Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Alain.R.Truong
Alain.R.Truong
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 50 863 684
Archives
Newsletter
Alain.R.Truong
30 mars 2016

Tableaux et dessins anciens provenant notamment de la collection Georges Dormeuil chez Artcurial

2

Comédiens italiens dans un jardin, Jean-Baptiste Oudry, huile sur toile, 65,50 x 83 cm. Estimation: 150 000 - 200 000 € / 165 340 – 220 450 $

Paris – La prestigieuse vente de Tableaux et Dessins Anciens et du XIXe siècle du 1er semestre aura lieu pendant le Salon du Dessin (30 mars - 4 avril 2016), le 31 mars chez Artcurial . Elle sera dominée par un exceptionnel ensemble de dessins français du XVIIIe siècle provenant de la Collection Georges Dormeuil et resté dans sa descendance jusqu'à nos jours.

« Après l'immense succès de la vente de la Collection Hebey les 22 et 23 février, nous sommes heureux de présenter ici des œuvres aux provenances exceptionnelles : un ensemble de dessins de la Collection Georges Dormeuil dont certains ont longuement séjourné dans la Collection des frères Goncourt, ainsi que des pièces de la Collection David-Weill et de la Collection Pierre Crozat. Leur présence confirme une fois encore l’importance mondiale de la place de Paris, capitale du Dessin », explique Matthieu Fournier, directeur du département et commissaire-priseur de la vente.

Une exposition chez Artcurial, à Bruxelles, le 9 mars, précèdera la présentation à Paris.

LA COLLECTION GEORGES DORMEUIL

Georges Dormeuil (1856-1939) fut l'un des plus grands collectionneurs de dessins de son temps. Industriel spécialisé dans la fabrication et le négoce de tissus haut de gamme, il se passionna pour l’art français du XVIIIe siècle et constitua à partir des années 1890 une importante collection. Un œil avisé et un goût très sûr lui permirent d'acquérir des œuvres de qualité exceptionnelle lors de la dispersion en ventes publiques de prestigieuses collections (Goncourt, Jacques Doucet, Chennevières, Destailleur, Beurdeley…).

Parmi celles-ci, deux importants dessins de Gabriel de Saint-Aubin (1724- 1780), La "Vénus" de Mignot au Salon de 1757 et Autoportrait de l'artiste dans un médaillon seront présentés, attestant du talent singulier de l'artiste. Redécouvert grace aux freres Goncourt, ce chroniqueur passionné et passionnant du Paris du règne de Louis XV, retraça avec esprit et dextérité les événements culturels de la vie parisienne de son époque, son carnet de croquis sous le bras. Le Louvre et la Frick Collection de New York lui consacrèrent une exposition monographique en 2008. 

La "Vénus" de Mignot au Salon de 1757 (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $), dessin à la plume et à l'encre noire, a réalisé un parcours des plus prestigieux, de la collection Edmond et Jules de Goncourt, à la collection Jacques Doucet pour entrer ensuite dans la collection Georges Dormeuil en 1912. Notre dessin représente une vue du Salon de 1757 avec l’exposition d’une statue de « Vénus endormie » par Pierre Mignot. Le Salon était une exposition annuelle qui se tenait au Louvre et permettait aux artistes de l’Académie royale d’exposer leurs œuvres et de se faire connaitre. Cet événement – rendu célèbre par la critique de Diderot - attirait de nombreux visiteurs et constituait pour Saint-Aubin un terrain de prédilection.

3

Lot 2, Gabriel de Saint-Aubin (Paris, 1724 - 1780), La "Vénus" de Mignot au Salon de 1757. Plume et encre noire, lavis gris et rehauts de lavis brun et de gouache blanche, sur trait de crayon, 13,20 x 16 cm . Annoté 'Sallon de 1757. Figure de M. Mignot (?)' dans le bas. Porte une marque de monteur non identifiée (L.3536) en bas à gauche. Estimation 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $

 'MIGNOT'S 'VENUS' AT THE 1757 SALON', PEN AND BLACK INK, GREY WASH, INSCRIBED, BY G. DE SAINT-AUBIN, 5,20 x 6,30 in. 

Provenance : Collection Edmond et Jules de Goncourt, leur cachet (L.1089) en bas à gauche ; 
Leur vente, Paris, Hôtel Drouot, Me Duchesne, 17 février 1897, n° 273 (2.250 fr., acquis par Thomas Piétri) ; 
Collection Jacques Doucet ; 
Sa vente, Paris, galerie Georges Petit, 5-8 juin 1912, n° 48 (14.250 fr. à Paulme) ; 
Collection Georges Dormeuil, son cachet (L.1146a) en bas à droite, n° 112 du catalogue Paulme ; 
Puis par descendance 

Expositions : 'Exposition de dessins de maîtres anciens', Paris, Ecole des Beaux-Arts, 1879, n° 601 
'Exposition des Saint Aubin', Paris, hôtel Jean Charpentier, 1925, n° 28, pl. V 
Bibliographie : Edmond et Jules de Goncourt, 'Notules, additions, errata...', Paris, 1875, p. 41 
'Recueil de 112 photographies tirées par la maison Braun d'après 113 dessins de la collection Goncourt', 1879, 93 (Paris, B.N., cabinet des Estampes, inv. Aa. 80 a, in-f°) 
Philippe de Chennevières, "Les dessins de maîtres anciens exposés à l'Ecole des beaux-arts", in 'Gazette des Beaux-Arts', 1879, II, p. 210 
Philippe de Chennevières, 'Les dessins de maîtres anciens exposés à l'Ecole des beaux-arts' (tiré à part des articles parus en 1879 dans la 'Gazette des Beaux-Arts'), Paris, 1880, p. 115 
Edmond et Jules de Goncourt, 'L'Art du XVIIIe siècle. I. Les Saint Aubin', Paris, 1880-1882, p. 374 et pl. 450, repr. et réed. 1881-1882, II, p. 122 et p. 230 
Edmond et Jules de Goncourt, 'La maison d'un artiste', Paris, 1881, vol. I, p. 149-150 
Adrien Moureau, 'Les Saint-Aubin', Paris, 1894, p. 72 
Emile Dacier, 'Catalogue de ventes et livrets de Salons illustrés par Gabriel de Saint-Aubin', Paris, 1909-1921, t. I, p. 26, repr. p. 9 
'Société de reproduction des dessins de maîtres. Collection Georges Dormeuil', 1911 
Andreas Lindblom, "Quelques sculptures françaises du XVIIIe siècle en Suède", in 'Revue de l'art ancien et moderne', 1924, p. 109, n° 3, repr. p. 111 
'Le Figaro artistique', 16 avril 1925, repr. p. 420 
Camille Gronkonwski, "L'exposition des Saint-Aubin", in 'Revue de l'art français ancien et moderne', 1925, p. 177, repr. p. 176 
Emile Dacier, 'Gabriel de Saint Aubin', Paris-Bruxelles, 1929-1931, t. I, pl. XXX et t. II, p. 149, n° 829 
Christiane Aulanier, 'Histoire du palais et du musée du Louvre II. Le salon Carré', Paris, 1950, p. 27 et 76, fig. 8 
Michèle Beaulieu, "Note à propos d'un petit marbre inédit de Pajou", in 'Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français', Paris, 1958 (1959), p. 42 
Elisabeth Launay, 'Les frères Goncourt collectionneurs de dessins', Paris, 1991, p. 456-457, n° 309, fig. 295 
Kim de Beaumont, 'Reconsidering Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780): The Background for His Scenes of Paris', Ph.D. dissertation, New York University, Institute of Fine Arts, 1998 (university microfilms, Ann Arbor, 2002), p. 423-424, fig. 215 
Colin B. Bailey, "Saint-Aubin : "l'inlassable et l'inclassable curieux"", in cat. exp. 'Gabriel de Saint-Aubin 1724-1780', Paris, 2007, p. 70, fig. 1 
Kim de Beaumont, "Les Salons de Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780)", in Isabelle Pichet (ed.), 'Le Salon de l'Académie royale de peinture et de sculpture: Archéologie d'une institution', Paris, 2014, p. 24-25 

Commentaire : C'est un autre aspect - sans doute le plus célèbre - de l'œuvre de Gabriel de Saint-Aubin que nous fait découvrir ce deuxième dessin de la collection Dormeuil. Dessinateur avant tout, incorrigible curieux, ne circulant jamais sans crayon ni papier, " calquant, croquant, dessinant dans les jardins, les salons, les ventes, les places publiques1 ", Gabriel de Saint-Aubin se fit l'observateur et le chroniqueur de la vie parisienne de la seconde partie du XVIIIe siècle. Aucun sujet n'échappe à sa plume et il ne manque aucun des événements culturels de la capitale qu'il s'attache à retracer sur le papier avec beaucoup de dextérité et d'esprit. 

Le Salon, exposition biennale de l'Académie royale qui se tenait au Louvre, figurait naturellement parmi les rendez-vous incontournables de Paris. Entre les œuvres exposées du sol au plafond et la diversité des visiteurs, ces expositions offrirent à Saint-Aubin la possibilité de réaliser les œuvres qui font encore aujourd'hui sa notoriété, qu'il s'agisse des grandes vues panoramiques à l'aquarelle (citons par exemple celle de 1765 au musée du Louvre) ou des petites illustrations en marges des livrets, irremplaçables témoignages pour les historiens de l'art. Nous conservons des vues des Salons par Saint-Aubin allant de celui de 1753² à celui de 17793. 

Celle que nous présentons ici nous donne un aperçu de l'exposition de 1757, qui abrita notamment le célèbre portrait de la Marquise de Pompadour à la robe verte de François Boucher (Munich, Alte Pinakothek) représenté sur une autre vue de ce Salon par Saint-Aubin4. Fait plus rare, c'est à la sculpture que la priorité est donnée sur notre dessin, dont le sujet principal est un plâtre d'un artiste aujourd'hui peu connu, élève d'Antoine Vassé et de Jean-Baptiste Lemoyne, Pierre Mignot, ainsi décrit dans le livret du Salon : " Vénus qui dort. Cette figure est de la même proportion que l'Hermaphrodite antique et doit faire son pendant. ". Le marbre, exposé quatre ans plus tard, a pu être identifié grâce à notre dessin et entra en 1957 dans les collections de la City Art Gallery de Birmingham (fig. 1). La référence à l'Hermaphrodite de la collection Borghèse (musée du Louvre) y est en effet sensible, tant dans la nudité idéale de ces deux divinités endormies dans une posture quelque peu lascive que dans le matelas de marbre sur lequel elles sont couchées, Mignot reprenant ici le modèle du lit que le Bernin avait réalisé pour l'Hermaphrodite en 1619. 

