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Alain.R.Truong
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16 mai 2016

Sotheby's Paris va disperser la collection de l’arrière-petite-nièce de Marcel Proust

1

« Tout autre chose… que les lettres et la philosophie, est pour moi du temps perdu ». Marcel Proust.

Paris, mai 2016 – Il est exceptionnel de voir surgir sur le marché les archives d’un grand écrivain. Après la Bibliothèque de Stéphane Mallarmé*, la vente, le 31 mai prochain chez Sotheby’s à Paris, de la collection de l’arrière-petite-nièce de Marcel Proust, Patricia Mante- Proust, représente donc un véritable événement littéraire. Cette collection émouvante invite amateurs et bibliophiles à pénétrer dans l’intimité d’un écrivain de génie, à travers plus de 120 photographies, livres, manuscrits et lettres qui sont autant de témoignages sur ses amours, ses amis et son travail.

Conçu comme un ouvrage de référence, le catalogue, préfacé par Jean-Yves Tadié, abondamment documenté et illustré, présente tous les lots par ordre chronologique : il est une véritable biographie de l’écrivain.

PHOTOGRAPHIES
La collection renferme de nombreuses photographies, certaines abondamment publiées et exposées : des portraits de famille, dont plusieurs représentent Marcel Proust lui-même, mais aussi des portraits de ses amis, certains dédicacés par Lucien Daudet, Reynaldo Hahn, Jacques Bizet, Robert de Flers, Jacques-Émile Blanche, Robert de Montesquiou... Marcel Proust aimait posséder le portrait photographique de ses proches et des gens qu’il fréquentait.

Par le biais de ces photographies, toute la vie de Marcel Proust défile sous nos yeux : enfant à environ onze ans avec son jeune frère Robert (estimation : 2.000-3.000 €), sa grand-mère tant aimée qui inspirera un des personnages d’A la recherche du temps perdu (estimation : 1.000-1.500 €), ses parents bien-sûr et lui-même.

3

Lot 121. Studio Chambay. Marcel et Robert Proust en costume écossais[Mars 1878 (?)]. Photographie originale. Tirage albuminé d'époque. Format carte de visite (93 x 55 mm), sur carton fort à l’adresse du photographe. Estimate: 2 000-3 000 €. Photo: Sotheby's. 

Les deux frères sont vêtus à l’identique, dans un costume écossais. Datée au verso "mars 1878".

Proust a bientôt 7 ans, Robert bientôt 5.

Timbre humide de la collection [Suzy] Mante-Proust au verso.

Exposition : B.N.F., n° 47.

Références : Naturel, repr. p. 17. -- Rey, repr. p. 19. -- Cattaui, n° 13. -- Album Pléiade, repr. p. 9. -- Mauriac, repr. p. 102. -- Raczymow, repr. p. 21. -- Proust et les Peintres, repr. p. 27.

4

Lot 122. Studio Hermann & Cie. Marcel et Robert Proust enfants. [Vers 1882]. Photographie originale. Tirage argentique d’époque. Format carte de visite (91 x 54 mm), contrecollée sur carton fort à l’adresse du photographe. Traces d’encadrement, bords du carton émoussé, petit manque au coin et au bord supérieur du carton sans atteinte à la photographie. Estimate: 2 000-3 000 €. Photo: Sotheby's.

Les deux frères sont vêtus de la même manière, avec un grand nœud papillon. Les deux frères sont debout à côté d’un muret (variante de la photographie suivante).

Proust a environ onze ans.

Références : Abraham, pl. VII. -- Naturel, repr. p. 17 (la 1re). -- Cattaui, n° 15. -- Album Pléiade, repr. p. 56.

2

Lot 123. Studio Hermann & Cie. Marcel et Robert Proust enfants. [Vers 1882]. Photographie originale. Tirage argentique d’époque. Format carte de visite (91 x 54 mm), contrecollée sur carton fort à l’adresse du photographe. Trace d’encadrement, bords du carton émoussé. Estimate: 2 000-3 000 €. Photo: Sotheby's. 

Les deux frères sont vêtus de la même manière, avec un grand nœud papillon. Robert est assis sur un muret et Marcel, debout à ses côtés, pose ses mains sur les jambes de son cadet (variante de la photographie précédente).

Proust a environ onze ans.

Exposition : B.N.F., n° 47. -- Jacquemart-André, n° 52.

Références : Rey, repr. p. 20 (la seconde). -- Cattaui, n° 14. -- Picon, repr. p. 19, n° 10.

