Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Alain.R.Truong
Alain.R.Truong
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 50 914 179
Archives
Newsletter
Alain.R.Truong
5 septembre 2007

Duc Dâu , un musicien folklorique "libéral"

À Go Vâp, Hô Chi Minh-Ville (Sud), un petit musée de musique est très fréquenté. Son propriétaire, Duc Dâu, un artiste "libéral" qui fait preuve d'hospitalité, se montre fier de ses milliers d'instruments pour lesquels il a consacré tout son temps et tout son argent.

1

Le jour où Duc Dâu a fait transporter chez lui, par camion, des centaines d'instruments de musique traditionnels qu'il a achetés au Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre) durant de longues années, on s'est moqué de lui. "Il est fou", disait-on autour de lui. Ces instruments lui ont coûté 200 millions de dôngs, une somme colossale qu'il a dû emprunter à un taux usuraire. Mais peu importe. Sa maison, presque vide auparavant, est devenue depuis un "musée d'acoustique de la montagne". Un trésor sans prix de plus de 2.000 objets, tous plus originaux les uns que les autres.
 

Né à Hanoi, Duc Dâu vit actuellement à Hô Chi Minh-Ville, dans une maison de 200 m² dans l'arrondissement de Go Vâp. Cela ne l'empêche pas de vivre au beau milieu d'un espace du Tây Nguyên, entouré de gongs, lithophones, tambours, t'rungs, flûtes, guimbardes, monocordes... Sans oublier d'innombrables pièces de brocatelle issues des ethnies minoritaires.

BOBO


Un lithophone.

de sa collection

Du monocorde aux gongs
L'amour pour le folklore, Duc Dâu l'a eu dès son enfance. Contrairement à ses amis, ce garçon hanoien n'aimait pas ces "trucs" infantiles tels que grimper sur les pancoviers pour recueillir leurs fruits très amers qu'adorent les petites filles, attraper des cigales... Tout son temps libre, il le passait au Théâtre Dai Nam, près de chez lui, l'âme élevée par les airs mélodieux du chèo (théâtre populaire) et les sons magnifiques des instruments musicaux traditionnels. "La musique du monocorde entrait toujours dans mes rêves", avoue-t-il. Duc Dâu a demandé avec insistance à son père de lui en acheter un, avant de s'adonner patiemment tout seul à son étude.

Puis, en 1974, pour la première fois, le jeune Duc Dâu a écouté les "sons envoûtants" du t'rung et les "ondes retentissantes" des gongs et tambours interprétés par des artistes venus du Tây Nguyên. En écoutant la musique propre à cette région montagneuse du Centre, il s'est senti "tomber immédiatement amoureux de l'immensité de la nature et de la simplicité sereine des aborigènes de ces lieux".

Un an après, Duc Dâu s'est inscrit à l'École supérieure de culture et des arts de l'Armée, faculté de musiques folkloriques. Diplômé avec mention bien, il a travaillé un temps au sein de la Troupe de chants et de danses de l'Armée, puis à l'Institut de musicologie, avant de devenir un artiste indépendant "pour pouvoir se livrer entièrement et tout le temps aux belles musiques du folklore", explique-t-il. Il a eu alors l'occasion de rencontrer de grands "maîtres renommés" comme le feu professeur Nguyên Xuân Khoat, le professeur Tô Vu, le professeur-docteur Trân Van Khê, le compositeur Luu Huu Phuoc...

En 1980, Duc Dâu a créé sa troupe musicale Phù Dông qui, 6 ans plus tard, s'est installée dans la mégapole du Sud avec la volonté de "donner un nouvel élan aux instruments à percussion", selon lui. Confidences à part, il considère que "la musique folklorique est réellement une source inépuisable dans laquelle on découvre de plus en plus nettement la grandeur d'âme de notre nation". Une méditation qui l'a incité à la recherche des "trésors encore cachés" des minorités des hautes régions du Nord, des hauts plateaux du Centre et des deltas du fleuve Rouge (Nord) et du Mékong (Sud). "Je pars systématiquement dès que j'entends parler d'un instrument étranger ou d'un instrumentaliste exercé, sans prêter attention aux distances, pour pouvoir l'admirer de mes propres yeux ou apprendre de nouvelles mélodies auprès de cet artiste", s'enthousiasme Duc Dâu.

