Vincent Bizien, Animal populaire @ Galerie Maia Muller
Vincent Bizien, Animal c’est aussi le dessin, 2015. Encre de chine et mine de plomb sur papier. 40 x 30 cm. Courtesy Galerie Maïa Muller, © Vincent Bizien
A la première approche, les dessins de Vincent Bizien semblent hermétiques au regardeur et au monde. Il faut s'y plonger pour apprivoiser les figures, les messages, les ambiances et les formes. Son univers est empreint d'une mélancolie à la fois rageuse et silencieuse. Un sentiment ambivalent qui traverse son œuvre depuis la fin des années 1990.
La feuille de papier, peu importe son format, représente un «espace à conquérir». Un territoire qu'il s'acharne à peupler et à investir au moyen d'encre de Chine, de pinceaux, de stylos-feutres et de crayons à papier.
Les dessins attestent d'une économie de moyen, «du cerveau à la main, il permet une forme d'immédiateté», signe d'une impatience, d'une création convulsive. L'artiste est animé par une frénésie créatrice due à une insatisfaction permanente et au doute persistant. Alors, il dessine, il peint, il déchire, il brûle, il détruit (trop!), il raccommode, il recouvre, il augmente, puis recommence.
Un dessin peut résulter de multiples interventions réalisées sur plusieurs années. Parce que la notion d'achèvement est terrifiante, il mute ou disparaît. L'encre est jetée sur le papier, au fur et à mesure, Vincent Bizien trace des formes, des silhouettes, des signes qui vont matérialiser une pensée, un souvenir, un sentiment ou encore un trouble.
Son œuvre fonctionne comme un miroir porté vers une humanité désespérée, humiliée, violente. Ses personnages composent son propre être, en ce sens la dimension autobiographique de l'œuvre est importante. Chaque dessin découle de son expérience quotidienne et de son histoire. L'animal populaire est son alter ego. Il contient la peur, la mélancolie, le grotesque, le doute, l'amour, la violence et l'ironie. Il est le filtre à travers lequel il éprouve le monde, son passé, son présent et son futur incertain.
L'artiste met à profit une hypersensibilité incontrôlable qui agit sur le papier pour donner forme à des sensations indéfinissables, des visions, des rencontres et des perturbations. La mélancolie et la colère s'entremêlent et constituent un puissant moteur de création.
Vincent Bizien, La maison du sourd, 2015. Technique mixte sur papier. 140 x 100 cm. Courtesy Galerie Maïa Muller, © Vincent Bizien
Vincent Bizien dessine de mémoire pour traduire une expérience bouleversante vécue le jour même, mais aussi d'après un ensemble d'images récoltées au fil des pages glacées des magazines de mode et d'informations. Des images qui témoignent selon lui de la superficialité et de la médiocrité du monde contemporain.
D'autres sources visuelles viennent enrichir ce fonds de junk images, des film stills noir et blanc extraits de films noirs et d'épouvante. «Ensemble, ces images produisent une polyphonie visuelle, polysémie intérieure, qui donne naissance au fracas du dessin, à son silence également.» Plusieurs caractéristiques les relient, par exemple, la présence évidente du masque, de la figure monstrueuse «qui dérapent vers l'animal», de l'être fantomatique, de la femme mystérieuse, de l'homme sombre et mystérieux.
Vincent Bizien puise ses formes et ses figures dans la culture populaire. Il s'intéresse aussi bien aux zombies, qu'à l'esthétique trash véhiculée par la télé-réalité, en passant par les clowns, les contes, les bagnoles et la bande dessinée. Il travaille l'inconscient collectif: les souvenirs, les peurs, les images persistantes.
Aux références populaires, il juxtapose l'histoire de l'art: la noirceur de Goya, l'expressionnisme de Philip Guston et de Martin Kippenberger, un goût pour la subversion de Mike Kelley et Tracey Emin.
Les dessins attestent d'une brutalité primaire qui rappelle le dessin d'enfant. En tant que sujet, les enfants et les adolescents (êtres humains en phase de mutation) apparaissent de manière récurrente. Des premiers âges, Vincent Bizien restitue l'impulsivité, le tâtonnement, la perte et le secret. Les corps sont maladroits et les visages indistincts. Il génère des formes et des silhouettes outrées, accidentées, torturées et déliquescentes. Il cultive ainsi l'ambiguïté en oscillant tantôt vers la peur, tantôt vers la fascination.
Portrait d'un punk discret, Julie Crenn. Extrait de la préface du catalogue publié à l'occasion de l'exposition personnelle de Vincent Bizien, «Animal populaire», avec le soutien du Cnap.
05 sept.-08 oct. 2015
Vincent Bizien, Quand le corps est pont, 2015. Mine de plomb sur papier. 40 x 30 cm. Courtesy Galerie Maïa Muller, © Vincent Bizien
NDB: Mon dessin préféré de Vincent que la Galerie Maia Muller a eu la gentilesse de m'envoyer.
Vincent Bizien, Frère, 2015. Fusain sur papier, 150 x 120 cm. Courtesy Galerie Maïa Muller, © Vincent Bizien
et le préféré de mon frère:
Vincent Bizien, Exode, encre et gouache sur papier, 65 x 50 cm. Courtesy Galerie Maïa Muller, © Vincent Bizien