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Alain.R.Truong
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4 mai 2016

« L’or des Akan. Un peuple africain au coeur du commerce mondial. 15e – 19e siècle » au musée d’Aquitaine

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Dja, trésor familial, collection J.-J. Crappier.

BORDEAUX - Les Akan constituent un ensemble d’une quinzaine de peuples apparentés par la langue et la culture. Ils vivent au centre et au sud du Ghana et au sud-est de la Côte d’Ivoire, sur des territoires qui s’étendent sur 150 000 km². On estime leur nombre actuel à 20 millions. Les groupes les plus connus sont les Baoulé et les Agni à l’ouest, les Ashanti et les Fanti à l’est.

Selon la tradition, les Akan auraient migré vers le Sud, de la rive nord du Niger vers la forêt tropicale, pour sauvegarder leur indépendance religieuse, lors de la disparition de l’empire du Ghana au début du 13e siècle. La plupart des peuples akan étaient organisés en royaumes très hiérarchisés, composés de clans matrilinéaires, le pouvoir et les biens se transmettant d’oncle maternel à neveu utérin. 

Leur histoire est une longue succession de conflits pour le contrôle des zones aurifères et des routes commerciales, qui aboutit à la fin du 17e siècle à la domination des Ashanti, dont l’empire ne disparaîtra qu’en 1896, après une lutte acharnée contre les Anglais. Pendant
plus de 600 ans, les Akan ont développé une civilisation brillante, partie prenante du commerce international de l’ère préindustrielle. Malgré la colonisation,  laquelle ils ont longtemps résisté,ils ont su garder vivantes une bonne part de leurs structures sociales et de leurs traditions dans lesquelles, bien que démonétisés, les poids de l’or ont conservé une forte valeur symbolique. 

Un commerce équilibré
Jusqu’à la fin du 19e siècle, l’or, que les Akan nommaient Sika, se devait d’être montré. Ils s’en paraient au quotidien et à l’occasion des cérémonies pour affirmer leur position sociale. La poudre d’or n’était qu’une monnaie en circulation et ils ne lui donnaient pas plus de valeur qu’aux poids qu’ils utilisaient pour la peser, échangeant la poudre, mais gardant pieusement leurs poids.
Du laiton, du cuivre, un fusil, un couteau, des étoffes, des perles, étaient bien plus rares, et tout aussi désirables et utiles que l’or sur le plan matériel et politique.
De fait, la rentabilité de la traite était loin d’être garantie pour les Européens et la vulnérabilité des peuples côtiers a vite fait place à une redoutable habileté commerciale et politique, dont se plaignaient régulièrement les traiteurs européens cloîtrés dans leurs concessions
côtières.

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La pesée de la poudre d’or, collection J.-J. Crappier

A la fin du 15e siècle, l’invention d’un nouveau type de bateau, la caravelle, ouvre l’ère de la navigation océanique, et des grandes expéditions en direction de l’Afrique et des Indes puis des Amériques. Ces voyages posent les jalons de la « traite transatlantique », la première des mondialisations.

Les Akan, principaux producteurs d’or, maîtres de la côte et de l’arrière-pays et jaloux de leur indépendance, traiteront d’égal à égal avec les Européens pendant les quatre siècles que durera ce système d’échange. 

Un monnayage original
On peut se demander pourquoi les Akan, qui connaissaient les pièces arabes et européennes, n’ont pas battu monnaie pour eux-mêmes. La rareté, sur leur territoire, du cuivre, de l’étain et de l’argent, utilisés partout ailleurs pour les petites et moyennes valeurs, la disponibilité en abondance de poudre d’or, monnaie naturellement divisible, en sont les raisons les plus évidentes.
Les mentalités ont fait le reste, car la contrepartie à l’utilisation de la poudre d’or était la nécessité de peser chaque échange, et donc de disposer de poids et de balances acceptés par les différentes parties.
La connaissance de ce système, transmise oralement, s’est perdue avec la colonisation, mais l’étude et la pesée de grandes séries de poids a permis d’en retrouver la cohérence et de valider les données recueillies par les premiers trafiquants et les explorateurs, ainsi que par les enquêtes de terrain menées dans les anées 1950.

