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Alain.R.Truong
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15 septembre 2016

Sotheby's to offer the collection of Robert Zellinger de Balkany

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The salon rouge. A passionate and exacting collector, Robert Zellinger de Balkany lived in a setting that was both luxurious and welcoming. Photo: Sotheby's.

PARIS.- Sotheby’s, en association avec Leclère-mdv, est honorée d’annoncer la vente de la collection Robert Zellinger de Balkany, à Paris les 20, 28 et 29 septembre 2016, au moment où se tiendra la Biennale des Antiquaires. Cet ensemble exceptionnel, réuni pendant plus de 50 ans par Robert Zellinger de Balkany, provient de l'hôtel de Feuquières, situé rue de Varenne à Paris.

Collectionneur passionné et exigeant, Robert Zellinger de Balkany s'est entouré d’un décor à la fois fastueux et chaleureux, mélangeant subtilement tableaux des grands Maîtres anglais et italiens, pièces exceptionnelles en mobilier, objets d’art, et horlogerie, et décors peints. Une partie de la collection reflète également un goût particulier pour les matières précieuses, que ce soit pour les tissus, ou les objets en pierres dures, argent et bronze doré. Environ 800 lots illustreront le raffinement dans lequel ce grand homme d’affaires avait choisi de vivre et rythmeront le catalogue consacré à cette somptueuse collection. 

Mario Tavella, Président-directeur général Sotheby’s France et Président Sotheby’s Europe : « J’ai connu personnellement Robert pendant de longues années. J’ai toujours été fasciné par cet homme cultivé et polyglotte, mû par un sens aigu de l’amitié, un appétit de vivre et une énergie débordante, qu’il exprimait dans sa vie d’homme d’affaires, de grand sportif mais aussi de collectionneur raffiné. »

Damien Leclère, Leclère-mdv : "Les collections de l'hôtel de Feuquières illustrent le génie de Robert Zellinger de Balkany : il avait l'art de collectionner. Le grand goût français signe ici un fabuleux inventaire qui se déploie avec faste et l'impressionnante collection d'horlogerie, unique au monde, fascine."

PARIS.- Sotheby’s, in association with the Leclère-mdv, announced the sale of the Robert Zellinger de Balkany collection in Paris, during the week of 19th September 2016, at the same time as the Biennale des Antiquaires. This exceptional collection, assembled over more than fifty years by Robert Zellinger de Balkany, comes from the Hôtel de Feuquières at Rue de Varenne, Paris. 

A passionate and exacting collector, Robert Zellinger de Balkany lived in a setting that was both luxurious and welcoming: a subtle mix of paintings by great English and Italian masters, exceptional items of furniture, works of art, timepieces and painted decorations. Part of the collection also reflects his particular liking for precious materials, whether fabrics or objects in hardstone, gilt bronze and silver. Some 800 lots illustrate the refined way in which this prominent businessman chose to live, as can be seen from the catalogue devoted to this magnificent collection. 

To quote Mario Tavella, Président-directeur général Sotheby’s France and Chairman of Sotheby’s Europe, "I knew Robert personally for many years. I was always fascinated by this cultivated polyglot, who had a keen sense of friendship, a powerful appetite for life and unbounded energy, which he expressed in his life as a businessman, dedicated sportsman and refined collector." 

Damien Leclère of the Leclère-mdv : "The collections of the Hôtel de Feuquières illustrate the genius of Robert Zellinger de Balkany, who was a true collector. Here we have a fabulous, splendid inventory redolent of the great French style, and a fascinating collection of clocks, unique in the world." 

MOBILIER ET OBJETS D’ART

Homme de grand goût, Robert Zellinger de Balkany choisit de s’entourer de pièces signées par les plus prestigieux artistes de leur époque. Le mobilier français est parfaitement représenté avec l’exceptionnelle suite estampillée Bernard Molitor, classée monument historique, probablement livrée pour Antoine-César, duc de Choiseul-Praslin en son hôtel particulier de la rue de Grenelle (Commode, estimation : 300.000-500.000 € ; Secrétaire à abattant, estimation : 150.000-300.000 €), ainsi que par les armoires à médailles d'André-Charles Boulle et de son suiveur, Jean-Faizelot-Delorme (estimation : 600.000-1.000.000 €).

FURNITURE AND WORKS OF ART 
A man of refined taste, Robert Zellinger de Balkany surrounded himself with pieces by the most outstanding artists of their times. French furniture is superbly represented by the extraordinary set of furniture stamped by Bernard Molitor, listed as a classified monument, probably made for the private mansion in Rue de Grenelle belonging to Antoine-César, Duc de Choiseul-Praslin (commode, estimate: €300,000-500,000; secrétaire, estimate: €150,000-300,000), and the medal cabinets by André-Charles Boulle and his follower, JeanFaizelot-Delorme (estimate: €600,000-1,000,000). 

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Lot 48. Rare commode à portes en acajou flammé et monture de bronze doré  de la fin de l'époque Louis XVI, vers 1790, estampillée B. MOLITOR. Estimation 300,000 — 500,000 EUR. Photo Sotheby's.

la façade à décor de palmettes, rinceaux et griffons affrontés, ouvrant à trois tiroirs en ceinture et deux vantaux dont l'un à brisure, découvrant trois tiroirs à l'anglaise, les montants en colonnes détachées ornées de feuilles de lierre, terminés par des pieds toupie ; dessus de marbre rouge griotte encastré (restauré) ; avec une étiquette imprimée Trésors des Collections Privées, Les Chefs d'oeuvre du Mobilier français, 7-15 mars 1998, galerie Charpentier
Haut. 93 cm, larg. 138 cm, prof. 66 cm - Height 36 2/3 in; width 54 1/3 in; depth 26 in

Provenance: - Peut-être Antoine-César, duc de Choiseul-Praslin (1756-1808), dans son hôtel particulier de la rue de Grenelle
- Ancienne collection du marquis Guy de Tulle de Villefranche au château de Villarceaux, Ile-de-France
- Vente à Paris, Crédit Municipal, le 26 novembre 1970, lot 17
- Galerie Aveline - Jean-Marie Rossi, Paris

ExpositionTrésors des Collections Privées, Les Chefs d'oeuvre du Mobilier français, 7-15 mars 1998, galerie Charpentier, Paris

Bibliographie: - P. Guth, "La carrière brisée d'un ébéniste d'avant-garde : Molitor" in Connaissance des Arts n°64, juin 1957 (reproduite)
Les Ebénistes français du XVIIIe siècle, Paris, 1965, p. 319 (reproduite)
- D. Ledoux-Lebard, Les Ebénistes français du XIXe siècle, Paris, p. 488 (reproduite)
- A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1986, p. 427 (reproduite)
- U. Leben, Molitor, Saint-Rémy-en-l'Eau, 1992, p.132 (reproduite)
Jean-Marie Rossi, 45 ans de passion, Paris, 2000, p. 31 (reproduite)

Notes: Bernard Molitor, ébéniste reçu maître en 1787. 

Né en 1755 à Betzdorf au Luxembourg, Molitor arriva à Paris entre 1776 et 1778 pour rejoindre son frère Michel, déjà installé comme ébéniste. Dès avant sa maîtrise, il bénéficiait d’un atelier libre à l’Arsenal. En 1788, juste après son mariage, il emménagea dans un nouvel atelier rue de Bourbon (actuelle rue de Lille), en face de l’hôtel de Salm (cf. U. Leben, Molitor, Saint-Rémy-en-l'Eau, 1992, pp. 36-37). C’est dans cet atelier que fut produit toute une série de meubles présentant de nombreuses similitudes et vraisemblablement tous destinés à un même commanditaire.

A cette époque  résidait également rue de Bourbon Antoine-César de Choiseul-Praslin  (1756-1808) qui bénéficiait, depuis son mariage en 1775, d’un appartement dans l’hôtel de ses parents. Il mena sous Louis XVI une belle carrière militaire et fut élu député suppléant de la noblesse aux Etats-Généraux en 1789, puis membre de l’Assemblée constituante (fig. 1). Son père mourut le 16 décembre 1791, date à laquelle Antoine-César devint le quatrième duc de Choiseul-Praslin. Il n’émigra pas mais préféra mettre sa famille à l’écart de la tourmente révolutionnaire dans une maison à Auteuil qu’il avait achetée vers 1787. Finalement incarcéré sous la Terreur, il échappa de justesse à la guillotine grâce à la chute de Robespierre. 

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Portrait du duc de Choiseul-Praslin.

Afin de décorer l’hôtel familial rue de Bourbon, ou encore  de meubler sa maison d’Auteuil, le duc de Choiseul-Praslin passa régulièrement commande à Molitor dès avant 1792 : Ulrich Leben répertorie à ce jour au moins dix meubles exécutés par l’ébéniste pour les Choiseul-Praslin (cf. U. Leben, op. cit., 1992, pp. 77-79). En 1797, Antoine-César rentra en possession de ses biens confisqués sous la Révolution et, bénéficiant enfin de l’héritage de son père, devint l’un des hommes les plus fortunés de France. Lorsque l’hôtel de ses parents fut vendu en 1803, le duc de Choiseul-Praslin fit alors l’acquisition de l’ancien hôtel d’Harcourt rue de Grenelle, pour lequel Molitor continua de lui fournir des pièces de mobilier. 

La commode et le secrétaire que nous présentons sont très vraisemblablement à rattacher aux livraisons de Molitor pour les Choiseul-Praslin. Une partie de ces livraisons consistait en des meubles d’ébène incorporant des panneaux d’ancien laque ; l’autre partie était réalisée dans le plus bel acajou. Une commode à deux portes en acajou moucheté, dont l’ornementation en bronze doré est quasiment identique à la nôtre, a été identifiée par Ulrich Leben comme celle décorant la chambre d’Antoine-César lors de son inventaire après-décès en 1808 (fig. 4 ; cf. « Furniture made by Bernard Molitor » in The Furniture History Society Bulletin XXVII, 1991, p.103). Dans sa chambre était aussi décrit un secrétaire « à figures », aujourd’hui conservé au Cleveland Museum of Art : la présence de termes égyptiens coiffés d’un némès dans la partie supérieure des montants est le seul détail qui le différencie de notre secrétaire (voir lot suivant, fig. 2).

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Commode à portes par Molitor, collection particulière.

Le château de Villarceaux

Le domaine de Villarceaux comprend deux châteaux, l’un d’origine médiévale, l’autre d’époque Louis XV édifié par Jean-Baptiste de Courtonne entre 1755 et 1759 pour Charles du Tillet, marquis de Villarceaux. Au cours du XIXe siècle, le château connut des propriétaires successifs avant d’appartenir aux Cartier : Amélie Cartier épousa en 1879 Guy de Tulle, marquis de Villefranche, dont la famille conserva le domaine jusqu’en 1975.

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Château de Villarceaux, Ile-de-France.

Dans Les Ebénistes français du XVIIIe siècle,  ouvrage publié par Hachette et Connaissance des Arts en 1965, les deux meubles sont photographiés au château de Villarceaux (fig. 3 et fig. 1 du lot suivant), illustrant magistralement les pages consacrées à Molitor.

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La commode in situ au château de Villarceaux.

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Le secrétaire in situ au château de Villarceaux.

Veuillez noter que ce lot fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques, et est notamment soumis à des restrictions quant à sa circulation. A cet égard, veuillez vous référer à la section « Monuments Historiques » dans les Informations importantes destinées aux acheteurs en fin de catalogue.
L’identité et les coordonnées de l’acquéreur seront communiquées au Ministère de la Culture et de la Communication, conformément aux textes applicables.

Please note that this lot is classified as a Historical Monument, and its circulation is subject to particular restrictions. For further information, please refer to the "Historical Monuments" section in the Important information for buyers at the back of the catalogue.
The buyer’s identity and contact details shall be communicated to the French Ministry of Culture and Communication, in accordance with the relevant legislation.

 

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Lot 49. Rare secrétaire à abattant en acajou flammé et monture de bronze doré  de la fin de l'époque Louis XVI, vers 1790, estampillé B. MOLITOR. Estimation 150,000 — 300,000 EUR. Photo Sotheby's

la façade à décor de palmettes, rinceaux et griffons affrontés, ouvrant à un tiroir, un abattant découvrant trois casiers et huit tiroirs, et à deux vantaux découvrant un casier, un coffre et deux tiroirs ; les montants en colonnes détachées ornées de feuilles de lierre et sommées de chapiteaux en feuilles de lotus, terminés par des pieds toupie ; dessus de marbre rouge griotte
Haut. 144,5 cm, larg. 97 cm, prof. 43 cm - Height 56 3/4 in; width 38 1/4 in; depth 17 in.

Provenance: - Peut-être Antoine-César, duc de Choiseul-Praslin (1756-1808), dans son hôtel particulier de la rue de Grenelle
- Ancienne collection du marquis Guy de Tulle de Villefranche au château de Villarceaux, Ile-de-France
- Vente à Paris, Crédit Municipal, le 26 novembre 1970, lot 17
- Galerie Aveline - Jean-Marie Rossi, Paris

ExpositionTrésors des Collections Privées, Les Chefs d'oeuvre du Mobilier français, 7-15 mars 1998, galerie Charpentier, Paris

Bibliographie: - P. Guth, "La carrière brisée d'un ébéniste d'avant-garde : Molitor" in Connaissance des Arts n°64, juin 1957 (reproduit)
Les Ebénistes français du XVIIIe siècle, Paris, 1965, p. 318 (reproduit)
- D. Ledoux-Lebard, Les Ebénistes français du XIXe siècle, Paris, p. 489 (reproduit)
- A. Pradère, Les Ebénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1986, p. 426 (reproduit)
- U. Leben, Molitor, Saint-Rémy-en-l'Eau, 1992, p.133 (reproduit)
Jean-Marie Rossi, 45 ans de passion, Paris, 2000, p. 30 (reproduit)

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Secrétaire de Molitor, Cleveland Museum of Art.

Veuillez noter que ce lot fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques, et est notamment soumis à des restrictions quant à sa circulation. A cet égard, veuillez vous référer à la section « Monuments Historiques » dans les Informations importantes destinées aux acheteurs en fin de catalogue.
L’identité et les coordonnées de l’acquéreur seront communiquées au Ministère de la Culture et de la Communication, conformément aux textes applicables.

Please note that this lot is classified as a Historical Monument, and its circulation is subject to particular restrictions. For further information, please refer to the "Historical Monuments" section in the Important information for buyers at the back of the catalogue.
The buyer’s identity and contact details shall be communicated to the French Ministry of Culture and Communication, in accordance with the relevant legislation.

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Lot  42. Deux importantes armoires à médailles formant paire en marqueterie en contrepartie d'écaille et de laiton et monture de bronze doré, l'une par l’atelier d’André-Charles Boulle, vers 1720-1730, et probablement restaurée par Jean-Faizelot Delorme, l'autre vers 1760-1770Estimation 600,000 — 1,000,000 EUR. Photo Sotheby's.

la façade ouvrant à deux vantaux à décor de rinceaux, centrés d'un masque d'Apollon, ornés des figures de Socrate et Aspasie dans un entourage de sept médailles de l’Histoire de Louis XIV, avec des équerres dans les angles ; les côtés à décor de rinceaux feuillagés ; l'une estampillée J.F.L. DELORME ; l'autre marquée du JME ; le bronze d'Aspasie marqué au revers FAIT / RICH... / par / Sabatié
Quantité: 2
Haut. 130,5 cm, larg. 122 et 124 cm, prof. 44,5 et 45 cm
Height 51 1/3 in; width 48 in and 48 3/4 in; depth 17 1/2 in and 17 3/4 in.

Provenance: - Probablement ancienne collection du duc de Sutherland à Stafford House, vers 1848 (visible sur une vue d’intérieur)
- Ancienne collection Ogden Mills (1857-1929), acquises vers 1910 pour son hôtel au 73 rue de Varenne, puis sa fille Béatrice, comtesse de Granard, puis par descendance
- Vente Christie's à Londres, The Exceptionnal Sale, le 4 juillet 2013, lot 20

Bibliography: A. Pradère, "Les armoires à médailles de l'Histoire de Louis XIV par Boulle et ses suiveurs" in Revue de l'Art n°107, 1997

Notes: Sur les vingt-cinq d’armoires à médailles répertoriées aujourd’hui par Alexandre Pradère, seules huit d’entre elles appartiennent à des collections privées, dont les deux exemplaires de la collection de Robert de Balkany. L’article d’Alexandre Pradère rassemblant l’ensemble des informations disponibles sur le sujet, il convient simplement d’insister sur le succès ininterrompu de ces meubles depuis leur création probablement à la fin de la Régence, vers 1720-1725. L’étude des prix de ces armoires obtenus en vente publique reflète une certaine stabilité dans le courant du XVIIIe siècle avec un prix moyen de 1000 livres par meuble entre 1762 et la fin du siècle qui connaît une baisse générale des prix. Il fallait donc plus ou moins compter 2000 livres pour s’offrir une paire d’armoire à médaille dans la seconde moitié du siècle (le record étant de 3000 livres lors de la vente Gaillard de Gagny en 1762, les armoires sont alors présentées comme étant l’ouvrage de Boulle père).

Les armoires à médailles sont très bien représentées dans les collections publiques et les musées. Six sont conservées au château de Versailles, deux au Palais de l’Elysée et deux au ministère des affaires étrangères. Cinq d’entre elles se trouvent en Angleterre, deux au château de Windsor, deux au château de Chatsworth et une à l’Ashmolean museum à Oxford. Enfin deux armoires sont aujourd’hui conservées au musée de l’Ermitage à Saint Petersburg permettant d’en totaliser dix-sept. Les huit autres se trouvaient réparties entre les anciennes collections Beauvau (deux armoires), Patino (deux armoires) et Ogden Mills (quatre armoires).

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Armoires à médailles de l'hisoire de Louis XIV avec les figures d'Aspasie et de Socrat, ttribuées à André Charles Boulle et son atelier, premier tIers du XVIIIème siècle de l’ancienne collection Patiño (collection particulière).

Il ne serait pas surprenant d’utiliser le terme de paire pour qualifier la juxtaposition de deux meubles en contrepartie en tant que paire ce type de meuble en marqueterie dont le découpage des plaques de laiton et d’écaille de tortue implique la création d’une « première partie » (sur fond d’écaille) et une contre-partie (sur fond de laiton). On trouve en effet tout au long du XVIIIe siècle des armoires à médailles présentée en pendant ; les deux, soit sur fond d’écaille, soit sur fond de laiton. Il est intéressant de citer à ce titre la vente Le Bœuf, le 8 avril 1783, lot 210 : « Deux armoires semblables aux précédentes, mais en contre-partie ; l’on ne peut rien avoir de plus noble ni de plus riche que ces quatre meubles pour l’ornement des cabinets (…) ». Cet éloge valant pour les quatre meubles, le lot précédent correspondant à deux autres armoires en première-partie, montre très clairement la façon dont on les présentait. La vente Lebœuf par ailleurs illustrée, apporte une confirmation de l’identification du modèle (voir illustration). 

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Extrait du catalogue de la vente Le Bœuf, annoté par A. de Saint-Aubin (collection particulière). 

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Projet d’armoire de Socrate et Aspasie par A.C. Boulle (Musée des Arts Décoratifs).

La collection Ogden Mills

Fils d’un richissime banquier américain qui lui laissa à sa mort une fortune considérable, Ogden Mills (1856-1929) appartenait à de nombreux conseils d’administration de sociétés dans lesquelles son père avait investi. Passionné de courses de chevaux, il s’y consacra et mena de nombreux chevaux à la victoire. Sa fille Béatrice (1883-1972) épousa Lord Granard en 1909, ils s’installèrent à Paris dans l’hôtel de Taverny au 73 rue de Varenne qu’ils aménagèrent dans les années 20 et constituèrent une très importante collection de mobilier du XVIIIe siècle.

Ogden Mills possédait notamment deux autres armoires à médailles, en première et contrepartie, vendues chez Christie’s à Londres le 5 juillet 2013, lot 30.

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Portrait de la comtesse de Granard.

De nombreuses pièces témoignent de la prédilection du collectionneur pour les pierres dures et semi-précieuses comme ce spectaculaire cabinet en pierres dures, ébène, bronze doré et argenté, travail romain, vers 1620, ayant appartenu au pape Paul V Borghese (estimation sur demande). Cette œuvre unique fut achetée en 1959 par son père, Aladar Zellinger de Balkany, sur les conseils de son fils, Robert.

