Jocelyne Saab, rétrospective à la Cinémathèque française
Reporter, photographe, scénariste, productrice, metteur en scène, plasticienne, Jocelyne Saab est née et a grandi à Beyrouth. Après avoir travaillé à la télévision libanaise, en 1973 elle devient reporter de guerre. “Il existait à l'époque une fabuleuse tradition du grand reportage, avec des équipes de tournages présentes dans des zones de conflit, qui n'hésitaient pas à prendre des risques pour témoigner d'une situation en rapportant des images. Pensons aux travaux de Joris Ivens tournés au Vietnam par exemple. Le recours au cinéma, notamment au documentaire, en vue de provoquer ou d'accompagner des changements sociaux, de dénoncer ou de fournir des bases pour l'action, tout cela était très présent quand j’ai commencé. L’effervescence des années 60 continuait d’agiter une grande partie de la jeunesse dans le monde. Donc, sans doute avec l'énergie et peut-être aussi l'inconscience propre à la jeunesse, je me retrouve à couvrir des guerres ayant des conséquences très importantes à l'échelle régionale mais aussi mondiale.” (Jocelyne Saab, entretien avec Olivier Hadouchi, 2010). En 1975, Jocelyne Saab produit et dirige son premier long-métrage documentaire, Le Liban dans la tourmente. Après avoir réalisé de nombreux documentaires et reportages en Egypte, au Sahara Occidental, au Kurdistan irakien, en Iran, en Syrie, au Vietnam…, et avoir couvert la guerre dans son pays au jour le jour pendant quinze ans, elle réalise Beyrouth ma ville en 1982, qu’elle considère comme son film le plus important. Assistante de réalisation pour Volker Schlöndorff sur Le Faussaire en 1981, elle développe parallèlement une veine de fiction, aussi ancrée dans la réalité que ses documentaires sont structurés par la poésie civile, en particulier lors de ses collaborations avec Ethel Adnan et Roger Assaf. En 1985, elle co-produit et réalise son premier long-métrage de fiction, L’Adolescente sucre d’amour / une vie suspendue, avec Juliet Berto et Jacques Weber, puis en 1994, Il était une fois… Beyrouth. Histoire d’une star, fable cinéphilique sur la mémoire visuelle d’une ville en ruines. En 2005, Dunia, film tourné en Egypte et consacré au plaisir dans le contexte de l’Islam, lui vaut menaces de mort et censure. En 2011, elle retourne à Beyrouth pour What’s going on ?.
Depuis 2007, Jocelyne Saab se consacre aussi à l’art contemporain. Sous le titre « Strange Games and Bridges », elle réalise sa première installation sur 22 écrans, avec pour matériau son travail sur la guerre, au National Museum de Singapour. La même année, elle expose ses photographies à la Dubai Art Fair puis partout dans le monde. Elle prépare plusieurs films et un livre autobiographique. L’œuvre intrépide et cruciale de Jocelyne Saab documente un pan entier de l’histoire du Moyen-Orient, avec autant d’amour (envers les victimes des conflits) que d’ironie (envers les leaders politiques). “S’il fallait esquisser la définition du cinéma de Jocelyne Saab, nous dirions que son œuvre, présentée comme le parcours d’une cinéaste dans la tourmente, se caractérise par les motifs et les éléments suivants : le combat pour la vie contre tout ce qui mutile, tente d’emprisonner, empêche les hommes (femmes et enfants) de s’épanouir, la conquête du droit à raconter et à transmettre une histoire en toute liberté” (Olivier Hadouchi). Nicole Brenez
Vendredi 29 mars 19h30 : Jocelyne Saab 1
En présence de Jocelyne Saab et Olivier Hadouchi
LES NOUVEAUX CROISÉS D'ORIENT
de Jocelyne Saab et Jörg Stocklin
Liban/1975/10’/16mm
Portrait d'un mercenaire français au Liban. Godet a déjà servi en Indochine et en Algérie. Il aime retrouver le goût du sang.
LE LIBAN DANS LA TOURMENTE
de Jocelyne Saab et Jörg Stocklin
Liban/1975/75’/16mm
Quelques mois après l'incident du 13 avril 1975, au cours duquel des civils palestiniens furent mitraillés par des miliciens phalangistes, le bilan est des plus tragiques : six mille morts, vingt mille blessés, des rapts incessants, une capitale semi-détruite. Ce film retrace les origines du conflit libanais, la perception d'une société qui part à la guerre en chantant. Un document unique sur la guerre civile libanaise.
Vendredi 29 mars 21h30 : Jocelyne Saab 2
En présence de Jocelyne Saab et Olivier Hadouchi
LES ENFANTS DE LA GUERRE
de Jocelyne Saab
Liban/1976/10’/16mm/Bétacam SP/VOSTF
Quelques jours après un massacre dans un bidonville proche de Beyrouth, la réalisatrice retrouve les enfants qui y ont survécu. Elle se rapproche d'eux en leur offrant des crayons pour dessiner. Un lien se crée entre eux. Ils la laissent filmer leurs jeux, guerriers et violents : ils répètent les scènes d'horreur qu'ils ont vues se dérouler sous leurs yeux…
BEYROUTH, JAMAIS PLUS
de Jocelyne Saab
Liban/1976/35’/35 mm/VOSTF
En 1976, la ville de Beyrouth connaît le début de son calvaire. Avec les yeux de son enfance, la réalisatrice suit six mois durant, au jour le jour, la dégradation des murs. Tous les matins, entre six et dix heures du matin, elle "descend en ville", comme on dit à Marseille, à l'heure où les miliciens des deux bords se reposent de leurs nuits de combats. Film surréaliste et élégie à la ville avec un poème d'Ethel Adnan.