D'autres œuvres sont également identifiables sur notre dessin. Nous reconnaissons dans les deux statues sur des piédestaux à gauche une Nymphe de Falconet et un buste de Louis XV de Lemoyne, œuvres qui semblent aujourd'hui avoir disparu. Moins détaillés, des tableaux sont cependant visibles accrochés au mur et nous pouvons reconnaître dans celui placé en haut à gauche les jambes du vieillard Cimon de la Charité romaine de l'italien Giuseppe Baldrighi (Angers, musée des Beaux-Arts, fig. 2). 

Mais revenons au sujet central de notre dessin, la Vénus de Pierre Mignot, à laquelle Saint-Aubin a donné beaucoup de grâce et de sensualité, et qui semble ici être faite plus de chair que de plâtre. Certains artistes et critiques avaient d'ailleurs suspecté Mignot d'avoir moulé sa figure sur un corps vivant… Quelque soit la méthode employée par l'artiste pour obtenir un tel degré de réalisme, les limites de la décence semblent avoir été atteintes et la Correspondance littéraire relate : " On a fait la sottise d'exiger de l'artiste de couvrir de feuilles certaines parties du plus beau corps du monde, c'était le moyen de la rendre indécente5". Le léger parfum de scandale entourant cette Vénus ne manqua certainement pas d'attirer un large public au Salon et ça n'est certainement pas par hasard que Saint-Aubin a choisi de la représenter, avec son humour habituel, entourée de visiteurs dont les réactions vont du choc à la concupiscence. Nous noterons par exemple les deux figures conspirant à l'ombre de la baigneuse de Falconet, le mouvement de recul du jeune homme au centre de la composition tandis que son voisin avance une main vers la jambe de la déesse, ou encore le calme apparent du dignitaire oriental à droite, pour qui la confrontation avec la représentation d'un nu féminin dans un lieu public devait pourtant être une expérience peu familière. 

Cet aperçu du Salon de 1757 transmis par Saint-Aubin est aussi séduisant que devait l'être cette Vénus et nous comprenons dès lors que cette petite feuille ait retenu l'attention des prestigieux collectionneurs auxquels elle a appartenu à commencer par les frères Goncourt, dont le goût pour le XVIIIe siècle et Gabriel de Saint-Aubin n'est plus à démontrer. Elle figura également dans la collection de Jacques Doucet, au sein de laquelle elle devait admirablement dialoguer avec L'Académie particulière du même Saint-Aubin, et fut acquise par Marius Paulme pour le compte de Georges Dormeuil lors de sa vente en 1912. 

Nous remercions Madame Kim de Beaumont de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin d'après une photographie. 

1. Anonyme, Janot au Sallon, 1779, p. 6, cité par Colin B. Bailey in cat. exp. op. cit., 2008, p. 73. 
2. Gravée à l'eau-forte, voir cat. exp. op. cit., 2008, n° 69 
3. Paris, musée du Louvre, ibid.. n° 72 
4. Ce dessin qui fut gravé par Gaucherel était joint à un exemplaire de dédicace à Madame de Pompadour du Discours sur la peinture et sur l'architecture de Du Perron publié à Paris en 1758, voir Dacier, op. cit., 1931, p. 163, n° 891 
5. Octobre 1757, édition de 1813, p. 257 

Autoportrait de l'artiste dans un médaillon (est 20 000 - 30 000 € / 22 045 – 33 070 $), dessin au crayon noir, est tout à fait emblêmatique puisqu’il fut gravé par Jules de Goncourt dès 1859 pour servir de frontispice à la première monographie de l’artiste. Il sera par la suite illustré à nouveau par Emile Dacier pour introduire son célèbre catalogue de l’œuvre de Saint-Aubin.

4

Lot 1, Gabriel de Saint-Aubin (Paris, 1724 - 1780), Autoportrait de l'artiste dans un médaillon. Crayon noir, estompe et rehauts de lavis gris, 12,50 x 10,50 cm. Légendé 'GABRIEL DE ST AUBIN dessiné par lui-même' sur le pourtour du médaillon. Annoté 'Sous / la / d'Apollon' (peu lisible) près de la lyre en haut à droiteEstimation: 20000  - 30000 € / 22 045 – 33 070 $.

THE ARTIST'S SELF-PORTRAIT IN A MEDALLION', BLACK CHALK AND STUMP, BY G. DE SAINT-AUBIN, 4,92 x 4,13 in. 

Provenance : Collection Prosper de Baudicour ; 
Collection Leboeuf de Montgermont ; 
Sa vente, Paris, 16-19 juin 1919, n° 286 (5.960 fr à Paulme) ; 
Collection Georges Dormeuil, son cachet (L.1146a) en bas à droite ; 
Puis par descendance 

Expositions : 'Exposition des Saint Aubin', Paris, hôtel Jean Charpentier, 1925, n° 36, pl. II 
Bibliographie : Edmond et Jules de Goncourt, 'L'Art du XVIIIe siècle. I. Les Saint Aubin', Paris, 1880-1884, p. 426 
Emile Dacier, 'L'oeuvre gravé de Gabriel de Saint-Aubin, notice historique et catalogue raisonné', Paris, 1914, p. 171 
Emile Dacier, 'Gabriel de Saint Aubin', Paris-Bruxelles, 1929-1931, t. I, pl. I (en frontispice) et t. II, p. 43, n° 232 
'Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780)', cat. exp., Paris, musée du Louvre, 2007, p. 118, cité et reproduit dans la notice du n° 5 

Commentaire : Gravure : 
Eau-forte par Jules de Goncourt pour la première édition de 'L'Art du XVIIIe siècle', Paris, 1859 

A l'instar de l'irremplaçable monographie d'Emile Dacier sur Gabriel de Saint-Aubin, c'est avec cet autoportrait en médaillon de l'artiste que nous inaugurons le chapitre de cette vente consacré à la collection Georges Dormeuil. Ce dessin avait également été traduit à l'eau-forte par Jules de Goncourt, l'un des premiers biographes de l'artiste, pour la première édition de L'Art du XVIIIe siècle en 1859 (fig. 1), faisant ainsi de ce petit profil l'une des images les plus emblématiques de Gabriel de Saint-Aubin. 
Le dessinateur a ici repris la formule du portrait de profil en médaillon rappelant les médailles antiques alors en vogue, faisant écho à la fois aux médaillons sculptés de Jean-Baptiste Nini sur le pourtour desquels les noms des modèles étaient inscrits en capitales et aux gravures de Charles-Nicolas Cochin avec le ruban autour de l'anneau. Le petit format de notre dessin et son caractère monochrome contribuent aussi à ce rapprochement avec l'art de l'estampe. Saint-Aubin, que nous savons très à l'aise pour décrire les choses avec précision sur des formats réduits, nous offre ici un profil rendant hommage à son talent de dessinateur, utilisant avec virtuosité les hachures pour marquer les reliefs des pommettes du menton et l'estompe pour signifier les ombres de l'arcade et du front. 
Gabriel de Saint-Aubin songeait-il à une utilisation particulière de cette image, ou même à sa diffusion, lorsqu'il la réalisa? L'expression du visage est en tout cas sérieuse et il s'est représenté portant la perruque et un jabot autour du cou. Nous retrouvons la même attitude digne et la même élégance sur son Autoportrait dessinant une allégorie de la Justice, daté de 1768 et conservé au musée du Louvre (fig. 2), que Pierre Rosenberg décrit comme une possible plaidoirie de l'artiste en faveur de ses tableaux pour lesquels il aurait tant souhaité être reconnu1. Ces représentations sont bien éloignées du personnage fantasque et négligé que nous ont décrit ses contemporains. 
Le dessinateur fécond et passionné n'est cependant jamais bien loin et notre autoportrait reste représentatif de son auteur. Ne se contentant pas du simple médaillon, Saint-Aubin a en quelques traits donné un arrière-plan indéfinissable à ce portrait, ajoutant en haut à droite une petite lyre, près de laquelle Dacier à déchiffré l'inscription 'Sous la [ici le dessin de la lyre] d'Apollon', signifiant ainsi l'inspiration permanente à laquelle il était soumis et nous proposant un jeu de lecture entre lettres et dessin que l'on retrouve parfois dans ses illustrations marginales. 
Acquis par Marius Paulme pour le compte de Georges Dormeuil en 1919, ce petit dessin avait auparavant appartenu à l'artiste et historien Prosper de Baudicour qui poursuivit les travaux de Robert Dumesnil sur les artistes graveurs français du XVIIIe siècle². Resté dans la descendance de Georges Dormeuil jusqu'à nos jours et rarement exposé, ce charmant petit autoportrait réapparait aujourd'hui en ayant conservé toute sa séduction et constitue, à l'image de son auteur, une véritable icône de l'art à Paris dans les dernières années du règne de Louis XV. 

Nous remercions Madame Kim de Beaumont de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin d'après une photographie. 

1. Voir cat. exp. Gabriel de Saint-Aubin, Paris, 2007, p. 118 
2. Le Peintre graveur français continué, ou Catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et les dessinateurs français nés dans le XVIIIe siècle, Paris, 1861. 

On découvre ensuite une sanguine de Jacques-André Portail (1695 - 1759), Le flûtiste (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $). Cet artiste mélomane, qui travailla dans l'esprit de Watteau, évoque ici, comme au travers de ses dessins, l’ambiance précieuse d’une société à la recherche de l’harmonie, extase ultime de la fête galante à l’Age des Lumières. Le flûtiste resta pendant 40 ans dans la collection des Frères Goncourt. 

5

Lot 4, Jacques-André Portail (Brest, 1695 - Versailles, 1759), Les musiciens. Sanguine et crayon noir, 25,80 x 22,50 cm (Taches).  Estimation: 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $.

'THE MUSICIANS', RED AND BLACK CHALK, BY J.-A. PORTAIL, 10,16 x 8,86 in.

Provenance : Acquis avant 1857 par Edmond et Jules de Goncourt (en pendant avec 'Deux négrillons', plus tard dans la collection Veil-Picard) ; 

Collection Edmond et Jules de Goncourt, leur cachet (L.1089) en bas à droite ; 
Leur vente, Paris, Hôtel Drouot, Me Duchesne, 16 février 1897, n° 241 (3.150 fr. à Paulme) ; 
Collection Georges Dormeuil, son cachet (L.1146a) en bas à gauche, n° 83 du catalogue Paulme ; 
Puis par descendance.