1

Lot 116. [Anonyme], Mme Nathé Weil, née Adèle Berncastel, grand mère maternelle de Marcel Proust.  [Sans date]. Photographie originale. Estimation: 1 000-1 500 €. Photo: Sotheby's.

L’un des modèles d’un personnage capital de Combray et de Balbec : la grand-mère.

Tirage albuminé d'époque. Format cabinet (136 x 98 mm), contrecollé sur carton fort.

La grand-mère maternelle de Proust, Adèle Berncastel (1824-1890), était une femme cultivée, pianiste, grande lectrice de Mme de Sévigné, comme l’est la grand-mère du Narrateur de la Recherche. Il serait erroné de penser que seule la mère de Proust fut le modèle de la grand-mère du héros : c’est sa grand-mère que son mari fait souffrir en buvant du cognac et c’est avec elle qu'il part en villégiature. À sa mort en 1890, pendant le service militaire de Proust à Orléans, la peine atroce que ressentent Jeanne et Marcel Proust est celle dont souffrent les héros dans Sodome et Gomorrhe. Comme la mère du Narrateur, Jeanne Proust se console en relisant assidûment Mme de Sévigné.

Exposition : B.N.F., n° 21.

Références : Cattaui, n° 4. -- Univers de Proust, repr. p. 22. -- Rey, repr. p. 16. -- Mauriac, repr. p. 99. -- Picon, repr. p. 11. -- Tadié, p. 38 et 134-135.

[On joint :]
[Petit, Pierre]. Mme Nathé Weil, née Adèle Berncastel. [Sans date]. Photographie originale. Tirage albuminé d'époque. Format carte de visite (91 x 56 mm), contrecollée sur un carton au nom du photographe.
Références : Francis-Gonthier, repr. dans le cahier central.

[Braun, Adolphe]. Nathé Weil. [Vers 1865 ?]. Photographie originale. Tirage albuminé d'époque. Format carte de visite (ovale 7,5 x 52 mm), contrecollée sur carton fort au nom du photographe.

Nathé Weil (1814-1896), le père de Jeanne Proust, ne reprit pas la manufacture de porcelaine créée par son père Baruch Weil (1782-1828), mais se tourna vers les affaires et dirigea un bureau d’agents de change. Il est l’un des modèles de M. Sandre dans Jean Santeuil.
La maison Braun & Cie fut active de 1853 à 1969.

Timbre humide de la collection [Suzy] Mante-Proust au verso de ces 3 clichés.

Exposition : B.N.F., n° 19.
Références : Mauriac, repr. p. 98. -- Raczymow, repr. p. 20. -- Picon, repr. p. 10. -- Francis-Gonthier, repr. dans le cahier central.

Jeune homme, il aime prendre la pose pour Otto, un des portraitistes les plus en vue du grand monde. La collection comprend l’un des portraits les plus célèbres de Marcel Proust (estimation : 4.000-6.000 €).

5

Lot 166. Otto, Otto Wegener dit. Marcel Proust assis sur une banquette,  [vraisemblablement le 27 juillet 1896]. Photographie originale. Tirage argentique d’époque (108 x 76 mm). Argenture, pliure au coin supérieur droit, petit manque au coin inférieur droit. Estimation: 4 000-6 000 €. Photo: Sotheby's.

L’un des portraits les plus connus de Marcel Proust : une icône proustienne.

Ce portrait fait partie d’une série d’au moins 4 poses différentes, où l’on voit Proust assis sur une banquette de style Louis XVI (le bras posé sur l’accoudoir, le menton appuyé sur sa main, de dos, etc.). Il s’agit vraisemblablement des clichés que Proust fit réaliser le [27 juillet 1896] par Otto afin de pouvoir fournir un portrait à Maurras afin d'illustrer un article que ce dernier voulait consacrer aux Plaisirs et les Jours(reproduit par Abraham, pl. XXV ; voir Kolb, II, n° 50 et 51).

La multiplicité de ces poses parfois incongrues incite à penser qu’elles sont celles que Proust évoque encore vers le [15 août 1896] à Lucien Daudet : "Voulez-vous que je vous fasse envoyer une photographie de chez Otto. Non, vous viendrez plutôt choisir, il y a un tas de poses ridicules" (Kolb, XXI, p. 576).

Timbre humide de la collection [Suzy] Mante-Proust au verso.