Deux hypothèses en découlent, qui s’opposent sans s’exclure : celle d’une origine arabe, avec pour unité de base le mitkal de 4,4 g, qui représentait le poids d’un dinar d’or et celle d’une origine africaine, avec pour unité de base le ba et le takou, correspondant à des graines locales.

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Poids géométriques, collection musée d’Aquitaine, ph. L. Gauthier.

Le dja ou trésor familial
Les réserves de poudre d’or, l’ensemble des poids et des instruments de pesée, complétés de quelques reliques, composaient le dja, ou trésor familial.
Ce dja, de transmission matrilinéaire, jouait un rôle très important dans les cérémonies qui rythmaient la vie des Akan. Aujourd’hui encore, ceux qui ont été conservés dans les familles font l’objet de secrets et de tabous puissants.

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Poids figuratifs, collection musée d’Aquitaine, ph. L. Gauthier

Si les poids les plus anciens sont de forme géométrique, de décor abstrait et sont réputés d’origine arabe, rapidement sont apparus des poids figuratifs. Moins utilisés que les poids géométriques pour la pesée, car moins précis, ils participaient essentiellement au caractère ésotérique du dja. Représentant la flore, la faune et la population dans tous les aspects de sa vie matérielle et spirituelle, ils étaient l’encyclopédie du monde akan, dont ils servaient à enseigner le savoir et les mythes moyen des maximes et proverbes dont ils étaient le support. Ces poids dont l’apparition remonterait au début du 17e siècle ne doivent rien à la tradition arabe et sont en propre le fruit du génie africain.

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Poids Akan, patte de poulet, collection musée d’Aquitaine, ph. L. Gauthier

En 1962, c’est l’un d’entre eux, représentant un poisson-scie, symbole de fécondité et de prospérité, que la BCEAO a choisi pour emblème du franc CFA, refermant ainsi la boucle de cinq siècles d’histoire commune à l’Europe et à une Afrique redevenue indépendante.

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 Poisson-scie, collection J.-J. Crappier.

Sur 160 m², l’exposition retrace cette épopée, de la traite transsaharienne avec les Etats arabo-musulmans aux guerres coloniales de la fin du 19e siècle.
Elle illustre la nature des échanges, sans éluder le problème de la traite humaine. Elle présente les diverses thèses sur l’origine et la structure du système pondéral akan et sur le déchiffrement des poids. Enfin, elle montre les techniques de fonte des poids, les techniques minières et de fabrication de la poudre d’or.

L’exposition rassemble près de 700 poids, tous différents, géométriques et figuratifs, du plus archaïque au plus complexe, ainsi qu’une centaine d’objets et documents représentant l’univers des Akan. 

Le musée d’Aquitaine conserve des poids akan mais la majorité des pièces exposées proviennent des collections privées de Jean-Jacques Crappier, Pierre Gascou et Gi Mateusen.
Jean-Jacques Crappier, spécialiste des poids akan qu’il étudie depuis de nombreuses années, s’est attaché à comprendre leur signification symbolique et le système de calcul des Akan. 

Exposition ouverte du 10 mai au 20 septembre 2016. Musée d’Aquitaine, 20 Cours Pasteur, 33000 Bordeaux. Tél. : 05 56 01 51 00 - www.musee-aquitaine-bordeaux.fr - musaq@mairie-bordeaux.fr

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Poids akan, collection musée d’Aquitaine, photo L. Gauthier

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Poids akan, collection musée d’Aquitaine, photo L. Gauthier

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Poids akan, collection P. Gascou.

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Poids akan, collection Gi Mateusen.

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Poids akan, collection musée d’Aquitaine, photo L. Gauthier. 

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