Numerous lots illustrate the collector's liking for pietre dure, like this spectacular pietre dure mounted inlaid ebony cabinet, Roman in c. 1620, which once belonged to Pope Paul V Borghese. This unique piece was bought in 1959 by Robert's father, Aladar Zellinger de Balkany, on his son's advice. 

 

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Lot 56. Exceptionnel cabinet en pierres dures, ébène, bronze doré et argent, travail romain, vers 1620, provenant du pape Paul V Borghèse, puis du roi George IV. Estimation sur demande. Photo Sotheby's.

la façade à trois niveaux et cinq travées, centrée d’un avant-corps, reposant sur un double soubassement ; le premier niveau rythmé par des colonnes corinthiennes, comportant une niche surmontée d’un fronton curviligne orné des armoiries du pape Paul V Borghèse ; le deuxième niveau rythmé par des colonnes corinthiennes, centré d’un fronton triangulaire, couronné d’une balustrade et flanquée d’allégories ; le troisième niveau rythmé par des cariatides et surmonté d’un fronton brisé couronné d’allégories couchées et d’une figure d’empereur ; les panneaux en marqueterie de lapis-lazuli, différents types de pierres dures et de jaspes, les colonnes en lapis-lazuli, les figures en argent et bronze doré, les côtés plaqués de palissandre ; un tiroir inscrit au crayon Joel Wood repair'd this thing Feb 27 Broad St 1824, London ; le dos marqué au fer VR BP N°188 / 1866 ainsi que C.M & W 1959 ; avec trois étiquettes, dont deux imprimées BUCKINGHAM PALACE / L.C.D. surmonté du chiffre couronné GVR (pour George V Rex) et FROM THE SUPERINTENDENT / BUCKINGHAM PALACE / FROM THE GREEN DRAWING ROOM / 7/5/58 ;
le piètement en ébène, bois noirci et bronze doré, probablement réalisé en Angleterre par l'ébéniste Louis-François Bellangé vers 1821-1827, à fond de glace, épousant le ressaut central du cabinet, composée de colonnes ioniques jumelées surmontées d’un entablement orné d’une frise de rinceaux et reposant sur une plinthe
Cabinet : haut. 178 cm, larg. 126 cm, prof. 54 cm ; console : haut. 84 cm, larg. 153,5 cm, prof. 65,5 cm
Cabinet: height 70 in; width 49 2/3 in; depth 21 1/4 in; stand: height 33 in; width 60 1/2 in; depth 25 3/4 in.

Provenance: - Pape Paul V Borghèse, puis par descendance jusqu’au prince Camille Borghèse 
- Vente à Londres « A Collector of Taste », James Christie, 4 juillet 1821, lot 89, invendu mais très certainement acheté après la vente par le marchand Edward Holmes Baldock 
- Vendu par le précédent au roi George IV, le 22 mai 1827, pour le château de Windsor
- Collections royales britanniques, palais de Buckingham, Londres, vers 1840 jusqu’au moins en 1930 
- Reine Mary (1867-1953), Marlborough House, Londres
- Vente à Londres, « Property of H.M. Queen Mary from Marlborough House », Christie’s, le 2 octobre 1959, lot 184B

Bibliography: Hugh Roberts, For the King’s pleasure: the furnishing and decoration of George IV’s apartments at Windsor Castle, Londres, 2001, p. 269 (reproduit fig. 346)
Alvar Gonzales-Palacios, “Concerning Furniture: Roman documents and inventories” in Furniture History, vol. XLVI, 2010, pp. 1-135
Sylvain Cordier, Bellangé, ébénistes : une histoire du goût au XIXe siècle, Paris, 2012, p. 620 (reproduit fig. LFB 26) 
Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, Roman Splendour and English Arcadia: the English taste for pietre dure and the Sixtus Cabinet at Stourhead, Londres, 2015, p. 56 (reproduit fig. 65)

Le Cabinet Borghèse-Windsor
Alvar González-Palacios

De nobles proportions, ce cabinet grandiose (en italien « stipo »), caractéristique du maniérisme tardif, se présente comme un palais en miniature ou, si l’on préfère, comme un magnifique objet d’art à très grande échelle  (178 cm - incluant la statuette – x 126cm x 54 cm). Composé de trois étages, il est entièrement recouvert de pierres dures et divisé en deux ordres de colonnes plaquées de lapis-lazulis, quatorze colonnes scandant le premier niveau et douze rythmant l’étage supérieur.

La richesse de sa façade tient à la splendeur chromatique des pierres, du bleu intense des lapis-lazulis à la lumière polychrome des jaspes – blanc et rouge, rouge orangé, jaune strié. Agates, cornalines et autres pierres dures  tachetées de nacre et de tonalités plus claires soulignent au centre l’ovale en améthyste et à l’intérieur de la niche est plaqué le plus beau jaspe jaune de Sicile qu’il m’ait été donné de voir. Cette partie du meuble est particulièrement soignée, la voûte et les portes latérales sont ornées de bronze doré et le plancher marqueté en ébène et corne. 
Le reste du cabinet est également décoré en bronze et cuivre doré, depuis les bases  et les chapiteaux corinthiens des colonnes jusqu’aux volutes, des six cariatides aux quatre figures féminines en ronde-bosse – probablement des Vertus – et aux deux dernières couchées sur le tympan.
Toutes les têtes de ces statuettes sont en argent. Au sommet du cabinet, la figure d’un empereur romain,  légèrement plus grande,  confère une aura patricienne à la somptueuse construction : ses traits rappellent ceux d’Hadrien ou de Lucius Verus. Les armes sur l’arc central sont celles de Paul V Borghèse (1552-1621, élu pape en 1605) : est fait ainsi allusion à la relation entre le pouvoir temporel des empereurs de Rome et celui plus spirituel du vicaire du Christ sur la Terre.

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Buste du pape Paul V par Le Bernin (musée Getty, Los Angeles).

Il s’agit du cabinet romain le plus important depuis plusieurs décennies à apparaître sur le marché. Son histoire est en partie connue, mais elle a été rappelée récemment dans l’ouvrage de Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd (voir note 3). Le meuble apparut une première fois à Londres le 4 juillet 1821, lors de la vente anonyme A Collector of taste : le catalogue Christie’s stipulait une provenance Borghèse, « this noble article is from the Borghese Palace ». Suite à la vente, il fut racheté par le célèbre marchand londonien Edward Holmes Baldock (1777-1845) qui le confia pour restauration à Joel Wood à Londres en 1824. Trois années plus tard, le 22 mai, Baldock le vendit à Georges IV (1762-1830). Le roi le destinait au Grand Corridor du château de Windsor : c’est pourquoi il fut restauré en 1828 par ses ébénistes, Morel & Seddon. Le cabinet Borghèse demeura dans les collections royales anglaises jusqu’en 1959, date à laquelle il fut vendu avec la table pariétale de goût néoclassique qui le soutenait, peut-être commissionnée par Baldock auprès de l’ébéniste français Alexandre-Louis Bellangé (voir infra) : il fut inclus dans la vente Christie’s du 2 octobre s’intitulant « Property of H. M. Queen Mary, from Marlborough House ».

Tout ce qui a été écrit jusqu’à présent à propos de l’origine Borghèse de ce cabinet est exact. Le prince Camille Borghèse (1775-1832), auquel le cabinet appartenait en tant que descendant de Paul V, était jeune et assez riche : l’héritage des Borghèse était alors intact et tous les palais et les biens des Borghèse, à Rome et ailleurs, demeuraient en sa possession. Cet héritage comprenait également de splendides collections d’œuvres d’art, à l’exception de la plupart des antiquités classiques qu’il avait dû vendre à la France suivant la volonté de Napoléon Ier - ces dernières ne lui furent d’ailleurs jamais entièrement payées. Depuis son mariage avec Pauline Bonaparte en 1803, sœur de Napoléon Ier, le prince Camille était devenu citoyen français et Altesse Impériale. Après la chute de l’Empire, le prince partit vivre à Florence au palais Salviati Borghèse, redécoré somptueusement pour l’occasion ; ses relations avec Rome et la Papauté étaient cordiales mais légèrement assombries par son passé anticlérical. Son frère et héritier présumé, Francesco Borghèse Aldobrandini, vivait pour sa part à Paris en très bons terme avec la cour des Bourbons, revenus au pouvoir en 1815. Les relations étroites entre Louis XVIII et Georges IV sont connues, et cela aurait été inconcevable de vendre au roi d’Angleterre un objet qui se prévalait d’une origine Borghèse, si cette dernière avait été fausse.

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Portrait du prince Camille Borghèse par le baron Gérard.

On pourrait se demander pourquoi un homme aisé et très en vue céda ainsi un meuble que nous considérons aujourd’hui un chef-d’œuvre[1]. Cependant les goûts changent et un cabinet comme celui-ci, si spectaculaire soit-il, ne fut pas toujours à la mode. Lorsqu’au XVIIIe siècle s’épanouit le goût rocaille, celui-ci s’accommoda mal des meubles en ébène et pierres dures. A l’époque du triomphe de la courbe, ce type de mobilier fut relégué dans des dépôts ou vendu. Dans le meilleur des cas, il fut, comme cela se produisit effectivement en France, envoyé dans des institutions scientifiques, à l’image du Jardin du Roi (actuel Jardin des Plantes). Ce ne furent pas des motivations artistiques qui déterminèrent ces choix, mais bien plutôt l’influence de grands hommes de sciences ou de naturalistes comme Buffon, lesquels souhaitaient étudier les pierres rares qui constituaient ces meubles.

Il n’est donc pas surprenant que, quelques décennies plus tard, Georges IV ait eu la possibilité d’acquérir le cabinet Borghèse, ou que le duc de Northumberland ait pu acheter en 1824 les deux cabinets de Domenico Cucci, réalisés à Paris en 1683 par les lapidaires florentins des Gobelins pour Louis XIV. En dépit de leur provenance, Louis XV avait décidé de les céder dès 1751. Ils se trouvent toujours en Angleterre, à Alnwick castle, où  leur grande importance historique et artistique est maintenant parfaitement reconnue. 

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Portrait du roi George IV d’après Thomas Lawrence.

A Rome, les meubles marquetés entièrement en pierres dures étaient fabriqués par des ateliers indépendants, et de nos jours demeurent rarissimes. A Florence au contraire, il n’y avait qu’un seul mais extraordinaire atelier appartenant aux Médicis, la Galleria dei Lavori qui occupait le premier étage des Offices. Cet atelier avait accumulé d’énormes réserves de pierres très rares, achetées au fil des décennies, parfois au prix d’expéditions lointaines. 
La réputation des œuvres florentines fut telle qu’on finit souvent par oublier celles exécutées à Rome. Le cabinet  Borghèse n’en est que plus exceptionnel, d’autant que les pierres qui le décorent sont exclusivement siliceuses, dénommées en italien pietre dure – pierres dures – à cause de la difficulté à les travailler.

Le cabinet du pape Sixte Quint, conservé au château de Stourhead (Wiltshire, Angleterre) et dont les dimensions sont similaires bien que légèrement plus hautes (214 x 126 x 84 cm), comprend en revanche deux types de pierre, des pierres siliceuses et des marbres colorés appelés en italien  pietre tenere – pierres souples. Sur la façade, les colonnettes sont taillées en différents types d’albâtre ou de marbre, tandis que les côtés du meuble sont également marquetés en marbres colorés, avec seulement quelques médaillons de lapis-lazuli et ou d’agate. Sur le cabinet de Sixte Quint, les pierres dures sont donc rares et leurs dimensions relativement réduites.
Le choix des pierres n’était pas sans implication dans le prix final de l’œuvre : scier et polir les pierres dures était très compliqué et représentait un coût élevé. Les marbres, en revanche, y compris les porphyres et les granits, comportaient moins de difficultés. Ce n’est pas par hasard que les documents d’archives pour ce genre de travaux recensent des artisans aux spécialités bien distinctes : ceux qui travaillaient les pietre dure ou siliceuses étaient pour la plupart des orfèvres et des joailliers, tandis que ceux qui s'occupaient des marbres ou pietre tenere étaient plutôt des tailleurs de pierre ou des marbriers. Pour saisir la différence essentielle qui existait entre ces deux  techniques, il convient de préciser qu’à ma connaissance, il n’y eut que cinq ouvrages réalisés exclusivement en pietre dure à Rome au XVIe siècle[2]. Même la magnifique table Farnèse, autrefois au palais éponyme à Rome et maintenant conservée au Metropolitan Museum de New York, fut exécutée en marbres colorés, ne comprenant que quelques détails en pierres dures.

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Cabinet de Pape Sixte Quint, château de Stourhead (Wiltshire) © National Trust

C'est l'absence d'une chronologie précise qui rend l’analyse de ce genre d’œuvre assez complexe. Très peu de meubles peuvent être datés précisément et les noms de leurs auteurs ne sont presque jamais parvenus jusqu’à nous, y compris pour la fameuse table Farnèse. Quant au cabinet de Sixte Quint (le meuble artistiquement plus proche du cabinet Borghèse, comme l’a déjà souligné S. S. Jervis[3]), il est impossible de le dater avec certitude : peut-être a-t-il été conçu, même si c’est peu probable, après le pontificat de Sixte Quint (1585-1590), mais une proximité stylistique  avec  la table de Philippe II exécutée en 1587, me fait pencher pour une datation avant 1590.

Les deux cabinets papaux ne sont pas en tous points identiques. Structurellement, le cabinet de Sixte Quint est plus élancé que celui de Paul V ; en outre, les matériaux et l’échelle chromatique choisis présentent des différences. Le cabinet Borghèse ne peut être antérieur à la nomination de Paul V en 1605 ; sa silhouette et son allure sont moins gracieuses mais plus puissantes. Les figures en bronze et argent le décorant, possèdent un caractère plus plastique que pictural, relevant davantage du travail d’un sculpteur que de celui d’un joaillier. Enfin, la figure de l’empereur au sommet est très proche d’une sculpture ayant appartenu à la reine Christine de Suède : en albâtre et bronze doré, elle représente Tibère et fut conçue au début du XVIIe siècle à partir d’un torse et d’une tête antiques auxquels on adjoignit des mains et des pieds en métal doré (aujourd’hui au musée du Prado à Madrid).[4] 

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Statue de Tibère (musée du Prado, Madrid)

Bien que peu d’années séparent les deux cabinets, leur conception est  différente. Non seulement le chromatisme dans son ensemble s’assombrit légèrement dans le cabinet Borghèse, mais on n’observe plus non plus certaines ornementations consistant en de petites bandes de disques de pierres dures, que l’on retrouvait aussi bien sur le cabinet de Sixte Quint que sur la table de Philippe II. Les côtés du cabinet de Sixte Quint sont, comme on l’a dit, ornés de marbres colorés et demeurent clairs et lumineux, bien qu’ils ne soient pas en pierres dures. Pour le cabinet Borghèse, on préféra supprimer la décoration latérale, les côtés étant désormais entièrement plaqués d’ébène et de palissandre,  conférant ainsi un aspect plus solennel et majestueux au cabinet. 

L’évolution stylistique des cabinets de marbres et pierres dures se poursuivit tout au long du XVIIe siècle : moins imposants, ils réduisirent en hauteur, ce qui atténua leur dimension architecturale. Le cabinet de la galerie Colonna par exemple (pour lequel nous n’avons pas de date certaine, même s’il serait prudent de le situer vers le troisième quart du XVIIe siècle) semble, à l’instar des autres meubles du même type, qu’ils soient en pierres dures ou non, avoir perdu en hauteur ce qu’il a gagné en largeur. De manière générale, le modèle du cabinet tendit à évoluer vers un dessin plus rectangulaire, de dimensions plus restreintes : toutefois, le changement majeur consistait non pas en un format plus petit, mais tenait surtout à un goût nouveau, privilégiant les lignes horizontales aux verticales.[5] 

Une paire de cabinets appartenant jadis aux Borghèse, et figurant depuis le XVIIIe siècle à Castle Howard (Yorkshire, Angleterre), a été vendue chez Sotheby’s à Londres le 8 juillet 2015 : présentant de nombreuses similitudes avec le cabinet de Paul V, ils ont probablement été réalisés autour de 1620, bien qu’il faille considérer cette date avec précaution, car ils pourraient tout aussi bien remonter aux années 1610. A l’occasion de cette vente, j’ai rappelé comment John Evelyn, après son séjour à Rome en 1644, racontait avoir vu de nombreuses œuvres en pierres dures appartenant aux Borghèse, lors d’une visite le 28 novembre, dans le palais qu’il pensait être celui du cardinal Borghèse (il s’agit sans doute d’une erreur puisqu’en 1644 aucun cardinal Borghèse n’était alors en vie). Le bâtiment qu’Evelyn visita était en réalité le palais Borghèse au Campo Marzio : “We were shown here a fine cabinet and tables of Florence work in stone” [6] (Evelyn les croyait florentines, ainsi que le pensaient souvent les visiteurs étrangers de l’époque). Il est fort probable que le meuble observé par Evelyn ait été le cabinet Borghèse présenté ici. Les Borghèse possédaient beaucoup d’autres cabinets que j’ai déjà dérits par le passé[7] ; cependant, ils n’auraient pas été qualifiés comme uniquement en pietre dure,  car ils étaient également composés de nombreux autres et luxueux matériaux.

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Paire de cabinets Borghese en pierres dures et ébène provenant de Castle Howard, sur laquelle Robert de Balkany enchérit chez Sotheby’s à Londres, le 8 juillet 2015, lot 20 (Fitzwilliam Museum, Cambridge).

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Gravure représentant le Palais Borghèse à Rome.

A partir des documents d’archives qui nous sont parvenus, on peut identifier les différents métiers impliqués dans la réalisation du cabinet Borghèse ;  il est bon de souligner que chacun de ces artisans intervenait sur des aspects bien spécifiques de l’exécution. A l’origine, un architecte livrait le dessin du cabinet et, dans la plupart des cas, supervisait la réalisation de l’œuvre. C’était ensuite au menuisier (falegname en italien) de construire un bâti en bois sur lequel un ébéniste venait plaquer les bois précieux et moulurer les tympans, encadrements et motifs en ébène. Un groupe de lapidaires concevaient les marqueteries en pierres dures, et probablement un autre lapidaire se chargeait spécifiquement des colonnes en lapis-lazuli ; un fondeur (metallaro)  fournissait  les montures en cuivre ou bronze doré, tandis qu’un sculpteur, et peut-être aussi un orfèvre, réalisaient les figures en bronze et en argent. Il fallait enfin que l’ébéniste fixe les montures sur le cabinet et qu’un serrurier (chiavaro) élabore les mécanismes pour ouvrir et fermer les différents tiroirs et compartiments. D’autres artisans étaient certainement sollicités, comme un ébéniste spécialisé dans le travail de l’ivoire par exemple. 

Les noms des artistes et artisans exerçant ces métiers sous le pontificat de Paul V sont connus.[8] Parmi eux, il est ainsi possible d’en relever quelques-uns, susceptibles d’avoir pu travailler sur ce cabinet, mais en aucun cas ces suggestions ne doivent être considérées comme des attributions. L’un d’entre eux, Innocenzo Toscani, était réputé pour travailler l’ébène : son nom nous amène à penser qu’il était italien, bien que les ébénistes les plus renommés de l’époque vinssent du nord de l’Europe. L’orfèvre originaire de Nuremberg Hans Keller (dénommé Cheller ou Chellero en italien) est mentionné pour la première fois en 1617. L’artisan le plus susceptible d’avoir apporté sa contribution au cabinet est l’ébéniste allemand Remigio Chilolz mais nous n’avons aucune information sur lui avant 1629 (il mourut en 1661). Le fondeur et sculpteur Giacomo Laurenziani apparait plusieurs fois parmi les fournisseurs de Paul V, ainsi que les orfèvres Tomasso Cortini et Martino Guizzardi. Enfin, l’ingénieur et bronzier Pompeo Targone (1575-v.1630)  conçut pour la chapelle Pauline (basilique Sainte-Marie-Majeure) - dont le chantier était suivi avec le plus grand soin par le pontife - des colonnes entièrement recouvertes de lamelles de jaspe enchâssées de métal doré : un tour de force technique jamais réalisé jusque-là, même sous l’Antiquité. Une hypothèse encore plus satisfaisante serait l’ébéniste flamand Giovanni van Santen (connu en Italie sous le nom de Vasanzio) : en 1606, il est mentionné comme proposant dans sa boutique de la Via Giulia des cabinets d’ébène ornés de gemmes, puis il travailla de 1613 jusqu’à sa mort en 1621, comme architecte attitré des Borghèse. Malheureusement, il n’existe pas d’objet comparable nous permettant de faire un rapprochement définitif avec l’œuvre de Vasanzio ou de Targone, bien que la technique employée pour les colonnettes en lapis-lazuli du cabinet Borghèse soit la même que celle employée sur les grandes colonnes de la chapelle Pauline.