Expositions : 'Exposition Goncourt', Paris, faubourg Saint-Honoré, 1933, n° 337 (exposition de la photographie reproduisant ce dessin) 
'Chefs-d'œuvre de l'art français', Paris, Palais national des arts, juin - décembre 1937, n° 569, pl. XCIV 
Bibliographie : 'Recueil de 112 photographies tirées par la maison Braun d'après 113 dessins de la collection Goncourt', 1879, 81 (Paris, B.N., cabinet des Estampes, inv. Aa. 80 a, in-f°) 
Edmond et Jules de Goncourt, 'La maison d'un l'artiste', Paris, 1881, vol. I, p. 140 
François Courboin, 'Inventaire des dessins, photographies et gravures relatifs à l'histoire générale de l'art', 1895, vol. 1, p. 386, n° 9631 
Henry de Chennevières, "Portail", in 'Gazette des Beaux-Arts', avril 1898, p. 330 
Elisabeth Launay, 'Les frères Goncourt collectionneurs de dessins', Paris, 1991, p. 420, n° 259, fig. 262 
Xavier Salmon, "Jacques André Portail", 'Cahier du dessin français n°10', Paris, ed. Galerie de Bayser, 1996, p.19, n° 33, repr. p.58 

Commentaire : Jacques-André Portail commence sa carrière comme ingénieur et architecte, profession apprise auprès de son père en Bretagne. En 1738, Philibert Orry, Surintendant des Bâtiments du roi l'appelle à son service et le nomme Dessinateur du Roy. Connu au XVIIIe siècle pour ses dessins précis et minutieux, il trouve un nouveau public au XIXe siècle auprès des collectionneurs comme Goncourt et Chennevières qui apprécient ses figures à la sanguine et au crayon noir. Ils y retrouvent l'esprit de Watteau et s'attachent tout particulièrement à ses dessins représentant des instrumentistes ou des scènes de concert. L'attention des figures est absorbée par la musique, étrangère à toute relativité extérieure. Ici, le flûtiste accompagne de tout son corps la musique en une remarquable oblique focalisant le regard sur la partition d'où émane la mélodie. En contrepoint, le jeune homme qui lui tient la partition, le visage appuyé sur sa main, est saisi par l'artiste dans une pose décontractée mais qui semble favoriser sa concentration. Musicien lui-même ou mélomane, Portail évoque au travers de ses dessins l'ambiance précieuse d'une société à l'écoute ou à la recherche de l'harmonie, extase ultime de la fête galante à l'Age des Lumières.

Portrait de femme au corsage orné de rubans roses, pastel sur papier de Jean-Baptiste Perronneau (1715 - 1783), figura dans l'exposition "Chefs d'œuvre de l'art français" au Palais national des arts, à Paris, en 1937 (est 15 000 - 20 000 € / 16 530 – 22 045 $).

7

6

Lot 5, Jean-Baptiste Perronneau (Paris, 1715 - Amsterdam, 1783), Portrait de femme au corsage orné de rubans roses. Pastel sur papier, 55 x 45 cmSigné 'Perronneau' à la mine de plomb en haut à droite. Estimation 15 000 - 20 000 € / 16 530 – 22 045 $.

Une ancienne étiquette portant le numéro '301' au verso. 

'PORTRAIT OF A LADY WEARING A BODICE WITH PINK RIBBONS', PASTEL, SIGNED, BY J.-B. PERRONNEAU - 21,65 x 17,72 in.

Provenance : Probablement resté dans la famille ou l'atelier de l'artiste ; 
Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Delestre, 20 juin 1905, n° 1 (11.200 francs à Paulme) ; 
Collection Georges Dormeuil, n° 153 du catalogue Paulme ; 
Puis par descendance 

Expositions : 'Cent pastels du XVIII siècle', Paris, Galerie Georges Petit, 18 mai -10 juin 1908, n° 77, pl. 63 
'Chefs-d'œuvre de l'art français', Paris, Palais national des arts, juin - décembre 1937, n° 205

Bibliographie : Léandre Vaillat et Paul Ratouis de Limay, 'Jean-Baptiste Perronneau, sa vie et son œuvre', Paris, 1909, p. 109, n° 161, pl. 37 et réed. 1923, p. 192, et p. 236 
Neil Jeffares, 'Dictionnary of pastellists before 1800', Londres, 2006, p. 413 
Dominique d'Arnoult, 'Jean-Baptiste Perronneau, ca. 1715–1783. Un portraitiste dans l'Europe des Lumières', Paris, 2014, p. 314, n° 311 

Commentaire : Le seul pastelliste pouvant rivaliser avec La Tour fut sans nul doute Jean-Baptiste Perronneau, de dix ans plus jeune que le maître de Saint-Quentin. Egalement membre de l'Académie royale, il expose régulièrement au Salon, où les amateurs louent son talent " plein d'esprit ", sa touche " si savoureuse et si hardie " et affirment qu'il pourrait prendre " un jour, des mains de M. La Tour, le sceptre du pastel ". 
Perronneau connut néanmoins une carrière plus itinérante, trouvant sa clientèle au sein des notables de province. Il connut un réel succès dans les villes de Toulouse, d'Orléans et de Bordeaux. 
Ce portrait, dont l'identité du modèle reste inconnue, nous montre le très grand degré de maîtrise auquel Perronneau était parvenu, visible ici dans la virtuosité avec laquelle le pastelliste a rendu les ruchés roses délicatement appliqués sur la robe noire et les reflets moirés des rubans de la même couleur placés autour du cou de cette élégante. 

1. Abbé Leblanc, Note sur l'Exposition des ouvrages de peinture, de sculpture (…) de l'année 1747, cité par L. Vaillat et P. Ratouis de Limay, Paris, 1923, p. 20. 
2. Baillet de Saint Julien, Deuxième lettre sur la peinture à un amateur, 1748, cité par L. Vaillat et P. Ratouis de Limay, Paris, 1923, p. 39. 

DESSINS ANCIENS DE LA COLLECTION DAVID WEILL, DE LA COLLECTION PIERRE CROZAT ET A DIVERS AMATEURS

On retrouve le talent de Gabriel de Saint-Aubin pour illustrer les événements de la vie parisienne de son temps avec L'Incendie de l'Hôtel Dieu en 1772, dessin à la plume et encre noire, rehaussé d'aquarelle et de gouache (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $), provenant de la collection David Weill. Cet incendie fut relaté par de nombreux écrits et plusieurs artistes, dont Saint-Aubin et Hubert Robert, qui accoururent sur les bords de la Seine pour tracer sur le papier ce terrible drame. Ce dessin fut l'objet de nombreuses expositions de Paris à Bruxelles, en passant par Hambourg, Cologne et Stuttgart.

7

8

9

Lot 3, Gabriel de Saint-Aubin (Paris, 1724 - 1780), L'Incendie de l'Hôtel-Dieu en 1772Plume et encre noire sur trait de crayon, pastel, aquarelle et rehauts de gouache. Signé des initiales et daté 'G. d. S.A. 1772' à gauche sur le pont . nnoté 'St Aubin' en haut à gauche. Estimation: 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $.

Une étude du bâtiment au crayon noir au verso annotée 'Fire of the Hotel Dieu' à la plume et encre brune. 16,50 x 23 cm

'THE FIRE OF THE HÔTEL-DIEU, 1772', PEN AND BLACK INK, PASTEL AND WATERCOLOUR, SIGNED AND DATED, BY G. DE SAINT-AUBIN - 6,50 x 9,06 in. 

Provenance : Collection Thomas Lawrence, Londres, son cachet (L.2445) en bas à gauche ; 
Collection F. de Ribes-Christofle ; 
Sa vente, Paris, galerie Georges Petit, Me Lair-Dubreuil, 10-11 décembre 1928, n° 15 (75.000 francs à Madame Lippmann-Mayer) ; 
Collection David Weill, porte les numéros 'D.W. 1659' et 'D.W. 630' sur le montage au verso ; 
Sa vente, Paris, Hôtel Drouot, Mes Ader-Picard-Rheims, 9-10 juin 1971, n° 122 ; 
Acquis lors de cette vente par le père de l'actuel propriétaire ; 
Collection particulière, Ile de France 

Expositions : 'La Vie parisienne au XVIIIe siècle', Paris, musée Carnavalet, mars-avril 1928, n° 220 
'Les chefs-d'œuvre des collections privées françaises retrouvés en Allemagne par la commission de récupération artistiques et les services alliés', Paris, Orangerie des Tuileries, juillet-août 1946, p. 45, n° 111 
'Le dessin français de Fouquet à Cézanne', Bruxelles, palais des Beaux-Arts, novembre - décembre 1949, Paris, Orangerie des Tuileries, février - mars 1950, n° 101 
'De Watteau à Prud'hon', Paris, galerie des Beaux-Arts, 11 - 31 mai 1956, n° 132 
'Französische Zeichnungen von den Anfängen bis zum Ende des 19. Jahrhunderts ', Hambourg, Kunsthalle, 1er février - 16 mars 1958, Cologne, Wallraf-Richartz-Museum, 22 mars - 5 mai 1958, Stuttgart, Württembergischen Kunstverein, 10 mai - 7 juin 1958, p.41, n° 86 

Bibliographie : Marcel Aubert, 'L'Hôtel-Dieu et l'incendie de 1772 d'après les dessins et les peintures de Gabriel de Saint-Aubin et d'Hubert Robert', in 'Société d'iconographie parisienne', Paris, 1910, p. 22 
Emile Dacier, 'Gabriel de Saint Aubin', Paris-Bruxelles, 1929-1931, t. II, p. 78, n° 474 

Commentaire : Dans la nuit du 29 au 30 décembre 1772, un incendie se déclara à l'Hôtel Dieu, situé entre la rive sud de l'île de la Cité et la rive gauche de la Seine, qui partit du dépôt des suifs (servant à la fabrication des chandelles) non loin duquel se trouvait un grenier à foin. Cette structure, constituée d'un enchevêtrement de corps de bâtiments datant pour beaucoup du Moyen-Age et de la Renaissance, était réputée vétuste et insalubre et avait déjà connu trois importants incendies, en 1718, en 1737 et en 1742. Celui de 1772 fut le plus meurtrier - quatorze malades périrent dans les flammes - et nécessita plusieurs jours d'intervention avant d'être circonscrit. 

Rapidement alerté, Gabriel de Saint-Aubin, qui habitait près du Louvre non loin de là, accouru sur les lieux dès le début du drame au cœur de la nuit et en réalisa plusieurs croquis, dont le dessin que nous présentons ici. Il s'est placé de l'autre côté de la Seine afin d'embrasser une grande partie des bâtiments. Nous distinguons au premier plan le Petit-Pont et, donnant rue du Marché-Palu, les deux pignons de la salle du Légat, à gauche et de la salle Jaune, à droite, qui longeait les quais. C'est dans ces longues salles communes que s'alignaient les lits des malades. A l'arrière-plan, obscurcies par la fumée, se détachent les deux tours de Notre-Dame. C'est un point de vue similaire qu'avait adopté Jean-Baptiste Oudry pour illustrer l'incendie de 1718 (Paris, musée Carnavalet). 

Une fois de plus, Gabriel de Saint-Aubin fait de nous les spectateurs de l'actualité de son temps. L'incendie de 1772 constitua un événement important de la vie parisienne qui fut retracé par plusieurs artistes, dont Raguenet et Hubert Robert, mais rares sont les œuvres réalisées dans les premières heures, alors que les bâtiments sont encore debout et en proie aux flammes. Des feuilles d'Hubert Robert, par exemple, illustrent les bâtiments en ruines quelques jours après, au sein desquels déambulent quelques curieux1. Notre dessin semble être l'un des seuls témoignages de ces premiers instants. Un autre dessin de Saint-Aubin aujourd'hui dans les collections du musée Carnavalet montre que l'artiste s'est ensuite rapproché des flammes : il illustre les pignons des deux salles, cette fois-ci en partie effondrés (fig. 1). 

