Vermeilleux ! L’argent doré de Strasbourg du XVIe au XIXe siècle à la galerie J. Kugel
Alexis et Nicolas Kugel © Guillaume Benoit
Il y a 50 ans presque jour pour jour, était présentée à la galerie Jacques Kugel alors 7, rue de la Paix, une exposition mémorable intitulée : « Le siècle d’or de l’orfèvrerie de Strasbourg » en collaboration avec le charismatique directeur honoraire du Musée de Strasbourg Hans Haug.
Pour commémorer cet anniversaire, et en hommage à leur père Jacques, Alexis et Nicolas Kugel ont choisi cette année, de remettre l’argent doré appelé vermeil, à l’honneur.
Cette exposition ambitieuse permet à toute une nouvelle génération de découvrir certains des plus beaux chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie du XVIe au XIXe siècle.
STRASBOURG : UNE CAPITALE EUROPEENNE
Carrefour des arts et de l’Europe, Strasbourg, ville « libre » fut réputée pour sa dorure sans pareille, et la qualité de ses orfèvres.
Ainsi, en honorant plusieurs générations d’orfèvres strasbourgeois, la galerie Kugel célèbre trois siècles d’excellence artistique.
L’exposition s’articule autour de deux parties chronologiques : l’influence germanique à la Renaissance et à l’époque Baroque, puis le style français des XVIIIème et XIXème siècles, passant par le style rocaille et le néoclassicisme.
Coupes et pièces d’influence germanique, Strasbourg, vers 1570-1650 © Guillaume Benoit
ENTRE L’ALLEMAGNE ET LA FRANCE
Ville principale de l’Alsace germanique d’où sont originaires nombre de dynasties princières, Strasbourg est d’abord un centre artistique florissant tourné vers l’Allemagne.
Les nombreux orfèvres de talent sont issus de la puissante corporation appelée « tribu de l’Echasse », qui contrôle rigoureusement la qualité du travail des artisans. Sur les plaques d’inculpation de la corporation qui subsistent aujourd’hui, on dénombre plus de 500 poinçons entre 1540 et la Révolution.
Après le rattachement de Strasbourg à la France en 1681, c’est l’influence française qui s’affirme avec notamment, la construction du Palais Rohan par Robert de Cotte l’un des meilleurs architectes parisiens.
Le statut particulier de la ville, où le titre moins élevé de l’argent allemand est maintenu et les taxes moins élevées, profite aux orfèvres, qui se spécialisent dans la conception d’objets luxueux commandés en particulier par les maisons régnantes des états voisins de Hesse-Darmstadt ou du Palatinat.
Ecuelle et son préentoir en argent doré, Strasbourg,1768,par Johan Ludwig III Imlin © Guillaume Benoit
UNE DOUBLE AMBITION
Comme pour chaque exposition thématique, Alexis et Nicolas Kugel ont la double ambition d’allier avec rigueur la recherche en histoire de l’Art et leur métier d’antiquaire car tous les objets exposés sont à vendre. Par leur expertise et leurs conseils, ils contribuent à la formation de grandes collections et l’enrichissement des musées.
Le catalogue accompagnant l’exposition propose une étude scientifique pour chaque pièce ainsi qu’un répertoire exhaustif de tous les orfèvres de Strasbourg de 1540 à la Révolution, constituant ainsi l’ouvrage de référence sur le sujet.
L’orfèvrerie de Strasbourg, passionnément recherchée par les grands collectionneurs du XXe siècle, tels que les David-Weill, les Rothschild, les Patiño, saura sans aucun doute séduire par son raffinement et sa beauté, les nouvelles générations de collectionneurs et d’amateurs.
Timbale. Exposition "Vermeilleux ! L’argent doré de Strasbourg du XVIe au XIXe siècle" © Guillaume Benoit
ŒUVRES EXPOSEES
Avec plus d’une centaine de pièces, l’exposition illustre la double influence de l’orfèvrerie strasbourgeoise et couvre l’essentiel des styles et des formes.
L’influence allemande à la Renaissance est illustrée par un magistral gobelet en forme d’ours, seul animal connu réalisé à Strasbourg, ainsi qu’une série de cinq gobelets gravés vers 1570, par le meilleur orfèvre de son temps Georg Kobenhaupt, pièces sans équivalent.
Ours en argent doré, Strasbourg, vers 1570-80, par Dibolt Krug © Hughes Dubois
Un certain nombre de coupes couvertes et gobelets rappellent les productions de Nuremberg. Pour la période baroque qui suit la guerre de Trente Ans, une extraordinaire coupe réalisée pour la corporation des orfèvres est ornée de scènes qui représentent précisément un atelier d’orfèvre.
Avec l’influence française au XVIIIème siècle, on verra apparaitre un type spécifique de timbale de forme tulipe dite « à côtes pincées ». Un superbe exemple par Johann Jacob Ehrlen provenant des collections Rothschild était exposé à l’exposition de 1964. L’écuelle est l’un des objets de prédilection des orfèvres de Strasbourg. L’exposition en présente une dizaine, réalisées entre 1700 et 1785 et illustrant l’évolution stylistique.
Timbale, Strasbourg c. 1740, par Johann Jacob Ehrlen © Hughes Dubois
De style rocaille, le plus somptueux exemple est la toilette de la duchesse de Mecklenburg-Strelitz, ou le service réalisé quelques années plus tard par l’orfèvre Johannes Jacob Kirstein pour la comtesse von der Leyen, dans un style radicalement différent.
Toilette en argent doré de la Duchesse de Mecklenburg-Strelitz, Strasbourg, 1784, par Johann Heinrich I Oertel et Gottfried Imlin © Hughes Dubois
Toilette en argent doré de la comtesse von der Leyen, Strasbourg, 1789 par Johannes Jacob Kirstein et Carl-Ludwig Emmerich © Hughes Dubois
Exposition en accès libre, du lundi au samedi de 10h30 à 19h.
L’exposition est accompagnée par un luxueux ouvrage conçu sous la direction d’Alexis Kugel : « VERMEILLEUX, l’argent doré de Strasbourg du XVIe au XIXe siècle ». Editions Monelle Hayot, 352 pages, 85 €
GALERIE J.KUGEL. 25 Quai Anatole France 75007 Paris - www.galeriekugel.com