Un indice confortant la provenance du cabinet est l’exceptionnelle qualité des jaspes ornant sa façade. Dans les documents d’archives, Antonio Del Drago est mentionné en 1608 comme le préposé aux pierres dures du pape: la même année, il reçoit un dépôt de jaspes pour la chapelle Pauline du marchand Giovanni Geri qui approvisionna directement en jaspes le chantier de la chapelle à une autre occasion cette année-là. En 1612, on relève encore le nom de Del Drago vérifiant les fournitures livrées par le fondeur Fiochino (ce dernier pourrait être l’un des auteurs des montures du cabinet). En 1610, un prince sicilien fit livrer des jaspes pour la chapelle du pape et, en 1612, Francesco Cechone est indiqué comme sciant des marbres pour le même chantier (le document parle de marbres plutôt que de pietre dure). Quoi qu’il en soit, une attention toute particulière était portée aux jaspes siciliens puisque l’administration papale fit donner vingt-cinq écus « aux marins qui ont rapporté les jaspes de Sicile »[9]. Il y eut également deux achats successifs en 1609 et 1610 de lapis-lazulis auprès de Giovanni Battista Bolognetti à Venise : ces pierres semi-précieuses étaient, d’après les documents, destinées à la chapelle du pape à Sainte-Marie-Majeure, mais du point de vue de Paul V, ce qui était destiné au pape lui appartenait aussi en propre. N’était-il pas l’élu de Dieu ? 

[1] J’ai lu récemment la Description de l’inventaire de tout le mobilier existant dans les appartements du Palazzo Nobile à Rome et de celui des appartements du Casino, de la Villa Pinciana, propriétés de Son Altesse Monsieur le Prince Camillo Borghèse occupées temporairement par Sa Majesté le Roi Charles IV (Archives Secrètes du Vatican, Archives Borghèse, fascicule 309). Aucun meuble en pierres dures n’est mentionné au Palazzo. Néanmoins, les propriétés des Borghèse étaient bien plus nombreuses et je n’ai pas eu occasion de voir s’ils existaient des inventaires de l’époque pour les autres résidences de la famille Borghèse, ni n’ai pu accéder aux inventaires de l’époque pour les résidences du prince lorsqu’il vivait à Turin en qualité de Gouverneur d’une grande partie du Nord d’Italie.

[2] Ces ouvrages sont : la table de Philippe II offerte par le cardinal Alessandrino au roi d’Espagne en 1587, aujourd’hui au Prado ; une table ayant appartenu au duc de Westminster, datable à mon avis des environs de 1585 (A. Gonzalez-Palacios,Las colecciones reales españolas de mosaicos y piedras duras, Madrid 2001, p. 62) ; une table autrefois à la Corsini Gallery à New York (A. Gonzalez-Palacios, Il Gusto dei principi, Milan, 1993, fig. 702) ; le cabinet de Sixte Quint, et le cabinet Borghèse présenté ici, même si ce dernier date du début du XVII siècle.

[3] Simon Swynfen Jervis and Dudley Dodd, Roman Splendour English Arcadia, The English Taste for Pietre Dure and the Sixtus Cabinet at Stourhead, National Trust, Londres, 2015. Voir aussi les importantes enquêtes de H. Roberts, For the King’s Pleasure. The Furnishings and Decorations of George IV’s Apartements at Windor Castle, Londres 2001.

[4] R. Coppel, Museo del Prado. Catalogo de la Escultura de Epoca Moderna, Madrid 1998, p. 338 (l’auteur semble attribuer la sculpture à Nicolas Cordier) ; M. Simal Lopez, « Marbres pour le décor du Palais de la Granja », in Splendor marmoris, sous la direction de G. Extermann et A. Varela Braga, Rome, 2016, pages 244-245, fig. 11.

[5] Le cabinet Colonna est illustré dans le livre de A. Gonzalez-Palacios, Mobiliers et décors à la cour de Rome, Milan 2004, p. 23 – à la page 22 du même ouvrage est illustré un cabinet du château de Rosenborg, datant de 1678 et témoignant de cette tendance nouvelle : à propos de ce meuble et d’autres cabinets, voir le catalogue de vente Treasures , Sotheby’s, Londres, le 8 juillet 2015, lot 20, sous la direction de M. Tavella et A. Gonzalez-Palacios. Voir aussi Simon Swynfen Jervis et Dudley Dodd,cité supra, où on reproduit une vaste sélection de cabinets romains plus petits et de silhouette rectangulaire, pages 24, 26, 67, 68, 71 et 73. 

[6] The Diary of John Evelyn, sous la direction de A. Dobson, Londres 1906, 1er volume, p. 199.

[7]  Voir Treasures , vente Sotheby’s à Londres, le 8 juillet 2015, lot 20 ; A. Gonzalez-Palacios, “Concerning furniture : Roman Documents and Inventories”, dans Furniture History, vol. XLVI (2010), pages 11, 12, 65-70.

[8] A. M. Corbo, Massimo Pomponi, Sources pour l’histoire artistique romaine à l’époque de Paul V, Rome 1995, avec des index très utiles et une liste exhaustive de documents d’archives.

[9] Corbo, Pomponi, cité supra, pages 39, 64, 65, 68, 70, 149, 160, 170.

Le cabinet Borghèse-Windsor dans les collections royales anglaises.

Etabli à Londres au 7 Hanway Street, Edward Holmes Baldock (1777-1845) débuta son activité comme marchand de porcelaines, puis se spécialisa dans la conception et la revente de meubles ornés de plaques de porcelaine ou de pierres dures. Il fut l’un des principaux fournisseurs de George IV, ainsi que des grands collectionneurs britanniques comme le duc de Northumberland  à qui il vendit en 1824 les fameux cabinets de Domenico Cucci, provenant des collections de Louis XIV.
Ce fut sans doute Baldock qui, afin de mettre parfaitement en valeur le cabinet, commanda la luxueuse console sur laquelle il repose encore aujourd’hui. Cette console est caractéristique de l’œuvre de l’ébéniste français Louis-François Bellangé (1759-1827), dont la production était particulièrement appréciée des amateurs outre-Manche et notamment du roi George IV.  Les Bellangé travaillèrent fréquemment pour Baldock : on retrouve la marque du marchand - EHB - sur un meuble en  pierres dures d'Alexandre Bellangé (cf. S. Cordier, op. cit., pp. 630-631, ALB 5). Epousant discrètement l’architecture du cabinet, la console repose des colonnes géminées dont les chapiteaux ioniques rappellent ceux du cabinet que Louis-François Bellangé livra en 1823 au marchand Maëlrondt ; la frise de rinceaux sur la ceinture de la console est aussi très similaire aux rinceaux du cabinet Maëlrondt  (cf. S. Cordier, op. cit., p. 619, LFB 25). 
Néanmoins, il se peut également que George IV ait directement commandé à Bellangé la console : une note de la Royal Household fait état en 1829 d’une dette importante de la Couronne envers la veuve Bellangé, correspondant à un meuble"purchased for His Majesty" (cf. S. Cordier, op. cit., p. 356). Jusqu’à maintenant, ce meuble n’avait pas été identifié et il pourrait s’agir de notre console, d’autant que tous les autres meubles connus des Bellangé appartenant aux collections royales proviennent de marchands ou de ventes publiques, et qu’aucun ne fut directement acquitté aux Bellangé.

Nous remercions M. Sylvain Cordier pour ces informations qu’il nous a aimablement communiquées.

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Portrait du roi George IV par Thomas Lawrence. 

Le 22 mai 1827, Baldock vendit finalement le cabinet au roi George IV (H. Roberts, op. cit., p. 248). Continuant l’œuvre de son père, auquel il succéda enfin en 1820, George IV (1762-1830) contribua grandement à la rénovation du château de Windsor : sous la direction de son conseiller Charles Long et de l’architecte Jeffry Wyatville, une gigantesque campagne de travaux fut entreprise afin de redonner tout son lustre à l’antique forteresse. L’une des innovations majeures fut la création du Grand Corridor : construit entre 1824 et 1828, il ne mesurait pas moins de 168 m de long et desservait les appartements royaux. The Long Gallery se révéla bientôt être un écrin de choix pour les collections du roi : tandis que, sur les murs, se côtoyaient tableaux de maîtres vénitiens et portraits de famille, une quantité impressionnante de consoles, cabinets en laque et meubles d’André-Charles Boulle, sur lesquels étaient disposés bronzes et porcelaines, alternait avec les bustes des monarques britanniques posés sur des gaines. Trois cabinets de pierres dures, dont celui acquis chez Baldock, étaient destinés à compléter l’ensemble (H. Roberts, op. cit., p. 238).

Les ébénistes du roi, Nicholas Morel & George Seddon, furent chargés de la décoration du Corridor, aménagé dans le goût Tudor. Comme toutes les acquisitions du souverain, le cabinet leur fut confié pour restauration le 24 septembre 1828 : « To taking out thoroughly repairing, cleaning and polishing, the Mosaic panels lapis-lazuli columns, and precious stones of a large high cabinet […] » (H. Roberts, op. cit., p. 244). Une fois restauré, le cabinet fut livré à Windsor, puis mis en réserve le 13 août 1829.

Le cabinet fut bientôt transféré au palais de Buckingham où il orna The Green Drawing Room : une aquarelle par Douglas Morison (1814-1847), datée de 1843 et appartenant aux collections royales britanniques, le montre dans ce salon côté fenêtres, sous un portrait par John Singleton Copley. Il s’y trouvait encore dans les années 1930 et figurait alors de l’autre côté du salon (voir photographie reproduite ci-contre).

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Photographie montrant le cabinet in situ à Buckingham Palace, Green Drawing Room, vers 1930

Mary de Teck épousa le futur roi George V en 1893. Lorsque ce dernier fut titré prince de Galles en 1901, le couple s’installa à Marlborough House, située à l’est du palais Saint-James, jusqu’en 1910, date de leur couronnement. Veuve en 1936, elle retourna habiter à Marlborough House où elle vécut jusqu’à sa disparition en 1953. 
Grand amateur d’art, Queen Mary fut une collectionneuse passionnée et contribua par de nombreux achats à enrichir les collections royales britanniques. Ses connaissances et sa maîtrise des inventaires lui permirent de retrouver des œuvres importantes, oubliées depuis longtemps dans les réserves ou même « empruntées » abusivement. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait souhaité  pouvoir disposer du cabinet Borghèse pour le décor de sa résidence londonienne.

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Portrait de la reine Mary. 

La grande décoration, mêlant des inspirations anglaises et italiennes, illustre parfaitement le style des grandes demeures des XIXe et XXe siècles influencé par les siècles précédents et qui ont abrité les plus célèbres bâtisseurs, financiers, industriels et esthètes, des Rothschild à Stravos Niarchos ou Giovanni Agnelli, les Patiño, Charles de Beisteguy, Arturo Lopez-Willshaw et le baron de Redé. Les appartements privés donnent un émouvant témoignage de la décoration qu’Henri Samuel a réalisée dans les années 1980 à la demande de Robert Zellinger de Balkany. Ils sont aménagés de productions plus confidentielles mais recherchées de nos jours par les plus grands collectionneurs.

The magnificent decorative arts mingling English and Italian influences brilliantly illustrate the style of grand 19th and 20th century residences influenced by previous centuries, which were the homes of celebrated builders, financiers, industrialists and aesthetes, like the Rothschilds, Stravos Niarchos, Giovanni Agnelli, the Patiños, Charles de Beistegui, Arturo LopezWillshaw and Baron de Redé.  

The private apartments provide a moving testimony of the interior designed by Henri Samuel in the 1980s and commissioned by Robert Zellinger de Balkany. They were filled with works little known to the public but now highly sought-after by leading collectors.  

TABLEAUX ANCIENS

Les grands maitres de la peinture ancienne seront à l’honneur illustrant merveilleusement les genres les plus nobles comme le portrait et la peinture d’histoire. Le portrait, tout d'abord, avec le majestueux portrait de Nicola Doria par Jacopo Tintoretto où l'artiste porte à son apogée la splendeur du genre (estimation : 200.000- 300.000 €). Citons également l’énigmatique portrait de la comtesse Carnarvon par Anton van Dyck, emblématique de l’apport de l’artiste à la peinture anglaise (estimation : 800.000- 1.200.000 €). Le portrait encore, mais animalier cette fois, par le plus grand peintre du genre, George Stubbs, avec la superbe représentation du chien blanc du Vicomte Gormanston, qui est une œuvre rare sur panneau, signée et datée 1781 (estimation : 200.000 € - 300.000 €).

OLD MASTERS PAINTINGS 
Several major Old Masters Paintings marvellously illustrate the most noble genres: portraits and history painting. The first, with Jacopo Tintoretto's majestic Portrait of Nicola Doria, where the artist takes the splendour of the genre to its peak (estimate: €200,000-300,000). There is also Anthony van Dyck's enigmatic Portrait of the Countess of Carnarvon, typical of the artist's influence to English painting (estimate: €800,000-1,200,000). Lastly, another portrait, this time of an animal, by the greatest painter of the genre, George Stubbs: a superb painting of Viscount Gormanston's White Dog; a very rare work on panel, signed and dated 1781 (estimate: €200,000-300,000). 

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Lot 46. Jacopo Robusti, dit Le Tintoret (Venise 1518 - 1594), Portrait en pied de Nicola Doria. Titrée, signée et datée à droite Nicolai Doria / Jacobi. Ann. XX / MDXXXXV. Huile sur toile, 193 x 115 cm ; 76 by 45 1/4 in. Estimation 200,000 — 300,000 €. Photo: Sotheby's. 

Provenance: Probablement collection Giovanni Carlo Doria (1576-1625), le neveu du modèle, Gênes, Palazzo Doria di Vico di Gelsomino (liste de tableau dans son inventaire « uno ritrato in piedi mano del Tintoretto ») ;
Collection Marc Antonio Doria (1572-1651), frère de Giovanni Carlo Doria et neveu du modèle, Gênes ;
Collection Giovanni Francesco Doria (1601-1653), fils de Marc Antonio Doria ;
Collection Giuseppe Finetti, Milan, vers 1830 ;
Collection Algernon Eustace Hugh Heber-Percy, Hodnet Hall, Shropshire, vers 1950 ;
Vente anonyme, Londres, Christie’s, 24 novembre 1967, n° 62, reproduit en couleurs ;
Collection J. Lewis ;
Vente anonyme, New York, Christie’s, 30 janvier 2013, n° 143, reproduit en couleurs.

ExpositionEl Siglo de los Genoveses e una lunga storia di arte e splendori nel Palazzo dei Dogi, Gênes, Palazzo Ducale, 1999-2000, n° XI.8 et cité p. 326 sous le n° XI. 9 ;
L’Eta di Rubens : Dimore, committenti e collezionisti genovesi, Gênes, Palazzo Ducale, 2004, n° 25, reproduit et cité p. 200 sous le n° 26.

Bibliographie: P. Rossi, Jacopo Tintoretto. I ritratti, Venise, 1974, pp. 21, 25 et 110 ;
F. R. Shapley, Catalogue of the Italian Paintings, Washington, 1979, I, pp. 462-463, cité sous le n° 209 et 464, note 8 ;
P. Rossi, Jacopo Tintoretto, I ritratti, Milan, 1982, n° 63, reproduit fig. 3 (localisation inconnue) ;
R. Pallucchini et P. Rossi, Tintoretto, le opera sacre e profane, Milan, 1982, cité pp. 37, 125, cité sous le n° R6 ;
V. Pacelli, « Il testamento di Marcantonio Doria : un avvio per la migliore conoscenza dei rapporti artistici fra Napoli e Genova », Ricerche sul ‘600 napoletano, Milan, 1985, p. 84 (« Del quondam Illustrissimo Nicolo Doria zio paterno quando era giovine per mano di Titiano ») ;
P. Boccardo, « Ritratti di genovesi di Rubens e di Van Dyck : Conteso ed identificazioni », in Studies in the History of Art, XLVI, 1994, pp. 81-82, reproduit fig. 4 ;
Catalogue de l’exposition Jacopo Tintoretto : ritratti, Venise, Galleria dell’Accademia, 1994, cité p. 167 (localisation inconnue) ;
P. Boccardo, « Ritratti di Marc’Antonio Doria e di suoi famigliari », Napoli e l’Europa : ricerche di storia dell’arte in onore di Ferdinando Bologna, Catanzaro, 1995, pp. 194 et 195, note 10 ;
F. Polleross, « Della Bellezza & della Misura & della Convenevolezza : Bemerkungen zur venezianischen Porträtmalerei anlässlich der Tintoretto- Ausstellung in Venedig und Wien », in Pantheon, LIII, 1995, p. 35 ;
W. R. Rearick, « Reflections on Tintoretto as a Portraitist », Artibus et Historiae, XXXI, 1995, pp. 55, 66, note 8, reproduit fig. 3 ;
Catalogue de l’exposition Van Dyck a Genova : grande pittura e collezionismo, Gênes, Palazzo Ducale, 1997, pp. 34, 35 et 42, reproduit fig. 7 ;
T. Nicholas, Tintoretto : Tradition and Identity, Londres, 1999, p. 6 ;
P. Boccardo, « Il collezionismo delle classe dirigente Genovese nel Seicento », Geografia del collezionismo : Italia e Francia tra il XVI e il XVIII secolo. Atti delle giornate di studio dedicate a Giuliano Briganti, Rome, 2001, p. 131 et note 5, reproduit planche I (Domenico Tintoretto) ;
V. Farina, Giovan Carlo Doria, promotore delle arti a Genova nel primo Seicento, Florence, 2002, pp. 125-126 ;
Catalogue de l’exposition L’Età di Rubens : dimore, committenti e collezionisti genovesi, Milan, 2004, pp. 190, 194, 198, 525 ;
Catalogue de l’exposition Tintoretto, Madrid, 2007, pp. 96, 100 et 113, note 33, p. 220, sous le n° 8 et pp. 278, 280 sous le n° 28, reproduit fig. 148.

Notes: Ce saisissant portrait de Nicola Doria, jeune aristocrate de vingt ans, est l'un des premiers portraits de Tintoret, peint par l’artiste à vingt-six ans et un des rares exemples de portrait grandeur nature.

Issu de la plus grande et puissante famille gênoise, Nicola Doria naquit en 1525 à Gênes. Il descend de l’amiral Lamba Doria qui s’illustra dans les guerres opposant Gênes à Venise. Son oncle Giovanni Battista Doria fut Doge de la République de Gênes de 1537 à 1539. Il fut le parent de Giovanni Andrea Doria qui commanda les galères génoises lors de la bataille de Lépante en 1571 et sous les ordres duquel Nicola Doria combattit.
Nicola Doria épousa en 1576 la fille du banquier du roi d’Espagne Philippe II, Aurelia Grimaldi. Il mèna une brillante carrière politique. Avec le soutien de son oncle le Doge Giovanni Battista Doria, Nicola devint membre du conseil législatif de Gênes en 1555. Il fut Doge de la République de Gênes en 1579. Il mourut le 13 octobre 1592 et fut enterré dans l’église familiale de San Matteo.

Tintoret rencontra probablement Nicola Doria, à Venise, lors d’une visite de ce dernier à son père, le prince Giacomo Doria, présent dans la cité des Doges de 1529 à 1541. La commande de Nicola Doria est à mettre directement en relation avec celle de son père, portraituré par Titien en 1540 (huile sur toile, 115,5 x 98 cm., Oxford, Ashmolean Museum). Et comme sur notre tableau, le portrait de Titien porte à droite le nom du modèle (Voir H. E. Wethey, The paintings of Titian. II The Portraits, Londres, 1971, n° 25, reproduit fig.86) (fig.1). 

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Titien, Giacomo Doria © Ashmolean Museum, University of Oxford.

Nicola se tourne vers Tintoret, un artiste très prometteur et de la même génération que lui. Ce portrait en pied, à la palette restreinte, avec une forte lumière concentrée sur le jeune modèle est le tout premier portrait peint par Tintoret, commandé par une prestigieuse famille. Tintoret connaît le Portrait de Giacomo Doria par Titien et s’inspire du Portrait de Diego Hurtado de Mendoza peint par Titien vers 1541 (huile sur toile, 179 x 114 cm., Florence, Palazzo Pitti) (fig.2). 