Nous voyons sur la feuille que nous présentons l'intervention de pompiers, avec le convoi des citernes d'eau sur le pont, les échelles placées le long des façades et les hommes grimpant le long de celles-ci avec les lances actionnées par des pompes à bras. En véritable chroniqueur, Saint-Aubin nous plonge au cœur du drame et de l'action. Son sens du détail et de l'anecdote reste présent, avec par exemple cet épisode des hommes faisant monter une vache sur une barque sous une arche du pont. L'échelle des petits personnages par rapport aux bâtiments en feu nous plonge dans l'effroi, et pourtant on ne peut s'empêcher d'imaginer l'effet produit par le spectacle " le plus magnifique et le plus épouvantable² " de ces immenses flammes rouges et de l'épaisse fumée noire dans le ciel de la nuit parisienne. 

Nous remercions Madame Kim de Beaumont de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin d'après une photographie. 

1. Voir cat. exp. Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780), Paris, musée du Louvre, 2008, p. 62. 
2. La Gazette de France, voir ibid., p. 60. 

Les Ecoles du Nord seront représentées par deux feuilles exceptionnelles : 

La redécouverte d’un dessin à la plume et encre brune, provenant de la Collection Pierre Crozat, et précédemment des Collections Nourri, conseiller au Grand Conseil, de la collection du président Audry et de celle du comte de Bizemont-Prunelé attribué à Rembrandt (1606-1669), Portrait de rabbin au grand chapeau, vers 1636-1639 (est 80 000 - 120 000 € / 88 120 – 132 270 $). Cette feuille est publiée par Martin Royalton-Kisch dans sa révision internet du catalogue raisonné d'Otto Benesch, dans la catégorie des dessins inédits. 

8

9

Lot 10, Attribué à Rembrandt Harmensz. van Rijn (Leyde, 1606 - Amsterdam, 1669), Portrait de vieil homme juif, vers 1636-1639. Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche, 12,50 x 12,50 cm. Estimation: 80 000 - 120 000 € / 88 120 – 132 270 $.

Une inscription d'une écriture ancienne à la plume et encre brune, sans doute de la main du comte de Bizemont ou de son fils 'paul Rembrandt Van Ryn. / Ces deux Dessins ont orné / les cabinets, Crozat, Noury / et en dernier lieu celui / du president Audri, d'orleans' sur le montage au verso. (Collé en plein sur un montage ancien, rousseurs) 

'PORTRAIT OF A JEWISH OLD MAN, CIRCA 1636-1639', PEN AND BROWN INK, BROWN WASH AND WHITE HIGHLIGHTS, INSCRIBED AT THE BACK, ATTR. TO REMBRANDT - 4,92 x 4,92 in.

Provenance : Probablement collection Roger de Piles ; 
Probablement collection Pierre Crozat, selon l'inscription au verso ; 
Probablement sa vente, Paris, 10 avril - 13 mai 1741, parmi l'un des lots de dessins de Rembrandt, n° 867 à 878 ; 
Collection Nourri, conseiller au Grand Conseil ; 
Sa vente, Paris, Hôtel de Bullion, 24 février 1785, partie du n° 771 (à Tavernier) : " Deux têtes, l'une de Philosophe coeffé d'un bonnet fourré, & tenant un livre à la main, l'autre un Vieillard à barbe, la tête coëffée d'un grand chapeau ; à la plume et lavé au bistre " ; 
Collection du président Haudry, Orléans, selon l'inscription au verso ; 
Collection du comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont Prunelé, Orléans, son cachet (L.128) en bas à droite ; 
Collection particulière 

Bibliographie : Emile Davoust, 'Le comte de Bizemont, artiste-amateur orléanais, son œuvre et ses collections', Orléans, 1891, p.142, n° 561 
Le dessin est publié par Martin Royalton-Kisch dans sa révision internet du catalogue raisonné d'Otto Benesch, dans la catégorie des dessins inédits (http://www.rembrandtcatalogue.net/) 

Bibliographie en rapport : Otto Benesch, The drawings of Rembrandt, Londres, 6 vol., 1954-1957 

Commentaire : Historique 
Dans sa description du cabinet des dessins de Pierre Crozat, publiée en 1741 pour la vente de la collection, Mariette comptabilise 391 dessins sous le nom de Rembrandt, répartis en 12 lots (867 à 878). Il précise que la plus grande partie venait de chez Roger de Piles, qui l'avait recueillie en Hollande. Envoyé en 1692 en mission diplomatique par Louis XIV en Hollande, Roger de Piles est emprisonné cinq ans pour espionnage et en profite pour augmenter sa collection. 
Si l'on en croit l'inscription ancienne (de la main du comte de Bizemont-Prunelé ?) au verso du montage, le dessin provient de chez Crozat, bien qu'il ne porte pas le numéro d'inventaire habituel, indiqué à la plume en bas à droite usuellement. Peut-être cela est-il dû au fait qu'il devait se trouver anciennement sur un montage comprenant deux dessins, si l'on interprète intelligiblement l'inscription du verso, et ce qui expliquerait également la constitution du lot de deux dessins dans la vente Nourri. Il est certain en tout cas que la collection du comte de Bizemont répertorie deux dessins par Rembrandt de taille équivalente (4 pouces 9 lignes par 4 pouces 9 lignes pour l'un et 4 pouces 8 lignes par 4 pouces 8 lignes pour l'autre) qui correspondent par leur description au lot 771 de la vente Nourri. Nourri, conseiller au Grand Conseil, fut un des principaux acheteurs à la vente Crozat (2154 dessins achetés). Bizemont les tenaient du président Haudry, amateur et collectionneur de tableaux et de dessins orléanais qu'il fréquentait avec assiduité (voir opus cité supra, Louis Jarry dans l'avant-propos et Davoust, p.9). Haudry avait fréquenté les ventes de Le Brun et acheté des dessins à la vente Mariette. 

Développement stylistique : Quand Rembrandt dessine des portraits ou des études de têtes, il rend avec précision les traits du visage, d'une griffe retenue, tandis que le reste de la silhouette est ébauchée à grands traits larges. La sûreté et la vigueur avec lesquelles il plante la silhouette dirige naturellement notre attention vers ces visages étudiés avec acuité. Plus qu'un contraste, c'est une alliance entre le volume dans l'espace exprimé par la vitalité du geste et la finesse d'analyse psychologique rendue par les fines hachures et les petits accents cassés pour restituer l'expressivité des traits de chaque personnalité. 
L'ajout de gouache blanche permet à l'artiste d'adoucir la charge sombre de l'encrage sur le torse du personnage (on peut voir aussi des traits de plume sous-jacents sur le torse). Il est réparti sous l'auvent du chapeau, sur le front ombré, le nez et la barbe comme si l'artiste avait voulu nimber un visage trop durci par le contraste franc. Ce faisant il teinte la sagesse de ce vénérable rabbin de douceur, une douceur venant de l'intérieur. Les mains posées sur un livre nous invitent à imaginer une Torah ou un écrit talmudique. Le regard flotte dans le lointain, comme si le modèle portraituré n'était plus présent avec l'artiste mais plongé dans une réflexion talmudique. 
Le volume donné au manteau ressemble à celui d'un cône, portant toute l'attention sur la réflexion en cours à l'abri du vaste chapeau. 

Opinions 
Ce dessin inédit partage les opinions : 
- Monsieur Martin Royalton-Kisch pense que ce dessin est de Rembrandt. Il l'inclut dans sa révision internet du catalogue raisonné d'Otto Benesch, dans la catégorie des dessins non signalés par Benesch 
- Monsieur Peter Schatborn pense que ce dessin est de l'école de Rembrandt 

Nous présentons ci-après les opinions originales de ces deux fins connaisseurs, spécialistes de l'œuvre de Rembrandt et de son entourage. 

Martin Royalton-Kisch - 13 janvier 2016 
The composition is inspired by Raphael's Portrait of Baldassare Castiglione, which Rembrandt saw in Amsterdam and copied in a drawing dated 1639 (Benesch 451, fig. 1); the present drawing would probably date from around that year. The man portrayed probably came from the Jewish community in Amsterdam, as is suggested by the tassels (tzitziyot) attached to his clothing.[2] 
The drawing is remarkable for a number of reasons, not least because of its overall high quality, including the confident mise-en-page and the profound characterisation of the sitter, qualities that make the drawing stand apart from almost all the works of Rembrandt's pupils. Yet the attribution to Rembrandt is not entirely straightforward, as some of its stylistic features are not commonly encountered in Rembrandt's own work: the sleeves, for example, are drawn in separate geometric segments, one above the other, mostly with rather bold lines of even breadth. In the further sleeve (on spectator's left, the figure's right), the effect is almost cubistic. Rembrandt usually introduced greater variety into the thickness of his pen lines, especially his outlines. The white heightening, in the beard and below it as well as under the hat and in the nearer ear, is apparently employed somewhat casually. 
The 'geometric' quality is, however, encountered to some degree in the above-mentioned Portrait of Castiglione (Benesch 451, fig. 1), the attribution to Rembrandt of which has never been questioned, not least because it is covered in his handwriting. The folds cascade down Castiglione's right arm in a comparable manner, though the effect is diminished by the thickly brushed lines on the main part of the body. The underlying, thinner pen lines in the body are also similar and split into pairs, probably by pressure exerted on the nib, an effect that also appears in the Seated Elderly Man. The way the facial features are drawn is much the same - the nose with its heavier touch near the nostrils, the eyes with their emphatic dots for the irises and pupils, the near vertical, minuscule lines of hatching either side of the nearer eye, the small spots of ink and dashes that key in the lie of the surface - these are all analogous (for all these features cf. also the Ahasuerus on his Throne, Benesch 85).[3] So, too, is the rather casual use of white bodycolour near Castiglione's hands and behind his neck. Furthermore, the lower lip is suggested by a, for Rembrandt, entirely characteristic short horizontal dash. This and other features again occur in the documentary Portrait of a Woman (Maria Trip?), also probably of c.1639 (Benesch 442; British Museum), which is related to Rembrandt's painting of that year now on loan to the Rijksmuseum (see Corpus, III, 131 and VI, 184b): the delineation of the hair, the wedge-shaped hand and in the somewhat unspecific use of white heightening are all encountered again. 
Further comparisons may be made with other generally accepted drawings, including the Youth Walking Carrying a Pole, now in the Rijksmuseum (not in Benesch; Amsterdam, 1985, no.13; inv.RP-T-1984-119). This again exhibits evenly-outlined geometric shapes, especially - but not only - in the trousers and down the figure's back, and a somewhat generalised application of white heightening. The uniform outlines also occur in a few other iron-gall ink drawings of the period, such as the Study of Women with Children, now in a private collection (Benesch 300), and there are also signs of the geometrical approach with broad outlines in the lower sketch of a Seated Beggar Woman, now in the Louvre (Benesch 197). 
Other comparisons are equally suggestive of Rembrandt's authorship: the Sleeping Dog, also of c.1639 (Benesch 455; Boston Museum of Fine Arts, fig. 2), includes shapes below that closely resemble the books under the hands of the Portrait of a Seated Elderly Man. The indefinite, slack pen and brush lines in the right background also resemble those seen here. The shadows at the back of the kennel almost conceal some parallel, horizontal lines that appear to have been drawn into the wet ink with a dry, sharp implement, to create a sense of refracted light as well as to hint at texture and perspective, and this series of striations resembles the technique of shading under the brim of the hat of the Portrait of a Seated Elderly Man. 
It is certainly possible to compare the Seated Elderly Man with other drawings by Rembrandt that it resembles less closely than one might wish, such as the Portrait of Willem Ruyter, now in the Rijksmuseum (not in Benesch; inv. RP-T-1996-6); but there are nevertheless some similarities in, for example, the delineation of the facial features. But as described above, sufficient similarities exist even with two of Rembrandt's documentary drawings to render attribution of the Seated Elderly Man to Rembrandt highly likely. While this conclusion is not entirely straightforward, and one might wish for yet stronger stylistic connections, there are no works by his pupils that come nearly so close. Rembrandt's work is not always 'predictable', as we know from drawings such as the Portrait of Burchard Grossmann (Royal Library, The Hague, Benesch 257), which though signed and dated 1634, has such a unique stylistic character that it is practically never referred to as a point of comparison to sustain the attribution of other drawings to Rembrandt. If it had survived without its related inscriptions, its attribution would have proven contentious. But if Rembrandt can produce the stylistically unexpected in a signed drawing, there is no reason why he should not occasionally also do so in an unsigned work. As an art historian trained to focus on differences, it is extremely important to remember this fact. 