Références : Rey, repr. p. 75 (variante repr.). -- Picon, repr. p. 74. -- Cattaui, n° 48. -- Univers de Proust, repr. p. 63. -- Naturel, repr. p. 119 (qui affirme que la photographie a été faite au Ritz, ce qui est improbable, d’une part car le Ritz fut ouvert en 1898 et parce que la même banquette se retrouve dans d’autres clichés pris chez Otto, voir lot 168).

[On joint :]
[Otto, Otto Wegener dit]. Marcel Proust assis sur une banquette. 3 retirages argentiques : l’un en entier (91 x 68 mm, sur un papier de 169 x 120 mm), les 2 autres en médaillon avec le visage et la main seuls (détails de la précédente). Environ 98 cm de diamètre (sur des feuilles de 287 x 212 mm et 270 x 227 mm). 2 sont annotées "Otto-Paris" sous la photographie. Il s’agit de variantes de la première photographie : ici la main de Proust touche son menton.

Un sulfureux portrait des trois amis par Otto montre l’écrivain entouré de Lucien Daudet, couvrant d’un regard langoureux Marcel, et Robert de Flers. Sur l’insistance de ses parents, il devra récupérer tous les tirages pour empêcher la circulation de cette photographie compromettante (estimation : 5.000-8.000 €).

6

Lot 168. Otto, Otto Wegener dit. Marcel Proust, Lucien Daudet et Robert de Flers. [Octobre ou tout début de Novembre 1896]. Photographie originale. Tirage albuminé d’époque. Format carte de visite (89 x 57 mm), contrecollée sur un carton au nom du photographe. 
Coin inférieur gauche du carton légèrement écornéEstimation: 5 000-8 000 €. Photo: Sotheby's.

Sulfureux portrait des 3 amis.

Le portraitiste d’origine suédoise Otto Wegener (1849-1922) s’installa à Paris en 1867 et ouvrit en 1883 son studio place de la Madeleine, au début du boulevard Malesherbes. Avec Nadar et Reutlinger, il devint l’un des portraitistes les plus en vue du grand monde. En voisins, Proust, ainsi que sa famille, se firent souvent photographier chez lui, comme plusieurs de ses amis, notamment Jacques-Émile Blanche ou Robert de Flers (voir lots 146 et 170).

En cette année 1896, Proust eut plusieurs fois recours au photographe. C'est de la fin juillet 1896 que date le célèbre portrait où il pose assis sur une banquette de style Louis XVI dans le studio du photographe (voir lot 166). Quant à cette photographie de groupe où Proust, assis sur la même banquette, est entouré de Robert de Flers (à gauche) et de Lucien Daudet (à droite), elle est un peu plus tardive, datant d'octobre ou du début du mois de novembre 1896.

En découvrant cette photographie, les parents de Marcel réagirent vivement : le regard tendre, presque langoureux de Lucien Daudet, son bras posé sur l’épaule de Marcel, laissaient peu de doute sur leur relation -- la révélaient presque. Sur l’insistance de ses parents, Proust se chargea de récupérer les exemplaires de cette photographie, que possédaient Lucien Daudet et Robert de Flers, pour en empêcher la circulation. Les exemplaires de ce cliché sont donc d’une insigne rareté.

On connaît une autre photographie d’Otto représentant les trois amis. Peut-être réalisé à la même époque, cet autre portrait est dénué de toute ambiguïté : cette fois, Proust est debout, tenant plus virilement le revers de son col, tandis que Lucien Daudet est assis et que Robert de Flers s’interpose entre les deux amants (cf. repr. dans Picon, p. 69 ; Quelques lettres…, pl. 5 ; Maurois, p. 41 ; Céleste, n.p., repr.).

Sur la liaison entre Proust et Lucien Daudet, voir lot 169.

Exposition : B.N.F., 129. -- Jacquemart-André, n° 181.

Références : Cattaui, n° 47. -- Album Proust, repr. p. 137. -- Picon, repr. p. 69. -- Univers de Proust, repr. p. 62. -- Proust et les Peintres, repr. p. 33. 

LIVRES ET MANUSCRITS
Cet ensemble renferme de précieux manuscrits, certains inédits comme celui qui rend hommage au talent de l’aquarelliste Madeleine Lemaire, Autrefois tristes d’être si peu de temps belles (estimation : 10.000-15.000 €).

