Collection de pièces « en pique » napolitaines d'une famille aristocratique européenne
Photo Christie's Image 2016.
Matériau noble, l’écaille de tortue fascine depuis toujours l’homme qui l’utilise pour la confection de meubles et objets dès l’Antiquité. On en trouve des mentions dans les textes d’Ovide, Virgile ou encore de Lucien de Samosate, puis en Chine dès le VIIIe siècle et au Japon dès le XVIe. Elle est à cette époque réintroduite en Europe via les navigateurs portugais revenant des Caraïbes - la mémoire collective rapporte que le berceau d’Henri IV était construit à partir d’une carapace entière. Puis arrive le XVIIIe siècle et sa technique si maîtrisée de la marqueterie Boulle et de ces objets dits « en piqué posé » comme les présents objets.
Les tabletiers ou écaillistes préfèrent la tortue caret – ou tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) à la tortue franche ou encore à la kawan, pour l’extraordinaire profondeur de son écaille. Ramollie à l’eau bouillante puis réhydratée à l’huile, l’écaille est alors incrustée de nacre burgaut, puis de petits clous d’or ou d’argent – technique du piqué – ou encore de motifs en or ou argent – technique du posé.
Le rendu est alors des plus raffinés et provoque encore aujourd’hui un véritable ravissement pour nos regards du XXIe siècle.
C’est à Naples que l’on attribue habituellement l’origine de ce coûteux procédé, à la fin du XVIIe siècle avant que celui-ci ne se développe en Europe et n’atteigne l’apogée de son succès au XVIIIe siècle. La documentation est malheureusement encore aujourd’hui peu fournie. Une production française, anglaise et même allemande est supposée sans que les noms d’atelier nous soient parvenus.
Plusieurs ateliers napolitains sont identifiés. Citons celui d’Antonio de Laurentis, dont la signatureLAURENTII.F.NEAP se trouve sur une très belle paire de bougeoirs, vente Pierre Bergé et associés, 21 décembre 2006, lot 330.
Nicolas de Turris a également apposé sur un encrier conservé à Waddesdon Manor sa signature TURRIS F. NEAPillustré dans dans G. de Bellaigue, The James A. de Rothschild collection at Waddesdon Manor. Furniture, clocks and gilt bronzes, II, Londres, 1974, pp. 837-838.
De l’atelier des Sarao, on connaît Gennaro mais aussi Giuseppe qui a signé Sarao Fecit Neapoli une écritoire conservée à la Wallace Collection et illustrée dans A. Gonzalez-Palacios, Il Tempio del Gusto A. Gonzalez-Palacios, Il Templo del Gusto, tome II, Milan, 1984, p. 231, ill. 529.
Par ailleurs, citons certaines pièces étonnantes dont on ne détient aucune information, comme ce petit cabinet conservé au musée du Louvre (inv. R. 21) provenant des anciennes collections de la baronne Salomon de Rothschild.
Enfin, rappelons que les scènes en nacre sont tirées de gravures comme celles de Paul Decker.
Lot 190. Coffret « en pique » du début du XVIIIème siècle, Naples. Estimation €20,000 – €30,000 ($22,618 - $33,927). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée et posée d’or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme chantournée, à décor pastoral dans des encadrements de treillage délimité par des coquilles, feuillages et autres volutes, le couvercle centré d’un berger au repos dans un paysage architecturé ; quelques petits manques et petits accidents. Hauteur: 11 cm. (4 ¼ in.) ; Largeur: 21 cm. (8 ½ in.) ; Profondeur: 15 cm. (6 in.)
AN EARLY 18TH CENTURY GOLD-PIQUE AND ENGRAVED-MOTHER-OF-PEARL-INLAID TORTOISESHELL CASKET, NEAPOLITAN
Provenance: Vente Christie's, Milan, 20 novembre 2002, lot 546 (partie de lot).
Lot 191. Plat « en pique » du début du XVIIIème siècle, Naples. Estimation €15,000 – €25,000 ($16,964 - $28,273). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée d'or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme mouvementée, centré d’un obélisque sommé d’un buste et encadré de part et d’autre de personnages sur un entablement arboré accompagné de chiens avec en arrière-plan des architectures sur des îlots. Largeur: 30,5 cm. (12 in.) ; Profondeur: 23,5 cm. (9 ¼ in.)
AN EARLY 18TH CENTURY GOLD-PIQUE AND ENGRAVED-MOTHER-OF-PEARL-INLAID TORTOISESHELL DISH, NEAPOLITAN
Provenance: Vente Christie's, Milan, 20 novembre 2002, lot 546 (partie de lot).
Notes: Un plat à la composition centrale très proche présentant un décor architecturé antique également centré d’un obélisque est conservé à Waddesdon Manor, de l’ancienne collection baron Ferdinand de Rothschild et est illustré dans G. de Bellaigue, The James A. de Rothschild collection at Waddesdon Manor. Furniture, clocks and gilt bronzes, II,Londres, 1974, p. 827. Notons que la bordure est différente puisque celle des collections Rothschild se caractérise par une frise de pastilles doublée d’une dentelle feuillagée.
Des différents plateaux répertoriés par Bellaigue aucun ne comporte de signature ou de date.
Lot 192. Aiguière « en pique » de la fin du XVIIème-début du XVIIIème siècle, Naples. Estimation €50,000 – €80,000 ($56,546 - $90,473). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée et posée d’or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme dite « à la romaine », le bec verseur appliqué d’un mascaron masculin, l’anse formée d’une femme en terme, le corps à pans appliqués de réserves sur deux registres, l’un présentant des enfants, l’autre des animaux tels que singe et volatiles, le piédouche reposant sur une base à contours, le tout orné de frises et d’encadrement de volutes. Hauteur: 23 cm. (9 in.)
A LATE 17TH - EARLY 18TH CENTURY GOLD-PIQUE AND ENGRAVED-MOTHER-OF-PEARL-INLAID TORTOISESHELL EWER, NEAPOLITAN
Provenance: Vente Christie's, Londres, 11 décembre 2003, lot 5.
Notes: Le dessin de cette aiguière en écaille de tortue piquée d’or et incrustée de nacre peut être rapproché de celui d’une aiguière en argent de Nicolas Ambroise Cousinet (illustrée dans Cat. Expo., Versailles à Stockholm, Paris, 1985, p. 185). Cousinet est reçu maître orfèvre en 1696 à Paris. En 1702, un envoyé de la cour suédoise, Daniel Cronström , lui commande des dessins de pièces d’orfèvrerie qu’il envoie à Stockholm. L’année suivante, il s’installe à Versailles.
On connaît peu de pièces de forme ambitieuses comme les aiguières. Citons cependant celle conservée au Victoria & Albert Museum, Londres (illustrée dans A. Gonzalez-Palacios, Il Templo del Gusto, tome II, Milan, 1984, p. 234, ill. 536.).
Lot 193. Coffret « en pique » du début du XVIIIème siècle, Naples. Estimation €15,000 – €25,000 ($16,964 - $28,273). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée et posée d’or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme chantournée, le couvercle orné du songe d'un soldat entouré de putti sur fond d’éléments architecturaux, la bordure à motif de réserves feuillagées, les côtés décorés d’architectures, de personnages et d’arbres en îlots inscrits dans des feuillages, l’intérieur révélant un plateau amovible à décor de treillis dans des volutes ; quelques manques et accidents. Hauteur: 6 cm. (2 ¾ in.) ; Largeur: 17 cm. (6 ¾ in.) ; Profondeur: 14 cm. (5 ½ in.)
Provenance: Vente Christie's, Milan, 6 juin 2005, lot 489.
Lot 194. Plat « en pique » de la première moitié du XVIIIème siècle, Naples. Estimation €20,000 – €30,000 ($22,618 - $33,927). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée et posée d’or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme ovale chantournée, à décor pastoral, le centre appliqué de sept îlots présentant des architectures, des bergers et des brebis, le tout dans un large encadrement de volutes et agrafes feuillagées ; quelques petits manques. Largeur: 37 cm. (14 ½ in.) ; Profondeur: 29 cm. (11 ½ in.)
A FIRST HALF 18TH CENTURY GOLD-PIQUE AND ENGRAVED-MOTHER-OF-PEARL-INLAID TORTOISESHELL DISH, NEAPOLITAN
Provenance: Vente Christie's, Milan, 20 novembre 2002, lot 546 (partie de lot).
Notes: Le décor en différents registres composés d’îlots fait écho aux compositions de deux plateaux conservés à Waddesdon Manor et illustrés dans G. de Bellaigue, The James A. Rothschild collection at Waddesdon Manor. Furniture, clocks and gilt bronzes, II, Londres, 1974, p. 827 et 829.
Lot 194. Plat « en pique » de la première moitié du XVIIIème siècle, Naples, la monture, peut-être Löcse, vers 1740, maître-orfèvre "S". Estimation €60,000 – €100,000 ($67,855 - $113,091). Photo Christie's Image 2016.
En écaille de tortue caret piquée et posée d’or et incrustation de nacre burgau gravée, de forme ovale, centré d’une scène ottomane représentant une femme se promenant à dos de dromadaire accompagnée de ses serviteurs et d’un chien, avec une architecture orientale en îlot en arrière-plan et des insectes et volatiles, la bordure formée d’oiseaux exotiques et de rinceaux feuillagés stylisés ; la monture en vermeil et émaux, de forme chantournée appliquée de masques d'angelots reliés par des rinceaux feuillagés et des guirlandes de fruit supportant des perroquets et flanquée de part et d’autres de poignées formées d’enroulements ; quelques fentes. Largeur: 50 cm. (19 ¾ in.) ; Profondeur: 34 cm. (13 ½ in.)
AN EARLY 18TH CENTURY GOLD-PIQUE AND ENGRAVED-MOTHER-OF-PEARL-INLAID TORTOISESHELL DISH, NEAPOLITAN, THE MOUNTS, POSSIBLY LÖCSE, CIRCA 1740
Provenance: Vente Cornette de Saint Cyr, Paris, 19 mai 1999, lot 67 ;
Acquise auprès de Martin Kiener, Lausane, 13 septembre 2001.
Notes: Les écaillistes recourent très fréquemment à un décor empreint d’exotisme aussi bien ottoman, comme pour le présent plat – avec une certaine part d’orient imaginé avec le dromadaire proche du cheval - que sinisant. Citons un plat « en piqué » orné de personnages chinois conservée au musée du Louvre (inv. R. 25) des anciennes collections de la baronne Salomon de Rothschild. Cette scène remplit davantage le centre du plat, cependant on note les mêmes volatiles exotiques dans le ciel.
Notre plat nous rappelle que la Turquie du XVIIIe siècle fait toujours l’objet pour l’Europe de fascination – puisque encore peu connue – mêlée à de la crainte de par sa force militaire.
Christie's. LE GOÛT FRANÇAIS, 3 - 4 May 2016, Paris