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Titien, Portrait de Diego Hurtado de Mendoza, Palazzo Pitti, Florence.

Dans une mise en page sobre, le visage ressortant sur un fond et un vêtement sombre, son regard intense, pénétrant le spectateur et le pincement de sa bouche révèlent le caractère du modèle et sa psychologie. A vingt ans Nicola Doria est ici portraituré, la main droite sur sa hanche et la gauche sur le pommeau de son épée, déjà à la manière des portraits des amiraux victorieux de Lépante et des Doges, suggérant une énergie et un esprit de décision (voir le Portrait de Sebastiano Veniero avec un page (huile sur toile, 195 x 130 cm., dans une collection particulière Vente Milan, Sotheby’s, 1 juin 2004, n° 189, reproduit en couleurs) de Tintoret. Seulement Tintoret enlève ici toute anecdote relative à la vie du modèle. Dans la plus simple des compositions, Tintoret ose innover et peindre le jeune homme en pied, grandeur nature, dans une position fière et assurée. Grâce au rouge du drapé contrastant avec le vêtement noir, notre tableau est d’une vitalité simple et énergique. Même la colonne à droite renforce la présence du modèle. Avec sa double couleur de marbre blanc et de pierre noire de Ligurie, elle est une claire allusion à la façade de l’église familiale San Matteo vraisemblablement exigée par le modèle.

Le format du tableau exprime toute l’ambition du jeune capitaine Nicola, confiant dans son avenir en accord avec l’assurance et l’ambition du jeune artiste. C’est un hymne à la jeunesse et la preuve de la ferme volonté de la part de Tintoret de rénover les codes iconographiques du noble portrait dans sa première grande commande. 

Lors de son séjour à Gênes entre 1621 et 1627, Van Dyck vit et admira ce portrait alors qu’il se trouvait au Palazzo Doria. L'art de Tintoret, et précisément, notre Portrait de Nicola Doria ont de toute évidence fortement influencé Anthony van Dyck.

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Lot 40. Sir Anthony van Dyck (Anvers 1599 - 1641 Londres), Portrait d'Anne-Sophie, comtesse Carnarvon. Huile sur toile. Inscriptions sur une étiquette au revers du châssis [...] Anne Sophia, daughter of Philip: Earl of Pem- broke and Montgomery and wife of Robert Dormer, first Earl of Carnarvon, killed at the battle of Newbury 20 Sept. 1643. By Vandyke. 198 x 129,5 cm ; 78 by 51 in. Estimation 800,000 — 1,200,000 €. Photo: Sotheby's.

Provenance: Probablement collection de Sir Edmund Verney, en 1642 ;
Collection de Sir Ralph Verney, Claydon en 1696 ;
Collection du 2nd comte Verney, en 1791 ;
Collection de Mary, Lady Fermanagh, en 1810 ;
Collection de Catherine Calvert, en 1827 ;
Collection de Sir Harry Calvert, en 1894 ;
Vente anonyme, Londres, Christie’s, 6 juillet 2010, n°59, reproduit en couleurs.

Bibliographie: Inventaire manuscrit des peintures de Claydon de la fin du XVIIe siècle ;
M. M. Verney, Memoirs of the Verney family during the Commonwealth, Londres et New York,
1894, p. 246 ;
S. J. Barnes, N. De Poorter, O. Millar et H. Vey, Van Dyck, A Complete Catalogue of His Paintings, Londres, 2004, n° IV. 40, reproduit.

Notes: Après un premier séjour d’un an à Londres en 1620, Van Dyck revint en Angleterre en 1632 afin de travailler pour Charles Ier. Rencontrant rapidement un vif succès, Van Dyck fut fait chevalier le 5 juillet 1632 et nommé « peintre principal en ordinaire de Sa Majesté ». L’artiste bénéficiait alors d’une réputation internationale. Élève le plus brillant de Rubens, il fut profondément influencé par son travail, mais aussi par les œuvres des artistes italiens et notamment par Titien. Ses peintures religieuses et mythologiques eurent un grand succès à Anvers et en Italie. Comme portraitiste, il était doué d’un sens très rare du caractère et de la noblesse d’esprit. Il opéra ainsi une véritable révolution de l’art du portrait dans l’aristocratie anglaise, y apportant la noblesse du genre, tout en amplifiant le charisme du modèle et en suggérant une plus grande décontraction, de même qu’une certaine proximité. L’artiste était ainsi très apprécié de ses commanditaires, de haut rang et très exigeants mais qu’il savait satisfaire grâce à sa technique. Notre modèle présente ainsi les caractéristiques du portrait vandyckien : cette aisance et cette dignité a priori antinomiques mais dont l’artiste a merveilleusement réussi l’association, y mêlant ses talents de coloriste et cette saisissante faculté à introduire le mouvement.
Anne-Sophie Herbert était la fille de Philippe Herbert, IVe comte de Pembroke. Ce dernier était l’un des plus importants commanditaires de Van Dyck. Parmi une grande série de portraits de lui et de membres de sa famille, il commanda à l’artiste un portrait monumental de sa famille entière, dont on sait qu’elle lui coûta la somme considérable de 500 livres[1]. Cette composition était conçue comme une affirmation de la réussite et des ambitions de la famille Herbert, ainsi qu’une célébration de l’alliance forgée entre les familles Villiers et Herbert, scellée par le mariage entre le fils aîné du comte Pembroke et la fille du duc de Buckingham en janvier 1635.

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Sir Anthony Van Dyck, Portrait de Philip Herbert, 4th Earl of Pembroke, avec sa famille, v. 1635 © Collection of the Earl of Pembroke, Wilton House, Wilts./Bridgeman Images.

En 1625, Anne Sophie épousa Robert Dormer, Ie comte de Carnarvon. Ce dernier était à la tête d’une fortune considérable. Il obtint les faveurs royales durant le règne de Charles Ier et escorta son épouse Henrietta Maria de Paris à l’Angleterre en mai 1625. La famille Dormer avait acquis de l’importance et du pouvoir sous les Tudors et était liée par mariage à un certain nombre d’importants Midlands et plusieurs familles catholiques du nord du royaume. Carnarvon avait hérité lorsqu’il était encore mineur et le roi avait vendu sa tutelle au IVe comte Pembroke, qui avança le mariage entre son pupille et sa fille aînée, pour des motifs dynastiques. Robert Dormer fut fait Vicomte Ascott et comte Carnarvon en 1628, et vivait à Ascott House, dans le comté de Buckingham. Il était décrit par Clarendon comme un homme prenant « un immense plaisir dans la chasse, notamment dans la chasse au faucon»[2]. Mais bien qu’il ait consacré la première partie de sa vie aux réjouissances, il se joignit aux royalistes durant la Guerre civile, avec adresse et courage, et mena un régiment de cavalerie. Il fut tué lors de la première bataille de Newburry en 1643. 

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Sir Anthony Van Dyck, Portrait de Sir Edmund Verney, v. 1640. Collection privée, Londres.

Dans le portrait que nous vous présentons, d’un état de conservation remarquable, van Dyck allie le raffinement de Lady Carnarvon avec sa propre sensibilité et ses exceptionnelles aptitudes artistiques. La texture riche et la tonalité de sa robe, ainsi que le rideau somptueux en fond soulignent son statut social et donnent un aperçu de l’élégance du monde dans lequel elle évoluait. A son propos, le chroniqueur Bulstrode Whitelock disait qu’elle était « une dame à l’esprit et au discours fins ». Dans ce portrait, Lady Carnarvon paraît légèrement plus jeune que dans le portrait de groupe de la famille Pembroke, dans lequel elle pose aux côtés de son élégant époux, à droite de ses parents, suggérant ainsi une date d’exécution antérieure à 1635. La position de Pembroke à la cour le rapprocha de l’artiste. Olivier Millar suggère que van Dyck aurait commencé à travailler sur le portrait de famille vers la fin 1633 et qu’il l’acheva en 1635.

On considère que notre portrait fut exécuté pour Sir Edmund Verney (1590-1642), dont la famille entretenait des liens amicaux avec Lady Carnarvon. Les Verney étaient aussi étroitement liés à la cour de Charles Ier. Sir Edmund Verney posa également pour Van Dyck, dans un portrait de trois-quarts (collection particulière).

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Lot 66. George Stubbs (Liverpool 1724-1806 Londres), Portrait du chien blanc du Vicomte Gormanston. Signé et daté en bas Geo : Stubbs. Pinxit / 1781. Huile sur panneau, 90,5 x 137,5 cm ; 35 5/8 by 54 1/8 in. Estimation 200,000 — 300,000 €. Photo: Sotheby's.

Provenance: Commandé en 1781 par Anthony Preston, 11e vicomte Gormanston (1736 – 1786), Gormanston Castle, Ireland (livré en 1785) ;
Collection des vicomtes Gormanston jusqu’en 1944 ;
Collection C. Marshall Spink ;
Collection Walter Hutchinson, Londres, 1948 ;
Sa vente, Londres, Christie’s, 20 juillet 1951, n° 128 (Carlyle) ;
Collection Max Aitken, 1er Lord Beaverbrook (1879-1964) ;
Vente anonyme, Londres, Sotheby’s, 8 décembre 2010, n° 43, reproduit en couleur.

Exposition: Londres, Hutchinson House, National Gallery of British Sports and Pastimes, 1948, n° 125.

BibliographieArchives de la famille Gormanston, collection particulière en dépôt à la National Library d’Irlande, Dublin ;
T. Borenius, English Paintings in the Eighteenth Century, Londres, 1938, reproduit planche 42 ;
R. Fountain et A.Gates, Stubbs’s Dogs, Londres, 1984, n° 24 ;
J. Egerton, George Stubbs, Yale, 2007, n° 227, reproduit en couleur.

Notes: Ce tableau est un véritable portrait. Un portrait animalier, de l’un des chiens préférés de Lord Gormanston. Cette œuvre fut commandée en 1781 par le 11e Vicomte Gormanston du Château Gormanston (voir fig.1), comté de Meath, près de Dublin, l’un des deux seuls clients irlandais de l’artiste. Le Château Gormanston était jusqu’à environ 1950 le siège de la famille Preston – détentrice du plus vieux titre de vicomte à la fois en Grande Bretagne et en Irlande. Gormanston chérit énormément ce tableau et l’attendit si impatiemment, que son agent Michael Hornsby envoya non seulement des instructions spécifiques pour son transport de Londres à l’Irlande, mais il informa également très précisément Gormanston de sa livraison aux douanes de Dublin. Deux portraits par John Opie firent apparemment le même voyage. L’un d’entre eux montrait le 11e Vicomte Gormanston caressant la tête de son chien, considéré comme étant le même chien que dans le présent portrait. Clairement, le soin avec lequel Gormanston souhaitait que ce portrait soit traité, l’apparence du même animal dans le portrait par Opie pareillement daté, et le fait qu’il y existe une autre version de ce portrait (sur toile, qui fut très certainement peint lui aussi pour Gormanston, et qui appartient aujourd’hui à une collection particulière) démontrent l'attachement particulier du propiétaire à son chien.  

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Gormanston Castle, Comté de Meath, Irlande.

De manière inhabituelle, la race de l’animal n’est pas précisée dans les références contemporaines du tableau, à l’inverse du « setter » qui est mentionné comme étant représenté dans un autre portrait que Gormanston commanda à Stubbs. On considère généralement que ce chien est un pointer, mais à l’inverse du Pointer espagnol de 1766 par Stubbs (Neue Pinakothek, Munich), ou du Portrait de Sir John Nelthorpe avec son chien, 1766 (collection particulière), le présent animal n’est pas représenté dans la pose ou le rôle de tels animaux d’assistance. Cependant ce n’est pas non plus un animal domestique lorsqu’on considère la frivolité de la pose du chien domestique dans, par exemple, le Portrait de l’épagneul brun et blanc de Mr Muster, assis dans un massif de primevères de 1778 (collection particulière). Au contraire, ce chien est représenté comme un animal soigné, élancé, athlétique et alerte, un spécimen observé avec attention, peint à l’échelle la plus large possible et placé au premier plan de l’image.

George Stubbs fut et demeure le meilleur portraitiste animalier au monde. Ses portraits de chiens révèlent son exceptionnelle aptitude à représenter les animaux préférés de leurs maîtres. George Stubbs peignit cette œuvre en 1781, durant une période très importante de sa vie, puisqu’il venait d’être fait membre de la Royal Academy (bien qu’il n’ait jamais reçu son diplôme). Les premières recherches anatomiques de Stubbs étaient centrées sur les chevaux, mais même ses premières œuvres révèlent une fine compréhension des chiens et de leurs caractéristiques individuelles ainsi que de leurs personnalités. On peut citer, à cet égard, la première grande commande passée à Stubbs, trois grandes peintures réalisées pour le duc de Richmond en 1759-60 (Goodwood House, voir fig.2).  

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George Stubbs, L’équipage “Charlton Hunt” du 3e  Duc de Richmond, v. 1759–60, Goodwood House, Angleterre. Avec la permission du Trustees of the Goodwood Collection.

 Dans ces œuvres, on peut déjà voir que les compositions sont fortement animées par la présence des chiens, où chaque animal est traité de manière individuelle, chacun avec ses propres attitudes. A l'égal des plus grands exemples du genre du portrait, George Stubbs revendique la noblesse du modèle en l'installant sur un large fond de paysage comme aurait pu l'envisager Sir Anthony van Dyck.

La peinture d’histoire, essentiellement vénitienne, est illustrée par la puissante œuvre d’Antonio Molinari. En utilisant un cadre resserré imposant ainsi la scène aux spectateurs, elle évoque un épisode fondateur de la mythologie grecque : l’enlèvement d’Hélène (estimation : 50.000-80.000 €).

History painting, mainly Venetian, is illustrated by a powerful work by Antonio Molinari. Using a close viewpoint that makes the scene particularly imposing, it shows a key episode in Greek mythology: The Abduction of Helen (estimate: €80,000-120,000).  

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Lot 116. Antonio Molinari (Venise 1655 - 1704), L’enlèvement d’Hélène. Huile sur toile, 139 x 149 cm ; 54 3/4 by 58 5/8 in. Estimation: 50,000 — 80,000 €. Photo: Sotheby's

Notes: Notre œuvre est à rapprocher d’un tableau, très similaire, conservé à la Northampton Art Gallery (voir fig.1)[1]. Toutefois, la composition se trouve modifiée par rapport à notre tableau : Pâris est déporté à droite et l’homme au bâton à gauche. La figure d’Énée y est plus présente, tandis que dans notre œuvre, elle est reléguée au second plan. Antonio Molinari reprenait très frequemment ses compositions avec quelques variantes dans deux formats différents, l'un rectangulaire et le second carré.

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Antonio Molinari, L’enlèvement d’Hélène, huile sur toile Northampton Art Gallery, Angleterre.

Né en 1655, Molinari fit son apprentissage auprès d’Antonio Zanchi, à Venise. Fortement influencé par les peintres napolitains comme Giordano, ses œuvres révèlent une progressive adhésion aux formules baroques ainsi qu’une accentuation des effets de lumière. Malgré l’élégance que Molinari savait imprimer à la dynamique de ses figures et de l’éclaircissement de sa palette de couleurs, il est l’artiste, qui au moment du passage entre le XVIIe et le XVIIIe siècle vénitien demeura le plus fidèle à la poétique des ténébristes. Ainsi, comme l’ont écrit Donzelli et Pilo [2], « de la brutalité anatomique presque ostentatoire, au sens naturaliste, de certains détails » il parvient à libérer « le pinceau dans une souplesse et une fluidité de rythme et de couleurs gaies qui préfigurent Giovanni Antonio Pellegrini : une ouverture brillante et précoce au rococo. ».
Ainsi, la seule personnalité dont la stature puisse rivaliser avec celle de Sebastiano Ricci au moment du passage entre Seicento et Settecento est incontestablement celle de Molinari. Molinari a compris le sens profond de ce naturalisme de nature ribéresque que les ténébristes avaient introduit à Venise sous l’aspect d’un clair-obscur plus profond, rendant actuelle cette charge naturaliste, qui aux premiers temps du Settecento alimentera une mode dont le chef de file fut Giovanni Battista Piazzetta.

Jetant au ciel un regard plein de désespoir, Hélène tente un mouvement pour se dégager de l’emprise de son ravisseur, tandis que sa main droite agrippe la cape rouge de Pâris. Cet Enlèvement d’Hélène fait partie des scènes à caractère narratif et romanesque issues de l’histoire romaine ou de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans lesquelles Molinari a su le mieux déployer son talent et son vocabulaire figuratif. Parmi ces œuvres, on peut mentionner le Christ et la Femme adultère du Staatliche Kunstsammlungen de Cassel, Rébecca et Eliezer de l’Auckland City Art Gallery ou encore La mère des Gracques conservée dans une collection privée bolonaise. Ces œuvres se distinguent par leur liberté narrative, leur ton un peu mélodramatique, conjugués à des éléments figuratifs solidement construits mais déclinés avec une certaine élégance et qui se détachent de fonds architecturaux lumineux.

[1] A. Crievich, Antonio Molinari, Soncino, 2005, p. 146, fig. 85 reproduit.
[2] C. Donzelli et G. M. Pilo, I pittori del Seicento Veneto, Florence, 1967. 

Elle est présente encore, immortalisant l’Histoire des Temps Modernes cette fois, avec le tableau monumental attribué à Jacopo Tintoretto qui relate avec panache l’une des plus grandes batailles navales : la Bataille de Lépante. Le 7 octobre 1571, dans le golfe de Patras en Grèce, s’affrontent La Sainte Ligue (202 galères) et la flotte Ottomane (210 galères) aboutissant à une écrasante et retentissante victoire occidentale (estimation : 300.000-500.000 €).

History painting makes a further appearance, this time immortalising the history of modern times, with the monumental painting attributed to Jacopo Tintoretto, brilliantly depicting a great naval battle, The Battle of Lepanto. On 7 October 1571, in the Gulf of Patras in Greece, the Holy League (202 galleys) and the Ottoman fleet (210 galleys) clashed in a combat that ended in a crushing, resounding victory for the Western forces (estimate: €300,000-500,000). 

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Lot 81. Attribué à Jacopo Robusti dit Le Tintoret (Venise 1519 - 1594), la Bataille de Lépante. Huile sur toile, 180 x 320 cm ; 70 7/8 by 126 in. Estimation: 300,000 — 500,000 €. Photo: Sotheby's.

Provenance: Marché de l’art, Venise en 1908 ;
Collection privée, Berlin ;
En dépôt temporaire, Berlin, en 1936 ; 
En dépôt temporaire, Kassel, dans les années 1980 ;
En dépôt temporaire au Ministère de l’économie et de la technique de la Hesse, dans les années 1980 ;
Collection du docteur Alfred Leffman, Münich et Bad König, de 1986 à 2001.

ExpositionArt musulman, Münich, 1910 (Ecole Vénitienne vers 1600, peut-être Andrea Vicentino) ;
Venezia e la Difesa del Levante. Da Lepanto a Candia 1570-1670, Venise, Palazzo Ducale, 1986, n° 11, reproduit en couleur (Tintoret et atelier. Modello pour la première version de la Bataille de Lepante perdue dans l’incendie de 1577) ;
Rom in Bayern. Kunst und Spiritualität der ersten Jesuiten, Münich, Bayerisches Nationalmuseum, 1997, n° 19, reproduit en couleur (entourage de Tintoret ou Tintoret et atelier).

Bibliographie: F. Sarre, « Die Seeschlacht von Lepanto, ein unbekanntes Bild aus der Werkstatt Tintorettos », Jahrbuch der preussischen Kunstsammlungen, LIX, 1938, cité p. 239 (reprise de la bataille par Tintoret et atelier pour un commanditaire de la famille Gonzaga) ;
E. von der Bercken, Die Gemälde des Jacopo Tintoretto, Münich, 1942, p. 105 (Tintoret et atelier) ;
W. Wolters, Der Bilderschmuck des Dogenpalastes, Wiesbaden, 1983, p. 217 ;
M. Morin, « La Battaglia di Lepanto », Venezia e i Turchi. Scontri e confronti di due civilità, Venise, 1985, pp. 210-231 ;
R. Keil, « Einige ikonographische Bemerkungen zur « Schlacht von Lepanto » von Paolo Veronese in der Galleria dell’Accademia in Venedig », in Arte Veneta 40, 1986, pp. 85-94 ;
Catalogue de l’exposition, Venezia e la difesa del Levante : Da Lepanto a Candia 1570 – 1670, Venise, Palazzo Ducale, 1986 (W. R. Rearick note. 11) ;
I. Dobele, « Die Künstler und die Seeschlacht von Lepanto (1571) im 16. Und 17. Jahrhundert », Europa und der Orient 800-1900. Lesebuch, Berlin, 1989, pp. 68-75 ;
Catalogue de l’exposition Venezia da Stato a Mito, Venise, Isola di San Giorgio Maggiore, Fondazione Giorgio Cini, 1997, cité sous le n° 18 pp. 332 et 333 (Tintoret et atelier. « modello di Tintoretto » pour l’œuvre du Palais des Doges).