7

Lot 162. Proust, Marcel, "Autrefois tristes d’être si peu de temps belles..". Poème en prose sur Madeleine Lemaire et les fleurs. [Probablement vers 1894-1896 ?], 4 pages sur 2 feuillets in-8 (218 x 164 mm). Papier vert vergé, filigrané "L.J & Cie". Encre noire. Signé "MP". Plusieurs mots corrigés ou ajoutés entre les lignes, quelques phrases barrées. Traces de pliure. Estimation : 10.000-15.000 €. Photo: Sotheby's.

Texte inédit inspiré par le talent de Madeleine Lemaire.

Double envoi, à Madeleine Lemaire et à Léon Bailby.

"Autrefois tristes d’être si peu de temps belles, dans les jardins qui si tôt après les avoir vu naître les voyaient mourir, les fleurs se désolaient et dans le cœur de tous leurs calices pleuraient toutes les larmes de la rosée. Un jour levant à peine sa petite tête fine au-dessus de terre, la violette insinua qu’on pourrait peut’être s’entendre avec le bon Dieu. Les pensées y réfléchirent, et s’interrogeaient entre elles en penchant leurs yeux noirs sur le moyen d’y parvenir ; une requête en forme fut proposée. Le dahlia, le faux col de sa corolle ayant la gravité qu’il fallait, fut chargé de la rédiger, le dahlia guindé et raide dans son beau faux col tuyauté [?]. Et on décida de la confier au pissenlit pour la porter au bon Dieu. Au premier bon vent qui soufflerait sa chandelle, la requête monterait, légère, avec la poussière blanche de sa fleur. Et la requête arriva au bon Dieu. Monsieur le bon Dieu, avaient dit les lys, à quoi nous sert notre pureté splendide [changé en : notre robe de pureté est splendide, encore faudrait-il qu'elle fut durable. Que vite elle se voit ternir et souiller. C'est un mauvais exemple]. Nous sommes tristes de mourir si jeunes. En vous donnant un peu de peine est-ce que vous ne pourriez pas nous faire vivre longtemps..."
L’admirateur de Madeleine Lemaire énumère ensuite les arguments avancés devant Dieu par les lys, les pivoines, les hortensias, les roses du Bengale, etc., désireuses de "toujours vivre". De même que les hommes ont leur paradis, le bon Dieu créa "Madame et Mademoiselle [Suzette, la fille] Lemaire dans les mains charmantes de qui les fleurs avant de mourir naissent à une autre vie qui a toutes les grâces de l’autre et qui durera".

Hommage à celle "qui a créé le plus de roses après Dieu" (Dumas Fils). On connaît un poème en alexandrins qui, comparant Madeleine Lemaire à Dieu, se demande qui immortalisera l’aquarelliste de même qu’elle immortalise les fleurs. Notons la similarité thématique entre les deux textes : le rapport à Dieu et l’immortalisation par l’art, qui sera aussi un grand thème de la Recherche. Les deux textes ont pu être écrits à la même période, soit en 1894 (selon Kolb et Price, voir Contre Sainte-Beuve, p. 366-367 et notes p. 883).
En mai 1903, Proust publiera encore dans Le Figaro une chronique sur le salon de Madeleine Lemaire, "La cour aux lilas et l’atelier aux roses" (idem, p. 457).

Envoi autographe signé à Madeleine Lemaire. Cette amusante mise en scène, qui fait penser aux Fleurs animées de Granville et Karr, est précédée d’un long envoi à l’aquarelliste : "À Madame Madeleine Lemaire, À la grâce de ses fleurs, -- à la fleur de ses grâces (la seule qu’elle ne pourrait peindre)".
L’aquarelliste Madeleine Lemaire (1845-1928) recevait artistes et écrivains dans son salon où Proust fut reçu dès 1892. C’est chez elle qu’il fera deux rencontres capitales en 1893 : celle de Reynaldo Hahn et de Robert de Montesquiou ; en août 1894, Proust lui rendit visite dans son château de Réveillon en compagnie de Reynaldo Hahn. Elle aimait peindre les roses avec une telle passion que Dumas Fils, qui avait été son amant, put dire que "c’est elle qui a créé le plus de roses après Dieu", tandis que Montesquiou la surnommait "l’impératrice des roses". En 1896, elle illustra les Plaisirs et les Jours, livre dont Anatole France dira dans sa préface qu’il était "tout parfumé des fleurs dont Madeleine Lemaire l’a jonché de cette main divine qui répand les roses avec leur rosée" (Les Plaisirs et les Jours, p. 4). Plus tard, Madeleine Lemaire deviendra le modèle principal de Mme Verdurin : toutes deux étaient appelées "la Patronne" par leurs fidèles, et qualifiaient ceux qu’elles n’aimaient pas de "raseurs".

