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Alain.R.Truong
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20 avril 2014

Secrétaire en cabinet en acajou moucheté et panneaux en laque du Japon d'époque Louis XVI, estampillé M. Carlin, F. Buryet JME,

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Secrétaire en cabinet en acajou moucheté et panneaux en laque du Japon d'époque Louis XVI, estampillé M. Carlin, F. Buryet JME, peut-être vendu par Dominique Daguerre. Photo Sotheby's

la façade à ressaut flanquée de montants à colonne balustre détachée, la partie supérieure décorée de panneaux figurant un chien de Fô, une citadelle et un paysage maritime, ainsi que des fleurs et insectes sur les côtés, ouvrant à un abattant découvrant douze tiroirs et trois casiers ; la partie inférieure ornée de panneaux à décor de paysages, ouvrant à cinq tiroirs ; reposant sur des pieds fuselés à cannelures ; dessus de marbre blanc veiné gris encastré ; avec une étiquette manuscrite à l'encre de la fin du XIXe / début du XXe siècle : Ce meuble est / pour / la Cesse G. de Ganay, estampillé trois fois M. CARLIN sous le chant d'un tiroir intérieur et F. BURY sous le plateau, le panneau de laque central signé en idéogrammes japonais Tokosai Masahide. Haut. 123 cm, larg. 140 cm, prof. 46 cm - Height 48 1/2 in; width 55 1/4 in; depth 18 1/4 in. Estimation 150,000 — 250,000 EUR

Références bibliographiques: Th. Wolvesperges, Le Meuble Français en Laque au XVIIIe Siècle, éditions de l’Amateur, Paris, 2000
P. Lemonnier, Weisweiler, éditions Hayot, Paris, 1983

Martin Carlin , ébéniste reçu maître en 1766
Ferdinand Bury, ébéniste reçu maître en 1774

Le mobilier en laque du Japon et le rôle des marchands-merciers.
Inventé sous le règne de Louis XIV, le mobilier décoré de panneaux de laque d’Extrême Orient resta populaire tout au long du XVIIIe siècle et ce même sous le règne du néoclassicisme prônant pourtant un retour à la pureté des lignes et du décor. La mort de Lazare Duvaux en 1785 marqua la fin du goût rocaille pour la chinoiserie. Les laques du Japon furent alors privilégiées aux laques chinoises pour la sobriété de leur décor. Ces laques japonaises provenaient pour la plupart de coffrets et de cabinets, permettant d’obtenir de petits panneaux dont la composition était plus resserrée. Les laques de Chine provenaient de grands panneaux de paravent dont le décor était plus étendu, ce qui en rendait difficile le découpage en petits panneaux. Le décor chinois avait aussi été pendant tout le règne de Louis XV largement copié par des artisans parisiens à des niveaux de qualité divers. La qualité des laques du Japon était inimitable et exigeait les plus beaux bronzes et la plus belle ébénisterie. L’écart se creusa alors entre les très grands ébénistes qui avaient accès à ces laques et qui bénéficiaient de commandes prestigieuses (Carlin, Weisweiler, Joseph, Saunier et Riesener) et les ébénistes intermédiaires qui étaient réduits à imiter tant bien que mal les laques japonaises. Ce mobilier était très apprécié des grands collectionneurs de l’époque néoclassique au même titre que le mobilier orné de plaques de Sèvres. Les inventaires du XVIIIe siècle ne mentionnent que deux ou trois meubles en laque du Japon dans chaque collection, montrant ainsi la préciosité et la rareté de ces meubles dès leur création. Les panneaux en laque du Japon attinrent des prix de plus en plus élevés et les meubles furent alors réalisés à commande auprès de plus importants marchands-merciers qui en firent l’une de leur spécialité comme les fils Darnaud, les fils Juliot, Poirier puis Daguerre.

Dominique Daguerre
En 1772, Poirier s’associa avec son cousin Dominique Daguerre qui prit la direction en 1777. Poirier produisit du mobilier en laque dès le début de son activité. Daguerre poursuivit cette activité lucrative et continua à travailler avec Martin Carlin (1730-1785), puis de manière plus importante avec Adam Weisweiler (1744- 1820). Daguerre s’associa plus tard avec deux marchands, d’abord Francotais, puis Lignereux. Son étiquette indiquait qu’il « Tient Magafin de Porcelaines, Bronzes, Ebénisteries, Glaces, Curiosités & autres Marchandises ».