Notes: Notre tableau est le seul témoignage de ce que fut l’œuvre de Tintoret pour la salle du Scrutin au Palais des Doges détruite par un incendie catastrophique le 20 décembre 1577. Les dimensions, l’intensité dramatique qui surgit de notre tableau et sa grandeur chromatique laissent imaginer l’ampleur de ce que pouvait être le tableau final au Palais. Considéré par certains comme un modello et pouvant être précisément daté de 1572, notre tableau est un témoin du processus créatif de Tintoret. Sans dessin, la matière pure directement posée sur la toile, notre tableau constitue une éclatante leçon sur la technique du grand maître vénitien.

Le 7 octobre 1571 au matin, les flottes de Venise, d’Espagne et du pape combattent sous le commandement suprême de Don Juan d’Autriche, frère du roi d’Espagne et affrontent les navires turcs près de Lépante dans le Golfe de Corinthe. 
Après la sanglante prise de Chypre par les troupes ottomanes, le pape Pie V organise en effet le 25 mai 1571 une ligue des Etats chrétiens capable de s’opposer à l’expansion turque de plus en plus oppressante. Parmi les troupes alliées, se rallient aux escadres pontificales sous les ordres de Marc Antoine Colonna, les vénitiens, dirigés par Sebastiano Veniero, profitant de cette occasion pour se venger de leur humiliation ; les galères du duc de Savoie sous le commandement du général niçois André Provana de Leyni ; les navires génois sous les ordres de l’amiral Giovanni Andrea Doria et les escadres espagnoles sous le commandement de Don Juan d’Autriche. A l’aube du dimanche 7 octobre 1571, la flotte prodigieuse des alliés, que nous voyons à l’arrière-plan, longe la côte ouest du Golfe de Corinthe et se place en arc de cercle. La flotte ottomane est encore plus formidable, leurs galères sont armées de canons lourds. Mais les turcs, dans la partie droite de notre tableau, sont surpris et n’ont pas le temps de parer les premiers coups portés par les vaisseaux vénitiens. La galère espagnole de Don Juan d’Autriche s’attaque immédiatement au vaisseau de l’amiral turc, Ali Pacha. Après un furieux corps à corps, Don Juan d’Autriche lui coupe la tête. Pendant ce temps le vaisseau des troupes de Savoie est pris d’assaut par deux navires turcs. Le navire du marquis de Santa Croce vient à sa rescousse, aborde le navire turc qui sombre et laisse le Golfe plein de décombres.

Pour célébrer cette victoire, le Sénat vénitien décide très rapidement, le 8 novembre 1571, de faire peindre une grande toile dans la Sala dello Scrutinio. Les négociations engagées avec le Titien prennent beaucoup de temps. Le conseil charge alors l’ambitieux Tintoret de réaliser le grand tableau. Tintoret voulait leur démontrer en effet tout l’attachement qu’il avait pour sa ville en faisant apparaitre cette victoire heureuse parmi les ombres et les lumières de ses couleurs. Il leur avait promis en outre de ne rien demander en retour et de s’engager à terminer le travail en un an. Tintoret tint ses promesses. La peinture fut exécutée en dix mois et fut ainsi mise en place presque un an après la victoire, le 9 octobre 1572. Brulée en 1577, la grande toile de Tintoret fut remplacée par celle d’Andrea Vicentino livrée en 1590 (voir fig n°2).

chusma1

Andrea Vicentino, La Bataille de Lépante, 1603, Palazzo Ducale, Venise.

Notre tableau pourrait être considéré comme le modello de ce grand tableau de Tintoret. Le modello est une étude préparatoire, l’idée la plus aboutie du tableau final, qui est soumis à l’approbation des commanditaires. Comme sa définition l’indique, il ne s'agit pas de la version final du tableau et des variantes peuvent être décelées. Or le tableau final de Tintoret a été détruit en 1577. N’ayant aucune autre idée de ce qu'il pouvait représenter, notre tableau est unique et précieux. 

La fraicheur picturale et l’improvisation rapide, l’effet de matière et la composition géniale ne perturbent en rien la lecture des faits. Au contraire, tous les fanions sont lisibles et trahissent même la direction du vent. Les navires se succèdent et se croisent, s’affrontent mais ne s’amalgament pas. Notre artiste tient à rester fidèle aux évènements historiques, se plaçant loin de l’allégorie. L’amoncellement de couleurs et des lignes, construites seulement par la position des navires, les uns à côtés des autres et leurs mats parallèles dynamise l’image et forme un témoignage direct, fort et convainquant de ce qu’a pu être la bataille. 

Il n’est pas rare de voir chez Tintoret une étude d’aussi grandes dimensions. Le modello pour Le Couronnement de la Vierge, dit aussi Le Paradis, au-dessus de la tribune du doge dans la salle du Grand Conseil du Palais en 1582, est une toile d’aussi grandes dimensions, 169,5 x 494 cm, conservée aujourd’hui au musée Thyssen Bornemisza à Madrid. Ces modelli servaient d’études pour d’autres de ses tableaux. Nous retrouvons en effet la Bataille de Lépante derrière le Portrait de SebastianoVeniero avec un page (huile sur toile, 195 x 130 cm) peint par Tintoret en 1577 et conservé dans une collection particulière (Vente anonyme, Milan, Sotheby's, 1er juin 2004, n° 189, reproduit en couleurs).

En novembre 1571, Tintoret est un artiste réputé et ambitieux. Il vient de terminer le cycle de la Scuola di San Rocco. Le célèbre épisode de sa prise de pouvoir pour s’assurer la commande du plafond et des murs de la Sala dell’Albergo (1564-1567) de San Rocco dévoile son caractère ambitieux et sa ferme volonté d’exécuter seul toutes les œuvres de la ville.

En effet, en 1557, le conseil de la Scuola décide de décorer la Sala dell’Albergo. Un concours mettait en concurrence Tintoret, Paolo Véronèse, Giuseppe Salviati et Taddeo Zuccarro. Il leur était demandé de réaliser un dessin de leur futur projet. Tintoret ne répond pas aux règles du concours et prend le pouvoir de la commande. Il peint son œuvre sur toile et la met directement en place sur le plafond. En justifiant ces actes, il prononça ces paroles qui s’accordent parfaitement avec notre tableau : « c’était là son mode de dessiner, qu’il ne savait pas opérer autrement et que les modèles et les dessins des œuvres devaient être traités ainsi afin de ne tromper personne ».

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Fernando Bertelli, La Bataille de Lépante. Galleria delle carte geografiche, Musées du Vaticans, Vatican.

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Paolo Véronèse, Allégorie de la Bataille de Lépante. Galleria dell’Accademia, Venise.

HORLOGERIE

La plus grande passion de Robert Zellinger de Balkany pour les œuvres d’art est celle qu’il a développée pour les pièces d’horlogerie. Il est fasciné, en effet, par le nombre de corps de métiers impliqués dans la création complexe d'une pendule, de l'horloger au bronzier en passant par l'ébéniste ainsi que par le caractère éternel de l'objet, capable de fonctionner à la perfection des siècles après sa création. Environ 60 pendules et cartels illustrent brillamment l’histoire de l’horlogerie européenne du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle.

De la fin du XVIe au début du XVIIe siècle, le sud de l’Allemagne et particulièrement la région d’Augsbourg, était le centre occidental incontesté de l’innovation en horlogerie. Les pièces réalisées par les célèbres horlogers Hauckh, Schmidt, Pfaff, Koch, entre autres, reflètent parfaitement le savoir-faire des tous premiers horlogers et artisans participant à la réalisation de ces chefs-d’œuvre.

Les plus grands horlogers de la fin du XVIIe siècle, début de l’âge d’or de l’horlogerie française, sont représentés. Gaudron notamment, qui travaillait en étroite collaboration avec André-Charles Boulle, et qui créa de merveilleuses mécaniques à la beauté hors du commun (estimation : 50.000-80.000 €). L'importante pendule au Jour et la Nuit en bronze patiné et doré d’époque Régence au cadran signé Abraham Gilbert est un autre exemple de collaboration avec ce grand ébéniste français (estimation : 300.000-500.000 €).

CLOCKS 
Robert Zellinger de Balkany's greatest passion in terms of art was the one he nurtured for timepieces. He was fascinated by the many different craftsmen involved in the complex creation of a clock, from the clockmaker to the bronzeworker by way of the cabinetmaker, and by the everlasting character of the object, which could function perfectly centuries after it was made. Around 60 clocks and wall clocks brilliantly illustrate the history of clockmaking in Europe from the 16th to the 19th century. 

From the late 16th to the early 17th century, southern Germany, particularly the region of Augsburg, was the uncontested clockmaking centre in the West. Pieces by celebrated clockmakers like Hauckh, Schmidt, Pfaff and Koch provide marvellous examples of the expertise of the leading clockmakers and craftsmen who produced these masterpieces. 

The greatest clockmakers of the late 17th century, the beginning of the golden age of French clockmaking, are represented, including Gaudron, who worked closely with André-Charles Boulle, and created marvellous mechanics of extraordinary beauty (estimate: €70,000-100,000). The large French Regency Day and Night clock in patinated gilt bronze, with a clock face by Abraham Gilbert, is another example of collaboration with this great French cabinetmaker (estimate: €500,000-1,000,000).  

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Lot 68. Pendule aux sphinges et sa gaine en marqueterie d'écaille rouge, bronze doré et bois doré attribuée à André-Charles Boulle, d'époque Louis XIV, le cadran et le mouvement signés GAUDRON A PARIS. Estimati0n: 50,000 — 80,000. Photo: Sotheby's.

la caisse surmontée d'un coq, de pots à feu et d'un dôme couronné d'un globe terrestre, et supportée par des sphinges reposant sur un socle contourné terminé par des pieds toupie ; la gaine constituée d'une caryatide en bois doré sur un fond orné de marqueterie
Haut. 215 cm, larg. 56 cm, prof. 36 cm - Height 84 2/3 in; width 22 in; depth 14 1/4 in. 

Provenance: Ancienne collection A. Roussel, vente Sotheby's à Monaco, le 22 juin 1986, lot 551

NotesAntoine Gaudron, horloger reçu maître en 1675

Le modèle de cette pendule reposant sur des sphinges est reproduit sur une gravure figurant dans les Albums Maciet (fig. 1 ; musée des Arts Décoratifs, Paris). 

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Gravure, Albums Maciet, Musée des Arts Décoratifs

Quant à la gaine, on retrouve un exemple similaire comprenant une caryatide en façade sur une planche de Jean Bérain (fig. 2 ; cf. L'oeuvre de Bérain, ornemaniste du roy, Paris, Editions Vial, 2011, p. 106).

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Planche de Jean Bérain

Une pendule et sa gaine extrêmement proches des nôtres sont passées en vente à Londres chez Sotheby's.

Cette pendule apparaît sur une aquarelle de Jeffrey Bailey figurant la chambre de Monsieur rue de Varenne, qui sera présentée en vente dans les sessions suivantes. 

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Lot 23. Importante pendule au Jour et la Nuit en ébène, marqueterie d'écaille et de laiton, bronze patiné et doré d'époque Régence, par André-Charles Boulle (1642-1732), le cadran et le mouvement par Abraham Gilbert. Estimation: 300,000 — 500,000 €. Photo: Sotheby's.

le cadran et le mouvement signés Gilbert /A Paris ; les figures d’après Michel-Ange supportant le cadran circulaire à chiffres romain émaillé bleu dans des cartouches à fond blanc, surmontée d’un sablier, la base à motifs de treillages et quartefeuilles à décor de coquille agrafe et volutes ; reposant sur un socle en marqueterie en contrepartie d’écaille et laiton à masque et feuillages ; (le socle d'époque postérieure, réalisé vers 1850-1860)
Pendule : haut. 74 cm, larg. 84 cm, prof. 18 cm ; socle : haut. 21 cm, larg. 81 cm, prof. 29 cm - Clock: height 29 1/4 in; width 33 in; depth 7 in; pedestal: height 8 1/4 in; width 32 in; depth 11 1/2 in.

Provenance: - Etienne Perrinet de Jars (1670-1762)
- Louise-Jacqueline Perrinet de Jars (1704-1788), épouse de David Perrinet du Pezeau (1697-1767), sa fille
- marquise de Langernon-Maulévrier (1739-1799), sa fille
- duchesse de Damas d’Antigny (1759-1827), sa fille
- comtesse Charles de Voguë (1784-1838), sa fille
- peut-être marquis Léonce de Vogüé (1805-1877), son fils
- vente à Paris, étude Piasa, le 18 juin 2008, lot 45

Notes: La provenance de cette pendule a pu être retracée naguère par Jean-Nérée Ronfort et Jean-Dominique Augarde. On la retrouve dans l’inventaire après décès d’Etienne Perrinet de Jars (MC, CXV, 748), en 1762. Dans son Grand Cabinet était décrit :
« Un bureau de six pieds de long de marqueterie garni de trois tiroirs à double face, de ses coins, sabots, entrées de clef, masque et quart de rond, et encore garni d’un serre-papier y assortissant supportant un socle aussy marqueté de Boule surmonté de deux figures de bronze et d’une pendule en oeil de bœuf dans sa boite de même marqueterie garnie de bronze doré à cadran d’émail marquant les heures et les minutes portant le nom de Gilbert à Paris. »

Il est intéressant de remarquer que le socle en marqueterie fait l’objet d’une description particulière, la mention du nom de l’horloger Gilbert dissipant définitivement le moindre doute sur l’identification. Il est cependant impossible de préciser à quelle date le bureau et le cartonnier furent séparés de la pendule, mais il semble acquis qu’ils n’apparaissent déjà plus dans l’inventaire Vogüe de 1877. Il faut à cet égard de rappeler que les collections rassemblées rue Fabert du temps du marquis de Vogüé comptaient également un autre ensemble bureau, cartonnier, pendule, provenant de Machault d’Arnouville et photographié in situ avant la destruction de l’hôtel (voir V. Pruchnicki, Arnouville, le château des Machault au XVIIIe siècle,Paris, 2013, p. 39), la pendule du modèle du Temps couché d’André-Charles Boulle. Machault possédait également un autre ensemble comparable, la pendule du modèle aux Parques, toujours intact au moment de la vente de mademoiselle de Choiseul, descendante de Machault, le 21 mai 1896 à Paris, lot n°3. 

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Portrait de Perrinet de Jars d’après La Tour.

Originaire du Berry, la famille d’Etienne Perrinet de Jars (1670-1762) s’illustrait dans le commerce du vin. Fortune faite en tant que fermier général, il acheta en 1746 son hôtel de la rue du Faubourg Saint-Honoré, remanié au XIXe siècle, aujourd’hui le Cercle Interallié. L’hôtel avait été bâti par l’architecte Pierre Grandhomme en 1714 pour le président Chevalier, transformé par Jean Michel Chevotet (1698-1772) pour Perrinet de Jars et finalement de nouveau restauré pour le baron Henri de Rothschild au milieu du XIXe siècle.
L’ameublement de l’hôtel à l’époque d’Etienne Perrinet de Jars comprenait notamment de nombreux objets montés, des tapisseries des Gobelins, une belle commode en marqueterie de cuivre et écaille et deux bas d’armoire ornés des figures d’Apollon, Daphné et Marsyas.

On répertorie un certain nombre de pendules de ce modèle : l’une de Lepaute est conservée à l’hôtel de Soubise à Paris et provient des princes de Condé (fig. 3 ; reproduite dans J.P. Samoyault, André-Charles Boulle et sa famille, Genève, 1979, p.229 et dans  J.D. Augarde, Les Ouvriers du Temps, Paris, Genève, 1996, p. 197, n°158) ; une autre d’Etienne Le Noir, a été vendue à Paris étude Kohn le 17 décembre 2012, lot 31. Une troisième a été vendue par Christie's à Monte-Carlo le 1er juillet 1995, lot 98 et une dernière aussi chez Christie’s Monte-Carlo le 13 décembre 1998, lot 400.

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Pendule conservée à l’hôtel de Soubise à Paris.

Dans l’inventaire après décès d’André-Charles Boulle dressé en 1732 apparaît sous le n° 90 : « Les modèles de la pandulle avec les figures de Michel-Ange pezant soixante-huit livres, prisés à raison de cent sols la livre ». Par ailleurs, deux dessins de Boulle, l’un conservé initialement au musée d’Art industriel de Berlin (fig. 2, aujourd’hui détruit) et l’autre à l’Ermitage de Saint Pétersbourg (fig. 4), montrent des pendules construites sur le même modèle et placées au sommet d’un meuble. 

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Dessin, anciennement au musée d’Art industriel de Berlin.

 

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Détail, projet André-Charles Boulle, musée de l’Ermitage. 

Au XVIIIe siècle plusieurs pendules similaires sont répertoriées, l’une livrée pour Machault d’Arnouville, une autre au prince de Condé, une troisième pour le duc de La Vrillère ; on en retrouve également un exemplaire chez le président de Nicolaÿ, ainsi que chez Jean de Julienne, le comte de Lauraguais et Randon de Boisset.

Le XVIIIe siècle est illustré par la spectaculaire horloge musicale du grand horloger londonien Charles Clay (estimation : 180.000-250.000 €). Un exemple de caisse similaire à celle de cette horloge se trouve aujourd’hui dans la British Royal Collection. Ce chef-d’œuvre compte parmi d’autres nombreuses et belles horloges françaises en bronze ciselé et doré du milieu du XVIIIe siècle.

The 18th century is illustrated by a spectacular musical clock by the great London clockmaker Charles Clay (estimate: €120,000-180,000). An example of a case similar to this clock's is now in the British Royal Collection. This masterpiece is one of many other fine French clocks in chased gilt bronze from the mid-18th century.  

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 Lot 120. Grande horloge à sonnerie des heures et à orgue signée ‘C. Clay London’ sur le cadran et ‘Cha. Clay, London’ sur le cylindre, la plaque du cadran estampillée ‘N. Larkin’, la peinture du cadran attribuée à Jacopo Amigoni (c. 1685-1752), les appliques en argent d’après John Michael Rysbrack (1694-1770), la musique en partie par George Frederick Haendel (1685-1759), entre 1737 et 1740Estimation: 180,000 — 250,000 €. Photo: Sotheby's. 

le cadran d’horloge, placé au centre de la grande plaque peinte, comporte un anneau horaire argenté avec chiffres romains pour les heures et arabes pour les minutes ; échelles subsidiaires pour secondes, blocage/déblocage du balancier, sélection de mélodie, deux trous bouchés au centre doré ; aiguilles ajourées en acier bleui ; la plaque du cadran, peinte par Jacopo Amigoni, représente Apollon sur le Mont Parnasse entouré des Muses avec Minerve, qui les surveille à gauche, et Pégase qui vole en arrière-plan à droite. Deux obélisques dorés en bas-relief sont appliqués au devant de la scène avec à chaque côté, en haut-relief, Apollon ou Orphée et Diane et au centre, et aussi en haut-relief, des figures représentant les sept arts libéraux d’après Rysbrack ;

le mouvement à deux corps de rouage à fusées, échappement à verge pivoté avec roue de rencontre décentrée, sonnerie par roue de compte ; important mouvement à poids pour l’orgue à quatre registres et quatre-vingt-seize tuyaux, sa soufflerie et le grand cylindre picoté en laiton de 34,3 cm de diamètre à vingt-deux notes jouant dix airs. Le jeu de fond avec flûte et piccolo, volant de 23 cm de diamètre, régulateur de vitesse par pignon et crémaillère, changement de mélodie par piston, important poids cylindrique en plomb dans la plinthe activant le mécanisme par barillet intermédiaire monté sur roues anti-frottement,  poids auxiliaires rectangulaires. La musique est déclenchée automatiquement par la sonnerie toutes les trois heures ou à la demande ; remontage, mise à l’heure, et contrôle de l’orgue s’effectuaient par tubes placés à l’angle droit du mouvement sur les deux côtés de l’instrument ; 

le cabinet composé d’une grande plinthe carrée en acajou et d’une coupole en ébène contenant le mouvement. La plinthe, à deux portes (arrière et côté droit) est ornée de corniches à coquilles et acanthes, de panneaux avec moulures dorées et d’importantes volutes aux angles sculptés de cordes et têtes de fleurs, l’ensemble placé sur une base circulaire. La coupole à arches et à base moulée est ornée sur les angles des Atlantes en bronze doré en-dessous des demi-chapiteaux surmontés des urnes. Les deux côtés et l’arrière composés de panneaux de bronze doré ajourés et ciselés en bas-relief sur un fond de soie rouge. La plaque de gauche présente Homère et Milton placés à chaque côté d’un vase orné d’une lyre et des Trois Grâces, remplie de fleurs en-dessous des arbres près d’une fontaine ; la plaque de droite, d’une organisation semblable, présente Virgile et Horace ; la plaque arrière est ornée d’une allégorie de la musique entourée d’entrelacs, masques, fruits et feuillages ;

une figure en argent de Minerve allongée surmonte le dôme. 