Second envoi : "à Léon Bailby". Proust a barré l’envoi à Madeleine Lemaire à la mine de plomb et a ajouté, en grand, le nom de ce second dédicataire.
Homme de presse, Léon Bailby (1867-1954) publia des contributions de Proust, d’abord dans La Presse, qu’il dirige de 1896 à 1906, puis dans L’Intransigeant, entre 1907 à 1932. Depuis un article sur Alphonse Daudet en août 1897 dans La Presse, jusqu’à une réponse à une enquête d’août 1922 dans L’Intransigeant, quelques mois avant sa mort, Proust aura ainsi collaboré une dizaine de fois avec Léon Bailby.

Les textes littéraires inédits de Proust sont rarissimes.

Le premier livre publié par Marcel Proust, Les Plaisirs et les jours en 1896, réunissant les nouvelles qu’il avait publiées depuis 1892, est présent dans cette collection. L’exemplaire de son frère Robert porte une belle déclaration fraternelle : « Ô frère plus chéri que la clarté du jour ! » (estimation : 10.000-15.000 €).

8

Lot 163. Proust, Marcel, Les Plaisirs et les jours. Paris, Calmann-Lévy, 1896. Estimation : 10.000-15.000 €. Photo: Sotheby's.

L’exemplaire de son frère Robert.

In-4 (292 x 190 mm). Demi-maroquin vert avec coins, avec coins, dos lisse orné d’un décor néo-classique de filets dorés et de fleurettes mosaïquées en maroquin rouge, tête dorée, couverture (P. Affolter).
Coins, tête et queue frottés, couverture restaurée.

Édition originale illustrée.

L’un des 1500 exemplaires sur papier d’édition, non numérotés.

Illustré par Madeleine Lemaire de nombreux dessins, dont 14 hors texte, avec également 13 pages de partitions musicales de Reynaldo Hahn pour Les Portraits de peintres. Préface d’Anatole France.

Premier livre de ProustLes Plaisirs et les jours réunit les nouvelles qu'il avait publiées depuis 1892 dans Le BanquetLa Revue blancheLe Gaulois, L’année des poètes, etc.

Envoi autographe à son frère Robert :
"Ô frère plus chéri que la clarté du jour ! (Corneille)".
Kolb date cet envoi du 12 juin 1896 ou d’un peu après.
Comme souvent, Proust cite de mémoire, le vers exact de Corneille tiré de Rodogune étant : "Ô frère plus aimé que la clarté du jour !" (acte V, scène V).

Cette citation est une belle déclaration d’amour fraternel, d’autant que l’adjectif "chéri" est plus tendre que celui de la citation véritable ("aimé"). Proust s’identifie à Antiochus, qui refuse que leur amour fraternel soit entamé par la haine d’une mère et une rivalité amoureuse. Cependant, à lire la suite de la tirade d’Antiochus, que Proust devait connaître, on peut se demander s'il ne percevait pas aussi son frère comme un rival : "Ô frère plus aimé que la clarté du jour ! / Ô rival, aussi cher que m'était mon amour ! /Je te perds, et je trouve en ma douleur extrême / Un malheur dans ta mort plus grand que ta mort même".

Les auteurs classiques faisaient partie de la culture commune des deux frères. Notons que c’est une citation de Racine que Proust emploiera pour dédicacer sa traduction La Bible d’Amiens de Ruskin (1904) : "J’espère être accueilli tendrement par toi, mon frère chéri, maintenant que mon père n’est plus avec nous (Antigone)."

Exposition : B.N.F., n° 212b. -- Jacquemart-André, n° 192c.

Références : Kolb, IV, n° 234. -- S. Landes-Ferrali, Proust et le Grand Siècle, Tübingen, Gunter Narr, 2004, p. 61. -- M. Miguet-Ollagnier, La Mythologie de Marcel Proust. Paris, Les Belles Lettres, 1982, p. 203.

[On joint :]
Boyer, Paul (successeur de Van Bosch). Robert Proust jeune. [Vers 1890]. Tirage albuminé d'époque. Format carte de visite (89 x 59 mm), contrecollée sur carton fort au nom du photographe.
Exposition : B.N.F., n° 79.