BOBO

La guitare "Day" vieille de plus d’un siècle du feu « Artiste populaire » Quyach Thi Hô.

Un tambour magique
Sa collection "s'engraisse" au fil du temps, en dépit de sa bourse qui est toujours "maigre". Pour lui, "chaque instrument musical traditionnel, rudimentaire ou si ingénieux qu'il soit, possède son charme propre". Il cherche donc à en jouer à la perfection et se laisse séduire par son histoire, souvent légendaire, transmise oralement. Tel est le cas de la goong-tre, une sorte de cithare en bambou des Jarai du Tây Nguyên. La tradition veut que 2 amants se soient donné rendez-vous au bord d'un ruisseau, où la jeune fille souhaita que leurs confidences au milieu de la nature soient rythmées par les sons, tantôt graves, tantôt aigus, des gongs (considérés par la communauté comme un génie tout puissant). Incapable de déplacer l'ensemble de 13 gongs, le jeune amoureux se mit à battre un grand bambou, en couper un tronçon pour en faire une cithare à 13 cordes, dont le son féerique enflamma leur amour.

Trônant sur son support, le tambour hogor est la grande fierté de Duc Dâu. Vieux de 200 ans, ce tambour a été minutieusement façonné dans un seul tronc d'arbre. Un legs sacré d'une famille de Dak Lak, dans le Tây Nguyên, pour lequel l'artiste a perdu des années pour convaincre son propriétaire de le lui vendre. Il y est parvenu pour une somme colossale de 13 millions de dôngs et avec en sus une promesse solennelle de "le soigner comme son enfant". Le hogor est réellement original, notamment dans la façon dont il est fabriqué. On enduit de miel les 2 faces du tronc d'arbre avant de l'enterrer dans une termitière, dans la forêt. La caisse du tambour se fait ainsi au fil des jours, à l'aide des termites, jusqu'au moment où l'intérieur est bien creusé. Transporté au village, il est ensuite recouvert de peaux de 2 buffles, obligatoirement un mâle et une femelle, à ses 2 fonds. Particularité, une cymbale est introduite dans un trou percé sur chaque fond du tambour, "pour que les sons retentissent plus vivement et plus loin", dit-t-on. Selon les villageois, le tambour hogor est un objet magique, capable de chasser les mauvais esprits, faire venir des jours fastes comme donner bonheur et santé à la population.

BOBO

Un grand tambour de plus de cent ans de l’ethnie Gia Rai

Le souhait de cultiver les talents en herbe
Le bonheur de notre artiste "libéral" semble doubler chaque fois que des visiteurs viennent dans son musée bien rempli. Rien que pour les instruments à percussion, il y en déjà plusieurs centaines. C'est ici que les chanteurs et musiciens du groupe australien The Beatles F2 ont été soufflés en entendant les sons magnifiques des gongs et tambours, et que bon nombre d'experts en musique de l'UNESCO n'ont pu se retenir de s'exclamer : "ce sont vraiment des objets sans prix".

Actuellement, Duc Dâu reçoit d'innombrables invitations, dans le pays comme à l'étranger. Plusieurs fois, en compagnie de sa belle collection, il est allé se produire en Angleterre, en France, en Italie, aux États-Unis... Fier, il rappelle sa tournée aux États-Unis, il y a 2 ans, où sa propre composition intitulée Le souffle de la pierre a "ensorcelé" le sénateur J. Kerry. Récemment, l'artiste Duc Dâu a été vivement applaudi à Singapour lors d'une tournée organisée par la Banque mondiale. Et cela continue. "Je viens de recevoir une lettre d'invitation de la Belgique me proposant de présenter la musique traditionnelle du Vietnam dans des écoles primaires", indique-t-il.

Pour assurer le quotidien, Duc Dâu donne 2 représentations, matin et soir, à l'hôtel Rex, à Hô Chi Minh-Ville, pour les touristes étrangers. Enthousiaste, il exprime son ardent souhait de créer, avec un quelconque sponsor, un espace folklorique où les férus de musique traditionnelle pourront donner des représentations gratuites au public et où il pourra "cultiver les talents en herbe" en donnant des cours pour enfants et adolescents. (Nghia Dàn/CVN)

BOBO

"Sênh" et "Sua", un instrument musical des minorités ethniques de la province de Quang Nam.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité