Coffre en laque de Chine d'époque KANGXI (1662-1722) et son piètement d'époque Régence

Le coffre de forme rectangulaire orné sur le dessus d'Immortels évoluant dans un paysage de vagues et rochers, les côtés agrémentés de cartouches ornés de dragons stylisés de part et d'autre du caractère shou, le pied réhaussé de cartouches fleuris et chauve-souris, l'intérieur en laque façon aventurine d'époque postérieure, les montures d'époque Régence.
Le piétement en bois sculpté et doré d'époque Régence, la ceinture ornée au centre d'une rosace ajourée, flanquée de volutes de feuillage, les pieds cambrés surmontés d'une rosace d'acanthe, bordé d'une frise d'oves et de tiges enrubannées, terminés en enroulement
Hauteur totale : 92 cm. (36¼ in.), Largeur : 88 cm. (34¾ in.), Profondeur : 41 cm. (16¼ in.) - Dimensions du coffre: Hauteur : 21,5 cm. (8½ in.), Largeur: 86,5 cm. (34 in.), Profondeur: 42 cm. (16½ in.) - Estimé 200,000 - 300,000 Euros

Notes : Ce coffre sur son piétement spécialement conçu est un témoignage précoce de l'engouement pour les objets en laque à la fin du XVIIème et au début du XVIIIème siècle.

La vogue des objets en laque qui atteignit son apogée au XVIIIème siècle connut ses prémices sous Louis XIV. Dès la création de la Compagnie des Indes orientales en 1664 puis celle quelques années plus tard de la Compagnie de Chine, les amateurs purent se procurer ces objets précieux venus d'un autre monde. Les grands personnages de la Cour possédaient meubles et coffrets de laque, porcelaines, étoffes et autres objets directement importés d'Extrême Orient. Dans l'inventaire "de tous les meubles du Cardinal Mazarin dressé en 1653" figurent déjà des meubles en bois de la Chine, des tapis façon de la Chine, des étoffes de brocard de la Chine à fonds d'or. Le Journal du Garde-Meuble de la Couronne rédigé entre 1676 et 1672 fait déjà mention de meubles vernis de la Chine puis l'inventaire des meubles du château de Versailles fait état de paravents de laque.
En 1686, les ambassadeurs de Siam lors de leur visite au roi Louis XIV, arrivèrent les malles chargées de présents. L'abbé de Choisy qui avait participé avant le voyage au choix des cadeaux écrivait dans son Journal la liste des présents n'en finit pas, on en appporte toujours de nouveaux, pièces d'orfèvrerie, objets d'écaille, étoffes, tapis, porcelaines, meubles en laque.
Plusieurs expéditions permirent ensuite de s'approvisionner à nouveau tant la demande s'étendit. L'Amphitrite en 1700 puis 1703 revint chargée à son bord de quantité d'objets précieux dont des laques.

Précieux, ces objets étaient ornés de bronze, munis de piétements de bois doré les mettant ainsi en valeur. C'est le cas du présent coffre muni de charnières et entrées de serrure de bronze délicatement ciselées et qui vient se poser avec précision sur son piétement, très certainement d'origine, chose rare. La plupart des coffres de laque montés de cette façon que nous connaissons se présentent sous la forme de cabinets. Celui-ci a une forme bien particulière ce qui en fait aussi sa rareté.

En l'absence d'inscriptions indiquant une datation, seuls les critères stylistiques nous permettent de dater le coffre de la période K'ang-hsi (1662-1722).

Le type de coffre rectangulaire apparaît à la fin de la dynastie Ming, époque Wan-li (1573-1620), et perdure jusqu'à l'époque Ch'ien-lung (1736-1795) de la dynastie Ch'ing. Ils sont pour la plupart ornés de peintures de laque et pendant la période Wan-li de tressage tandis qu'ils sont plutôt décorés de gravure or durant la période Ch'ien-lung.

L'absence d'arêtes marquant les coins, critère caractéristique de la fin du XVIème siècle - début du XVIIème siècle et de l'éclectisme de la période Ch'ien-lung, nous permettent d'écarter ces datations. Un coffre daté de 1632, conservé au Museum für Lackunst à Muenster en Allemagne (voir l'illustration), a déjà abandonné ces renflements aux angles et s'approche de la forme de notre coffre.

Les ornements des côtés sont plus instructifs. Les réserves allongées typiques des pièces de la fin du XVIème siècle et du début du XVIIème siècle ont laissé la place à des cartouches aux contours lobés, sur fond de mosaïques. Les réserves sont ornées d'un décor de dragons archaïques stylisés appelés k'uei-lung (dragons courbés) caractéristiques de l'époque K'ang-hsi (1662-1722). Ils encadrent le caractère shou (vie longue) tout aussi typique. Les chauve-souris ici en paires, symbole de bonheur, deviennent populaires à cette même période ainsi que la frise de T combinés soulignant les bords du coffre.

Ainsi la forme et le décor permettent de dater le coffre de l'époque K'ang-hsi et très probablement de la fin du XVIIème siècle.

Outre son caractère décoratif, sa forme rectangulaire laisserait supposer un usage bien particulier. On s'imagine aisément y ranger des effets précieux. Des dessins et gravures reproduisant des intérieurs du XVIIème siècle laissent apparaître ce type de coffre, bien que moins précieux, dans la chambre à coucher, posé sur un haut piétement rendant ainsi accessible son contenu.

Nous remercions Docteur Monika Kopplin, Directeur du Musée des Laques à Muenster, Allemagne, pour son aimable contribution.

Christie's. COLLECTION DE MONSIEUR RENE SMADJA. 19 Décembre 2007. 9 avenue Matignon, Paris