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Alain.R.Truong
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29 septembre 2012

Pot couvert en or et cristal de roche, Ferdinand-Eusebio Miseroni, Prague, 1681-1684 & Jean Gaillard, Paris, 1726

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Pot couvert en or et cristal de roche, le cristal de roche attribué à Ferdinand-Eusebio Miseroni, Prague, 1681-1684; la monture par Jean Gaillard, Paris, 1726. Photo Christie's Ltd 2012

Sur fond plat, à facettes, le corps taillé d'un château sur un promontoire entouré d'une rivière, de roseaux, de pampres de vigne entretenues par un vigneron et d'un chasseur, la base taillée d'arbres sur fond rocailleux, le couvercle dévissable avec anse en anneau, la monture en or repercée d'une galerie d'entrelacs et de panneaux figurant des trophées fleuris, le bouchon avec prise appliquée d'une rosace ajourée, poinçons sur la monture: charge, jurande (lettre K), maître-orfèvre, décharge et décharge de 1732-1738. Hauteur: 17,5 cm. (6¾ in.). Estimation€120,000 - €180,000

Provenance: Collection Edmond Avidgor Phillips, Christie's Londres, 30 avril 1934, lot 124 (vendue pour 880 livres).
Jacques Helft (1891-1980).

Literature: "The sale room, old French silver", The Times, 1er mai 1934, p. 10, colonne G.
"The sale room", Apollo, 1934, vol. 19, p. 348.
Le pot est illustré dans les Grands Orfèvres de Louis XIII à Charles X, Paris, 1965, p. 67.

ExhibitedLouis XV, un moment de perfection de l'art français, Hôtel de la Monnaie, Paris, 1974, numéro 474.

Notes: Le cristal de roche, une passion de dirigeant
Depuis la Renaissance, les objets en cristal de roche sont avidement recherchés par les collectionneurs pour orner leurs cabinets de curiosité. Des Médicis à Louis XIV, en passant par les Habsbourg, sans oublier les cardinaux Richelieu et Mazarin, tous ont éxigé de posséder au moins une pièce en cristal de roche taillé par le plus célèbre atelier, celui des Miseroni. Commandés directement auprès de l'atelier ou traqués par la suite chez les marchands, Richelieu possédait 36 vases en cristal de roche et Mazarin 317 montures de gemmes. On sait également que Louis XIV et surtout son fils le Grand Dauphin ont été d'avides amateurs de cristal traquant frénétiquement les objets à travers l'Europe. Malheureusement Louis XV ne devait pas partager cette passion, peut-être parce que la mode avait changé, et se sépara en 1741 puis en 1751 d'une partie des collections royales des gemmes, en majorité achetées en ventes aux enchères par tous les grands marchands de l'époque.

Les Miseroni à Prague
Les ateliers de production de gemmes se sont établis au plus près des cours impériales ou royales, à commencer par l'Italie avec Milan et Florence qui fournissaient les commandes des Médicis mais aussi Prague et Vienne pour les Habsbourg. C'est ainsi que la famille Miseroni, lapidaire de renommée internationale installée à Milan depuis 1460, s'établit à Prague en 1588 à la demande de Rodolphe II de Habsbourg.
Ottavio Miseroni obtint rapidement le titre de lapidaire officiel de la cour impériale, titre auquel lui succéda son fils Dionysio puis son petit-fils Ferdinand-Eusebio.
C'est avec Dionysio que commence véritablement la tradition du cristal de roche, les Miseroni ayant jusqu'alors travaillé les pierres dures, faisant des objets qui exploitent la forme naturelle des pierres tout en respectant les veines du cristal de roche. Ainsi, souvent les couvercles étaient extraits de l'intérieur des corps taillés.
Malgré les évènements historiques qui menaceront au fil du temps leur activité, l'atelier survivra aux guerres et pestes ainsi qu'au décès prématuré de Dionysio en 1661 qui laisse le jeune Ferdinad-Eusebio à la tête de la maison à seulement 21 ans. Mais l'arrivée de nouvelles matières premières en provenance de Hongrie va relancer les affaires de la famille et préserver la renommée des Miseroni jusqu'à la mort de Ferdinand-Eusebio en 1684. 
Ferdinand-Eusebio, un style unique et reconnaissable
Ferdinand-Eusebio reprend d'abord le style de son père, réalisant des pièces très semblables. Cependant, rapidement il affirme son style, reconnaissable dans cette boîte par la forme et surtout le fait que le décor se poursuive sur le fond. Cette singularité se retrouve sur une série de flacons conservée au musée des arts appliqués et contemporains (MAK) de Vienne, qui présente des décors similaires sinon identiques dans la végétation et les personnages.
L'attribution à Ferdinand Eusebio vient aussi du sujet qui orne cette boîte. Ce décor est une représentation du château de Hohensalzburg, forteresse située au sommet de la montagne de Festungsberg, construite sur les ordres des Princes-archevêques de Salzbourg. Elargie à plusieurs reprises, ce qui en fait aujourd'hui l'un des plus grands châteaux médiévaux d'Europe, sa représentation qui figure sur notre boîte peut être datée avec précision avant 1684, date du décès de Ferdinand-Eusebio mais après 1681. En effet à cette date fut construit le "Kuenburg-Bastei", c'est à dire le bastion du Prince Archevêque Max Gandolph Count Kuenburg sur le côté nord du château et qui est présent sur notre objet. 

Jean Gaillard II, spécialiste de montures pour cristal de roche
La monture, plus tardive, date de 1726 et porte le poinçon de Jean Gaillard II. En effet, les pièces en pierres dures demandaient l'intervention d'orfèvres spécialisés, chargés de les mettre en valeur par le biais de montures. Jean Gaillard, fils de l'orfèvre du même nom qui occupait aussi la fonction de garde des pierreries de Madame, est formé par son père à la fabrication des pièces montées en cristal de roche dont il fera sa spécialité. Peu prolifique, on lui connait seulement une salière en argent à garniture en cristal de roche (mentionnée dans l'ouvrage d'H. Nocq, le poinçon de Paris, Paris, 1927, T.2, p. 204), une tabatière à cage et pierres dures datée 1744-1745 conservée au musée du Louvre et une aiguière et son bassin en cristal de roche et monture d'or vers 1727-1730, anciennement collection de Marie-Antoinette, aujourd'hui à la Wallace Collection de Londres.

Le voyage que cette boîte a fait entre 1684, date approximative du cristal de roche et 1726, celle de la monture, relève du domaine du mystère des mouvements d'objets motivés par la passion frénétique et héréditaire des collectionneurs. Quoiqu'il en soit, cette collaboration accidentelle entre deux grands artistes a donné un objet d'une qualité exceptionnelle qui suggère une provenance prestigieuse.
Nous remercions le Dr Paulus Rainer, conservateur du Kunstkammer du Kunsthistorisches museum de Vienne pour son aide dans l'attribution du cristal de roche.
Nous remercions également le HR DI Walter Schlegel, Landeskonservator für Salzburg i.R, pour son aide dans la confirmation et la datation du château.

Christie's. Collection d'un amateur, 3 - 4 October 2012. Paris

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