Pierre Puget (1620-1694), La Sainte Famille au palmier,
Pierre Puget (1620-1694), La Sainte Famille au palmier, toile, 217x148 cm. Estimation : 300 000/400 000 €.
Le Marseillais Pierre Puget est souvent comparé à Michel-Ange. Ne voyez là aucune fanfaronnade méridionale, l’artiste partageant à l'évidence avec le maître italien un sens inné de la création. Audacieux, imaginatif, il excella en sculpture tout autant qu’en peinture et en architecture. Pierre Puget, ou l’image de l’artiste protéiforme. Le célèbre Milon de Crotone du musée du Louvre, c’est lui, un chef-d’oeuvre d’expressivité réalisé pour les jardins du Roi-Soleil, tout comme Persée délivrant Andromède, qui, dit-on, eut la préférence de Louis XIV. Pierre Puget, à dire vrai, est plus connu pour son oeuvre sculpté. Mais ses tableaux disent aussi ses talents ; ils révèlent la part intime d’une oeuvre lyrique, édifiée sur les terres italiennes. Florence, Rome, puis Gênes. En 1661, l’artiste gagne la cité ligure à la demande de Nicolas Fouquet, pour choisir des marbres de Carrare. Il y restera sept longues années, durant lesquelles il se nourrit des exemples italiens. En 1663, il effectue un court séjour dans sa ville natale. C’est sans doute cette année-là que Puget réalise notre Sainte Famille au palmier - on ne sait pour quel illustre commanditaire, le peintre jouissant déjà d’une belle renommée. Quelques années plus tôt, il avait exécuté plusieurs tableaux pour des amateurs et des confréries de la ville, révélant dans ses oeuvres – tels la Sainte Cécile ou le Salvator Mundi aujourd’hui au musée des beaux-arts de Marseille – une parfaite maîtrise. Le peintre fait ici une lecture personnelle de l’iconographie. Une fois encore, devrait-on dire. Car Puget aime innover, sortir des sentiers battus. Il construit une figure à la fois familière et intemporelle, majestueuse, déjà monumentale. Elle inspirera la fameuse Vierge à l’Enfant sculptée pour le marquis Balbi, en 1675. La composition serpentine en huit reprend celle inversée du Salvator Mundi, tout comme le jeu précieux des bras et des mains. Mais l’artiste a mûri. Au contact de la peinture génoise d’un Castiglione, d’un Castello ou même d’un Van Dyck, dont les oeuvres sont nombreuses dans la cité italienne, sa manière a gagné en force, a acquis une dimension nouvelle. Marseille, 1752. À cette date, on sait que le tableau figure dans les collections de Jean-Baptiste Laurent Boyer de Fonscolombe, avocat et membre amateur de l’académie de peinture de la ville. Puis, en 1853, on le retrouve dans celles du marquis de Saporta, qui avait épousé la fille de Boyer de Fonscolombe. Il restera propriété de la famille, d’où il ne sortira qu’en de rares occasions (les expositions consacrées au peintre en 1972, 1978 et 1994). Le 21 juin prochain, il sera mis en vente pour la plus grande joie des collectionneurs, qui pourront disputer aux institutions - qui sait ? - une oeuvre de qualité musée !
Marseille. Samedi 21 juin. Damien Leclere Maison de ventes aux enchères SVV. M. Millet.