Summary attribution: Rembrandt 
Date: c.1639 

[1] The modern orthography would of course be 'Audry', as Matthieu Fournier of Artcurial, Paris, correctly surmised (oral communication 5 January 2016). But as "président Haudry", as discovered by Patrick de Bayser from a descendant of the Comte de Bizemont-Prunelé, Pierre de Bizemont, he is mentioned in the foreword by Luis Jarry to the book by Davoust noted under Literature above, p. VIII, as a collector who was closely linked with the Comte de Bizemont-Prunelé. Davoust himself on p. 9 of his introduction emphasises this link (email to the comipler of 19 January 2016). Haudry is also mentioned with the dates 1718-1800 by G. Scherf, in T. Gaehtgens et al. (eds), L'art et les normes sociales au XVIIIe siècle, Paris, 2001, p. 160, as well as in a number of sale catalogues. An 'Audry' was a buyer at the Nourri sale which the present drawing passed through in 1785 (e.g. of lots 768 - a drawing by Rembrandt - 882 and 918). As "Président Audry" he is mentioned in Jean-Baptiste Pierre Lebrun, 'Galerie des peintres flamands, hollandais et allemands', Paris, 1792, p. 20 and 33, as an Orléans collector of note who owned a painting each by Jacob Jordaens and Pieter Van Mol; these turn up in the Cardinal Fesch sale catalogue, Rome, 1844, pp.108 and 157, in which Audry is mentioned as their former owner. The inscription might possibly have been written either by A.G.P. Bizemont or by his son, according to Pierre de Bizemont. I am grateful to Raphaëlle Drouhin of the Musée des Beaux-Arts in Orléans for further information about Haudry. He was 'président du bureau des finances d'Orléans', hence his unusual title. For further information she points to M. L'abbé Desnoyers, Les Collectionneurs orléanais, Orléans, 1880, especially pp.6-7; and E. Moinet and I. Klink Ballesteros, Le Musée des Beaux-Arts d'Orléans, Paris, 2006, especially p.25, 65 and 114. 
[2] Peter Schatborn compared the clothes to those in an illustration of Jews at the end of the sixteenth century in Germany, in the Basel "Stammbuch" of 1612 (as illustrated in the Jewish Encyclopedia, 1901 - I have not located the original source) [email to the present writer, 15 October 2015]. The figure on the right of the "Stammbuch" illustration closely resembles that in a print from the circle of Crispijn de Passe, undescribed in Hollstein, an impression of which is in the British Museum (1873,0614.101) and also the figure in the centre of a broadside of 1633 in the same institution (1873,0712.139). Tassels, as seen here, were commonly (and still are, in a different form) attached to Jewish prayer shawls. The broad-brimmed hat, however, is reminiscent of old quaker and parsons' hats. 
[3] Rijksmuseum, Amsterdam, inv.RP-T-1930-38. The underlying lines are much obscured by wash, but the face, including the 'tramlines' down the nose, is very close to the Seated Elderly Man. It is now usually dated c.1638-39. 
[4] One might have expected to see the number usually written in the lower right corner of Crozat's drawings by P.J. Mariette, who catalogued them for the 1741 Crozat sale, but this might have been subsequently trimmed away. Crozat's 391 Rembrandt drawings were said by Mariette, in the catalogue, to have mostly come from the collection of Roger de Piles, who had purchased them in the Netherlands. Unfortunmately the Crozat sale catalogue does not generally describe individual sheets. See further on Crozat's Rembrandt drawings Schatborn, 1981., especially pp.41-46. See also n.5 below. 
[5] Nourri was a major purchaser of drawings at the Crozat sale (see L. Bicart-Sée, "Some Archival References for Jean-Baptiste-François Nourri",in Master Drawings, XLV, 2007, p.87-90). 

Traduction 
La composition est inspirée du Portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, que Rembrandt vit à Amsterdam et copia dans un dessin daté de 1639 (Benesch 451, fig. 1). Notre dessin pourrait ainsi être daté autour de cette année-là. L'homme portraituré venait probablement de la communauté juive d'Amsterdam, comme le suggèrent les franges (tsitsit) de son vêtement (2). 
Le dessin est remarquable à plus d'un titre, principalement par sa grande qualité, servie par une construction intelligente de la composition et une véritable caractérisation du modèle, qualités qui le distinguent de la majeure partie de la production des élèves de Rembrandt. Son attribution à Rembrandt n'est cependant pas évidente au premier abord car certaines de ses caractéristiques stylistiques ne sont pas celles que l'on rencontre communément dans les œuvres du maître: les manches, par exemple, sont dessinées en segments géométriques distincts, l'un au-dessus de l'autre, avec des lignes épaisses de même largeur. Dans la manche la plus éloignée (celle de gauche pour le spectateur, la droite pour la figure) l'effet est presque cubiste. Rembrandt introduit habituellement une plus grande variété dans l'épaisseur du trait, surtout pour les contours. Les rehauts blancs, dans la barbe et en-dessous de celle-ci, ainsi que sous le chapeau et sur l'oreille, sont apposés de manière très libre. 
Le caractère " géométrique " est cependant également présent dans le portrait de Castiglione mentionné ci-dessus (Benesch 451, fig. 1), dont l'attribution à Rembrandt n'a jamais été remise en question, en grande partie car le dessin est couvert d'inscriptions de sa main. Les plis du vêtement tombent en cascade du bras droit de Castiglione de manière comparable à notre dessin, bien que l'effet soit atténué par les lignes très épaisses sur la majeure partie du corps. Les lignes sous-jacentes, plus minces au niveau du corps sont aussi semblables et appliquées en double, probablement à cause de la pression exercée sur la plume : un effet qui apparaît aussi dans notre Vieil homme assis. 
La façon dont les traits du visage sont dessinés est également similaire - le nez avec une touche plus lourde près des narines, les yeux avec des points pour accentuer l'iris et la pupille, les minuscules hachures verticales de part et d'autre de l'œil, les petits points d'encres et tirets disséminés sur l'ensemble de la surface - toutes ces caractéristiques sont analogues (voir également Assuérus sur son trône, Benesh 85) (3). C'est également le cas de l'utilisation assez libre de la gouache blanche près des mains de Castiglione et derrière son cou. De plus, la lèvre inférieure est suggérée par un court trait horizontal, parfaitement caractéristique chez Rembrandt. Ceci et d'autres particularités coïncident encore avec une autre œuvre : le portrait de femme (Maria Trip ?), également datable probablement aux alentours de 1639 (Benesh 442 ; British Museum) qui est à rapprocher du tableau de Rembrandt de cette même année actuellement en prêt au Rijksmuseum (voir Corpus, III, 131 et VI, 184b) : le délié des cheveux, la forme de la main et l'usage aléatoire des rehauts de blanc sont tous à nouveau observables. 
D'autres comparaisons peuvent être faites avec d'autres dessins dont l'attribution à Rembrandt est acceptée, comme Le Jeune homme marchant avec un bâton conservé au Rijksmuseum (non répertorié dans le Benesch ; Amsterdam, 1985, n° 13 ; Inv. RP-T-1984-119). Cette comparaison met à nouveau en lumière les formes géométriques fortement marquées, principalement - mais pas seulement - dans le traitement du pantalon et en bas du dos de la figure, ainsi que dans l'application de rehauts de blanc. Les contours uniformes se retrouvent également dans certains dessins à l'encre métallo-gallique datant de cette période comme l'Etude de femme avec des enfants conservée dans une collection privée (Benesch 300), et nous retrouvons la même approche géométrique et les larges contours dans La mendiante assise, conservée au Louvre (Benesch 197). 
D'autres comparaisons plaident également en faveur de la paternité de Rembrandt : Le chien endormi, également vers 1639 (Benesch 455 ; Boston Museum Fine Arts, fig. 2) présente des formes qui ressemblent étroitement aux livres présents sous les mains du Vieil homme assis. Les lignes floues à la plume et au pinceau à l'arrière-plan à droite ressemblent également à celles de notre dessin. Les ombres à l'arrière de la niche masquent presque quelques lignes parallèles horizontales qui semblent avoir été tracée dans l'encre humide avec un instrument sec et aiguisé, pour créer une impression de lumière réfractée autant que pour créer l'illusion de la texture et de la perspective. Cette série de hachures ressemble à la technique d'ombres sous le bord du chapeau du Vieil homme assis. 
Il est encore possible de comparer le Vieil homme assis avec d'autres dessins de Rembrandt auxquels il ressemble moins qu'on ne pourrait le souhaiter, comme le portrait de Willem Ruyter aujourd'hui au Rijksmuseum (non répertorié au Benesch ; inv. RP-T-1996-6) ; mais il y a néanmoins des ressemblances, par exemple le rendu des traits du visage. Cependant, comme décrit précédemment, les ressemblances avec deux dessins documentés de Rembrandt sont suffisamment frappantes pour rendre l'attribution du Vieil homme assis à Rembrandt plus que probante. Bien que cette conclusion ne soit pas directe, et que certains pourraient souhaiter des rapprochements stylistiques plus forts, ajoutons qu'il n'y a pas d'œuvre de ses élèves qui présente autant de rapprochements avec notre dessin. L'œuvre de Rembrandt n'est pas toujours " prévisible ", comme nous l'apprennent des dessins comme le Portrait de Burchard Grossmann (Royal Library, La Hague, Benesch 257), qui, bien que signé et daté 1634, présente des caractéristiques stylistiques si uniques qu'il n'est pratiquement jamais mentionné comme un point de comparaison pour supporter l'attribution d'autres dessins à Rembrandt. Si le portrait de Burchard Grossmann nous était parvenu sans ses inscriptions, son attribution aurait été controversée. Mais si Rembrandt peut produire quelque chose de stylistiquement inattendu dans un dessin signé, il n'y a aucune raison qu'il ne fasse pas de même dans une œuvre non signée. Un historien de l'art est entraîné à se concentrer sur des différences, il est extrêmement important de se rappeler ce fait. 

1. [Au sujet de l'annotation au verso du montage] L'orthographe moderne voudrait que l'on écrive "Audry". Mais, comme Patrick de Bayser l'a découvert par Pierre de Bizemont, descendant du comte de Bizemont-Prunelé, il est mentionné comme " président Haudry " dans la préface de Louis Jarry à l'ouvrage de Davoust (op. cit., p. VIII) et comme étant un collectionneur très proche du comte de Bizemont-Prunelé. Davoust souligne également ce lien dans son introduction (p. 9). Haudry est également mentionné avec les dates de naissance et de mort de 17181800 par G. Scherff, in T. Gaehtgens et al. (ed.), L'art et les normes sociales au XVIIIe siècle, Paris, 2001, p. 160, ainsi que dans de nombreux catalogues de vente. Un " Audry " a été acheteur à la vente Nourri lors de laquelle notre dessin fut présenté en 1785 (aux lots 768 - un dessin de Rembrandt - 882 et 918). Il est mentiooné comme " président Audry " par Jean-Baptiste Pierre Lebrun dans sa Galeries des peintres flamands, hollandais et allemands, Paris, 1792, p. 20 et 33, comme un collectionneur d'Orléans qui possédait un tableau de Jacob Jordaens et un autre de Pieter van Mol ; qui apparaissent dans le catalogue de la vente du cardinal Fesch, Rome, 1844, p. 108 et 157, où Audry est mentionné comme leur ancien propriétaire. Selon Pierre de Bizemont, l'inscription sur le montage de notre dessin pourrait avoir été écrite soit par le comte de Bizemont-Prunelé soit par son fils. Je remercie Raphaëlle Drouhin du musée des Beaux-Arts d'Orléans de m'avoir fourni des informations complémentaires sur Haudry. Il était président du bureau des finances d'Orléans, ce qui explique son titre dans les différentes mentions. Pour plus d'information, elle nous signale les ouvrages suivants : M. L'abbé Desnoyers, Les Collectionneurs orléanais, Orléans, 1880, notamment p. 6-7; et E. Moinet et I. Klink Ballesteros, Le Musée des Beaux-Arts d'Orléans, Paris, 2006, notamment p.25, 65 and 114. 
2. Peter Schatborn a comparé ces vêtements à ceux d'une illustration représentant des Juifs à la fin du XVIe siècle en Allemagne, publiée dans le " Stammbuch " de Bâle de 1612 (comme illustré dans l'Encyclopédie juive, 1901 - je n'ai pas localisé la source originale) (email de Peter Schatborn, 15 octobre 2015). La figure à la droite de l'illustration du " Stammbuch " ressemble étroitement à celle présente sur une estampe de l'entourage de Crispijn de Passe, non répertoriée dans le Hollstein, dont une impression se trouve au British Museum (1873, 0614.101) ainsi qu'au personnage central d'une pancarte de 1633 conservée par la même institution (1873, 0712.139). Les franges étaient, et sont toujours, présentes sur les châles de prière juifs. Le chapeau à larges rebords rappelle quant à lui ceux des quakers et des pasteurs. 
3. Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-1930-38. Les lignes sous-jacentes sont rendues peu visibles par le lavis, mais le visage, y compris les " lignes de tram " sous le nez, est très proche du Vieil homme assis. Il est aujourd'hui considéré comme datant des années 1638-1639 
4. [Au sujet de la provenance Crozat] Certains pourraient s'attendre à voir le chiffre habituellement inscrit en bas à droite des dessins de Crozat par P.J. Mariette, qui les a catalogués pour la vente Crozat en 1741, mais cette inscription pourrait avoir été enlevée par un découpage du montage. Les 391 dessins de Rembrandt de la collection Crozat provenaient, affirme Mariette dans le catalogue, de la collection de Roger de Piles, qui les avait achetés aux Pays-Bas. Malheureusement le catalogue de la vente Crozat ne détaille pas les feuilles individuellement. Au sujet des dessins de Rembrandt de Crozat, voir Schatborn, 1981, notamment p. 41 à 46. Voir également la référence dans la note 5 ci-dessous. 

5. [Au sujet de la provenance Nourri] Nourri fut un important acheteur de dessins à la vente Crozat (voir L. Bicart-Sée, " Some Archival References for Jean-Baptiste-François Nourri ", in Master Drawings, XLV, 2007, p.87 - 90) 

Peter Schatborn - 6 décembre 2015 
This unknown, impressive drawing shows an old man with a long beard and a Jewish hat and under his sleeve at the right two tassels of a Jewish prayer shawl. The shape of his dress is not entirely clear but there are several folds, particularly at the right. 
The draughtsman used a pen and brown ink to draw the traits of the face and also probably a first version of the body. He strengthened the outlines very strongly for which he also used the brush with which he shaded the hat over some earlier hatchings. On his hat he used some white, as well as on the dress at the front. The old man seems to be sitting with his arms leaning on a horizontal arm rest or rail. 
At first sight it seemed that the drawing could not be by Rembrandt and difficult to connect convincingly with any of Rembrandt's most securely attributed drawings. The three main arguments against an attribution to Rembrandt are the facial traits, the relationship between the head and he body and the strong, broad outlines. 
The first argument is the way the traits of the face have been rendered. They are in some respects comparable with the Portrait of the actor Willem Ruyter (1587-1639), a drawing in the Rijksmuseum (fig. 3, not in Benesch). While the rendering seems rather similar in both drawings, the execution differs in such a way that it is more likely that a pupil took such a drawing as an example and produced a somewhat freer version with less firm and secure lines. Faces in portrait drawings by Rembrandt are generally more securely drawn. 
A second argument is the relationship between the head and the body, the head being somewhat too large and placed too high on the body. In general Rembrandt's proportions are very natural as can for example be seen in a preparatory drawing for a print, the posthumous Portrait of Johannes Sylvius from 1646 in the British Museum (fig. 4, Benesch 763). This portrait drawing from a later period shows a far more natural relationship between head and body. 
A third argument is presented by the overall, rather uniform use of broad, strong lines, lacking much variation. Here no iron-gall ink was used as in the drawing of Willem Ruyter, in which the ink has gradually spread out in the paper with the result that the lines are now broader than they were when they were drawn. The drawing of Sylvius is an example of Rembrandt's less regular outlines with more differentiation. 
There is no pupil whose drawings can convincingly be connected with the Jewish old man. Pupils followed Rembrandt's style precisely and only gradually developed their more personal styles A group of drawings attributed to Carel Fabritius (1622-1654) shows the strong outlines as a characteristic mark, but none of the drawings attributed to him relates directly to the Jewish old man. Other pupils also sometimes used strong lines and outlines, but never overall and so consequently. 
My conclusion is that the drawing should be called "Rembrandt, School." Hopefully some day there will be more evidence to make a convincing attribution. 

Traduction 
Cet impressionnant dessin inédit représente un vieil homme avec une longue barbe, un chapeau juif et sous sa manche, sur la droite, les franges d'un châle de prière juif. La forme de son vêtement n'est pas parfaitement claire mais nous distinguons de nombreux plis, particulièrement sur la droite. 
L'artiste a utilisé la plume et de l'encre brune pour dessiner les traits du visage et aussi probablement une première version du corps. Il a souligné très fortement les contours pour lesquels il a aussi utilisé le pinceau, avec lequel il a également ajouté des ombres au chapeau, par-dessus les hachures. Sur ce chapeau il a utilisé un peu de blanc, ainsi que sur le devant de la robe. Le vieil homme semble être assis avec ses bras reposant sur un accoudoir. 

A première vue il m'a semblé que le dessin ne pouvait être de Rembrandt et qu'il était difficile de le relier de façon convaincante aux dessins qui lui sont donnés en toute certitude. Les trois principaux arguments contre une attribution à Rembrandt sont les traits du visage, la relation entre la tête et le corps et les contours larges et très appuyés. 

Le premier argument est la manière dont les traits du visage ont été rendus. Ils sont à quelques égards comparables à ceux du Portrait de l'acteur Willem Ruyter (1587 - 1639), un dessin du Rijksmuseum (fig. 3, non répertorié au Benesch). Cependant, si le rendu semble assez similaire dans les deux dessins, l'exécution diffère de telle manière qu'il est plus probable qu'un élève ait pris un tel dessin pour modèle et en ait tiré une version plus libre, avec moins de fermeté et de sûreté dans le trait. Les visages dans les portraits dessinés de Rembrandt sont généralement exécutés avec un trait plus affirmé. 

Un second argument réside dans la relation entre la tête et le corps, la tête étant ici un peu trop grosse et placée très en hauteur par rapport au corps. En général les proportions chez Rembrandt sont très naturalistes comme on peut le voir par exemple dans le dessin préparatoire à la gravure du portrait posthume de Johannes Sylvius de 1646 au British Museum (fig. 4, Benesch 763). Ce portrait dessiné d'une période plus tardive montre une relation beaucoup plus réaliste entre la tête et le corps. 

Un troisième argument d'ordre plus général est l'utilisation générale et uniforme de larges, fortes lignes, manquant de variations. Ici, l'encre métallo-gallique n'a pas été utilisée, contrairement au portrait de Willem Ruyter, où l'encre s'est progressivement étendue sur le papier si bien que les lignes sont plus larges aujourd'hui qu'elles ne l'étaient lors de l'exécution du dessin. Le portrait de Johannes Sylvius est un exemple d'un dessin de Rembrandt aux contours moins réguliers, avec plus de nuances. 

Il n'y a pas d'élèves de Rembrandt dont les dessins puissent être rattachés de façon convaincante avec Le vieil homme juif. Ses élèves ont suivi précisément le style du maître pour ensuite développer progressivement leur propre manière. Un groupe de dessins attribués à Carel Fabritius (1622-1654) présente ces forts contours comme caractéristique, mais aucun ne peut être directement relié au Vieil homme juif. D'autres élèves marquent parfois avec vigueur les lignes et les contours, mais aucun de manière si importante et sur l'ensemble du dessin. 

