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Alain.R.Truong
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15 août 2018

Commode du début de l'époque Louis XV, estampille de Pierre IV Migeon, vers 1740

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Lot 95. Commode du début de l'époque Louis XV, estampille de Pierre IV Migeon, vers 1740. H.: 86,5 cm. ( 34 1/3 in.) ; L.: 131 cm. ( 51 ½ in.) ; P.: 57 cm. ( 22 ½ in.). Estimate EUR 100,000 - EUR 200,000 (USD 114,145 - USD 228,290) © Christie's Images Ltd 2018

En laque de Chine et vernis européen, ornementation de bronze ciselé et doré, le dessus de marbre brèche d'Alep, la façade mouvementée soulignée d'un encadrement à décor d'oiseaux et de branchages fleuris ouvrant par deux tiroirs sans traverse, le tablier appliqué d'une coquille feuillagée, les montants pincés surmontés de chutes à coquilles et enroulements feuillagés, les côtés en S ornés de feuillages luxuriants, les pieds légèrement cambrés terminés par des sabots à concrétion rocaille, estampillée sur le montant arrière droit MIGEON et JME.

ProvenanceGalerie Didier Aaron, janvier 1984.

Bibliographie comparative :
B. Langer, Die Möbel der Residenz München, vol. I, Die französischen Möbel des 18. Jahrhunderts, Munich-New York 1995, n. 15 et 16.
J. N. Ronfort, J. D. Augarde, B. Langer, « Nouveaux aspects de la Vie et de l’œuvre de Bernard (II) Vanrisamburgh (1700-1766) », in lEstampille - LObjet dArt, n. 290, avril 1995, p. 36.
S. Mouquin, « Pierre IV Migeon, Meubles en laque et en vernis », in LEstampille - LObjet dArt, décembre 1999, n. 342, p. 68.
T. Wolvesperges, le Meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 65 fig. 51 et p. 295, fig. 160.
S. Mouquin, Pierre IV Migeon, 1696  1758au cœur dune dynastie d’ébénistes parisiens, Paris, 2001, p.79, fig. 27 et p. 87, fig. 33.

NoteVéritable tour de force, notre commode s’habille de somptueux panneaux de laque de Chine galbés présentés comme de véritables tableaux parfaitement mis en valeur par le jeu subtil et discret des bronzes dorés. Conçue dans la grande tradition du XVIIIe siècle elle est probablement l’œuvre d’une collaboration entre un maître ébéniste et le grand marchand parisien Pierre IV Migeon (1696-1758). 

Cette superbe commode incarne la fascination des européens pour l’Orient ainsi que le goût avéré pour les objets exotiques en ce début de XVIIIe siècle. On voit en effet, dès les premières campagnes commerciales vers l’Extrême-Orient du XVIe et XVIIe siècle, un véritable engouement pour cette culture et ses codes esthétiques. Les européens sont notamment frappés par l’extraordinaire développement que connait l’art de la laque, matière qui leur est alors totalement inconnue. Tout de suite appréciés comme de véritables objets d’art, ils n’hésitent pas à importer à prix d’or de nombreux coffres et cabinets orientaux qu’ils s’empressent d’adapter à leur goût et à leur ameublement. Dès le début du règne de Louis XIV, on revêt les commodes et les tables, mais on cherche également le moyen d’en imiter les plus beaux effets. Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour que la France se dote d’une Compagnie de la Chine puissante et s’offre un accès privilégié à l’importation de ces panneaux. En raison de leur rareté et donc de leur prix très élevé, mais également de leur grande difficulté à être travaillés et plaqués, naitra un véritable monopole de la part des plus importants marchands-merciers parisiens comme Hébert, Julliot ou Gersaint, pour le commerce de ces panneaux très souvent destinés à une clientèle fortunée. 

Certains artisans auront dans ce commerce un rôle beaucoup plus ambigu, cela sera notamment le cas pour Pierre IV Migeon marchand mais également ébéniste de formation. Fait notable, la production d’œuvres en laque n’est qu’une part mineure de son commerce, pourtant dès les années 1730 il sera un des précurseurs dans ce domaine. Depuis son atelier rue de Charenton à Paris il fournit d’importants parlementaires mais également les membres les plus notables du gouvernement et de la noblesse sensible à ce tout nouveau goût. En 1734 il reçoit l’une des commandes de meubles en laque les plus importantes de sa carrière et la plus chère référencée dans son Livre Journal. Cette commande est destinée à Conrad-Alexandre de Rottembourg (1684-1735), ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France en Espagne qui comprend « un burot avec son serpapiez et son armoire desous, le tout en or moulu et en modelle faitte esprez pris just, 2700 livres » (Bibliothèque Nationale, Manuscrits Français, Nouvelles Acquisitions, n°4765, folio 202). Notons que son double statut d’ébéniste et de marchand lui permet d’une part de répondre lui-même à ces prestigieuses commandes mais également de collaborer avec les artisans les plus talentueux de son époque. 

Bien que portant l’unique estampille de Migeon, notre présente commode fait partie d’un corpus d’œuvres très particulier dans l’histoire des commodes en laque, nous laissant penser à une éventuelle collaboration avec Bernard II Van Risen Burgh (1700-1766). Ce corpus comprend notamment deux somptueuses commodes réalisées par B. V. R. B. dans un esprit tout à fait semblable et encore aujourd’hui conservées à la Residenzmuseum de Munich (Inv. Res. Mü. M18 et M19, ill. B. Langer, Die Möbel der Residenz Münchenvol. I, Die französischen Möbel des 18. Jahrhunderts, Munich-New York 1995, n. 15 et 16), (illustrée ci-contre).

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Commode « en bahut » de B.V.R.B., 1733-35, Munich, Residenzmuseum (Inv. Res. Mü, M 19)

Véritable prouesse technique, le panneau central de laque de ces commodes épouse le galbe des tiroirs Louis XV. Il est astucieusement souligné par de fines baguettes de bronze doré qui permettent la mise en valeur du décor sinisant. Jean Desforges utilisera également dans les années 1730 ce procédé d’encadrement de bronze sur des panneaux de laque chinoise (ill. T. Wolvesperges, Le Meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 65, fig. 51). Les chutes de bronze ainsi que le cul-de-lampe restent discrets et ponctuent les parties stratégiques du meuble sans couper le regard. Nous connaissons des bronzes identiques sur d’autres pièces de mains et de styles complétement différents. En effet ce modèle de chute se retrouve sur une petite commode à deux tiroirs plaqués de laque de Chine non estampillée et passée en vente chez Sotheby’s, Paris, le 30 novembre 2011, lot 56. Nous les retrouvons aussi sur une commode entièrement marquetée cette fois estampillée d’André Crieard (Vente, Christie’s, Paris, Collection Sébastien et Nancy de la Selle, 26 novembre 2013, lot 162), nous démontrant le succès de ce modèle. Enfin, l’utilisation de ce modèle de cul-de-lampe semble être une des caractéristiques de Migeon puisqu’il se retrouve sur l’une de ses commodes d’une exceptionnelle richesse de bronze datant de 1735 (ill. S. Mouquin, Pierre IV Migeon, 1696  1758au cœur dune dynastie d’ébénistes parisiens, Paris, 2001, p.79, fig. 27).
Il est aujourd’hui possible de distinguer certains trais récurrents dans le style et la production de Pierre IV Migeon, comme la mise en valeur du décor par rapport à la structure, la robustesse des lignes et l’équilibre des proportions. En revanche il parait aujourd’hui difficile de la définir très précisément puisque sa production était avant tout celle d’un atelier de marchand qui faisait appel à de nombreux artisans tous d’horizons différents. 

Christie's. Collection Juan de Beistegui, Paris, 10 September 2018

 

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