Albrecht Altdorfer au Musée du Louvre
PARIS - Artiste majeur du XVIe siècle allemand, Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), peintre, dessinateur et graveur actif à Ratisbonne, reste cependant moins connu que d’autres maîtres de sa génération, tels Albrecht Dürer, Lucas Cranach ou Hans Baldung Grien.
Cette exposition monographique, organisée en étroite collaboration avec l’Albertina à Vienne, ambitionne de présenter pour la première fois au public français toute la richesse et la diversité de l’oeuvre d’Altdorfer en le replaçant dans le contexte de la Renaissance allemande.
Proche des cercles humanistes, Albrecht Altdorfer est à la fois très original, doté d’une grande capacité d’invention formelle et iconographique, et parfaitement au fait de la création artistique de ses contemporains allemands et italiens.
Rassemblant plus de 200 oeuvres (peintures, dessins, gravures, sculptures et objets d’art), le parcours de l’exposition, avant tout chronologique, réserve des sections thématiques aux grandes commandes de l’empereur Maximilien ainsi qu’à l’orfèvrerie, au paysage et à l’architecture, genres dans lesquels Altdorfer fit oeuvre de pionnier.
La première section permet de caractériser le style de ses années de jeunesse (entre 1506 et 1512 environ). On ignore tout de la formation d’Altdorfer mais on sait l’importance des estampes qui lui font connaître les réalisations de ses contemporains allemands, Dürer et Cranach, avec lesquels il entend rivaliser, mais aussi celles des artistes italiens du Quattrocento qui nourrissent son inspiration, au premier plan desquels Andrea Mantegna. Les dessins en clair-obscur, véritable spécialité d’Altdorfer, montrent sa grande capacité d’expressivité, comme dans le Départ pour le sabbat.
Albrecht Altdorfer, Départ pour le sabbat, 1506, plume et encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier préparé brun, 17,9 x 12,4 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques © Paris, RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado.
Albrecht Altdorfer, Couple d’amants dans un champ de blé, 1508, plume et encre brune, 22,1 x 14,9 cm, Bâle, Kunstmuseum, Kupferstichkabinett © Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler.
La maturité artistique d’Altdorfer se situe entre 1512 et 1520. La notoriété de l’artiste est bien établie dès 1512, en témoigne l’inventive série de la Chute et Rédemption de l’Humanité, 40 bois gravés de 7 x 5 cm seulement, dont la fortune artistique est immédiate et considérable. Cette suite d’estampes lui sert de laboratoire d’expérimentation pour faire évoluer son style, qui devient plus dynamique, notamment dans son traitement du paysage et de la perspective. Au même moment, Altdorfer est consacré au rang des grands artistes officiels de l’empereur Maximilien Ier. Il participe aux commandes impériales, qui font l’objet d’une section à part entière, avec le livre de prières de Maximilien, les bois gravés pour l’Arc de Triomphe ou encore les miniatures et les gravures du Cortège triomphal.
Albrecht Altdorfer, Sainte Famille à la fontaine, vers 1512-1515, gravure sur bois, 23,2 x 17,9 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild © Paris, RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
Albrecht Altdorfer, Annonciation, 1513, gravure sur bois, 12,1 x 9,4 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France © Paris, Bibliothèque nationale de France.
Albrecht Altdorfer, Christ cloué sur la croix, vers 1513, gravure sur bois, 7,3 x 9,4 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild © Paris, RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec
Albrecht Altdorfer, Saint Jérôme à la muraille, vers 1515-1517, burin, 12,2 x 10,5 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild © Paris, Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Fuzeau.
Albrecht Altdorfer, Pyrame et Thisbé, 1518, gravure sur bois, 11,8 x 9,5 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild © Paris, RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec
Albrecht Altdorfer et atelier, Procession triomphale, vers 1512-1515, gouache sur parchemin, 45,6 x 88,2 cm, Vienne, Albertina © Vienne, The Albertina Museum
Parallèlement à l’achèvement de ces prestigieuses commandes, Altdorfer travaille à de grands cycles narratifs, consacrés à la vie et à la Passion du Christ et à la légende de saint Florian, qui marquent un premier apogée dans sa carrière de peintre. Ils dénotent une puissance dramatique nouvelle que l’on retrouve au même moment dans son oeuvre dessiné et gravé.
