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Alain.R.Truong
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12 juin 2014

Cabinet aux Amours. Probablement Pierre Gole, ou Jean Macé. Paris, première moitié du XVIIe

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Cabinet aux Amours. Probablement Pierre Gole, ou Jean Macé. Paris, première moitié du XVIIe. Photo courtesy Rouillac

de forme rectangulaire en placage d'ébène et de bois noirci sur âme de chêne et de résineux, richement sculpté en bas-relief et gravé de scènes animées d amours et de putti. Il présente en façade deux vantaux encadrés de 12 tiroirs sur cinq étages et deux tiroirs dans la corniche, dans un entourage de moulures ondées. Les vantaux s ouvrent sur un théâtre. Les côtés sont gravés de motifs floraux et animaliers. Les six tiroirs flanquant les vantaux présentent des amours et des putti au service de nymphes et des Dieux de l Olympe : Vénus, Neptune, Cérès et Bacchus. Les six tiroirs des rangées du haut et du bas présentent deux registres dans lesquels s amusent des enfants avec des instruments de musique, chassant à l arbalète, faisant tourner un moulin à vent, domptant une chèvre, se baignant, tirant à la fronde ou encore effrayant un animal avec un masque. Les deux tiroirs de la corniche sont ornés d une frise d enfants jouant et gardant des chèvres. Les deux vantaux sont sculptés d enfant gardant des chèvres, d après une oeuvre de François Duquesnoy. Le revers des vantaux à décor en marqueterie de bois précieux et d ivoire d une rose des vents dans un encadrement géométrisant. Le théâtre intègre 13 tiroirs, tantôt peints, tantôt marquetés de bois précieux, dans une architecture ornée d ivoire gravé et de balustrades. 10 colonnes (dont deux en demi) plaquées d écaille rouge, les chapiteaux et bases en bronze doré, se reflètent dans un jeu de miroirs. La partie centrale du caisson, marquetée d un damier et de cubes, simule une perspective de palais accentuée par deux miroirs. Elle est agrémentée de trois panneaux peints. Celui du fond figurant l allégorie de l Abondance est sommée de deux Amours portant des tulipes. Le plafond de forme trapézoïdale reçoit trois putti élevant une couronne de fleurs. Remaniements et restaurations, vers 1820 (?). Les deux grands vantaux extérieurs ont notamment été retirés et la façade avancée. Piètement à quatre colonnes et quatre pilastres cannelés et feuillagés en bois noirci gravé de vases fleuris reposant sur des pieds en boule aplatie. Haut. totale : 211, Long. 177, Larg. 57 cm. Cabinet : Haut. 103, Long. 177, Larg. 57 cm. Piètement : Haut. 108, Long. 175, Prof. 56,5 cm.

Provenance : collection Sylvain Durand, château de Renay en Vendômois. Vente sur ordonnance de Madame le Juge des Tutelles de Blois en date du 15 octobre 2013. Frais : 12% H.T. 

Maître Philippe ROUILLAC et ROUILLAC. Lundi 16 juin à 14h00. Château de Cheverny, 1, rue Albert Einstein, 41700 Cheverny. Contact : Tél. : 02 54 80 24 24 - Fax : 02 54 77 61 10 -rouillac@rouillac.com

REDÉCOUVERTE D'UN CABINET D'ÉBÈNE AUX AMOURS

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Cabinet. Vers 1645. Bâti de chêne et de peuplier, base de bois fruitier noirci, placage d'ébène. H. : 1,84 m. ; L. : 1,58 m. ; Pr. : 0,56 m. OA 6629. Paris, musée du Louvre, © 2007 Musée du Louvre Harry Bréjat.

 Inspiré des dressoirs et armoires de la Renaissance, les premiers grands cabinets d’ébène sont répertoriés à partir de 1634, en France, pour l’Hôtel de Sully[i]. Ils sont l’œuvre de familles de menuisiers allemands ou hollandais, avec un luxueux placage de bois d’ébène venant de Madagascar, qui donnera leur nom à cette profession : ébénistes. L’un des plus célèbres, Pieter Gollen (v. 1620-1684),originaire des Pays-Bas, s’installe à Paris vers 1640 et francise son nom en Pierre Gole. Travaillant d’abord dans l’atelier de son beau-père Adriann Garbrand, il est ébéniste du Roi en 1651. C’est aujourd’hui chose courante que les plus beaux cabinets d’ébène lui soient attribués, à l’image de celui du Louvre, celui du château de Serrant ou encore celui du Rijksmuseum d’Amsterdam. Entre 45 et 60 meubles seulement sont répertoriés dans les inventaires parisiens tout au long du XVIIe siècle[ii]. Le Cardinal de Mazarin, prince des collectionneurs, n’en possède pas un seul aussi grand que le nôtre : cinq pieds et quatre pouces. Les deux plus grands, qui ornent la chambre de son Éminence au Louvre, mesurent moins de cinq pieds de long, et sont estimés 620 livres[iii], plus que les 600 livres estimés pour le coffre en laque du Japon vendu à Cheverny en 2013. 