John Ruskin, spécialiste de l’art religieux français, inspire deux dessins à Marcel Proust, parmi les meilleurs de l’écrivain, qui, contrairement à Victor Hugo, n’était nullement dessinateur mais ne perdait jamais son humour. Un des dessins les plus élaborés de
Marcel Proust, probablement réalisé entre 1901 et 1904, représente la cathédrale d’Amiens (estimation : 10.000-15.000 €). Ce dessin fut offert à Reynaldo Hahn, ami le plus proche de Marcel Proust, rencontré en 1894. Leur passion des premières années laissera place à une amitié indéfectible jusqu’à la mort de l’écrivain en 1922.

9

Lot 181. Proust, Marcel. Abziens (Kasthedralch). (Facadch wwwouest). [Probablement entre automne 1901 et 1904]. Dessin original. 1 p. in-12 (178 x 115 mm). Filigrane " Au Pr[intemps] P[aris] Nouveau Pa[pier Français]". Pliure médiane, très petite déchirure sur 3 mm à gauche. Estimate: 10 000-15 000 €. Photo: Sotheby's.

La cathédrale d’Amiens, envoyée à Reynaldo Hahn.
L’un des dessins les plus élaborés de Proust.

Dessin de la façade ouest de la cathédrale d’Amiens. La légende est écrite dans ce "lansgage" que pratiquent alors Proust et Reynaldo Hahn : il germanise à sa manière les mots "Amiens" ("Abziens"), "Cathédrale" ("Kasthedralch"), "façade" ("facadch") et "ouest" ("wwwouest"). Le dessinateur explique aussi : "Aspect général de la cathédrale d’Amiens en négligeant justement ce que je sais (porche ouest) bien que ce soit la façade ouest mais de mémoire et très vague." Proust se réfère à la déclaration attribuée à Turner par Ruskin : "mon affaire est de dessiner ce que je vois, non ce que je sais" (Contre sainte-Beuve, p. 121) ; de la même manière, le Narrateur de la Recherche relève qu'Elstir s'efforçait "de ne pas exposer les choses telles qu'il savait qu'elles étaient, mais selon ces illusions optiques dont notre vision première est faite" (Recherche, II, p. 194). Le dessin a donc été fait de mémoire, soit après sa visite à Amiens le 7 septembre 1901. Deux fois répétée, la phrase "Je n’irai pas gare" [sic] se réfère peut-être au moyen de locomotion avec lequel, le jour de sa visite, il est allé à Amiens.

Dans le sillage de Ruskin. Dans la création proustienne, aux Plaisirs et les Jours puis à la tentative de Jean Santeuil succèdent plusieurs années consacrées à Ruskin, qu’il découvre en 1896, auquel il consacre plusieurs articles avant de publier les traductions de la Bible d’Amiens (1904) et de Sésame et les Lys (1906). Avec l’esthète anglais comme guide, il se rend à Venise en 1900 pour en admirer les Pierres et à Amiens, le 7 septembre 1901, pour en visiter la cathédrale. De cet édifice, Ruskin admire par-dessus tout la façade ouest : "Le portail d’une cathédrale gothique, et plus particulièrement d’Amiens, la cathédrale gothique par excellence, c’est la Bible", approuve Proust. Et quand il se rend à Amiens sur les traces de Ruskin, il l’examine attentivement : "étant trop près du portail pour voir l’ensemble, je revins sur mes pas, et arrivé à la distance qui me parut convenable, alors seulement je regardai" (Ruskin, p. 39).

Probablement réalisé entre son voyage à Amiens (1901) et la publication de La Bible d'Amiens (1904), ce dessin fut offert ou envoyé à Reynaldo Hahn.

Provenance : Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger] (Drouot, 15 et 17 décembre 1958, lot 211). Après Reynaldo Hahn, sa cousine Marie Nordlinger, qui avait aidé Marcel Proust dans sa traduction de Ruskin, en hérita.

Expositions : B.N.F., n° 252. -- Jacquemart-André, n° 202. -- L’Écriture et les Arts, n° 102a.

Références : Hahn, repr. p. 117. -- Rey, repr. p. 65. -- Album Pléiade, repr. p. 199. -- Sollers-Nave, repr. p. 44. -- Greene-Szylowicz, p. 7-29. -- Speck, p. 44-57.

L’édition originale de Du côté de chez Swann s’ouvre sur un long envoi autographe, en partie inédit, signé à Walter Berry, daté de juillet 1916. "Monsieur, Vous pensez probablement comme moi que les plus sages, les plus poètes, les meilleurs, ne sont pas ceux qui mettent dans leur oeuvre toute leur poésie, toute leur bonté et toute leur science mais qui savent encore d’une main ingénieuse et prodigue en mettre un peu dans leur vie (estimation : 20.000-30.000 €). L’envoi fait allusion au volume aux armes de Guermantes qu’il offrit à Marcel Proust.