Ma conclusion est que le dessin devrait être décrit comme " Ecole de Rembrandt ", en espérant qu'un jour de nouveaux éléments permettront d'avancer une attribution convaincante. 

Une rare feuille de grandes dimensions de Cornelis Visscher (vers 1628/29 - 1658), préparatoire à la fameuse gravure de l'artiste, La bohémienne (est : 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $) fait la couverture du catalogue. Ce dessin au crayon noir est une allégorie de la misère. Selon John Hawley, il s'agit d'une importante redécouverte, car c'est le premier exemple sûr de dessin préparatoire pour une gravure de Visscher. 

9

Lot 9, Cornelis Visscher (Haarlem, vers 1628/29 - 1658), La bohémienne. Crayon noir, incisé au stylet, 28 x 22,50 cm. Annoté 'C.Visscher' à la plume et encre brune en bas à gauche. Estimation: 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $

'A BOHEMIAN WOMAN AND HER CHILDREN', BLACK CHALK, INSCRIBED, BY C. VISSCHER - 11,02 x 8,86 in.

Commentaire : Notre dessin est préparatoire à la fameuse gravure de Visscher (Hollstein 49) représentant une bohémienne donnant le sein à son bébé emmailloté, entourée de deux autres enfants, l'un pleurant dans son dos, l'autre tendant un pot vide. Cette allégorie de la misère et de la faim est présentée dans la gravure sur un fond de paysage avec un chemin où s'avancent un chien et trois voyageurs, tandis que notre dessin est l'étude resserrée du groupe de cette Charité réaliste (mêmes proportions). 
Selon John Hawley, ce dessin est une importante redécouverte, car le premier exemple sûr de dessin préparatoire pour une gravure de Visscher, les dessins sur vélin étant des œuvres parallèles. Le musée du Louvre possède en effet une version de La Bohémienne de Visscher sur vélin provenant de la collection Edmond de Rothschild (Inv. 566 DR) et nous pouvons également mentionner une réplique conservée au Fogg Art Museum de Cambridge. Pour une étude sur les dessins de Jan et Cornelis Visscher, voir l'article de John Hawley " An introduction to the Life and Drawings of Jan de Vischer " dans Master Drawings (volume 52, n°1, 2014, p. 59-81). 

Nous remercions John Hawley de nous avoir confirmé l'authenticité de ce dessin d'après une photographie, ainsi que pour son aide à la rédaction de cette notice. 

TABLEAUX ANCIENS A DIVERS AMATEURS

Jean-Baptiste Oudry (1686 - 1755) est présent avec une toile intitulée Comédiens italiens dans un jardin, datée 1719, provenant d'une collection privée de Blois (est. 150 000 - 200 000 € / 165 340 – 220 450 $). Le sujet, rarement traité par le peintre fut très populaire au début du XVIIIe siècle en France et fréquemment développé par des artistes aussi célèbres que Antoine Watteau, Nicolas Lancret ou Jean-Baptiste Pater. Le traitement des personnages et leurs costumes, la fraîcheur des couleurs en font un joli témoignage du goût français de l'époque.

2

10

11

Lot 117, Jean-Baptiste Oudry (Paris, 1686 - Beauvais, 1755), Comédiens italiens dans un parc. Huile sur toile, 65,50 x 83 cm. Signée et datée 'fait par /… Oudry / 1719' en bas à gauche. Estimation: 150 000 - 200 000 € / 165 340 – 220 450 $.

(Restaurations). 

'ITALIAN COMEDIANS IN A GARDEN', OIL ON CANVAS, SIGNED AND DATED, BY J.-B. OUDRY - 25,79 x 32,68 in. 

Provenance : Collection particulière, Blois, au XIXe siècle ; 
Puis par descendance 

Commentaire : Peintre de l'Académie de Saint Luc dont son père est le directeur, c'est en 1707, à l'âge de 20 ans, que Jean-Baptiste Oudry entra dans l'atelier de Nicolas de Largillierre. Ce dernier était alors à l'apogée de sa carrière de portraitiste et enseigna son art au jeune Oudry pendant cinq ans. A l'issue de cet apprentissage, les liens entre les deux hommes restèrent très étroits et Oudry rendra un vibrant hommage posthume à son maître à l'occasion de deux conférences prononcées à l'Académie royale en 1749 et 1752. Le tableau que nous présentons est une des premières toiles peinte par le jeune artiste, qui a ici représenté les personnages de la Commedia dell'arte alors tant appréciés de ses contemporains. 
Seule version signée et datée de cette composition de l'artiste pour laquelle au moins une autre version autographe est connue1, cette scène semble avoir connu un réel succès au regard de plusieurs copies anciennes existantes2. La composition fut aussi gravée en sens inverse - probablement dans la première moitié du XVIIIe siècle - par un graveur non identifié. 
Inédit à ce jour et conservé depuis plus d'un siècle dans une collection familiale à Blois, ce séduisant tableau nous plonge dans l'univers raffiné des premières années qui suivent la mort du roi Louis XIV. Trois comédiens italiens courtisent deux élégantes. Arlequin tend son chapeau vers celle appuyé sur le socle du grand vase orné d'une scène de triomphe marin. Pierrot inviterait-il la seconde à le suivre ? Assise à même le sol elle retient son chien mais semble ignorer ces avances en se cachant derrière son éventail. La palette rosée et les verts clairs métalliques et acides caractéristiques des œuvres de jeunesse d'Oudry rendent le tableau particulièrement frais et agréable. 

1. Huile sur toile, 0,65 x 80 cm., Galerie de la fondation Leventis, Nicosie, Chypre. (Hal Opperman, Jean-Baptiste Oudry, New York, 1977, p. 398-399, n° P105, fig. 37. Lors de l'exposition de 1982-1983, cet exemplaire était considéré comme pouvant avoir été réalisé vers 1715 (cat. exp. J.-B. Oudry, Paris, Grand Palais, p. 61). 
2. Citons notamment celle acquise par le musée des beaux-arts de Bordeaux en 2007, cataloguée comme autographe par Hal Opperman en 1982 (cat. exp., op. cit., p. 60-62, n° 15) et qui se trouve en réalité être une copie d'atelier de moindre qualité. Plusieurs autres copies anciennes sont mentionnées dans le catalogue de l'exposition Oudry de 1982-1983.

La vente propose ensuite une passionnante redécouverte : celle du fragment d’un tableau de Mattia Preti (1613-1699) Apelle peignant Campaspe, huile sur toile (est 80 000-120 000 € / 88 180 – 132 270 $) qui constitue un important apport à la connaissance de l’œuvre du célèbre peintre napolitain. En effet, la toile de Preti fut divisée au XXe siècle. La partie droite de l'œuvre fait aujourd’hui partie des collections du Museo del Barocco à Ariccia. 

10

11

Lot 79, Mattia Preti (Taverna, 1613 - La Valette, 1699), Autoportrait présumé de l'artiste en Apelle peignant Campaspe. Huile sur toile (fragment), 157 x 104 cm. Estimation: 80 000-120 000 € / 88 180 – 132 270 $.

'PRESUMED SELF-PORTRAIT OF THE ARTIST AS APELLES PAINTING CAMPASPE', OIL ON CANVAS, A FRAGMENT, BY M. PRETI - 61,81 x 40,94 in.

Provenance : Probablement collection de la famille Caputi à Naples vers 1742, selon B. De Dominici ; 
Collection Tomás de Veri, Palma de Majorque, en 1920 ; 
Collection du marquis de la Cenia, Madrid, en 1965, selon A. Perez Sanchez;
Collection particulière, Palerme 

Bibliographie : Mentionnant le tableau dans son intégralité : 
Probablement Bernardo De Dominici, Vite de' pittori, scultori ed architetti napoletani, Naples, 1742, vol. I, p. 341 : " Sopra di un altra porta fece un quadro, ova figurò Apelle in atto di ritrarre la bella Campaspe amata dal grande Alesandro, e nel volto di Apelle effigiò Mattia il suo proprio rittrato in profilo. Oggi questi quadri sono ben situati insieme nella Galleria de' Signori Caputi " 
Antonio Ayerbe de Veri, Cuadros notables de Mallorca. Colección de Tomás de Veri, Madrid, 1920, pl. XIV 
Alfonso Pérez Sánchez, Pintura Italiano del siglo XVII en España, Madrid, 1965, p. 420 

En rapport : Stéphane Loire (dir.), La collection Lemme. Tableaux romains des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1998, p. 260-262, sous le n° 109 (Campaspe) 
John T. Spike, Mattia Preti, catalogo ragionato dei dipinti, Taverna, 1999, p. 269, sous le n°201 (Campaspe) et p. 396, sous le n° 411 (Alexandre le Grand) 

Commentaire : Notre tableau constitue une découverte particulièrement intéressante qui vient compléter un puzzle que les aléas de l'histoire nous ont laissé le soin de reconstituer. La présence d'une toile représentant Campaspe dans les collections du Museo del Barocco au Palazzo Chigi à Ariccia1 retint toute notre attention (fig. 1). Mêmes dimensions, même couture de toile horizontale au tiers supérieur et enfin l'explication de la surprenante découpe de la toile que nous présentons : le manque en bas à droite n'est autre que l'emplacement des jambes de Campaspe. Ce dernier tableau constitua en effet la partie droite d'une grande composition démantelée dont notre Apelle constitue la partie centrale. Une reproduction dans un ouvrage de 1920² (fig. 2) constitue le seul témoignage photographique du tableau dans son intégralité qui comprenait aussi la figure d'Alexandre le Grand à gauche d'Apelle. Dans sa monographie consacrée à Mattia Preti, et dans le texte accompagnant Campaspe, John Spike précise qu'en 1965 le tableau aurait été encore complet dans la collection du marquis de la Cenia à Madrid. Or le fragment avec Campaspe apparait sur le marché de l'art italien en 1969 chez Gilberto Algranti. Le tableau aurait donc été démantelé entre 1965 et 1969. Une figure de l'empereur était réapparue lors d'une vente publique en 1989 (3) : il ne restait plus qu'à retrouver l'élément central ; voilà chose faite avec notre découverte ! Si l'on en croit Bernardo de Dominici, cette figure du peintre de la cour d'Alexandre à son chevalet pourrait en outre constituer un autoportrait de l'artiste. 

La composition semble avoir eu suffisamment de succès au XVIIe siècle pour constituer un modèle pour les peintres verriers qui décoraient avec talent les grands cabinets napolitains alors exportés aux quatre coins de l'Europe. Sans doute notre grand tableau appartenait-il à une des prestigieuses collections dont Naples ne manquait pas dans la seconde partie du XVIIe siècle pour servir ainsi de modèle à ce cabinet encore posé sur son piétement d'origine arborant l'aigle bicéphale Habsbourg du roi d'Espagne Charles II (fig. 3) (4). 