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Cabinet du Rijksmuseum

Ces cabinets sont soit destinés à la chambre, soit aux galeries des collectionneurs. Hérité du studiolo de la renaissance italienne, ils protègent les effets précieux de leurs propriétaires. Entièrement plaquée d’ébène sculptée en bas-relief ou gravée, la structure des cabinets parisiens est toujours la même : sur un piétement assortis à quatre, six ou huit pieds, un cabinet disposé contre un mur et plaqué d’ébène. Il ouvre par deux grands vantaux sur une série de tiroirs, à cinq étages, encadrant deux plus petites portes. En ouvrant ces deux portes on découvre alors un théâtre dont la complexité et le luxe varie suivant les commanditaires. À l’extérieur, il présente une corniche surmontant une frise qui renferme des tiroirs[iv]. Ce type de cabinet est extrêmement codifié, présentant souvent des ressemblances, car les clients commandaient souvent à partir d’un exemple qu’ils connaissaient déjà. On les retrouve dans les inventaires de l’Hôtel de Vigny (1652 et 1660), du chancelier Pierre Séguier (1672), du secrétaire d’État de la maison du roi Louis Phélypeaux (1672), ou encore de la duchesse de Luynes en (1684). Ils disparaissent peu-à-peu des inventaires, remplacés par les meubles en laque de Chine, puis par les marqueteries développées par Pierre Boulle. 

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Cabinet de l'Odyssée, 1ère moitié du XVIIe siècle. Bâti de sapin, peuplier et chêne ; placage d'ébène. H : 2 m. ; L : 1,7 m. ; P : 0,58 m. Inv. F806c. Fontainebleau, musée national du château.

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Cabinet d'ébène, 1ère moitié du XVIIe siècle. H : 2,15 m. ; L : 1,89 m. ; P : 0,65 m. Saint-Georges sur Loire, Château de Serrant ©Château de Serrant.

Redécouvert au XIXe siècle,ils sont alors sauvés de la destruction, et remanié. Celui qui a disparu dans l’incendie d’Écouen en 1990 avait ainsi été transformé vers 1820. Il provenait de la collection d’Alexandre Du Sommerard et présentait les mêmes dimensions que le nôtre (174 cm de large)[v]. Notre meuble a probablement été dépecé de ses deux vantaux extérieurs vers1820, à l’époque où le cabinet d’Écouen était aussi remanié. Notre façade de tiroirs a en effet été avancée (de quelques centimètres), pour compenser la disparition des portes extérieures, et un piétement à quatre colonnes sur un fond en poirier noirci gravé de fleurs est recréé.

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L'intérieur du cabinet disparu d'Écouen.

Ces cabinets d’ébène ayant vocation à être des meubles de « monstrance », les jeux de lumières sur les plaques gravées dans l’ébène permettent de découvrir un programme iconographique complexe, le plus souvent inspiré de la Bible ou de la mythologie gréco-romaine. Les histoires qui ont les faveurs de la cour, à commencer par l’entourage des reines Marie de Médicis puis d’Anne d’Autriche, sont les premières à être illustrées. Leurs images sont répandues par la gravure à travers la société des Arts et des Lettres. Ainsi l’amour de Diane et d’Endymion, de Jean Ogier de Gombauld, publié pour la première fois en 1624, et illustré de 17 gravures se déclinent sur de nombreux cabinets conservés au XXe siècle à Écouen, au Victoria &Albert Museum, dans les collections de la Reine d’Angleterre à Windsor Castle ou au musée de l’Hermitage…[vi] Nous pouvons imaginer que nos vantaux reprenaient par exemple le thème de La Reine de Saba et du Jugement de Salomon, comme sur ces fragments de vantaux également conservés par Du Sommerard en 1843, et transformés, alors, en devant de cheminée[vii]

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L'intérieur du cabinet conservé au Louvre.

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L'intérieur du cabinet conservé au Victoria & Albert Museum.

