Le musée Sakip Sabanci d'Istanbul expose à partir du 15 avril quelque 75 livres anciens et rares appartenant à la collection du riche amateur d'art d'origine stambouliote Calouste Sarkis Gulbenkian, mort en 1955 à Lisbonne.
La doyenne des oeuvres présentées est un livre de prières de 241 pages aux couleurs remarquablement conservées, réalisé sur parchemin à la fin du 13e siècle en Italie.
L'exposition, intitulée "L'art du livre de l'Orient à l'Occident", présente également jusqu'au 28 mai de nombreux ouvrages anciens français, ottomans, iraniens et japonais, ainsi que des éditions rares et illustrées de livres plus récents, de Victor Hugo, Honoré de Balzac, Rabindranath Tagore notamment.
Aux côtés des livres prêtés par la fondation Gulbenkian de Lisbonne sont exposées des broderies ottomanes et des céramiques d'Iznik (Nord-Ouest de la Turquie) prisées par le collectionneur d'origine arménienne, né en 1869 à Istanbul et qui a vécu en France, en Grande-Bretagne et au Portugal.
"Nous n'avions jamais réalisé cette combinaison de livres d'orient et occidentaux. Nous voulions que cette exposition ait une valeur symbolique de pont entre les 2 cultures de notre fondateur", a expliqué le 14 avril Emilio Rui Vilar, président du conseil d'administration de la Fondation Gülbenkian.
"D'autre part, je pense qu'aujourd'hui le dialogue entre les cultures est non seulement une tâche urgente mais aussi un devoir", a ajouté M. Rui Vilar.
Le musée Sakip Sabanci, ouvert en 2002 dans une ancienne demeure ottomane sur la rive occidentale du Bosphore, aspire à devenir un centre d'attraction d'envergure internationale.
Sa précédente exposition, consacrée au peintre espagnol Pablo Picasso, a battu tous les records d'entrées en Turquie avec quelque 250.000 visiteurs.

Calouste Sarkis Gulbenkian (1856-1955) est un financier arménien richissime connu pour avoir légué sa collection d'art à une fondation portugaise, la Fondation Gulbenkian à Lisbonne.

Il naquit en 1856 à Scutari dans l'Empire ottoman de parents négociants Arméniens. Son histoire, à cheval entre le XIX^e et le XX^e siècle est celle d'un diplomate, d'un financier, d'un aventurier, et finalement d'un milliardaire hypocondriaque et mécène. Très peu connu du grand public, son personnage évoque irrésistiblement celui d'autres célèbres « tycoons » tels qu'Howard Hughes, ou John Davison Rockefeller, à la différence près qu'il ne reste aujourd'hui que peu de traces dans la mémoire de celui qui traversa tant de péripéties historiques, contribua à la naissance de la Shell Petroleum, au partage des richesses pétrolières du Moyen-Orient entre les grandes puissances occidentales, amassa une des fortunes les plus colossales de son temps, et enfin constitua une des collections d'art privées les plus riches jamais vues, pour en faire finalement don au Portugal.

Telle est la destinée de cet homme, que son inextinguible soif de richesse, et son esprit d'entreprise et de combinaison, conduisirent à croiser les chemins des personnages les plus influents de son temps et à intervenir dans toutes les grandes affaires économiques et politiques lièes au pétrole, dont l'usage croissant allait, au début du XX^e siècle transformer l'histoire du monde.

Calouste Sarkis Gulbenkian fut un extraordinaire amateur d'art au plein sens du terme: son goût était raffiné, il aimait les objets davantage pour leur beauté et leur qualité que pour leur valeur marchande.
Sa très belle collection de peintures européennes, allant des primitifs jusqu'aux impressionnistes, s'est fait connaître du public depuis qu'elle a été prêtée à des musées - la "National Gallery" de Londres et la "National Gallery of Art " de Washington - pour des expositions, entre 1930 et 1950.
Mais Calouste ne s'intéressait pas qu'à la peinture: il a réuni des collections très éclectiques - sculpture égyptienne, céramiques orientales, manuscrits, reliures et livres anciens, objets de verre syriens, mobilier français, tapisseries et étoffes, bijoux de Lalique, monnaies et médailles grecques, etc.
Des tableaux de Bouts, Van der Weiden, Lochner, Cima da Conegliano, Carpaccio, Rubens, Van Dyck, Frans Hals, Rembrandt, Guardi, Gainsborough, Turner, Romney, Lawrence, Fragonard, Corot, Renoir, Nattier, Boucher, Manet, Degas et Monet figurent dans la collection de peintures. Parmi les sculptures, on peut voir l'original en marbre de 1 célèbre Diane de Houdon, qui appartint à Catherine II la Grande et qu'il acheta au Musée de l'Hermitage en 1930.
Calouste Gulbenkian avait exprimé le désir que ses œuvres d'art - plus de 6000 -fussent réunies sous un même toit.
Grâce aux facilités accordées par le Gouvernement Français et aux conditions dans lesquelles s'effectua le prêt à la "National Gallery of Art" de Washington, ce souhait put être exaucé: la collection toute entière se trouve au Portugal depuis Juin 1960. De 1965 à 1969, elle fut en partie exposée au Palais Pombal, à Oeiras.
Elle est actuellement conservée à Lisbonne, dans un édifice spécialement construit pour elle, le Musée Calouste Gulbenkian, inauguré en 1969. C'est certainement, entre tous les musées d'arts décoratifs, l'un des mieux organisés.