10

 

Lot 204. Proust, Marcel. Du côté de chez Swann, Paris, Grasset, 1913. In-12 (182 x 114 mm). Bradel demi-maroquin bleu à long grain à coins, dos lisse, titre et tête dorés, couverture et dos, étui bordé (Stroobants). Coiffes et coins frottés ; petite restauration de papier à la première page de l’envoi. Estimation : 20.000-30.000 €. Photo: Sotheby's.

Édition originale.
Mention fictive de deuxième édition sur la couverture. Exemplaire d'un tirage inconnu de Max Brun mêlant des remarques de premier et de second tirage (mention de deuxième édition sur la couverture, sans la faute à Grasset sur la page de titre, avec l'achevé d'imprimer au verso de la page 523 et sans la table...).

Long envoi autographe signé à Walter Berry, daté de juillet 1916.
Courant sur trois pages
, il est en partie inédit.

"À Monsieur Walter Berry
Monsieur,
Vous pensez probablement comme moi que les plus sages, les plus poètes, les meilleurs, ne sont pas ceux qui mettent dans leur œuvre toute leur poésie, toute leur bonté et toute leur science mais qui savent encore d’une main ingénieuse et prodigue en mettre un peu dans leur vie. L’histoire de la reliure aux armes de Guermantes est une si belle histoire qu’en attendant le poète qui, espérons-le, ne manquera pas pour l’écrire (et je saurais me présenter à son défaut), il fallait déjà être un poète pour la créer, pour la vivre. C’est 
[en] ce sens que je dirais qu’un surplus de votre science, de votre bonté et de votre poétique conception de la vie était déjà dans cette histoire. Les choses n’ont pas que les "lacrymae" dont parle Virgile. J’aime mieux me souvenir en ce moment d’un proverbe latin qui est apparenté à ce sens-là : "Habent sua fata libelli" ["Les livres ont leur destinée"]. Je suis persuadé que dans le complexe enchaînement des effets et des causes, le "fatum" de ce petit livre voulait que, par vous, il vînt à celui qui avait exhumé les Guermantes de leurs tombes et tenté de rallumer l’éclat du nom éteint. Puisse ne pas s’arrêter là son destin ; et qu’il ait été aussi de rapprocher l’un de l’autre, afin de tisser entre eux "les fils mystérieux où les cœurs sont liés" le merveilleux découvreur qui fit un plus rare présent que celui rapporté dans Sylvestre Bonnard et son bien reconnaissant et admiratif
Marcel Proust. Juillet 1916
".

Walter Berry, l'ami américain. Ce long envoi de Proust fait allusion au volume aux armes des Guermantes -- un exemplaire des Œuvres du P. Rapin sur les grands hommes de l'antiquité de 1709 -- que Walter Berry lui offrit alors qu’il ne le connaissait pas encore. Relisant Swann en mai 1916, Walter Berry raconte avoir trouvé ce livre chez un bouquiniste le long de la Seine : "Je sortis, enchanté, emportant ma trouvaille, et quelques jours plus tard, avec une lettre dans laquelle j'exprimais combien profondément j'étais pénétré de son œuvre, je faisais parvenir le volume à Marcel Proust encore -- de moi -- inconnu." (cité par Kolb). Peu de temps après avoir offert cet exemplaire aux armes, Walter Berry rencontra Proust chez Mme Scheikévitch. Avocat, expert en droit international et Président de la Chambre de commerce américaine de Paris, Walter Berry (1859-1927) aidera Proust dans différentes affaires (différends, déclarations sur le revenu, vente de meubles, etc.). Très proches, ils avaient pour habitude de dîner au Ritz. En 1919, Proust lui dédia Pastiches et Mélanges ainsi : "À Monsieur Walter Berry. Avocat et lettré, qui, depuis le premier jour de la guerre, devant l'Amérique encore indécise, a plaidé, avec une énergie et un talent incomparables, la cause de la France, et l'a gagnée. Son ami, Marcel Proust". En 1920, Walter Berry souscrivit à trois exemplaires de l'édition de luxe d’À l'Ombre des jeunes-filles en fleurs sur papier bible ; Proust y fut très sensible, voyant là un véritable acte d'amitié. Dans une lettre du 10 juin 1922, il lui écrit, comme il l'a aussi écrit à d'autres : "vous, probablement l'être que j'aime le plus au monde" (Kolb, XXI, n° 183). Dans l'Hommage à Marcel Proust de la N.R.F. en 1923, Walter Berry décrit ainsi son ami disparu: "Je le vois, toujours, arrivant par le long couloir du Ritz, une heure en retard sur le rendez-vous, un peu hagard, éperdu, descendant de son rêve, comme un aviateur embrouillardé qui hésite à atterrir [...]. Puis, lentement, il se reprenait. Il regardait joyeusement la salle où s'agitait la foule mondaine. Souvent il s'arrêtait à une table et recueillait des futilités qu'il me rapportait, enchanté -- des propos dignes, disait-il du duc de Guermantes".