Daguerre livra à Marie-Antoinette plusieurs objets en laque du Japon et c’est lui qui prit en dépôt sa collection d’objets en laque en octobre 1789. Daguerre ouvrit aussi un magasin à Picadilly à Londres pour fournir le Prince de Galles et son entourage incluant le duc de Bedford et le comte Spencer. Christie’s tint trois ventes, les deux premières (anonymes mais il s’agissait très probablement de son stock) les 15-17 mars et 23-24 avril 1790, et la troisième les 25-26 mars 1791 dont le titre indiquait : “Superb Articles in French Or-Moulu...Imported from Paris by Mons. Daguerre”. Ces ventes démontrent clairement l’ambition de Daguerre de dominer le marché anglais. Elles furent suivies par trois autres ventes provenant très certainement des stocks de Daguerre : les 19-20 mars 1792, le 16 mai et le 24 mai 1792.

Avant son installation à Londres, Daguerre livra en 1784 pour le cabinet de Louis XVI à Versailles un secrétaire en cabinet exécuté par Weisweiler et qui présente des similitudes avec le nôtre : l’abattant est orné de trois panneaux de laque à ressaut et les montants sont ornés de colonnes détachées. Les montants détachés de notre meuble se retrouvent d’ailleurs plus souvent sur du mobilier de Weisweiler que sur du mobilier de Carlin. Daguerre était peut-être le propriétaire des modèles de ce montant, comme le suggère un dessin pour une commode destinée à l’ameublement du Prince de Galles à Carlton House dont Daguerre était le principal ordonnateur. Les collections royales anglaises conservent cette commode exécutée par Weisweiler (RCIN 21696) ainsi qu’une commode estampillée par Carlin ornée de nos montants et qui fut achetée probablement directement auprès de Daguerre par le roi George IV (RCIN 2169). Le dessin général du meuble, plus moderne et plus conforme à l'esthétique de Daguerre, permet de conclure avec vraisemblance que notre meuble provient des magasins de ce marchand. Daguerre est l’introducteur du style anglais en France, caractérisé par une plus grande sobriété et l’emploi prépondérant de l’acajou. Notre secrétaire en est certainement l’illustration.

Les estampilles de Carlin et de Bury
Notre meuble présente un décor d’une grande sobriété ainsi qu’un emploi de l’acajou suggérant une date de création à la fin de la vie de Carlin (mort le 6 mars 1785). Notre meuble porte l’estampille de Carlin sur le chant d’un tiroir intérieur, ainsi que celle de Ferdinand Bury sous le plateau de marbre. L’estampille de Carlin a pu être posée juste avant la mort de Carlin, ou juste avant le remariage de la veuve de Carlin en 1786 avec Gaspar Schneider. Jusqu’à cette date, elle pouvait utiliser l’estampille de Carlin. La présence de ces deux estampilles suggère trois possibilités. Première hypothèse : ce meuble a pu être conçu en grande majorité par Carlin qui mourut avant de l’achever. Daguerre a pu alors le récupérer et demander à Bury de l’achever. Deuxième hypothèse : l’estampille de Bury se retrouve au côté de celle de Riesener sur des meubles, ce qui suggère que Riesener sous-traitait à Bury. Carlin en a peut-être fait autant pour notre meuble. L’estampille de Bury étant partiellement biffée, on peut penser que Carlin ou Daguerre a souhaité la faire disparaître pour ne laisser que la sienne. Enfin, troisième hypothèse : le meuble fut restauré par Bury.

Les doubles colonnes balustres composites ornant les montants supérieurs se retrouvent fréquemment sur des meubles d’Adam Weisweiler (ex : Bas d’armoire estampillé Weisweiler conservé au Louvre (OA 10477). Cependant, Carlin employa lui aussi cet ornement dès 1783 comme l’atteste une de ses commodes ornées de plaques de porcelaine de Sèvres conservées dans les collections royales anglaises (RCIN 21697). Des colonnes très proches dites « colonnes chinoises » ornent aussi d’autres meubles de Carlin : il s’agit d’une commode et d’une paire d’encoignures en laque du Japon conservés au Louvre (inv. OA 5498 et OA 5499) et provenant du mobilier de Madame Victoire pour son grand cabinet de Bellevue.

Sotheby's. Mobilier, Sculptures et Objets d'Art, Paris | 14 mai 2014 - www.sothebys.com

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