Haut. 252 cm, larg. 111 cm, prof. 108 cm. Coupole 112 x 54 cm. Mouvement (approximativement) 38cm x 66cm.

Provenance: Acquis par Gerret Braamcamp (1699-1771), marchand à Amsterdam, propriétaire d’une compagnie de navigation, commerçant de bois et collectionneur. L’horloge de Clay aurait dû être l’une des premières œuvres d’art à être acquise par Braamcamp, qui commence à collectionner en 1735. Par la suite, sa collection à Sweedenryck devient renommée.

A son décès, sa collection est vendue aux enchères ; l’horloge est achetée pour 3700 fl. par l’un de ses trois frères,  Rutger Braamcamp (né 1706). Puis, au décès de celui-ci, elle passe à ses neveux, les fils de son frère Hermann (né en 1709) établi au Portugal. Par la suite, le chef-d’œuvre de Clay se trouve successivement dans les mains de Donna Maria Ignacio de Almeida à Castelo Branca et de l’Infanta, Donna Maria Isabel (mort en 1876), sœur de Dom Miguel, Roi de Portugal, qui le garde au palais de S. Domingos de Benefica à Lisbonne. Après la mort de l’Infanta, l’horloge devient la propriété du collectionneur Antonio Augusto Carvalho Monteiro (1848-1920), propriétaire de la montre la plus compliquée du monde à l’époque, le Leroy 01. De Carvalho Monteiro, elle passe par plusieurs mains jusqu’à Pedro Felner da Costa qui la vend à Christie’s Londres le 8 novembre 1972, lot 88. Achetée par Frank Partridge, l’horloge passe par la suite à Robert de Balkany.

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J.F. de Bastide, Le Cabinet de M. Braamcamp, publié en 1766

Bibliographie:  Jean François de Bastide, Le Temple des Arts ou le Cabinet de M. Braamcamp, Amsterdam 1766.
William Barclay Squire, ‘Handel’s clock music’, The Musical Quarterly, v 1919, 538-52.
Croft Murray, ‘The Ingenious Mr Clay’, Country Life, décembre 1948, 1378-80.
Clara Bille, De Temple der Kunst of het Kabinet van den Heer Braamkamp, Amsterdam 1961, 81-86.
Jan Jaap Haspels, Automatic Musical Instruments, Utrecht 1987, pp. 182-87.
Pieter Dirksen & Jan Jaap Haspels (eds), George Frideric Handel : Twenty pieces for a musical Clock (ca. 1738), Utrecht 1987.
[Catalogue d’exposition]. Royal Musical Machines, Speelklok Museum, Utrecht, Zutphen 2006, N° 41.
Massimo di Sandro, Macchine Musicali al tempo di Händel, un orologio di Charles Clay nel Palazzo Reale di Napoli, Florence 2012.
Brittany Cox dans The Furniture History Society Newsletter, cxc mai 2013.
Tessa Murdoch, ‘Time’s Melody, Apollo, novembre 2013, 78-85.
Anthony Turner, ‘Charles Clay : fashioning timely music’, Antiquarian Horology, xxxv 2014, 929-48.
Charles Clay
L’horloger Charles Clay (mort en 1740), est né dans le Yorkshire et monte à Londres vers 1717/18 au moment où il cherche à obtenir un brevet pour une machine à répéter les heures et les quarts applicable à une montre simple. A partir de 1721, Clay travaille pour le compte de l'Office of Works à Londres et semble avoir commencé à construire des pendules à orgue à partir de 1728/29. Des horloges de ce type par Clay connues aujourd’hui, deux (Naples et Beijing) sont datées 1730.
Pour ses horloges à orgue, Clay abandonnait la forme classique d’une grande horloge de parquet utilisée jusque là pour les pendules à musique, préférant un modèle monumental et architectural qui pouvait être placé indépendamment au centre d’une grande pièce. Il visait le marché de luxe de la grande noblesse, utilisant des matériaux nobles comme l’acajou rouge Hondurien, l’argent, et le bronze doré, ciselé à profusion. Ses collaborateurs, Haendel, Rysbrack, Amigoni, et l’orfèvre Edward Amory, figuraient parmi les artistes les plus en vue à l’époque. Le dessin de la caisse était peut-être basé sur l’un des monuments de Roubillac et la musique aurait pu être arrangée pour le cylindre par Geminiani qui a collaboré avec Clay pour d’autres de ses pendules. Pour toutes, mécanisme, gaine et décoration étaient exécutés avec raffinement.
De sa production, huit horloges et un cadran sont connus ; mais de celles-ci, uniquement cinq retiennent leur orgue. Elles sont :
1 Birmingham Museum and Art Gallery, ‘Being the first made in perfection N° 1 Cha: Clay London Fecit’.
2 Palais Royal, Naples. Signée deux fois ‘Cha: Clay London’ and Cha: Clay/Fecit 1730’.
3 Musée du Palais Royal, Beijing, signée et datée 1730.
4 L’horloge ‘Braamcamp’ ici présentée.
5 Castleton House, Celbridge, Ireland.
6 Windsor Castle, Berkshire, GB.
7 Board Room, Treasury Buildings, London.
8 Kensington Palace, Londres, 1740, completée par John Pyke.

Il existe aussi un cadran seul (Victoria & Albert Museum, Londres). L’orgue est toujours présent dans les horloges 1, 2, 3, 4, et 6. 

La musique

L’identification de la musique qui suit est tirée des études de di Sandro et de Dirksen & Haspels

Titre                   clef                   œuvre d’Haendel

Ariadne             Do maj              Menuet de l’ouverture d’Ariane en Crète (1734), HWV 32

Allegro              Sol maj                       

Menuet              Mi min             Menuet de la suite pour clavecin en Ré mineur (1733), HWV 436

Variation          Mi min              Première variation du menuet précédent

1ère air              Do maj             Sì, tra i ceppi de Bérénice (1737), HWV 38, n° 21b

2ème air            Fa maj

3ème air            Ré min

4ème air           Sol maj             Andante pour clavecin, HWV 487, n° 2 ; andante du concerto grosso op 3, n° 4 (1716), HWV 315, n° 2

5ème air           Do maj

6ème air           Do maj

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[L’horloge] de Braamcamp aide à charmer les heures

Loin de les faire redouter ;

 …  

Chef-d’œuvre qu’a  formé l’accord de dix talens

Puisses-tu ne sonner que les plus doux momens

Au maître heureux qui te possède,

Et qui sentit le prix de tes accords charmants !

Jean François de Bastide, 1766

De cette horloge inimitable,

Ecoutons bien le bruit harmonieux ;

De son travail prodigieux

Goutons le dessein admirable ;

L’un étonne & fixe les yeux ;

L’autre enchante & ravit l’oreille ;

Ces modes différens, cette précision,

Ce majeur, ce mineur, cette transition,

Cette abondance au choix unie ;

 …

On diroit qu’un charmant génie

Enfle lui-même ces tuyaux ;

Examinons le reste avec un esprit sage ;

L’invention partout égale le travail ;

Et l’on ne doit pas moins d’hommage

Aux difficultés du détail,

Qu’au coup d’œil qu’offre tout l’ouvrage.

La forme seulement étonne par son goût,

C’est un dôme quarré s’élevant en voussure.

Sur les quatre côtés on admire partout

Des chefs-d’œuvres de cizelure….

Jean François de Bastide, Le Temple des Arts ou le Cabinet de M. Braamcamp, Amsterdam 1766.

Au XIXe siècle, la pendule astronomique par Raingo, installée dans le salon rouge, représente un tour de force technique et esthétique de l’époque Empire (estimation : 100.000-150.000 €). L’extraordinaire pendule astronomique en bronze doré par François Linke, placée dans la salle à manger, démontre que la haute qualité de ce savoir-faire perdure encore à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Cet exemple monumental est une copie de celle réalisée 150 ans plus tôt par Claude-Siméon Passemant et Jean-Jacques Caffieri, aujourd’hui conservée au château de Versailles (estimation : 150.000-250.000 €)

The 19th century pendulum clock by Raingo, which stood in the Salon Rouge, represents a technical and aesthetic feat from the Empire period (estimate: €100,000-150,000). The extraordinary gilt bronze pendulum clock by François Linke, which was placed in the dining room, demonstrates how the high quality of this know-how continued up to the late 19th and early 20th century. This monumental piece is a copy of one produced 150 years earlier by Claude-Siméon Passemant and Jean-Jacques Caffieri, now in the Château de Versailles (estimate: €100,000-200,000).  

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Lot 88. Horloge planétaire signée ‘Raingo à Paris’, vers 1820Estimation: 100,000 — 150,000 €. Photo: Sotheby's.

en placage de loupe d’Amboine, bronze doré, laiton doré et argenté, acier, globe terrestre en céramique polychromé sur un fond bleu clair, socle en placage d’acajou ;

la base circulaire porte sept colonnes disposées autour d’une colonne centrale ; l’ensemble porte une platine annulaire avec, au centre, le dispositif du « tellurium ». Tout cet élément est monté sur une caisse rectangulaire contenant le mouvement d’horlogerie ; cadran argenté gravé de la signature, et muni d’un cadran pour les jours de la semaine (indiqués alternativement par nom et par symbole astrologique) à 12 heures, secondes au centre, lunette en bronze doré à décor de lauriers ; mouvement de longue duration à poids, train à cinq roues, échappement Graham, balancier à secondes, transmission par engrenages à angle droit et axe vertical ;

le « tellurium », placé au centre évidé de la platine supérieure, présente les mouvements du système luni-solaire. La Terre tourne autour du Soleil dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ainsi que la Lune autour de la Terre. Chacun tourne à sa propre vitesse. Le Soleil est porté sur une colonne montée au centre des rouages pour la partie astronomique, muni de son propre barillet. Une moitié de la Lune est noircie, l’autre moitié est argentée, de façon à montrer les phases successives ; un index fixe indique les temps de lever et de coucher. L’âge de la Lune est marquée sur un cadran argenté placé à la base de l’axe portant la Terre. Autour de cette dernière, un anneau donne les équinoxes et les solstices, pendant qu’un cadran, monté sur deux bras porté par cet anneau, indique l’heure solaire locale. Deux bras courbés indiquent le lever et coucher du Soleil sur la Terre. Le mouvement indépendant pour le système luni-solaire est contenu entre deux plaques rectangulaires avec son propre barillet qu’il faut remonter tous les quatre ans ; un cadran argenté au-dessus du barillet indique le cycle bissextile. Sur la platine annulaire autour se trouve un calendrier zodiacal argenté avec signes du zodiaque appliqués ;

quand l’horloge et le planétaire fonctionnent, on observe le mouvement annuel de la Terre autour du Soleil, la date, le jour de la semaine et le mois, ainsi que la date d’entrée dans chaque signe zodiacal ; le mouvement quotidien de la Terre, celui de la Lune autour de la Terre et les phénomènes résultants des ces mouvement ;

contrôlé par le mouvement de l’horloge, transmis par une grande roue montée sur la colonne centrale, le mouvement du « tellurium » peut néanmoins être désengrené de ceci et opéré manuellement pour les démonstrations didactiques.

Haut. totale : 186 cm, diam. 37 cm

BibliographiePendule scientifique de l’invention et l’exécution de Zacharie Raingo, horloger natif de Mons, département de Jemmappes, domicilié à Tournai, s.d. [avant 1810], publié dans Bulletin d’ANCAHA, 44 1985, p. 66

‘Description d’une sphère mouvante inventée par M. Raingo’, Annales de l’Industrie Nationale et Etrangère, x 1823, pp. 152-71

Jean-Dominique Augarde et Jean-Nérée Ronfort, Antide Janvier, mécanicien-astronome, horloger ordinaire du Roi, Paris 1998, pp. 52-3

Eddy Fraiture, Belgische Uurwerken en hun Makers/Horloges et horlogers belges AZ, Leuven 2009, pp. 553-54

Notes: Né à Mons le 2 juillet 1775, Zacharie Nicolas Amé Joseph Raingo est le fils de Nicolas Joseph Raingo et Marie Decroly. Le 13 octobre 1795 il se marie avec Augustine Victorine Houttekiet (1774-1814) avec qui il aura huit enfants. Etabli à Tournai, il quitte cette ville en 1810 pour Gand, avant de partir en 1813 pour Paris. ‘Horloger mécanicien’ du Comte de Chartres en 1823, il est nommé ‘Horloger Mécanicien du Garde-Meuble de la Couronne’ en 1824. Entre 1826 et 1828 l’un de ses quatre frères, François, le rejoint à Paris où ils travaillent ensemble sous la raison sociale de ‘Raingo frères’ jusqu’aux années 1840. Pour des raisons politiques au milieu de cette décennie, Zacharie doit se refugier en Belgique. Il meurt à Ixelles le 31 mai 1847.

Raingo a dû développer sa version d’une horloge à sphère mouvante, comme il l’appela, vers  1797 car dans une annonce sans date il dit d’avoir passé sept ans de travail pour le perfectionner, et il présente un premier exemple à Jean-Baptiste de Champagny, membre du Conseil d’Etat, en décembre 1804. En mars 1810, il demande un brevet d’invention pour la machine qui lui est accordé en juin suivant, mais ce n’est pas avant 1823 qu’il édite une courte description de la pendule.

Raingo a eu du succès avec sa sphère mouvante dont on connaît aujourd’hui près d’une trentaine d’exemplaires. Elles se divisent en deux groupes : des modèles construits entièrement en bronze doré avec deux des quatre colonnes ornés de caryatides, et des modèles construits, normalement, en bois d’amboine, avec quatre colonnes droites sans ornementation sauf pour les capitaux exécutées en bronze doré et ciselé. Certaines de ces horloges sont portées sur un pied ou une caisse rectangulaire, comme le modèle de l’horloge représenté dans le brevet de 1810. En dehors de ces deux grands groupes, on trouve quelques exemplaires où la platine pour le calendrier zodiacal est portée par trois colonnes disposées autour d’une colonne centrale sur laquelle la roue de transmission est montée.

L’exemple de l’horloge à sphère mouvante de Raingo ici présenté se distingue des autres connus. Elle utilise une colonne centrale mais entourée de six colonnes noires pour porter la partie planétaire, et l’ensemble est monté sur une caisse rectangulaire qui dissimule le mouvement de l’horloge. D’une très belle facture, elle rejoint les modèles classique de Raingo sans qu'on ne trouve, dans l’état actuel de nos connaissances, un parallèle exact entre eux.

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Lot 91. Belle pendule-régulateur astronomique en bronze doré de style Louis XV, début du XXe siècle, par François Linke, d’après la pendule astronomique de Passemant, Caffieri et Dauthiau pour le roi Louis XVEstimation: 150,000 — 250,000 €. Photo: Sotheby's.

la caisse ciselée de feuillages, cartouches et volutes rocaille, surmontée d'une sphère armillaire, comprenant un cadran à cartouches, un calendrier et un cadran indiquant les phases de la Lune, reposant sur des pieds cambrés ; le cadran inscrit INVENTE PAR PASSEMANT / EXECUTE PAR DAUTHIAU / LINKE ; le mouvement signé F. Linke à Paris /0 Four adjs. six/ Made in France, ainsi que Etienne Maxent 11 rue Saintonge Pariset numéroté n°20153 ; certains bronzes incisés au revers avec le numéro d'index 1459 et les initiales FL
Haut. 210 cm, larg. 82 cm, prof. 57 cm - Height 82 2/3 in; width 32 1/4 in; depth 22 1/2 in.

ProvenanceProbablement vente Bonhams à San Francisco, le 7 juin 2004, lot 2300

BibliographieChristopher Payne, François Linke (1855-1946), the Belle Epoque of French furniture, Woodbridge, 2003

NotesInventée par l’ingénieur Claude-Siméon Passemant, la pendule du château de Versailles fut réalisée par l’horloger Louis Dauthiau pour le mécanisme, et par les sculpteurs et bronziers Jacques et Philippe II Caffiéri pour la boîte. Elle indiquait la date, l’heure réelle, l’heure moyenne, les phases de la lune et le mouvement des planètes d’après Copernic. Mesurant plus de 2 mètres de haut, c'était une exceptionnelle œuvre rocaille couronnée d’une sphère mouvante. Après avoir été examinée et approuvée par l’Académie des sciences en août 1749, elle fut présentée à Louis XV à Choisy par le duc de Chaulnes le 7 septembre 1750. Le Roi l’acquit cette même année. En janvier 1754, l’extraordinaire pendule astronomique prit place dans le cabinet des pendules.

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Dessin de Philippe Caffieri pour la pendule astronomique de Louis XV (Berlin, Staatliche Museen Preussicher Kulturbesitz)

Selon Christopher Payne, on recense dans le journal de Linke deux exemplaires de cette pendule sous le n° d'index 1459, l'un réalisé vers 1900, l'autre entre 1910 et 1912 : pour chaque réalisation, Linke fit appel au fondeur Goujon et au doreur Picard. L'un de ces exemplaires se trouve actuellement sur le marché de l'art. Un troisième modèle, attribué à Linke, a été exposé chez Sotheby's à Hong Kong en octobre 2015.

ORFÈVRERIE

Le maître des lieux s’est appliqué à choisir des objets spectaculaires en orfèvrerie. Les chefs-d’œuvre français côtoient les grandes chopes et les coupes couvertes en vermeil d’Augsbourg ou les imposants chandeliers de Paul Storr. Le pot-à-oille du duc de Penthièvre par Antoine Sébastien Durand, mis au goût du jour à la demande de son petit-fils le roi Louis Philippe par Jean-Baptiste Claude Odiot, et Charles Nicolas Odiot, fait partie de l’unique service royal français parvenu jusqu’à nous (estimation : 250.000-400.000 €). Les pièces de ce service sont aujourd’hui dispersées dans les plus grandes collections publiques et privées. Des œuvres significatives de Fabergé, Klinkosch, Garrard, Wickert, les plus grands maîtres européens en matière d'orfèvrerie, figurent également dans la collection. Une garniture de table formée de trois candélabres par Paul Storr, Londres, 1817, a été faite pour le second Comte de Talbot (1777- 1841), (estimation : 150.000-250.000 €).

SILVER 
Robert de Balkany took care to choose spectacular silver works. French masterpieces are seen together with large Augsburg silver-gilt cups and covered cups, and monumental candelabras by Paul Storr. The Duc de Penthièvre's tureen by Antoine Sébastien Durand, converted to current taste at the request of his grandson, King Louis-Philippe, by Jean-Baptiste Claude Odiot and Charles Nicolas Odiot, is part of the only surviving French royal dinner service (estimate: €500,000-800,000). The pieces of the service are now in international public and private collections. The collection also features significant works by Fabergé, Klinkosch, Garrard and Wickert, the greatest European goldsmiths. A set of table ornaments consisting of three candelabra by Paul Storr, London, 1817, was made for the second Earl Talbot (1777-1841) (estimate: €150,000-200,000).  

 

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Lot 97. Exceptionnel pot à oille en argent, le couvercle (anciennement une cloche couvre-plat) provenant du service Penthièvre-Orléans par Antoine Sébastien Durant, Paris, 1750-1751, le corps et la doublure par Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, 1819-1826, le réchaud intérieur par Charles-Nicolas Odiot, Paris 1826-1838. Estimation : 250.000-400.000 €. Photo: Sotheby's.

le corps reposant sur quatre pieds en forme de feuillages de céleri, appliqué des armes Orléans, le couvercle orné de trois trophées de chasse et d'un cartouche où ont été serties postérieurement les armes Orléans, la prise formée de deux passereaux et un citron, la queue d'un des oiseaux s'appuyant contre le citron, l'intérieur du couvercle gravé des armes en partie visibles d'Henry Janssen, le dessus de la cloche gravé de 4 points, la prise gravée au-dessous de 3 points
Haut. 36 cm, larg. 37 cm, 7.413 g ; 14 1/4 in. high, 14 1/2 in width, 238oz 7dwt

ProvenanceTrès probablement commandé par Henry Janssen (1701-1766) puis acquis par
Louis-Charles de Bourbon, comte d’Eu, petit-fils de Louis XIV (1701-1775), à son cousin
Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725-1793), à sa fille
Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre (1753-1821) qui épouse en 1769
Louis-Philippe-Joseph, duc d’Orléans (Philippe-Egalité) (1747-1793), à son fils 
Louis-Philippe, Roi des Français (17773-1850), puis par descendance à
Emmanuel d'Orléans, duc de Vendôme (1872-1931) qui épouse la princesse 
Henriette de Belgique (1870-1948) puis à son fils
Charles, duc de Nemours (1905-1970)

Le service Penthièvre-Orléans

Le commanditaire à l'origine du superbe service Penthièvre-Orléans est très probablement un Anglais du nom d'Henry Janssen. Suite à des déboires financiers, il est contraint de vendre cet ensemble au comte de Toulouse, Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737), ou peut-être à son frère, le duc du Maine, tous deux fils légitimés du roi Louis XIV et de la marquise de Montespan. Le comte d'Eu, fils du duc du Maine, n'a pas de descendant et son cousin le duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse, est son héritier. A la mort du duc, sa fille, Louise Marie Adélaïde, épouse de Philippe-Egalité, hérite du service qui arrive ainsi dans la maison d'Orléans. Louis-Philippe, roi des Français de 1830 à 1848, en hérite à son tour de sa mère. Il fait alors restaurer le service et apposer ses armes par l'orfèvre Jean-Baptiste-Claude Odiot vers 1821. Il en profite pour commander à l'orfèvre de nouvelles pièces davantage au goût du jour (voir par exemple Sotheby's Paris, 10 juin 2004, n° 205, 206 et 207). En conséquence du passage vers 1809 du service à la Française au service à la Russe, il fait transformer les cloches couvre-plats réalisées par Durant, en couvercles de légumier.

Il s'agit aujourd'hui de l'unique service royal français en argent qui nous soit parvenu, dont la quasi-totalité est conservée dans de grandes collections publiques (Musée du Louvre, Metropolitan Museum, Fondation Gulbenkian, musées de Détroit et Philadelphie, musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles)2, les pièces restantes demeurant dans quelques grandes collections privées.

Parmi les cloches couvre-plats, seules restent en mains privées la paire de grandes cloches rondes et une ronde couvrant un pot à oille mis en vente chez Sotheby's à Londres le 6 juillet 2016. En ce qui concerne les autres couvercles de cette forme et de cette taille, l’un est conservé aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (Fig.4), le dernier au musée du Louvre (fig. 5). 

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Cloche couvre-plat ovale en argent, attribuée à Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1752 © Musée du Louvre

Le couvercle ici présenté appartient à ce fameux service Penthièvre-Orléans "miraculeusement préservé … aujourd’hui le seul ensemble qui permette d’apprécier la splendeur, l’éclat et le raffinement de l’argenterie de la cour de France".

Contrairement aux autres services royaux français, celui de Penthièvre-Orléans a survécu à la révolution et au besoin récurrent de l’Etat en argent liquide, lorsqu’était attendu des privilégiés qu’ils donnent leur argenterie afin d’en battre monnaie.  D’une façon ou d’une autre, il a également survécu aux fontes consécutives et aux changements de mode, comme en atteste ce témoignage du milieu du XVIIIe siècle, "ces fontes déplorables étaient extrêmement fréquentes et on peut affirmer que les orfèvres de Louis XV ont détruit presque autant d’objets qu’ils produisirent" 3.

Le service Penthièvre-Orléans est issu de différents orfèvres parisiens, notamment  Thomas Germain, Claude II Ballin, Edme-Pierre Balzac, Robert-Joseph Auguste et Antoine-Sébastien Durant, couvrant la période de 1728 à 1770 environ. Il comprend des pièces aussi célèbres que les terrines de Thomas Germain aux anses en tête de sanglier (1733-1734 (fig.9), dont l'une reste le record inégalé aux enchères pour une pièce d'orfèvrerie, tous pays et toutes époques confondues (Sotheby's New York, the Property of George Ortiz, 13 novembre 1996, n° 3, vendue pour un peu plus de 10 millions de dollars), les cloches couvre-plats de Durant devenues couvercles et datant du début des années 1750 (fig.5 à 8) et les terrines de Balzac de 1757-1759 qui ont servi de modèles aux apports d’Odiot au XIXe siècle (fig.10), lorsque les armoiries des Orléans ont été ajoutées à la demande de Louis Philippe (roi des Français de 1830 à 1848).

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Cloche couvre-plat ovale en argent, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1750-51, avec un corps postérieur, Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, vers 1821 © Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.

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Cloche couvre-plat circulaire en argent, attribuée à Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1750-56, avec un corps postérieur, Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, vers 1821 © Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.

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Cloche couvre-plat ovale en argent, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1750-51, avec un corps postérieur, Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, vers 1821 © Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.

fig6

Cloche couvre-plat circulaire en argent, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1756-57 © Collection privée.

fig8

Cloche couvre-plat ovale en argent, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1754-55 © Musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne.

fig9

Terrine, doublure, couvercle et présentoir en argent, Thomas Germain, Paris, 1733-34 © Sotheby’s, New York, 13 novembre 1996, lot 3

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Cloche couvre-plat circulaire en argent, provenant du Service Penthièvre-Orléans, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1752-53, avec un corps postérieur, Jean-Baptiste Claude Odiot, Paris, vers 1821 © Sotheby’s, Londres, 6 juillet 2016, lot 25.

fig10

Soupière, doublure et couvercle en argent, Edmé-Pierre Balzac, Paris 1757-59, et présentoir probablement par Edmé-Pierre Balzac, Paris, 1763-64 © Sotheby’s, Monaco, 20 juin 1992, lot 23. 

Iconographie de la vénerie

Les prises sur le thème de la chasse, associant animaux et légumes, surplombent souvent les plus belles pièces d'orfèvreries françaises au milieu du XVIIIe siècle, et Durant en était l’un des plus grands créateurs. Outre le service Penthièvre-Orléans, en attestent également les terrines réalisées pour le roi du Danemark, en 1749-1750, dont l’une figure un faucon encapuchonné perché sur un canard similaire au présent exemplaire. 4. Un service inspiré de la vénerie était parfaitement approprié pour le duc de Penthièvre, nommé Grand Veneur de France en 1737, un des plus importants offices de la Maison du Roi. Louis XV, son parrain, chassait autant que cela lui était possible, et le prince l'accompagnait lors de ses chasses. Leurs butins étaient si conséquents que, par exemple, le 19 août 1738, mille sept cents bêtes ont été tuées sur la plaine de St Denis, au nord de Paris.5 Comme il était féru de chasse, il appréciait également les peintures de chasse et remplissait ses palais de toiles signées par les peintres officiels qu’étaient Alexandre-François Desportes (1661-1743) et Jean-Baptiste Oudry (1686-1755).

Les oeuvres issues de ces deux derniers associent souvent pièces d’orfèvrerie, gibier, fruits et légumes. La terrine en argent aux pêches de Desportes (fig.10) représente probablement une pièce provenant du service Penthièvre-Orléans, ou peut-être une pièce similaire que l'on pense faite pour Jol. Les relations d’Oudry avec l’univers artistique des orfèvres étaient bien connues6 et les sujets de ces toiles peuvent être directement reliés aux pièces d’argenterie existantes comme dans le Loup pris au piège de 1732 (Stadtliches Museum, Schwerin Inv. G213). Cette iconographie est reprise sur un surtout en argent (Nicolas Roettiers, 1734-35, au Louvre), réalisé pour le petit-fils de Louis XIV, le duc de Bourbon (1692-1740). Il semblerait que Roettiers ait vu la toile dans l’atelier d’Oudry, étant donné qu’elle n’a pas été vendue par l’artiste avant 1739.7 L’influence d’Oudry sur le service Penthièvre-Orléans se traduit pleinement dans la prise figurant un renard et un coq sur l’un des couvercles de Durant (fig.7). Il a été modelé d’après son Renard dans la Basse-Cour de 1748 (Wallace collection, Londres).

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François Desportes (1661-1743), Nature morte à la terrine en argent et aux pêches, 1739, The National Museum of Fine Arts, Stockholm. Sweden.

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Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), Renard dans la basse-cour © The Wallace Collection, Londres.

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Cloche couvre-plat circulaire en argent, Antoine-Sébastien Durant, Paris, 1755-56 © Collection privée. 

Antoine-Sébastien Durant 

Né à Paris le 15 mars 1712, il est le fils d'un marchand de vin. Commencée sous les meillleurs auspices dans une famille bourgeoise aisée, sa vie va brusquement connaitre une période pleine d'incertitudes avec le décès de sa mère lorsqu'il a dix ans et la faillite brutale de son père lorsqu'il en a douze. Recueilli par son beau-frère l'orfèvre Jean-Baptiste Tripart, ce dernier l'aiguillera sur la voie de l'orfèvrerie auprès de Chéret et Igonnet. A son tour Tripart dépose son bilan et meurt à 45 ans. Antoine est reçu maître le 30 mars 1740 et sera encore inscrit sur les listes jusqu'en 1785. L’orthographe traditionnelle du nom de la famille d’orfèvre Durand est, selon de récentes recherches, considérée comme incorrecte, du moins au regard des propres vœux de l’orfèvre. Les terrines en argent livrées pour la couronne danoise sont signées “Durant” et, dans son contrat de mariage, à chaque fois que le notaire a écrit “Durand”, la dernière lettre a été remplacée par un « t ». De remarquables détails biographiques sur Antoine-Sébastian Durant (1712-1787) ont été découverts, concernant notamment son enfance tragique et l’influence de sa sœur et de son époux, l’orfèvre Jean-Baptiste Tripart. A cela s’ajoutent des informations sur sa carrière, sa santé et ses clients qui peuvent être trouvées dans une communication de Françoise Arquié-Bruley dans leBulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1995, pp. 165-185. Si ce nom est moins connu que celui de Germain, son importance à l'époque ne peut être minorée. Par exemple, dans l'inventaire de la comtesse du Barry en date du 10 janvier 1791 figurent deux girandoles d'or par Durant. Si l'on analyse les objets subsistants de cet orfèvre, on relève 20 objets datant de la péridoe 1740-1750, 28 entre 1750 et 1760, 16 entre 1760 et 1770, le dernier étant une clochette de table datant de 1769-1770. La disparition brutale de son fils à Rome en 1770 crée certainement un grand traumatisme pour l'orfèvre. Si aucune pièce postérieure à 1770 n'a été retrouvée, on sait par les dépôts à la marque que sa production est encore importante, par exemple 103 marcs en 1768 et 225 marcs en 1771, le marc pesant environ 245 g  (Sotheby's remercie vivement Bernard Causse pour sa précieuse contribution).

L’origine du service et son appartenance au duc de Penthièvre

Le mystère autour de l’origine du service n’a pas été entièrement élucidé. Il est documenté pour la première fois dans un inventaire du petit-fils de Louis XIV, le duc de Penthièvre (Fig.2  dans l’arbre généalogique), réalisé en 1794. Le duc de Penthièvre était l’un des hommes les plus riches de France, tenant sa fortune de son statut d’héritier des deux fils légitimés de Louis XIV et de Madame de Montespan, son père et son oncle, respectivement le comte de Toulouse et le duc du Maine. Il hérita de la fortune de son oncle car le fils de ce dernier, le comte d’Eu mourut sans descendance, laissant comme héritier le duc de Penthièvre.

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Louis-Jean Marie de Bourbon duc de Penthièvre (1725-1793), petit-fils de Louis XIV, d’après Nattier.

 Un inventaire du duc de Penthièvre datant de 1757 relève un très grand nombre de pièces d’argenterie, mais aucune d’elles ne comprend le service Penthièvre-Orléans. Cela suggère qu’il n’en a pas hérité de son père décédé en 1737.8

Son cousin et légataire, le comte d’Eu, était encore vivant à l’époque et, bien qu’aucun document en attestant n’ait été publié, il apparaît plausible de penser qu’il ait été le propriétaire du service.  Cela est confirmé par un document prouvant l’acquisition par le comte d’Eu d’éléments du service auprès d’un certain Henry Janssen ou de ses héritiers.

La preuve de cet achat est confirmée par l’existence d’armoiries antérieures sur la cloche de Durant aux Musées Royaux d’art et d’Histoire de Bruxelles ainsi que sur celle présentée ici, identifiées comme celles de Janssen ; on peut relever aussi le lien entre Janssen et les terrines à la tête de sanglier de Thomas Germain dans le même service. Des modèles de ces dernières ont été conservés par le fils de Germain, François-Thomas, et enregistrés dans son atelier en 1765 sous ‘M de Janssin [sic]'9 . Enfin, un rapport rédigé vers 1803 sur la vie du duc de Penthièvre témoigne que son oncle, le comte d’Eu, a acquis un service pour 50 personnes d’ ‘un Anglois nomme le comte de Jansin qui avoit l’honneur d’être admis a sa cour’10. Le rapport de Madame Guénard contient quelques inconsistances en termes de chronologie, mais constitue un témoignage relativement contemporain qui peut être pris au sérieux. 

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Louis Charles de Bourbon, comte d’Eu (1701 – 1773), Ecole française © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet / Gérard Blot

L’histoire de cette dernière révèle qu’Henry Janssen était attaché à la cour du comte d’Eu. Comme beaucoup d’autres, il fut « invité » à abandonner son argenterie pour la fonte de 1759 (afin de soutenir le financement de la guerre de Sept Ans) et, sur le point de perdre le service pour 50 personnes, récemment complété. Il avait lui-même fourni le métal et il lui restait à payer à l’orfèvre une somme importante pour sa main d’œuvre.  Il a fait appel au comte d’Eu qui a proposé de l’aider en se portant acquéreur du service (et vraisemblablement des taxes afférentes) en échange d’une rente annuelle.  Lorsque le comte d’Eu mourut en 1775 sans descendant, son cousin et héritier, le duc de Penthièvre hérita de  ‘la belle argenterie Jansin’  mais offrit également généreusement de rembourser la famille Jansen à hauteur de la valeur du métal. Il est avéré qu’à la mort d’Henry Janssen en 1766, l’argenterie qu’il possédait à l’hôtel de Lassay qu’il louait et partageait avec son frère Robert, sans plus de précisions, pesait près de 300 kilos et avait été donnée en garantie de ses dettes. Il est également rapporté qu’après la mort d’Henry, le comte d’Eu accepta de payer une rente annuelle de 7200 livres au frère d’Henry, Robert, qui en était l’héritier, pour un principal de 72,000 livres 11. Cette somme d’argent correspond au coût d’un service important et élaboré de l’époque. Une étude radiographique sur une des célèbres terrines aux hures de sangliers permet de relever de façon quasi-certaine sur une doublure la présence des armoiries du comte d'Eu.

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Portrait d’un groupe représentant probablement Sir Theodore Janssen, 1er baronnet (1654/58 ?-1748) et ses cinq fils, dont Henry Janssen (1701 ?-1765) et Robert Janssen (1709 ?-1780). © Guildhall Art Gallery, Londres

Un article de Maureen Cassidy-Geiger suggérait que des pièces du service Penthièvre-Orléans (comprenant la terrine à tête de sanglier) avaient été effectivement acquises par le comte d’Eu mais en passant par une autre source, ayant appartenu au comte de Brühl, originaire de Saxe, qui l’avait lui-même acheté au Fermier Général de France François Joly de Fleury.12 

Alors que peu d’éléments dans cet article permettent de douter du fait que le comte d’Eu ait acheté le service auprès de Janssen et de ses héritiers, l’histoire de Joly de Flory confirme que des services spectaculaires étaient sur le marché peu de temps après leur réalisation, et que l’élite de la société, pour qui ces grands services d’argenterie constituaient une part essentielle de leur situation, était prête à en acquérir en seconde main plutôt que d’attendre le temps du processus de commande d’un service neuf et d'en assumer les coûts. 

Les éléments du service ayant survécu sont connus d’après trois inventaires. Deux de ceux-ci ont été réalisés en 1794 après le décès du duc de Penthièvre en 1793. Le troisième, datant de 1850, le répertorie comme « Service no 1 » à la suite du décès de Louis-Philippe à Claremont House dans le Surrey. Cette demeure avait été prêtée par la reine Victoria, après son exil, conséquence de la révolution de 1848. Dans ce dernier inventaire, il est possible d’identifier le service avec les ajouts d’Odiot.13 Dans l'Etat du Grand Service de 1794 figurent clairement et seulement 9 cloches couvre-plats, chacune accompagnée de son plat : 2 grandes cloches rondes, 1 grande cloche ovale, 4 petites cloches rondes et 2 petites ovales. Ce sont bien celles qui ont subsisté aujourd'hui et que l'on a pu localiser.

Peu de temps après la mort du duc de Penthièvre au château de Bizy en Normandie, son argenterie avait été confisquée par le gouvernement à sa fille et héritière Louise Marie-Adélaïde. L’intention originale était de fondre le service, qui avait été apporté à l’Hotel Mondragon à Paris où un inventaire  était dressé en date du 9 Floréal an II (28 avril 1794) avant de les apporter à la fonderie.14  Il fut enregistré près de 370 kilos d’argent et incluait toutes les pièces connues et survivantes du service Penthièvre-Orléans.

L’inventaire rapportait également comment les différentes pièces étaient entreposées dans des étuis de cuir ‘afin de ne pas les abîmer au cas où il serait décrété que quelques pièces seraient préservées” 15.  Ce fut « décrété » et les meilleures pièces d’orfèvrerie de Penthièvre furent reprises pour être regroupées en un Grand Service destiné finalement à l’usage par l’exécutif du Directoire au Palais du Luxembourg. Elles étaient enregistrées dans un autre inventaire de 1794 intitulé Etat et poids du Grand Service, où les éléments XVIIIe du service Penthièvre-Orléans comprenant le présent couvercle, pouvaient être à nouveau identifiés. 16

L’appartenance aux Orléans

Le Directoire n’a jamais utilisé le Grand service dont l’argenterie de Penthièvre était le fleuron. En 1797, la fille et héritière du duc de Penthièvre, Louise Marie Adélaïde, dont l’époux, le duc d’Orléans (Philippe-Egalité), avait été guillotiné, avait été elle-même emprisonnée. Elle obtint le droit de récupérer son argenterie selon les termes de la loi du 28 juin. 17 Celle-ci s’élevait à près de 230 kg d’argent et avait ainsi créé un trou important dans le Grand service, si bien que l’exécutif du Directoire avait écrit au Ministre des Finances en protestant contre son retour et en décrivant l’argent comme ‘précieux par son exécution’.18  Alors que la lettre du Directoire n’eut pas le résultat escompté, l’orfèvrerie était à nouveau en péril 16 jours plus tard après que la duchesse en ait pris possession, lorsqu’elle dû s’exiler en Espagne à la suite de la révolution du 4 Septembre 1797. A nouveau, il fut rendu à la duchesse après la restauration de la monarchie en juillet 1814, puis confisqué pendant les Cent-Jours, revenant définitivement à sa propriétaire après la restauration du Roi en juillet 1815. A la mort de la duchesse d’Orléans, ses deux fils aînés étant déjà décédés, le service revint à son troisième fils, Louis-Philippe, duc d’Orléans (puis roi des Français de 1830 à 1848), ce dernier décidant d'y appliquer ses armoiries .19 Il avait été détrôné en 1848 et s’était réfugié en Angleterre où il mourut en 1850. En tant qu’exilée, sa veuve n’était pas autorisée à faire un testament en France mais avait signé un Act of Settlement qui l’autorisa à laisser le Service no 1 à son fils survivant le plus âgé, le duc de Nemours (1814-1896).20 Par la suite, les testaments ne permettent pas de suivre le service, mais des ventes ont été organisées par la famille du duc de Vendôme (1872-1931), arrière-petit-fils de Louis-Philippe au milieu du XXe siècle.

