Yang Yongliang, "Il en fait des montagnes !"
Yang Yongliang, Viridescence, Pages 1, 44 x 44 cm, 2009.
Oh, le beau paysage ! Dans cette œuvre poétique, des montagnes bleues et vertes émergent de la brume. Pourtant, à y regarder de plus près, quelque chose cloche…
Ce montage photographique a été réalisé par l’artiste chinois contemporain Yang Yongliang. A la fois peintre, vidéaste et photographe, Yongliang est très inspiré par l’art traditionnel de son pays.
Au point que son paysage est un hommage direct au style de peinture de “montagnes et eaux”, emblématique de l’art chinois.
Même la forme de l’œuvre est pensée en écho à celle des éventails chinois antiques.
Attribué à Zhou Fang, Dames de la cour, VIIIe siècle, 46 × 180 cm, Musée du Palais, Pékin.
L’artiste va plus loin, puisqu’il fait ici référence au style “bleu et vert”, qui date de l’époque des Tang, au VIIe siècle.
Yongliang réalise donc un paysage d’apparence très classique. Une œuvre devant laquelle le spectateur pressé ne voit que des montagnes dans la brume, dont certaines sont surmontées de grands arbres. Des arbres, vraiment ?
Wang Ximeng, Mille Li de rivières et de montagnes, 1113, encre et couleurs sur soie, 51,5 × 1 191,5 cm, Musée du Palais, Pékin.
En se rapprochant de ces forêts bucoliques, on découvre que les arbres sont en réalité des pylônes électriques !
Ils recouvrent littéralement les montagnes, qui sont aussi grignotées par des gratte-ciel et des autoroutes. Et cette brume qui semblait si poétique se transforme soudain en nuage de pollution…
Yang Yongliang, Viridescence, Pages 1, 44 x 44 cm, 2009.
Cette thématique alarmante n’est pas anodine chez Yongliang. L’artiste travaille sur l’angoisse que provoque l’urbanisation vertigineuse de la Chine. Surtout, en rendant hommage aux paysages de maîtres de la peinture chinoise, il évoque la nostalgie d’une nature qui tend à disparaître complètement.
En nous piégeant, l’artiste nous incite donc à réfléchir et surtout… à ralentir un peu !
James Meunier
Yang Yongliang, Phantom Landscape Pages, Pages 3, 45 x 45 cm, 2007.
"J’ai nommé la première création de Phantom Landscape Eau de montagne, un élément symbolique chinois. Ce titre se réfère à deux choses, de manière littérale : d’une part la ville où je vis, de l’autre l’eau de la montagne, ce qui représente en chinois le paysage. La ville est mon lieu d’habitation, un espace qui évolue avec moi et qui renferme mes souvenirs. Un mirage ou une ville fantôme est l’environnement vers lequel je tends mais qui n’existe que dans mon imagination. L’eau de la montagne (le paysage) suggère l’imitation de l’art traditionnel de mon enfance, qui disparaît au fur et à mesure de mon évolution personnelle et de celle de la ville. La naissance du Paysage fantôme n’est pas un accident. La ville, le paysage, je les aime et les hais en même temps. Si j’aime la ville pour son côté familier, je déteste d’autant plus la rapidité stupéfiante à laquelle elle grossit et englobe l’environnement. Si j’aime l’art traditionnel chinois pour sa profondeur et son caractère inclusif, je hais son attitude rétrograde. Les anciens exprimaient leur appréciation et leurs sentiments envers la nature à travers des peintures de paysages. Pour ma part, mon propre paysage sert à critiquer la réalité telle que je la vois." Yang Yongliang (www.yangyongliang.com)
Yang Yongliang, Viridescence, Pages 2, 44 x 44 cm, 2009.
Yang Yongliang. Né en 1980 en Chine. Vit et travaille à Shangaï, Chine.
Le travail de Yang Yongliang, qui utilise la photographie comme matériau, s’intéresse à la relation entre la vie moderne et la nature. Depuis le début de sa carrière artistique en 2006, ses uvres sont abondamment collectionnées et exposées, notamment au Bates College Museum of Art (États-Unis), au British Museum et au Red Mansion Foundation (Londres), au MoCA (Shanghai) et en tant qu’artiste résidant au Gyeonggi-do Museum of Modern Art (Corée). Il participera cette année à la 2e biennale de Thessalonique (Grèce).
Yang Yongliang a passé dix ans de sa jeunesse à étudier la peinture traditionnelle chinoise et la calligraphie. Il est diplômé du China Fine Art Academy Institute, section Communication visuelle. Il vit et travaille à Shanghai et donne des cours au Shanghai Institute of Vision Art. Son travail a figuré dans le China Pingyao International Photography Festival 2007 et à Art Miami 2008.
Yang Yongliang, Sur l'eau calme / Eclipse, Shanghai, 2008.