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Alain.R.Truong
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18 septembre 2022

"Copieurs!", une exposition participative du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes

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VALENCIENNES - La copie, loin de la seule image du faussaire, possède une longue tradition et une vraie dignité en histoire de l’art. En se penchant sur les copies qui peuplent ses collections, le Musée des Beaux-Arts propose un dialogue croisé entre les collections de Valenciennes et celles des plus grands musées dans le monde.  

Aussi ancienne que la création, la pratique de la copie artistique résonne souvent de manière ambiguë, car elle pose la question de l’original. En effet, la copie se veut imitation fidèle de l’original : dès lors, qu’est-ce qui la distingue d’une démarche d’escroquerie ? Les termes mêmes de « copie » ou « copieurs » sont négatifs dans le langage courant, rappelant la contrefaçon ou le plagiat. 

Et pourtant, le copiste n’est pas faussaire, ou du moins, pas toujours. La copie peut vouloir abuser l’acheteur crédule : on parle alors d’un faux ; mais la copie peut aussi s’afficher comme telle, avec la mention « d’après ». C’est en fait l’intention qui distingue le copiste du faussaire.

Mais alors, à quoi bon copier ? Cette question est surtout pertinente aujourd’hui, dans notre monde saturé d’images, qui voit un nombre infini de reproductions numériques des œuvres originales. Jusqu’à l’invention de la photographie, toutefois, les moyens de reproduction industriels sont inexistants, ou alors limités aux moyens de l’estampe. Dès lors, la copie permet la diffusion des œuvres… et parfois leur sauvegarde lorsque l’original est détruit : seule la copie nous permet de connaître bien des œuvres disparues depuis l’Antiquité, comme le célèbre Groupe du Laocoon.

À certaines époques, certains thèmes iconographiques deviennent des modèles qui circulent entre artistes, et qui font l’objet de nombreuses déclinaisons, pas réellement perçues comme des copies : l’original n’est pas porteur de la même importance qu’aujourd’hui. C’est par exemple le cas dans la peinture flamande, où circulent des thèmes comme les « singeries » ou « le roi boit ».

De la même manière, si l’on achète aujourd’hui des reproductions imprimées, les copies marchandes ont longtemps été commandées à d’autres artistes : un moyen d’avoir chez soi la Joconde. 

Il est toutefois un autre acte de copier, essentiel pour tout artiste jusqu’à aujourd’hui : il s’agit de la copie des maîtres au cours de la formation artistique. S’inspirer de ses illustres prédécesseurs permet de se forger la main.

À Valenciennes, l’important fonds de Jean-Baptiste Carpeaux permet de se plonger dans sa pratique de la copie comme acte formateur. Ses carnets de croquis permettent de suivre ses visites au Musée du Louvre, presque salle par salle, et l’on retrouve sous son pinceau les plus grands maîtres : Michel-Ange, Rubens ou encore Rembrandt. 

Enfin, il faut sans doute réhabiliter la copie comme œuvre d’art à part entière : la copie manuelle ne peut jamais être parfaitement fidèle, et cet écart par rapport à l’original peut aussi constituer une marge de création et de réinterprétation. Nombre d’artistes s’emparent ainsi d’œuvres d’autres artistes pour mieux leur rendre hommage et se les approprier, parfois en les détournant.

Les incontournables Antiques

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Jean-Baptiste Carpeaux, Vénus de Milo, 19e siècle, Pierre noire sur papier blanc marouflé sur cartonMusée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Vénus de Milo, Anonyme, 2e siècle avant J.-C., Marbre, Musée du Louvre, Paris. Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

La copie est inséparable de l’apprentissage. Dans la formation académique, les maîtres font copier des dessins à leurs élèves, puis des sculptures, jusqu’à passer au prestigieux modèle vivant. Contrairement à la copie d’un dessin, copier un modèle en trois dimensions implique une transposition. Ici, l’original est rendu par la rapidité du geste, des hachures et des lignes qui insistent sur les courbes de la statue et la font presque onduler. Considérée comme l’idéal de la statuaire antique, la Vénus de Milo a été copiée à de très nombreuses reprises pour ses proportions parfaites et la fascination qu’elle exerce encore aujourd’hui. Les bras disparus font l’objet d’hypothèses très variées et l’on ignore encore leur position initiale. Seuls deux points concernant la statue commencent à faire consensus : elle serait datée du 4e siècle av. J.-C. et représenterait la déesse de l’amour Aphrodite… quoique cela pourrait tout aussi bien être Amphitrite, la déesse de la mer !

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Laocoon et ses enfants enlacés par des serpents, Anonyme (France), 17e siècle, Bronze. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Groupe du Laocoon et ses fils, d'après Agesandros, Athénodore et Polydore, vers 40-20 avat J.-C., Marbre, Musée Pio-Clementino, Vatican.

Le Groupe du Laocoon est sans doute l’un des meilleurs exemples d’une œuvre de l’antiquité grecque qui ne nous serait pas parvenue sans sa copie romaine, elle-même déclinée à maintes reprises. Le Laocoon est retrouvé à Rome au début du 16e siècle : il s’agit d’une copie romaine d’une oeuvre hellénistique, c’est-à-dire de la fin de l’antiquité grecque (1er ou 2e siècle av. J.-C.). Cette sculpture représente le prêtre troyen Laocoon, tué avec ses fils par deux serpents. L’oeuvre connaît immédiatement un immense succès et fait l’objet de nombreuses copies, y compris privées. C’est vraisemblablement le cas de la version de Valenciennes, plus petite que l’original (55 cm de haut contre plus de 2m), qui provient de la collection du duc Emmanuel de Croÿ. La version romaine est retrouvée avec le bras droit manquant : la copie de Valenciennes reprend ainsi l’hypothèse d’un bras déplié, bien avant qu’on retrouve, au début du 20e siècle, le bras original, plié. De la même façon, les bras manquants des fils sont reconstitués alors qu’ils restent manquants.