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Le duc de Penthièvre, Louis-Jean-Marie de Bourbon (1725-1793), et sa fille, Louise-Adelaïde qui deviendra bientôt Duchesse d’Orléans, par Jean-Baptiste Charpentier le Vieux (1728-1806) © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

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Louis Philippe Ier, roi des Français (1773  - 1850), peint d’après François Nicolas Louis Gosse (1787  - 1878) © Sotheby’s, Paris, 29 septembre 2015, lot 89.

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Le Duc de Vendôme Emmanuel d’Orléans, son épouse la princesse Henriette de Belgique et leurs enfants.

Henry Janssen

Henry Janssen (1701-1766) était d’origine hollandaise et son ancêtre, le baron Janssen de Heez avait perdu la vie et ses possessions durant les guerres d’indépendance hollandaise alors sous le joug espagnol.  Son grand-père Théodore Janssen de Heez avait fait fortune en France, et son père également nommé Théodore avait apporté sa fortune en Angleterre avant d’être naturalisé et d'être créé baronet en 1714 pour les services rendus à la Couronne. Il mourut en 1748 laissant cinq fils. Parmi eux, le frère d’Henry Janssen, Stephen Theodore, devint Lord Mayor de Londres en 1754, alors qu'Henry lui-même et son frère Robert avaient été naturalisés citoyens de France respectivement en 1741 et 1740, demeurant à l’Hôtel de Lassay loué depuis 1738. Sa nécrologie le présente comme un ancien ‘Capitaine aux Gardes Anglois’ et un capitaine de navire considéré comme étant Henry Janssen est mentionné en 1744, comme maître du Pavillon corsaire  ‘La  Palme’ escortant deux vaisseaux à Dunkerque, ‘Le Neptune’ et  ‘La Bonne Espérance’ chargés de vin, d’eau de vie et de sirop pour les marchands d’Ostende et de Bruges.21 Le poète Alexander Pope décrit ironiquement Henry dans le volume 4 de La Dunciade, publiée pour la première fois en 1728, comme responsable de l’éducation financière de la jeunesse. Lorsqu’il était en Angleterre, il aurait allégé de 30,000 livres le jeune 3ème duc de Bedford (1708-1732) au cours d’une partie de cartes qui avait duré 24 heures.22 Dans la même veine, il est mentionné dans une correspondance entre Horace Walpole et Sir Horace Mann où ce dernier se réfère à lui en France en tant que “ce fraudeur” prenant l’argent aux riches Anglais et qui “de temps en temps se présentera  comme étant libéré de ses milliers».23

Notes
1. Gérard Mabille, ‘Le Service Penthièvre-Orléans’, Versailles et les table royales en Europe XVIIème-XIXèmes siècles, cat. exp. château de Versailles, 3 Novembre 1993 - 27 Février 1994, p.275
2.Les pièces composant le service Penthièvre-Orléans enregistrées sont :
Thomas Germain
- Une paire de rafraichissoirs, 1727-1728 (Louvre).
- Deux paires de candélabres à trois lumières (une paire dans une collection privée, 1732, l’autre dont la localisation est inconnue).
- Une paire de plats à ragoût, 1733-1734 (une au Louvre; l’autre dans une collection privée, cf. Sotheby’s Monaco, 20 Juin, 1992, lot 24).
- Une paire de terrines sur leurs présentoirs, aux prises en forme de têtes de sanglier 1733-1734 (une au Detroit Institute of Arts, une autre dans une collection privée, cf. Royal French Silver, the property of George Ortiz, Sotheby’ New York, mercredi 13 novembre 1996, lot 3).
- Une autre paire de terrines sur leurs présentoirs (localisation inconnue des terrines ; les socles, 1729-30, en collection privée, cf. Sotheby’s, op. cit., 1996, lot 5).
- Une paire de salières, 1734-1736 (Louvre).
Claude Ballin II
- Une paire de rafraîchissoirs, 1744-1745 (Sotheby’s, op. cit., 1996, lot 4).
Edmé-Pierre Balzac
- Une paire de terrines, 1757-1759 (l’une sans présentoir, Metropolitan Museum of Arts; l’autre avec un présentoir légèrement postérieur, 1763-1764, Louvre, Sotheby’s, op. cit., lot 23).
- Une paire de rafraîchissoirs, 1757-1760 (collection privée, Sotheby’s Monaco, 24 Juin 1976, lot 51).
- Une paire de rafraichissoirs assortie, 1759-1760 (Louvre).
- Deux paires de pots à oille, 1758-1759 (une paire au Louvre; l’autre dans une collection privée).
- Quatre huiliers (l’un de 1760-1761 dans une collection privée; trois dont la localisation est inconnue).
Antoine-Sébastien Durant
- Une paire de couvercles ovales, 1750-1751 (Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles).
- Un couvercle rond, 1750-1756 (Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles).
- Un couvercle rond, 1750-1756 (Louvre).
- Un important couvercle ovale, 1754-1755 (Fondation Gulbenkian).
- Une paire de grands couvercles ronds surmontés respectivement d’un renard et d’une fouine, 1756-1757 (collection privée).
- Une paire de salières, 1758-1759 (une au Louvre; une autre au Philadelphia Museum of Art).
Robert-Joseph Auguste
- Quatre présentoirs, 1770-1771, pour des pots à oille de Balzac (Louvre et collection privée).
3. Lazare Duvaux, Marchand Bijoutier ordinaire du roi. Par Alexander von Solodkoff, ‘The rediscovery of a 1754 ‘‘Machine d’Argent’’ by François-Thomas Germain’, Studies in the Decorative Arts, vol. 13, no. 2 (2006) p.59, note 17.
4.On ne sait pas précisément quel roi du Danemark a commandé ces terrines ; elles sont mentionnées pour la première fois dans les inventaires danois en 1796. Cf.: cat. exp., A King’s Feast, Kensington Palace, 5 juin-29 septembre 1991 p. 101, n° 72. Pour une autre terrine de Durant avec une prise élaborée figurant un oiseau et un légume; et pour des informations biographiques sur l’orfèvre : Sotheby’s Paris, 18 décembre 2002, catalogue séparé pour les lots 134, 135 et 136, Exceptionnel ensemble d’orfèvrerie par Antoine-Sébastian Durant.
5. Cat. exp. Vincent Droguet et al., Animaux d’Oudry, Collection des ducs de Mecklembourg-Schwerin, Musée national du château de Fontainebleau, 5 novembre - 9 février, 2004, p. 15.
6. Voir par exemple son rôle dans l’acquisition d’un surtout en argent dans Alexander von Solodkoff, ‘A Lost “Machine d’Argent” of 1754 by François-Thomas Germain for the Duke of Mecklenburg,’ in Studies in the Decorative Arts, The University of Chicago Press on behalf of the Bard Graduate Centre, Printemps-Eté 2000, pp. 122-135.
7. Vincent Droguet, 2004, p. 108.
8. Sotheby’s New York, Royal French Silver, the property of George Ortiz, 13 novembre 1996, p. 39 note 2. La plupart des recherches sur les origines des Penthièvre-Orléans ont été entreprises par Stéphane Boiron et publiées dans ce catalogue, ainsi que dans celui de la vente Sotheby's Monaco, 20 juin 1992, lot 23.
9. Christiane Perrin, François Thomas Germain, orfèvre du roi, Saint-Rémy-en-L’eau, 1993, p.58.
10. Elisabeth Guénard, Vie du duc de Penthièvre, t II, Paris, 1803, pp.125-127.
11. op. cit, Sotheby's 1996, p.39, note 12.
12. Maureen Cassidy-Geiger, ‘Ein neues silbern Französisches Tafel Service: Linking the Penthièvre-Orléans service to Dresden’ in Silver Studies, 2007, pp. 123-152
13. Op. cit. 1996, p. 42, note 26.
14. Le document a été découvert par Madame Gaborit-Chopin à la Bibliotèque Nationale. Op.cit, 1996, p. 41, note 19.
15. Op.cit. 1996, p. 41, note 19.
16. Op.cit. 1996, p. 54, note 3.
17. Op. cit. 1996 p. 42, note 22
18. Op.cit. 1996 p. 54, note 1.
19. Op.cit. 1996 p.42, note 24.
20. Op. cit. 1996 p. 42, note 27.
21. Mercure de France, mai 1744 p. 1053. Christine Perrin relie cet incident et les `prises anglaises du capitaine Janssen' (également mentionnées dans le Mercure de France) à Henry Janssen, op. cit., p. 109. Georgiana Blakiston, Woburn and the Russels, London, 1980, p.98. The Yale edition of Horace Walpole’s Correspondence, 5 et 17 septembre, 1741.

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Lot 112. Important centre de table en argent en trois parties aux armes des comtes de Talbot par Paul Storr, de Storr & Co,  pour Rundell, Bridge & Rundell, Londres, 1817. Estimation: 150,000 — 250,000 €. Photo: Sotheby's.

chacun formant un chandelier centré d'une corbeille, les deux parties latérales reposant chacune sur trois pieds coquilles sommés de trois cartouches armoriés tenus par deux chiens accompagnés par la devise de la Jarretière et la devise de la famille Talbot HUMANI NIHIL ALIENUM, à trois bras de lumière chacun présentant deux lumières, centré d'une coupe à décor d'une guirlande de lierre, la pièce centrale de même décor reposant sur quatre pieds coquilles et à quatre bras présentant chacun deux lumières
Haut. 53 cm et 80 cm, 42.811 g ; 21 1/2 in & 20 3/4 in. high, 1 376oz 8dwt

Provenance: Charles Chetwynd-Talbot, 2ème comte Talbot de Hensol, K.G., F.R.S, F.S.A. (1777-1849) en tant que Lord Lieutenant d'Irelande en 1817 et ensuite par descendance à son second fils,
L’amiral Henry Chetwynd-Talbot, 3ème comte Talbot et 18ème comte de Shrewsbury et Waterford C.B., P.C. (1803-1869) et ensuite par descendance à son fils aîné,
Charles Chetwynd-Talbot, 4ème comte Talbot et 19ème comte de Shrewsbury et Waterford P.C. (1830-1872) et par descendance à son petit-fils,
John Chetwynd-Talbot, 6ème comte Talbot et 21ème comte de Shrewsbury et Waterford (1914-1980)
Vente du comte de Shrewsbury et Waterford, Sotheby’s Londres, 13 octobre 1960, lot 129 (adjugé 1.650 livres à T. Lumley)
Thomas Lumley Ltd
Depuis au moins 1992, dans la collection de Robert de Balkany.
Bibliographie: A. Andrews, A Short History in Ingestre, Stafford, 2015, p. 29.
The Times, 'The Saleroom', 14 octobre 1960, p. 7.
Art in Industry : The Silver of Paul Storr, Cambridge, 2015, p.112

Le comte Talbot et Ingestre Hall

Les armoiries sont celles des Talbot écartelées des familles Chetwynd et Lambart pour Charles Chetwynd, 3ème comte Talbot de Hensol (1777-1849).  Il nait et est aussitôt baptisé dans la paroisse St. George's à  Hanover Square, le 25 avril 1777. Devenu vicomte Ingestre en 1784, il prend le titre de comte au décès de son père en mai 1793, avant d’entrer au Christ Church College d’Oxford l’année suivante. Après l’université, il rejoint l’ambassade de Lord Whitworth en Russie en tant qu’attaché volontaire. A son retour en Angleterre, il épouse le 28 août 1800 en l'église St George sur Hanover Square Frances Thomasine (1782-1819), fille aînée de Charles Lambart of Beau Parc, du comté de Meath en Irlande, et sœur de James, 1erbaron Sherborne.  Leur union durera dix-neuf ans. Frances décède en couche mais lui laisse une fille et un fils, Henry John Chetwynd qui lui succédera comme 3ème comte de Talbot, portant également le titre de 18ème comte de Shrewsbury à partir de 1856. Afin de prévenir une éventuelle invasion napoléonienne, Talbot œuvrait à la constitution d’une armée de volontaires dans le Staffordshire. Nommé Lord Lieutenant d'Irelande de 1817 jusqu’en 1821, il sera également Lord Lieutenant du Staffordshire à compter de 1812 et, tout au long de sa vie, restera un fervent défenseur de l’agriculture dans son pays. Le 10 janvier 1849, Il décède à l’âge de 72 ans à Ingestre Hall où il sera enterré.

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Charles Chetwynd, 2ème comte Talbot (1777-1814) par Thomas Thompson. 

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 Ingestre Hall, Staffordshire, England.

Avant de devenir la demeure officielle des comtes de Talbot et de Shrewsbury au XVIIIe siècle, Ingestre Hall fut construit en 1613 sur les fondations d’un ancien manoir pour Sir Walter Chetwynd. Situé près de Stafford dans le comté du Staffordshire, sa façade de briques rouges traduit plusieurs influences de la Renaissance, notamment jacobites. Lorsque le petit-fils de Walter, le premier vicomte Chetwynd, en hérite à la fin du XVIIème siècle, il y apporte quelques modifications. Ce n’est qu’au XIXème siècle que des travaux plus importants sont entrepris par l’architecte John Nash à la requête du 2ème comte de Talbot. Désirant des intérieurs plus fastueux, le comte ne fit pas seulement appel à l’architecte du roi mais également à son ébéniste et à son orfèvre. On doit ainsi à Marsh et Tatham un très beau mobilier dans la salle à manger et à Paul Storr une suite de six rafraîchissoirs vendus par Sotheby's en 1957 (une paire repassa en vente chez Sotheby's en 1983) ainsi que cette magnifique garniture de table.
Cet ensemble est certainement un des plus importants témoignages de l'orfèvrerie de style Regency. 

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 Salle à manger d’Ingestre Hall dans les années 1950 montrant l’ensemble de Paul Storr. 

Paul Storr (1770-1844)

 

Equivalent par sa renommée à Odiot à Paris, cet orfèvre oeuvra beaucoup dans le style néoclassique. Pour bien maîtriser la ciselure, il fit son apprentissage auprès de l’orfèvre Andrew Fogelberg. Ses premières pièces sont ainsi fortement influencées par le style néoclassique de son maître. A partir de 1807, il s'associa avec Philip Rundell, John Bridge et Edmond Waller Rundell, devint fournisseur de la cour, et put ainsi produire des pièces de grand volume qui assirent sa réputation, dont cette célèbre garniture Talbot. En février 1819, il met un terme à cette collaboration et ouvre son propre atelier, avant de s’associer avec John Mortimer en ouvrant une enseigne sur New Bond Street. Puisant leur inspiration dans sa bibliothèque très riche en ouvrages iconographiques traitant aussi bien de l'Antiquité que de la Renaissance, il compte rapidement parmi ses clients les rois Georges III puis Georges IV et toute la haute aristocratie britannique.

TABLEAUX ET DESSINS DES XIXE ET XXE SIÈCLES

Le très bel ensemble de ‘portraits d’intérieurs’ par Alexandre Serebriakoff, Isabelle Rey et Jeffrey Bailey, retiendra l’attention des amateurs. Il représente un précieux témoignage des décors de l’hôtel de la rue de Varenne dans les années 1980.

19TH AND 20TH CENTURY PAINTINGS AND DRAWINGS 
The fine collection of ‘portraits of interiors’ by Alexandre Serebriakoff, Isabelle Rey and Jeffrey Bailey, is certain to appeal to collectors. This represents a valuable record of the Rue de Varenne mansion's interior design during the 1980s.

ROBERT ZELLINGER DE BALKANY

Un visionnaire doublé d'un entrepreneur exceptionnel

« Robert de Zellinger Balkany était mon ami depuis plus de cinquante ans. Pour beaucoup, il était perçu comme un homme intelligent, cultivé, charmant et charismatique. C’était aussi un homme d’affaires visionnaire, qui par son énergie et sa détermination, a couronné sa vie de succès. Peu ont connu son engagement en faveur des plus démunis. Il donnait sans compter, et avec une élégance dont seuls sont capables les gens dotés d’une vraie noblesse de cœur, il ne faisait pas grand cas de sa générosité. Très fier de son origine hongroise, l'école qu'il a fait construire à Budapest compte actuellement plus de 700 élèves. Grâce à cette école, "son" école, l'État hongrois lui a témoigné sa reconnaissance en lui attribuant la plus haute distinction du pays: l'Ordre du Mérite. Robert de Balkany était un grand-seigneur, et une personnalité telle que l’on en rencontre rarement dans une vie. » Archiduc Michael de Habsbourg-Lorraine

Robert Zellinger de Balkany (1931-2015) nait en Hongrie le 4 août 1931. Son père, Aladar Zellinger de Balkany, ingénieur promoteur, quitte la Hongrie pour la France avec sa famille en 1938. Il développe des industries textiles dans le nord, qu'il vendra par la suite pour travailler avec son fils. Il sera naturalisé français en 1956. 

Après une scolarité à l'Institution Sainte-Marie de Monceau, Robert part aux Etats-Unis poursuivre ses études à l'université de Yale, dont il sortira titulaire d'un Master of Arts en architecture. 

La découverte des grands centres commerciaux américains est une véritable révélation : il décide d'importer le concept en France. Le talentueux entrepreneur va décliner cette idée révolutionnaire, créant une quarantaine de centres commerciaux en Europe. Parly 2 sera l'une de ses réussites les plus emblématiques et reste une référence dans l’histoire commerciale française. Inauguré en 1969, ce projet de grande ampleur symbolise parfaitement le concept novateur qui installe une résidence immobilière de luxe aux portes d'un centre commercial sophistiqué, introduisant un style de vie "à l'américaine" en France. Robert Zellinger de Balkany déclinera ensuite le concept en région parisienne, mais aussi en province, puis dans divers pays européens.

Passionné de polo, qu'il considérait comme "le sport le plus extraordinaire du monde", Robert Zellinger de Balkany a remporté à trois reprises la Coupe d'or de Deauville, et il a fait construire son propre terrain de polo à Sainte-Mesme auquel furent invités les équipes du monde entier. 

1

The treasures in the salon jaune include a large gilt-bronze mounted cut-crystal chandelier (centre) attributed to the Maison Chaumont (1790–1868), Restauration, circa 1820 (Estimate €250,000–400,000). The room also features two gilt-bronze mounted tortoiseshell and brass marquetry armoires à médailles, the first Boulle workshop circa 1720–1730, probably restored by Jean-Faizelot Delorme; the second circa 1760–1770, (Estimate €600,000–1,000,000). (Top right) Sir Anthony van Dyck (1599–1641); Portrait of the Countess of Carnarvon; Oil on canvas (Estimate €800,000–1,200,000). Photo: Sotheby's.

4

Other highlights of the salon jaune include a painting by a follower of Sir Anthony van Dyck; Portrait of James Stuart, 4th Duke of Lennox and 1st Duke of Richmond; Oil on canvas (Estimate €60,000–100,000). Photo: Sotheby's.

21

 Other highlights of the salon jaune include Sir Anthony van Dyck's (1599–1641) Portrait of the Countess of Carnarvon, Oil on canvas (Estimate €800,000–1,200,000). Photo: Sotheby's. 

8

At the centre of the salon rouge, which shows Robert de Balkany’s impressive collection of clocks, is the large-scale canvas La Bataille de Lépante, attributed to Tintoretto (Estimate €300,000–500,000). Photo: Sotheby's.

6

The Fumoir (interior design by Jacques Garcia) features a magnificent pair of patinated bronze and gilt-bronze console tables, the figures attributed to Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824–1887) under the direction of Maison Barbedienne, Paris, circa 1870 (Estimate €400,000–600,000). Photo: Sotheby's.

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A patinated and gilt-bronze mounted ebony, tortoiseshell and brass marquetry mantel clock by André-Charles Boulle, the dial and the movement by Abraham Gilbert, Régence (Estimate €300,000–500,000) and a pair of gilt-bronze mounted Paris porcelain vases signed by Swebach and dated 1807, Empire, Dihl et Guérhard Manufacture (Estimate €80,000–120,000). Photo: Sotheby's 

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The table in the Entrance Hall features a number of Italian equestrian bronze works of art (Estimates from €7,000) and, at the back wall, a monumental organ clock by Charles Clay, London, circa 1740, (Estimate €180,000–250,000). Photo: Sotheby's.

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A monumental organ clock by Charles Clay London, circa 1740 (Estimate € 180,000–250,000). Photo: Sotheby's.

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 A suite of two large and two small (pictured left) parcel-gilt and painted benches in Empire style (Estimate €2,000–3,000) and (back of room) two comfortable armchairs (Estimate €1,500–2,000). Photo: Sotheby's.

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