisienne. Certains jugèrent l'oeuvre inconsidérément rétrograde lorsqu'elle fut exposée l'été 1954 à la galerie Jacques Dubourg à Paris, époque probable de sa réalisation. De nombreux critiques se rallièrent à la position de Nicolas de Staël, comprenant l'audace de sa vision. Bernard Dorival écrira un long commentaire sur l'exposition dans lequel il établira un lien entre Staël et Manet. 'Manet enfin, c'est plus que tout le génie de la simplification, le recours perpétuel à un essentiel qui chez lui suffit à tout et, le dédain de tous les moyens accessoires' (Dorival, cité in F. de Staël, Nicolas de Staël: Catalogue raisonné de l'oeuvre peint, Neuchâtel, 1997, p. 156). Ce faisant, il soulignait le parallèle entre ces deux immenses artistes. De même, commentant l'exposition, le critique Roger van Gindertaël célèbrera les toiles de Nicolas de Staël, '... qui réconcilient la double réalité de l'existence et du monde... Staël se montre capable de relever le défi et réalise une nouvelle figuration, plutôt d'une figuration à nouveau dépassée' (Roger van Gindertaël, Cimaise, juillet-août 1954, pp. 9-10, cité in Nicolas de Staël, catalogue d'exposition, Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, 1981, p. 171).

Christie's. Art Contemporain. 1 June 2012 . Paris 
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