Albrecht Altdorfer, Le Christ prenant congé de sa mère, vers 1518-1520, huile sur panneau, 141 x 111 cm, Londres, The National Gallery © Londres, The National Gallery. Bought with contributions from the National Art Collections Fund (Eugene Cremetti Fund), the Pilgrim Trust and the National Heritage Memorial Fund
Albrecht Altdorfer, Crucifixion, vers 1520, huile sur panneau, 75 x 57,5 cm, Budapest, musée des Beaux -Arts © Svépművészeti Múzeum - Museum of Fine Arts Budapest 2020
Albrecht Altdorfer, Saint Florian roué de coups, vers 1520, huile sur bois, 81,5 x 66,3 cm, Prague, collection particulière en dépôt à la Galerie nationale © Prague, National Gallery 2019
Dans la dernière section, consacrée à la fin de sa carrière (vers 1522-1538), on voit comment Altdorfer, fort de sa renommée, reçoit des commandes de la cour de Bavière, tout en continuant à travailler pour le patriciat de Ratisbonne. Se consacrant essentiellement à la peinture, il explore de nouveaux genres (portraits, allégories, grands décors) et continue de se nourrir des nouveautés de son temps. C’est une période marquée par un enrichissement significatif de son répertoire pictural.
Albrecht Altdorfer, Adoration des Mages, vers 1530-1535, huile sur bois, 108,9 x 77,2 cm, Francfort, StädelMuseum © Städel Museum - U. Edelmann – ARTOTHEK
Au sein de ce parcours chronologique, plusieurs sections thématiques viennent mettre en valeur des spécificités de son art. La première est dédiée à l’ornement et l’orfèvrerie, auxquels il consacre de nombreuses estampes (23 eaux-fortes), présentées en regard avec des coupes de la même époque. Les suivantes s’attachent au paysage et à l’architecture, genres dans lesquels Altdorfer innove en les explorant pour eux-mêmes. Il est en effet l’un des premiers à exécuter des paysages et des intérieurs d’églises sans personnages, dans une recherche parallèle à celle menée non loin de là, à Passau, par son contemporain Wolf Huber.
Albrecht Altdorfer, dessins à la plume et encre rouge ornant les marges du Livre de prières de l’empereur Maximilien Ier, vers 1515, 27,7 x 19,2, Besançon, Bibliothèque municipale © Besançon, Bibliothèque municipale.
Albrecht Altdorfer, dessins à la plume et encre rouge ornant les marges du Livre de prières de l’empereur Maximilien Ier, vers 1515, 27,7 x 19,2, Besançon, Bibliothèque municipale © Besançon, Bibliothèque municipale.
Albrecht Altdorfer, Gobelet aux fleurs de muguet, vers 1520-1525, eau-forte, 21,3 x 11,8 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild © Paris, Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Philippe Fuzeau.
Albrecht Altdorfer, Paysage au grand épicéa, peu avant 1520, eau forte aquarellée, 23,2 x 17,7 cm, Vienne, Albertina © Vienne, The Albertina Museum.
Albrecht Altdorfer, Paysage à l’épicéa, vers 1522, plume et encre brune, aquarelle et gouache, 20,1 x 13,6 cm, Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Kupferstichkabinett © Berlin, BPK, dist. RMN-Grand Palais/Jörg P. Anders
Commissaires de l’exposition : Hélène Grollemund, chargée de collections au département des Arts graphiques, musée du Louvre ; Séverine Lepape, directrice du musée de Cluny-musée national du Moyen Âge ; Olivia Savatier Sjöholm, conservatrice au département des Arts graphiques, musée du Louvre.
1er octobre 2020 - 4 janvier 2021