Mondrian figuratif au Musée Marmottan Monet
Membre du groupe De Stijl, Piet Mondrian est principalement connu pour ses peintures abstraites aux lignes épurées et ses carrés rouge, jaune et bleu. Le musée Marmottan Monet lui consacre une exposition événement en septembre 2019 et met l’accent sur son œuvre figurative majeure.
Une soixantaine de peintures de premier ordre, sélectionnées par Mondrian lui-même vers 1920 pour son plus grand collectionneur Salomon B. Slijper, sont présentées en exclusivité à Paris et révèlent cette face méconnue de l’artiste. Paysages, portraits, peintures de fleurs marquées par l’impressionnisme, le luminisme, les fauves et le symbolisme font face à de rares compositions cubistes et néo-plasticistes et placent l’artiste au rang des premiers coloristes de son temps et des grands maitres de la peinture figurative du XXe siècle. Une invitation à découvrir un autre Mondrian.
La première section regroupe des paysages peints entre 1898 et 1905. Ce sont des vues de larégion du Gooi à l’est d’Amsterdam, où l’artiste et le mécène résident un temps et se fréquentent. Ces oeuvres qui décrivent des lieux connus des deux hommes illustrent les talents précoces de Mondrian : dessinateur hors pair et maître du clair obscur. Les thèmes choisis tout autant que l’attention portée au rendu de l’atmosphère le rattache à l’école de La Haye. Il est encore un héritier des « classiques ». Pourtant, la rapidité de son évolution, son renouvellement ininterrompu frappent. Bien que le peintre se limite à quelques thèmes – le m oulin, l’arbre, la ferme, la fleur et le portrait – aucune oeuvre ne se ressemble. Il se réinvente sans cesse. Ainsi, le parcours est-il placé sous le signe de la diversité, du contraste et de la surprise.
Piet Mondrian, Geinrust Farm in the Mist, vers 1906-1907 - © Gemeentemuseum Den Haag
Considérant que « les couleurs de la nature ne peuvent être imitées sur la toile », Mondrian aborde dès 1907 un tournant moderne privilégiant les aplats et les contrastes colorés poussés à l’extrême. Moulin dans le crépuscule (1907-1908) explore – à travers des registres aux tonalités franches : jaune, bleu, vert – une poétique de la peinture. Avec Bois près d’Oele (1908) l’artiste passe un nouveau cap. Lignes courbes, arabesques et couleurs irréelles confinent au mystique.Membre de l’association théosophique, Mondrian se dépeint alors tel un illuminé. Trois autoportraits inédits le montrent à l’âge trente-six ans, cheveux longs, barbe noire et le regard pénétrant des êtres habités.
Piet Mondrian, Oostzijdse Mill in the Evening, 1907-1908. Huile sur toile, 67,5 x 117,5 cm ©Gemeentemuseum Den Haag.
Piet Mondrian, Bois près d’Oele, 1908. Huile sur toile, 120 x 150 cm © Kunstmuseum Den Haag
Devotion (1908) – qui fait l’affiche de l’exposition – témoigne par le biais du portrait d’enfant de la portée spirituelle de son oeuvre. Certaines des toiles les plus illustres du maître lui font face. Marquées par l’exemple des fauves et des divisionnistes Moulin dans le crépuscule, Dunes ou Arum (1908-1909) se font de plus en plus rayonnantes et vibrantes. Deux critères propres à définir la beauté d’une toile selon Mondrian.
Piet Mondrian, Devolution, 1908. Huile sur toile, 94 x 61 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Portrait of a Girl in Red, 1908. Huile sur toile sur panneau, 49 x 41,5 cm © Kunstmuseum Den Haag
Piet Mondrian, Mill in sunlight, 1908. Huile sur toile, 114 x 84 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Dying sunflower I, 1908. Huile sur carton, 63 x 31 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Aäronskel (Arum Lily), 1908-1909. Huile sur toile, 46 x 32 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Dune I, 1909. Huile sur carton, 30 x 40 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Church at Domburg with Tree, 1909. Huile sur toile, 36 x 36 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
La spectaculaire église rose de Domburg (Clocher en Zélande, 1911) et le monumental Moulin rouge (1911) éclatant sur un fond bleu profond exaltent les couleurs pures vers 1911. La géométrisation des formes des deux monuments annonce l’abstraction. Au même moment, Mondrian réinterprète d’ailleurs le cubisme de Braque et Picasso dont il adopte la palette ocre – gris comme le montrent Arbre gris (1911) et Paysage (1911).
Piet Mondrian, Zeeland Chuch Tower or Church Tower at Domburg, 1911. Huile sur toile, 114 x 75 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, The Red Mill, 1911. Huile sur toile, 150 x 86 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Figuration et abstraction se font également face dans la section suivante. Trois exceptionnels grands formats représentant à l’huile et au fusain le moulin de Blaricum (1917) où réside Slijper et Ferme à Duivendrechet (1916) reprenant un motif de jeunesse visible dans la première section tranchent avec trois toiles purement abstraites de 1914.
Piet Mondrian, Farm at Duivendrecht, vers 1916. Huile sur toile, 85,5 x 108,5 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Terminant le parcours et en guise de conclusion, un autoportrait de Mondrian posant devant une toile abstraite en damier (1918) fait face à une oeuvre du même genre : Composition dans le damier aux couleurs sombres (1919) que Slijper acquiert l’année de sa création. Les oeuvres se font écho autant qu’elles font contraste : les couleurs vives – rouges et bleus – étant réservées exclusivement à la peinture en damier tandis qu’un camaïeu de bruns suffit à la représentation « naturaliste » du peintre dans son atelier.
Piet Mondrian, Self-Portrait, 1918. Huile sur toile, 88 x 71 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Damier, couleurs foncées, 1919. Huile sur toile, 84 x 102 cm © Kunstmuseum Den Haag
Piet Mondrian, Rose in a glass, après 1921. Watercolour, pencil and stencilink on paper, 27,5 x 21,5 cm ©Gemeentemuseum Den Haag
Piet Mondrian, Composition with Large Red Plane, yellow, black, grey and blue, 1921. Huile sur toile, 59,5 x 59,5 cm ©Gemeentemuseum Den Haag