La sculpture sur les tiroirs, à l’intérieur en bas-relief, est plus rarement reliée à des grands thèmes littéraires. Notre motif de putti jouant avec les Dieux de l’Olympe et illustrant les quatre éléments est traité avec le même style et la même alternance de tiroirs à scènes pleines ou affrontées, que les enfants jouant avec des animaux et servant les Dieux Fleuves illustrant les tiroirs du cabinet d’Écouen. Les putti jouant avec une chèvre, sur les petits vantaux de notre cabinet, comme le putto au masque situé sur le tiroir en bas à droite, sont directement inspirés d’une sculpture de François Duquesnoy, dit François Flamand (Bruxelles, vers 1594 – Livourne, 1643). La renommée européenne de ce sculpteur installé à Rome est en grande partie fondée sur la réalisation de petites statuettes et bas-reliefs exécutés dans divers matériaux comme l’ivoire, le marbre, ou encore le bronze. S’inspirant de l’Antique, son thème de prédilection est la mise en scène de putti espiègles dans diverses attitudes. De nombreux artistes, à travers l’Europe, s’inspirent de ses créations, que l’on retrouve dans nombre de grandes collections, comme celle de Nicolas Poussin, qui partageait son logement à Rome. Lorsque la collection du peintre Antoine Coypel est dispersée aux enchères en 1753,l’inventaire mentionne : « un bas-relief en bronze (…) exécuté d’après le modèle en terre cuite de François Flamand (Duquesnoy), (…) qui représente des enfants jouant avec une chèvre, l’un desquels se couvre le visage avec un masque, dans le dessein d’épouvanter ses camarades ». L’intérieur de ces vantaux présente une marqueterie de rose des vents, comme le cabinet de l’Odyssée, conservé au château de Fontainebleau.

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Bas-relief de François Duquesnoy, Rome.

La luxuriance du théâtre que dévoilent les petits vantaux, montre que notre cabinet, malgré la simplicité précoce du décor gravé sur ses côtés, faisait bel et bien parti du groupe des plus beaux cabinets d’ébène créés, avant sa mutilation du retrait de ses vantaux. On retrouve rarement autant de colonnes d’écaille et d’ivoire teinté (10), de colonnades (4) démultipliées par le jeu des miroirs, de mosaïques de cubes et de damiers, de chapiteaux de bronze, de tiroirs secrets, dans une toile de fonds verdoyante d’amours et de figures humaines réalisée par un peintre des Flandres. Les amours couronnant la figure de l’Abondance évoque le plafond de la chambre des époux à Mantoue, par Mantegna. Les cabinets du Louvre(Paris), de Serrant (Saint-Georges-sur-Cher), Rolin(Autun),du Victoria and Albert Museum ou de Windsor Castle (Londres) sont moins richement dotés en colonnades que le nôtre. Seuls ceux du Rijksmuseum (Amsterdam) et du Musée des Beaux-Arts de la Légion d’Honneur (San Francisco) attribués à Pierre GOLE en comportent autant : de plus grandes dimensions, un jeu de statuettes y prend en outre scène. Le théâtre du Metropolitan Museum (New-York) présente, lui, un jeu de perspectives plus prononcé.

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Le théâtre du cabinet d'ébène, 1ère moitié du XVIIe siècle. Amsterdam, Rijksmuseum ©Rijksmuseum Amsterdam

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Le théâtre du cabinet d'ébène, 1ère moitié du XVIIe siècle. Saint-Georges sur Loire, Château de Serrant ©Château de Serrant.

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Le théâtre du cabinet d'ébène. New York, Metropolitan museum of art ©The Metropolitan Museum of Art.

Cabinet V&A

Le théâtre du cabinet conservé au Victoria & Albert Museum.

Ecouen

Le théâtre du cabinet disparu d'Écouen.

Bourges

Le théâtre d'un cabinet conservé dans les collections des Musées de Bourges. 

Redécouvert dans les collections du château de Renay,en Vendômois, appartenant à Sylvain Durand, notre cabinet - véritable roman d’amour en ébène - n’a pas fini de de livrer ses surprises, comme les secrets qu’il a contenus...  

[i] Nicolas Courtin,« L’art d’habiter à Paris au XVIIe siècle », éd. Faton, 2011, p. 283.
[ii] Ibid, p. 285.
[iii] 11Tomiko Yoshi-Takeda, « Inventaire dressé après le décès en 1661 du Cardinal Mazarin », Académie des Inscriptions, Paris, 2002,n°756 et 757, p. 147.
[iv] Daniel Alcouffe,« La naissance de l’ébénisterie : les cabinets d’ébène », in« Les arts décoratifs sous Louis XIII et Anne d’Autriche », éd.R.M.N., 2002, p. 213.
[v] Agnès Bos,« Meubles et panneaux en ébène », éd. Musée national de la Renaissance, Paris, 2007, p. 130.
[vi] Agnès Bos,« Meubles et panneaux en ébène », éd. Musée national de la Renaissance, Paris, 2007, pp. 125-127. 
[vii] Agnès Bos,« Meubles et panneaux en ébène », éd. Musée national de la Renaissance, Paris, 2007, p. 129.

Cabinet du Rijksmuseum : https://www.rijksmuseum.nl/nl/search/objecten?q=kabinet+ebony&p=1&ps=12&ii=0#/BK-16117,0 

Cabinet du Louvre : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/cabinet

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