Originaire de Calabre, Mattia Preti se forme à Rome dans les années 1630. Il y réalise la synthèse de deux courants antagonistes, recueillant l'héritage du Caravage et de ses suiveurs d'une part, et adoptant la technique plus libre des artistes néo-vénitiens, Pier Francesco Mola, Pietro Testa ou le jeune Nicolas Poussin d'autre part. Auteur de grands cycles à fresques à Rome (Sant' Andrea della Valle)et à Modène (San Biagio), il voyage aussi à Venise vers 1645. Durant ces séjours, il assimile et réinterprète l'exemple de ses prédécesseurs, Guerchin, Reni, Rubens, Lanfranco, Véronèse. Au cours des sept années qu'il passe à Naples, de 1653 à 1660, il transforme profondément la tradition de cette ville. Une heureuse émulation réciproque avec Luca Giordano régénère le style des deux artistes. Puis, Preti s'établit pour les quarante dernières années de sa vie à Malte, où il décore la cathédrale Saint-Jean de La Valette et continue à peindre de nombreux retables ou des tableaux de chevalet pour des amateurs, tant pour la demande locale que pour l'exportation vers le continent. 

1- Mattia Preti, Campaspe, Huile sur toile, 157 x 103 cm ; ancienne collection de Fabrizio Lemme, offert par ce dernier au Museo del Barocco. 
2- Antonio Ayerbe de Veri, Cuadros notables de Mallorca. Colección de Tomás de Veri, Madrid, 1920, pl. XIV 
3- Vente anonyme ; Rome, Christie's, 13 avril 1989, n° 93 
4- Grand cabinet orné de 50 panneaux peints sous verre, attribués à Luca Giordano et à son atelier, Naples, vers 1675, Ancienne collection Pelham Galleries, Londres avant 2008.  

Les grands noms de l’Ecole française ne manquent pas à l’appel avec des œuvres de qualité de la main de Claude Vignon, Jacques Callot, François et Jean-François de Troy, François Boucher, Noël Hallé, Charles de La Fosse, ou encore le rare et délicat Jean Barbault.

Signalons enfin une charmante représentation par Alfred de Dreux de son neveu à cheval rentrant de la chasse (est 80 000 - 120 000 € / 88 180 – 132 270 $).

11

Lot 148, Alfred De Dreux (Paris, 1810 - 1860), Jeune cavalier revenant de la chasse. Huile sur toile, à vue cintrée dans le haut, 84 x 66 cm. Signée 'Alfred De Dreux' en bas à gauche. Estimation:  80 000 - 120 000 € / 88 180 – 132 270 $.

Sans cadre 

'THE RETURN FROM THE HUNT', OIL ON CANVAS, SIGNED, BY A. DE DREUX - 33,07 x 25,98 in. 

Commentaire : Ce charmant tableau est une reprise avec variantes du grand tableau signé et daté de 1859 présenté en vente publique à Londres il y a plus de dix ans (fig. 1) 1. 
Dans toute une série de tableaux, l'artiste représente ses neveux Pierre et André de Foucquières en jeunes chasseurs ; toujours habillés à la mode anglaise avec veste en velours sombre, gilet rouge et gros nœud bleu attachant une chemise blanche, ses neveux sont représentés dans diverses actions de chasse ou encore au salon en compagnie des mêmes chiens qui accompagnent les scènes au grand air. 
Afin de créer un monde sur-mesure, les races de petits chevaux ou double-poneys accompagnent de petits chiens facétieux comme des bulldogs ou des fox-terriers. L'élégance et le mode de vie aristocratique à la campagne sont les références permanentes de l'artiste qui nous livre dans notre séduisant tableau l'image d'un monde idyllique. Caractéristique récurrente d'Alfred De Dreux, notre tableau est peint avec un pinceau rapide et vibrant, des branchages aux poils du chevrillard posé à califourchon sur le petit cheval, tout est parfaitement maîtrisé. 

Nous remercions Monsieur Antoine Lorenceau de nous avoir confirmé l'authenticité de ce tableau par un examen de visu. Ce tableau est inclus dans la base de donnée dédiée à Alfred de Dreux au sein de la galerie Brame & Lorenceau. Un avis en date du 12 février 2016 sera remis à l'acquéreur. 

1 - Vente anonyme ; Londres, Christie's, 20 mai 2005, n°62, 163 x 131 cm, vendu £ 848.000.

PARIS.- The prestigious first semester, Old Master and 19th Century paintings and drawings auction will take place on March 31st at Artcurial during the Salon du Dessin (30th March – 4th April 2016.) It will be dominated by the exceptional collection of French 18th century drawings belonging to Georges Dormeuil which remained in his family until just recently. 

“After the immense success of the Hebey Collection auction held on February 22nd and 23rd, we are once again thrilled to present works from exceptional backgrounds including an ensemble of drawings belonging to Georges Dormeuil some of which previously made up part of the Goncourt brother’s collection and pieces from the David-Weill and Pierre Crozat collections. Their presence highlights the international importance of Paris, the capital of Drawing.” Explains Matthieu Fournier, Artcurial Department Director and auctioneer. 

THE GEORGES DORMEUIL COLLECTION 
Georges Dormeuil (1856-1939) was one of the greatest drawing collectors of his time. Dormeuil was in the industrial business specialising in the fabrication and trade of luxury fabrics. He was passionate about 18th century French art and began collecting in the 1890s. He had a sharp eye and a fine taste which enabled him to acquire exceptional artwork, notably at public sales of prestigious collections including Goncourt, Jacques Doucet, Chennevières, Destailleur and Beurdeley. 

Amongst the works presented, two important drawings by Gabriel de SaintAubin (1724-1780), La "Vénus" de Mignot au Salon de 1757 and Autoportrait de l'artiste dans un médaillon will be presented and demonstrate the artist’s true talent. Rediscovered by the Goncourt brothers, this artist was passionate about Paris under the reign of Louis 15th and described cutural events and Parisian life from this period in a witty manner. The Louvre and the Frick Collection in New York organised a monographic exhibition of the artist in 2008. 

La "Vénus" de Mignot au Salon de 1757 (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $), pen and black ink drawing has had a prestigious journey. Previously belonging to the Edmond and Jules de Goncourt collection and the Jacques Doucet collection, the work entered the Georges Dormeuil collection in 1912. The drawing represents a view of the 1757 ‘Salon’ with an exhibition of a sleeping Venus statue. The ‘Salon’ was an annual exhibition held at the Louvre which enabled artists from the Royal Academy to exhibit their works and get themselves known to the public. This event, a key haunt for SaintAubin was made famous by the critic Diderot and attracted plenty of visitors. 

Autoportrait de l'artiste dans un médaillon (est 20 000 - 30 000 € / 22 045 – 33 070 $), is an emblamatic black crayon drawing which was engraved by Jules de Concourt in 1859 as a frontispiece for the first monography of the artist. It was later illustrated by Emile Dacier as an introduction for the famous catalogue of Saint-Aubin’s work. 

At the auction, one will discover a red chalk work by Jacques-André Portail (1695 - 1759), Le flûtiste (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $). In this piece, the music-loving artist who was influenced by Watteau, evokes the elegant atmosphere of a society on a quest for harmony - a utopic ideal during the age of enlightenement. Le flûtiste remained part of the Goncourt brother’s collection for over 40 years. 

Portrait de femme au corsage orné de rubans roses, is a pastel on paper by Jean-Baptiste Perronneau (1715 - 1783), and was part of the exhibition "Chefs d'œuvre de l'art français" at the Palais national des arts in Paris, held in 1937 (est 15 000 - 20 000 € / 16 530 – 22 045 $). 

ANCIENT DRAWINGS FROM THE DAVID WEILL COLLECTION, FROM THE PIERRE CROZAT COLLECTION AND FROM OTHER DIVERSE AMATEUR COLLECTORS 
One can once again admire the talent of Gabriel de Saint-Aubin who carefully illustrated the events of Parisian life with the work, L'Incendie de l'Hôtel-Dieu en 1772, a pen drawing with black ink enhanced with watercolour and gouache (est 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $), from the David Weill collection. This fire was recounted by several writers and artists including Saint-Aubin and Hubert Robert who rushed to the Seine riverbanks to trace the terrible drama on paper as the event unravelled before them. This drawing was included in several exhibitions in Paris, Brussels, Hamburg, Cologne and Stuttgart. 

Northern European Art will be represented by two exceptional pieces: 
A brown ink pen drawing was rediscovered and attributed to Rembrandt (1606-1669). The work belonged to the Pierre Crozat collection and prior to that, to the Nourri collections (advisor at the Grand conseil), and also to the collection of the president Audry and Comte de BizemontPrunelé. 

Portrait de rabbin au grand chapeau, around 1636-1639 (est 80 000 - 120 000 € / 88 120 – 132 270 $) was recently included in the unpublished drawings section of the internet revision by Martin Royalton-Kisch of Otto Benesch’s catalogue raisonné. 

Another rare yet sizeable piece by Cornelis Visscher (around 1628/29 - 1658), was a preparatory piece for the famous engraving, La bohémienne (est : 40 000 - 60 000 € / 44 090 – 66 135 $) and is featured on the catalogue’s cover. This drawing made using black crayon evokes misery. According to John Hawley, it is a unique discovery as it represents the first preparatory drawing for a Visscher engraving. 

ANCIENT PAINTINGS FROM DIVERSE COLLECTIONS 
Jean-Baptiste Oudry (1686 - 1755) is present at the sale with a picture called Comédiens italiens dans un jardin, dating back to 1719 which previously belonged to the Blois private collection (est. 150 000 - 200 000 € / 165 340 – 220 450 $). The subject, rarely treated by the painter, was very popular at the beginning of the 18th century in France and was frequently developed by famous artists including Antoine Watteau, Nicolas Lancret and Jean-Baptiste Pater. The careful detail of the characters, their costumes, and the fresh colours, beautifully reflect exquisite French style from this period. 

The auction offers a passionate discovery –a fragment of a painting by Mattia Preti (1613-1699) Apelle peignant Campaspe, oil on canvas (est 80 000120 000 € / 88 180 – 132 270 $) an important piece in understanding the famous Neapolitan painter. The painting by Preti was divided in half during the 20th century. The part on the right is now featured in the collections of the Museo del Barocco in Ariccia. 

The great names of the French school will not be overlooked at this auction and quality works by Claude Vignon, Jacques Callot, François and JeanFrançois de Troy, François Boucher, Noël Hallé, Charles de La Fosse as well as the rare and delicate talent of Jean Barbault will all be presented. 

Finally, of note in the sale is a charming representation by Alfred de Dreux of his nephew on horseback returning from a hunt (est 80 000 - 120 000 € / 88 180 – 132 270 $).

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité