Précieux collier de chevalier de l'ordre du Saint-Esprit par Jean-Charles Cahier
Précieux collier de chevalier de l'ordre du Saint-Esprit par Jean-Charles Cahier. Photo Beaussant Lefèvre
Il est constitué de vingt-neuf maillons à trois motifs alternés unifaces en or ciselé, bruni ou amati et partiellement émaillé. Quinze figurent une fleur de lys; huit un «H» émaillé de blanc, chargé d'une couronne de laurier, reposant sur deux cornes d'abondance et entouré de trois couronnes royales, rappel de la pieuse devise d'Henri III, «Manet ultima caelo» (l'ultime est au ciel); six un trophée d'armes orné d'un heaume émaillé bleu à panache blanc, reposant sur une panoplie composée d'une massue d'Hercule, trompette, drapeau fleurdelisé, arc, flèche, carquois, sabre et lance de tournoi. Chaque maillon est anglé de flammes ondoyantes émaillées de rouge translucide sur fond guilloché. Ils sont reliés entre eux par vingt-huit anneaux cannelés aplatis passant dans deux petits anneaux latéraux émaillés vert. Chaque extrémité du collier se termine par un élément qui, une fois assemblé par un crochet devenu invisible, constitue un élégant fermoir de forme oblongue en or ciselé de rinceaux et de feuilles d'acanthe. Il est frappé de deux poinçons de contrôle à la tête de bélier (petite garantie de Paris en usage entre 1818 et 1838). Le maillon central comporte deux anneaux émaillés vert supplémentaires permettant de passage d'une chaînette à quinze anneaux cannelés soutenant la croix de l'ordre. La croix en or est à huit pointes pommetées, les bras, anglés de fleur de lys, sont bordés d'émaux blancs et ornés de flammes d'émail vert translucide. Le médaillon présente: sur l'avers une colombe la tête vers le bas, les yeux et le bec émaillés rouge, dont le plumage, en relief rehaussé d'or, est délicatement peint à l'émail; sur le revers, découpé sur un fond d'or rose bruni, Saint-Michel terrassant le démon. Bélière feuillagée sommée d'une triple coquille rocaille, anneau de suspension cannelé. Poinçon à la tête de bélier sur la fleur de lys supérieure droite. Longueur totale: 158 cm - Poids: 452 g La croix: Hauteur: 68,4 mm - Largeur: 64 mm
Les maillons présentent des éclats, principalement aux flammes, la croix d'infimes cheveux. Le collier est contenu dans un écrin piriforme en maroquin rouge à grain long dont le couvercle, clos par trois fermoirs en laiton, est orné sur le dessus d'une vaste composition dorée aux fers figurant: au centre les armes de France couronnées avec colliers reposant sur une main de justice et un sceptre fleurdelisé croisés, entourées de rinceaux; environnées de quatre monogrammes couronnés placés en croix de Saint-André, formés du double C fleurdelisé de Charles X; en bas, sur trois lignes la légende «ORDRE / DU / ST ESPRIT»; sur le pourtour, une large frise ornée de cornes d'abondance, feuilles d'acanthe et palmettes, bordée de filets et de roulettes fleurdelisées, cette dernière reprise sur les côtés et les rebords. L'intérieur, garni de soie blanche porte, au-dessus de la charnière, l'étiquette rectangulaire en maroquin vert estampée en lettres d'or sur deux lignes «CAHIER, ORFEVRE DU ROI / R.ST HONORE N°283 Cr-DT AU SINGE VIOLET». Le fond en velours de soie écrue présente des séparations spiralées permettant d'accueillir et de maintenir en place le collier. Le dessous, recouvert de papier maroquiné vert, présente cinq clous à tête sphérique servant de pieds. Il porte sur le haut, inscrit à l'encre noire, le numéro d'inventaire «6» et est orné, à sa base, de deux sceaux armoriés en cire rouge retenant un épais lacet de toile permettant de maintenir clos le fermoir central. Hauteur: 48,5 cm - Largeur: 40 cm (Quelques griffures sur le couvercle, les côtés endommagés avec des déchirures). France, Paris, 1825. Bon état général. Estimation : 40 000 - 60 000 €
Bien que les empreintes des sceaux sous l'écrin soient incomplètes et manquent de netteté, certains indices permettent de les déchiffrer et de les attribuer à un pair de France de la maison de Montmorency: le blason figure des alérions cantonnant une croix, les tenants semblent être des anges, la composition repose sur un manteau de pair de France sommé d'une couronne ducale, et les premiers mots de la devise «DIEU AIDE AU PREMIER B(aron chrétien)» sont parfaitement lisibles. En 1830, l'ordre du Saint-Esprit comptait deux Montmorency parmi ses membres, le duc de Laval et le duc de Luxembourg, tous deux nommés le 30 septembre 1820. Le collier du duc de Luxembourg se trouvant en main privée, il est donc probable que ce collier soit celui qui fut remis au duc de Laval le 25 mai 1828, jour de la Pentecôte, au cours de la cérémonie célébrée dans la chapelle des Tuileries. Anne-Adrien-Pierre de Montmorency (1768-1837), duc de Laval-Montmorency et de San Fernando Luis, chevalier de la Toison d'Or et grand d'Espagne, pair de France, lieutenant général, ambassadeur de France à Madrid (1814), Rome (1823), Vienne (1828) et Londres (1829), rentré en France en juillet 1830 il resta fidèle à Charles X.
Bibliographie indispensable: - Félix Panhard, L'ordre du Saint-Esprit au XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Librairie héraldique de J.-B. Dumoulin, 1868. - Hervé Pinoteau, État de l'ordre du Saint-Esprit en 1830 et la survivance des ordre du roi, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1983. - Hervé Pinoteau, Étude sur les ordres de chevalerie du Roi de France, Le Léopard d'Or, Paris, 1995.
ORDRE du SAINT-ESPRIT, un rarissime emblème Le plus illustre des ordres de chevalerie de l'ancienne France fut fondé par Henri III à l'automne 1578. Dans un pays en proie aux soubresauts religieux et aux affres de la guerre civile, le roi souhaitait, par une nouvelle institution, s'attacher l'élite de ses sujets. L'antique ordre de Saint-Michel, fort dévalué par la quantité de ses membres, ne pouvait plus remplir cette fonction. Il créa donc un nouvel ordre, placé sous l'égide du Saint-Esprit auquel il vouait une particulière vénération en mémoire de son élection au trône de Pologne en 1573 et de son accession à la couronne de France en 1574, toutes deux un jour de Pentecôte. L'ordre était statutairement composé du roi, «chef et souverain grand maître» (art.2), et de cent membres catholiques ayant prouvés leur noblesse: neuf ecclésiastiques appelés «commandeurs», quatre cardinaux, quatre évêques et le grand aumônier de France, dispensé de preuve de noblesses; quatre-vingt-sept «chevaliers commandeurs», préalablement reçus chevaliers de l'ordre de Saint-Michel; et quatre «grands officiers commandeurs», le chancelier, le prévôt maître des cérémonies, le grand trésorier et le secrétaire greffier, ces deux derniers également dispensés de preuves de noblesses. Ses membres étaient revêtus de marques distinctives. Lors des cérémonies, ils portaient un somptueux manteau de velours noir brodé de flammes et un collier d'or émaillé. Au quotidien chacun devait porter une croix d'or à huit pointes suspendue à un ruban bleu céleste ainsi qu'une broderie d'argent, reprenant la forme de la croix, cousue sur l'habit. Si, dès sa nomination le nouveau chevalier portait la croix et la broderie, il ne devenait pleinement membre de l'ordre qu'après avoir prêté serment au grand maître et reçu de ses mains le manteau et le collier d'or émaillé. D'un poids de 200 écus, celui-ci lui était remis à titre viager. Ses héritiers devaient à sa mort le rendre au grand trésorier. Le 31 décembre 1578 eut lieu le chapitre fondateur de l'ordre, premier d'une longue série de cérémonies fastueuses qui rythmèrent l'Ancien Régime.
Aboli le 30 juillet 1791 par la Constituante, l'ordre survécut néanmoins modestement en émigration. Il revint en 1814 avec la Restauration et retrouva graduellement son lustre. Louis XVIII, en fin politique, l'estimait peu adapté à la situation nouvelle, et n'en décorât d'abord que certains souverains étrangers. Après 1820 et l'espoir soulevé par la naissance du duc de Bordeaux, il nomma régulièrement des chevaliers issus des anciennes et nouvelles élites de la France, mais, n'ayant jamais été sacré, il ne put en recevoir aucun. C'est son frère et successeur Charles X qui rendit véritablement sa splendeur à ce corps chevaleresque. Avec en point d'orgue la cérémonie organisée au lendemain de son sacre à Reims le 30 mai 1825. Première fête de l'ordre depuis la Révolution, elle marqua la véritable renaissance de l'ordre et permit la réception des nouveaux chevaliers. Mais l'ordre n'avait plus de colliers disponibles. Ceux de l'Ancien Régime avaient pratiquement tous disparu dans la tourmente révolutionnaire, et la douzaine de colliers fabriqués au début de la Restauration par Coudray, avaient été remis aux membres de la famille royale et aux souverains étrangers. Il fallut donc en fabriquer quatre-vingts. Cinquante furent réalisés par la maison Ouzille et Lemoine et trente par l'orfèvre Jean-Charles Cahier. À vingt-neuf maillons, ces colliers constituaient l'ultime évolution du collier adopté par Henri IV au chapitre de Rouen le 7 janvier 1597 pour remplacer ceux d'Henri III à quarante maillons, dont vingt formés de lettres grecques à la signification jugée trop obscure. Cette évolution tendant à une réduction du nombre de maillons proportionnelle à l'accroissement de leurs dimensions individuelles. Ces nouveaux colliers du même modèle se différenciaient cependant dans le détail, ceux d'Ouizille, plus épais, possédaient des maillons plus carrés aux angles marqués; ceux de Cahier, successeur de l'illustre Biennais étaient moins lourds, mais le graphisme, sans doute plus proche de celui d'Ancien Régime, était plus délié et la colombe plus délicate. Reposant sur une administration efficace, notamment responsable de la gestion du trésor, l'ordre vécut somptueusement au rythme des promotions, des chapitres et des cérémonies de réception jusqu'à la chute de Charles X en juillet 1830. Il disparut alors publiquement. La France ne décernant plus désormais que l'ordre de la Légion d'honneur ces colliers perdirent leur dimension officielle et furent longtemps ignorés par l'État qui, tout en exposant au Musée des Souverains une reproduction en bronze, fit fondre en 1861 dix colliers provenant du trésor de l'ordre. À l'exception de quelques héritiers fidèles qui rendirent statutairement le collier au comte de Chambord (une trentaine environ), les colliers des chevaliers vivant en 1830 furent généralement conservés au sein de leur famille devenant, relique pour les uns, objet de collection pour les autres, ce sont eux qui, exceptionnellement, apparaissent sur le marché.
Beaussant Lefèvre. Mercredi 22 mai à 14h00. Paris - Drouot Richelieu - Salle no 2. 9, rue Drouot, 75009 Paris. Téléphone pendant la vente: 01 48 00 20 02. EMail : contact@beaussant-lefevre.com - Téll. : 01 47 70 40 00