ÉGYPTE : LA CITÉ DES MORTS
de Jocelyne Saab
Liban/1977/35’/16mm/VOSTF
Lorsqu'une Libanaise se rend en Égypte pour réaliser un portrait du Caire, c'est le mythe d'une ville "mère du monde" qu'elle recherche, alors que sa ville, Beyrouth tombe en ruine sous les coups de la guerre. Film surréaliste et poétique sur un cimetière habité par plus d'un million de personnes. S'y croisent le célèbre chanteur aveugle Cheikh Imam, un fou philosophe, une fillette …
Vendredi 19 avril 19h30 : Jocelyne Saab 3
LE SAHARA N’EST PAS À VENDRE
de Jocelyne Saab
France/1977/94’/VOSTF
Conflits et lrésistance du Front Polisario et des nomades Sahraouis au Sahara. « Je n’ai pas cherché à adhérer à la thèse des Algériens ou des Marocains sur le Sahara Occidental. Le plus drôle ou le plus étonnant, c’est que les deux pays ont indirectement participé au financement du documentaire. Les deux m’ont critiqué. Des Algériens n’ont pas apprécié le fait que je montre des images d’archives contenant une déclaration de leur président Houari Boumediene. Or j’avais tout simplement acheté ces images, et il me semblait normal de les montrer car les Algériens étaient impliqués dans le conflit et soutenaient le Front Polisario. De l’autre côté, le Maroc m’en a beaucoup voulu de ne pas adhérer à son point de vue sur la question… Au fond, je me sentais avant tout favorable aux Sahraouis, les habitants du désert, d’ailleurs j’ai toujours été fascinée par le désert, c’est pour eux que j’ai fait le film, et pas pour le compte de tel ou tel État. » (J.S.).
Vendredi 19 avril 21h30 : Jocelyne Saab 4
LETTRE DE BEYROUTH
de Jocelyne Saab
Liban/1978/52’/16mm/VOSTF
Trois ans après le début de la guerre civile, la réalisatrice revient dans sa ville pour quelques mois. À cheval entre un pays en guerre et un pays en paix, elle éprouve du mal à se réadapter à la vie. Remettant en marche un bus, alors que les transports en commun ne fonctionnent plus, elle provoque un sursaut de normalité dans la ville en guerre : des gens montent dans le bus, où ils voient un espace de sécurité. Texte: Ethel Adnan et Jocelyne Saab.
LE BATEAU DE L'EXIL
de Jocelyne Saab
Liban/1982/10’/16mm/Bétacam SP/VOSTF
Après le siège israélien en 1982, Jocelyne Saab a été la seule cinéaste autorisée à monter sur le bateau Atlantis, affrété par la France pour emmener Yasser Arafat, le chef charismatique des Palestiniens et son Q.G. vers un nouvel exil. Pendant quarante-huit heures, elle va filmer ce moment historique.
BEYROUTH, MA VILLE
de Jocelyne Saab
Liban/1982/52’/16mm/VOSTF
En juillet 1982, l'armée israélienne assiège Beyrouth. Quatre jours plus tôt, Jocelyne Saab voit sa maison brûler et 150 ans partir en fumée. Elle se pose alors la question : quand tout cela a-t-il commencé ? Chaque lieu deviendra alors une histoire et chaque nom une mémoire... histoire d'un siège. Avec un texte et la voix de Roger Assaf.
Vendredi 24 mai 19h30 : Jocelyne Saab 5
LES ALMÉES, DANSEUSES ORIENTALES
de Jocelyne Saab
Liban/1989/26’/Bétacam SP/VOSTF
Plantureuses et toutes vêtues de lamé les danseuses orientales - les Almées -, animent toujours les mariages et les circoncisions. Elles s'inspirent des stars de la danse orientale des années 40 et 50 : Samia Gamal, Tahia Carioca, Naïma Akef, etc… Danseuses populaires, elles arrivent de tous les coins d'Égypte et rêvent en secret de devenir un jour les reines d'un des palace du Caire. Dina, star des années 80, a réalisé ce rêve.
LA DAME DE SAÏGON
de Jocelyne Saab
Liban-Vietnam-France/1997/60’/Bétacam SP/VOSTF
C'est le portrait d'une grande dame, ministre du gouvernement révolutionnaire sud-vietnamien, le docteur Hoa, dont la vie est un combat et le combat, un bonheur. Elle a connu la prison et le maquis pendant la guerre. Quand les communistes entrent dans Saïgon en 1975, une autre lutte commence… Une histoire d'amour.
Vendredi 24 mai 21h30 : Jocelyne Saab 6
DUNIA (KISS ME NOT ON THE EYES)
de Jocelyne Saab
Egypte-France-Maroc-Liban/2005/112’/35mm/VOSTF
Avec Hanan Turk, Mohamed Mounir "La Voix de l'Egypte", Aida Riad, Fathy Abdel Wahab, Sawsan Badr.
Dunia est une variation sur le désir féminin, sujet éminemment tabou dans la société arabe et notamment égyptienne où se situe l'action. S'appuyant sur la puissance érotique du patrimoine poétique et musical arabe, le film parle d'amour et de désir à travers une femme marquée par une éducation traditionnelle et contraignante. Le point d'aboutissement du film est le traumatisme provoqué par la mutilation génitale féminine (qui concerne 97% des femmes en Egypte selon les rapports de l'UNICEF, d’Amnesty International et du PNUD).