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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
18 mai 2017

Situle, thap, Vietnam, région nord, culture de Dông Son, Ve-IIIe siècle avant J.-C.

Situle, thap, Vietnam, région nord, culture de Dông Son, Ve-IIIe siècle avant J

Situle, thap, Vietnam, région nord, culture de Dông Son, Ve-IIIe siècle avant J.-C. Bronze. H. : 42 cm, poids : 11,500 kg. INV. 2505-29 © musée Barbier-Mueller

Ce récipient cylindrique repose sur une base non marquée à l’extérieur par une délimitation, dépassant le fond de la situle de 1,5 centimètres. Une partie rétrécie en haut permettait d’encastrer le couvercle. Les deux anses évoquent une liane torsadée en forme de U renversé, ornées de deux doubles spirales à la base des deux côtés [1]. Cet objet est un des plus représentatifs, avec les tambours de type Heger I, des vestiges de la culture de Dông Son.

Sur le plan social, les situles dôngsoniennes appartenaient à la noblesse. Les situles de cette dimension pouvaient servir de réceptacles à ossements, contenir un crâne [2], celui du défunt ou de la victime d’un sacrifice. D’autres contenaient diverses sortes de liquides et les rares inscriptions (chinoises) qu’elles comportent se réfèrent parfois à leur contenance. Certaines sont décorées de gravures, de figures humaines aussi sophistiquées que celles des tambours de bronze.

Ce récipient de grande taille est richement décoré : depuis le haut, des bandes géométriques (quadruples lignes en creux encadrant deux rangées de dents de scie pointe contre pointe et séparées par des spirales géométriques ou méandres entrelacés). Une bande vierge se trouve au dessous et à nouveau des lignes horizontales, en deux registres, encadrant quatre barques, présentant des scènes guerrières laissant présumer qu’il s’agissait de commémorer une victoire, au vu des ennemis décapités, encore qu’il ait pu s’agir d’un couronnement ou d’une « fête de mérite » lors de laquelle le ou les personnages célébrés avaient droit à des sacrifices humains ? Des animaux remplissent les espaces vides et représentent l’environnement, à moins qu’ils ne soient des symboles évoquant le sombre monde souterrain (les poissons, les crocodiles ailleurs ou les tortues), et le monde céleste (les oiseaux), son « contraire nécessaire ».

Particulièrement intéressants sont les vingt-deux caractères chinois gravés sur le bord de la situle, après la fonte, sans doute un ou deux siècles après celle-ci. Ils se rapportent au poids, à la contenance du récipient en mesures chinoises, et la partie non déchiffrée indique peut-être le lieu de fabrication.

Les « situles à inscriptions » sont très rares. Les premières ont été découvertes sur le territoire du royaume de Nan Yué, près de Guangzhou (ville de Canton, province de Guangdong, Chine). Une autre a été trouvée depuis à Lubowan, dans la région autonome de Guangxi, et les deux dernières se trouvent dans les collections Barbier-Mueller [3].

Les inscriptions de la situle de Lubowan, de cette situle et du tambour de Cô Loa partagent une ressemblance frappante [4]. Seul le caractère han de la première a pu être identifié comme le lieu de production. Sans doute les deux premiers caractères de droite à gauche de la situle Barbier-Mueller renferment-ils le secret de ce lieu ?

Dans la tombe de Viêt Vuong (roi du royaume de Viêt en Chine, près de Guangzhou – la ville de Canton, capitale de la province de Guangdong en Chine au IIe siècle avant J.-C.), on a trouvé une situle assez semblable à celle-ci. En 1986, le musée de Yên Bài a découvert dans le sous-sol de Hop Minh un tel réceptacle avec son couvercle intact, fait rarissime. Cette dernière situle est semblable en taille et en décoration à celle-ci.

De culture de Dong Sôn, cette situle atteste de la probable influence des habiles bronziers du royaume de Dian au Yunnan, où existent encore des hottes en osier de même forme.

Publ. : Viêt 2006, page de titre pour le détail de la barque, fig. 11 pour la situle entière, fig. 13 pour le détail de l’anse en U renversé.

[1] voir photo de détail dans Viêt 2006, p. 251, fig. 14
[2] ibid., p. 260
[3] ibid., p. 257
[4] ibid., p. 258

Édité et complété par Jean Paul Barbier-Mueller

Van Viêt Nguyên, Le profane et le divin, arts de l’Antiquité. Fleurons du musée Barbier-Mueller, musée Barbier-Mueller & Hazan (éd.), 2008 : p. 437.

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