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Jean-Charles Nicaise Perrin, Etude de tête d’après l’Apollon du Louvre, 18e siècle, encres noire et brune et aquarelle sur papier vergé. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Apollon dit « du Belvédère », D’après Léocharès, 1er-2e siècle, Marbre, Musée Pio-Clementino, Vatican.

L’Apollon dit « du Belvédère » est l’une des œuvres emblématiques du répertoire antique auxquels se confrontent tous les artistes modernes lors de leur formation artistique. Cette copie romaine d’après un original grec perdu, datant probablement du 4e siècle av. J.-C., a été très largement reproduite à partir de la Renaissance, passant pour un modèle de proportions parfaites du corps humain. Le peintre néoclassique Jean-Charles Nicaise Perrin, comme les autres artistes de son époque, n’échappe pas à l’exercice d’étude de ces modèles antiques et livre ainsi une interprétation du profil de tête, rendu avec un air plus mélancolique que l’original.

Copier pour mieux vendre

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La Jocoonde, Anonyme (Flandre), 17e siècle, Huile sur bois. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Léonard de Vinci, Portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, dit La Joconde ou Monna Lisa, 1503-1519. Musée du Louvre, Paris

On ne compte plus le nombre de copies de la Joconde, des réappropriations d’artistes aux produits dérivés marchands… Toutefois, si la célébrité extraordinaire de ce tableau de Léonard de Vinci date du début du 20e siècle, il existe également bien des copies anciennes destinées au commerce. Ainsi, le Musée de Valenciennes conserve également sa propre Joconde, une version flamande du 17e siècle. Les différences entre l’original et cette copie – teint pâle, vêtement sombre, mobilier plus présent, arrière-plan fantaisiste – indiquent probablement une copie de copie, sans que le copiste ait pu voir l’original : une pratique fréquente à cette époque, notamment lorsque l’original est éloigné géographiquement.

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Attribué à Marinus van Reymerswaele, Le banquier et sa femme, 16e siècle, huile sur bois. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Quentin Metsys, Le Prêteur et sa femme, 1514, huile sur bois. Musée du Louvre, ParisPhoto (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec.

Le chef-d’œuvre de Quentin Metsys a donné lieu à plus de 25 versions à travers l’Europe. Longtemps attribué à Quentin Metsys lui-même, le tableau de Valenciennes a ensuite été donné à son contemporain et compatriote, le peintre flamand Marinus Van Reymerswaele. En attestent plusieurs détails, comme le remplacement du livre d’heures religieux par un livre de comptes dans la main de la femme, et surtout l’apparition du garçon à la lettre à l’arrière-plan. Le dernier état de la recherche ne permet pas de trancher sur l’attribution : il pourrait également s’agir d’une copie d’après Marinus Van Reymerswaele, témoignant du grand succès de commande de ce motif.

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Vierge à l’enfant, Anonyme (Flandre), 16e siècle, Huile sur bois, Musée des Beaux-Arts de Valenciennes. Cliché : D. Couineau.

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Vierge à l’enfant d’après Jan Gossaert, 1520, huile sur bois, Mauritshuis, La Haye© Mauritshuis, The Hague, Margareta Svensson. 

Le motif de la Vierge à l’enfant d’après Jan Gossaert a donné lieu à une impressionnante production, à tel point qu’il est sans doute impossible de déterminer quel fut le tableau originel – le tableau identifié comme le plus ancien est conservé à La Haye. Jan Gossaert, dit Mabuse – en hommage à la ville de Maubeuge, où il est né -, est à l’origine de ce répertoire, dont on connaît plus de 35 exemplaires. Ce succès commercial permet vraisemblablement à l’artiste et à son atelier de gagner suffisamment d’argent après la disparition du mécène de l’artiste, ce qui explique que l’atelier ait poursuivi cette production. La plupart des déclinaisons sont plus proches visuellement de la version de Valenciennes : manteau rouge de la Vierge, paysage en arrière-plan, parapet en pierre. Dans ces adaptations ultérieures, les artistes poussent également plus loin le geste de tendresse de la Vierge, en enveloppant les hanches de l’enfant.

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Prédication de saint Jean Baptiste, Anonyme, 17e siècle, huile sur toile. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

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Pieter Bruegel I, La Prédication de saint Jean Baptiste, 1566, huile sur bois. Musée des Beaux-Arts de Budapest.

La Prédication de saint Jean Baptiste est un tableau de Pieter Bruegel l’Ancien dont on connaît de nombreuses copies, notamment de la main de son fils, Pieter Bruegel le Jeune, comme c’est vraisemblablement le cas de celui de Valenciennes. Par sa pratique de la copie, Bruegel II a ainsi beaucoup contribué à diffuser les oeuvres de son père. Dans cette scène où prêche Jean-Baptiste, c’est un message d’universalité qui est diffusé : la diversité des types physiques invite à l’union, jusqu’à l’Asiatique et la gitane représentés au premier plan. La scène évoque visuellement des réunions clandestines tenues par les protestants dans les Pays-Bas espagnols catholiques du 17e siècle, mais les oeuvres représentant ce thème se sont étonnamment plutôt vendues dans les milieux catholiques, laissant en suspens la question du sens originel de l’oeuvre.

 

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