Une partie de cet envoi est resté inconnu de Kolb. Comme à son habitude, Proust commence son envoi sur les "fausses gardes" ("papier bulle de protection inférieure de la couverture, papier bistre fin, de qualité médiocre, que les relieurs suppriment généralement", Galantaris, I, p. 89) et le poursuit sur la page de faux-titre puis de titre.

[On joint :]
Anna de Noailles au bras de Walter Berry, à la sortie de l'église au mariage de Suzy Proust et Gérard Mante. [26 janvier 1926]. Photographie originale (110 x 80 mm, contrecollée sur carton).

Provenance : Précieux manuscrits à Miniatures… Œuvres de Marcel Proust avec autographes, Drouot, 6 juin 1955, n° 169.

Expositions : B.N.F., n° 402d. -- L’Écriture et les Arts, n° 290b.

Références : Kolb, XV, n° 86 (partiellement publié). -- Album Pléiade, p. 304. -- K. Kolb, "Walter Berry, l’Américain", in Le Cercle de Marcel Proust, p. 37-50. -- W. Berry, "Du côté de Guermantes", in Hommage à Marcel Proust, p. 77-80.

Sur Walter Berry et ce livre aux armes, voir aussi lot 208.

L’exceptionnel placard encore inconnu, en grande partie manuscrit, A l’ombre des jeunes filles en fleurs [1914-1919], a un très grand intérêt pour la compréhension du roman. Raturé et corrigé, d’une graphie très spontanée, ce placard restitue l’écriture de l’auteur dans son jaillissement même, avec tous ses repentirs successifs. Après la publication de Du côté de chez Swann en 1913, Grasset avait commencé, en 1914, celle d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs, mais la guerre retarda la publication. Marcel Proust en profita alors pour corriger son texte : travaillant à partir des épreuves imprimées, il le corrigea et l’augmenta considérablement. A l’ombre des jeunes filles en fleurs fut couronné par le Prix Goncourt et, Marcel Proust ne tarda pas à lancer l’idée, peut-être pour des raisons financières, d’une édition de luxe du roman (estimation : 20.000-25.000 €). 

11

Lot 215. Proust, Marcel. À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Placard manuscrit. [1914-1919]. Placard composé de 24 fragments manuscrits (19) ou imprimés (5), répartis en 4 colonnes et collés sur une feuille in-plano (498 x 645 mm). Annotation manuscrite du typographe "Cahier violet n° 18" au crayon bleu dans le coin supérieur gauche. Filigrane "JD Daguerre" sur le papier de support ; filigrane "Papier des Deux Mondes" pour certains fragments manuscrits.
Traces de pliures. 
E
stimation : 20.000-25.000 €. Photo: Sotheby's.

Exceptionnel et très précieux placard encore inconnu, en grande partie manuscrit.

Les épreuves de Grasset retravaillées pour la N.R.F. Après la publication de Du côté de chez Swann en 1913, Grasset avait commencé, en 1914, celle d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs, mais la guerre survint et retarda la publication. Proust en profita alors pour corriger son texte : travaillant à partir des épreuves imprimées pour Grasset en 1914, il corrigea le texte et l’augmenta considérablement. Pour rendre la nouvelle version plus lisible, Mlle Rallet, la dactylographe de la N.R.F. (auprès de laquelle Proust avait été convaincu d’éditer la suite de son roman) qui avait pour tâche de tout retranscrire (Kolb, XVII, p. 444 et note), eut l’idée originale de coller bout à bout les fragments manuscrits provenant du "cahier violet" et les épreuves, corrigées ou non, sur de grandes feuilles. Ce faisant, elle morcela ainsi à la fois le manuscrit de Proust, les épreuves corrigées de Grasset (pour l’édition prévue en 1914) et celles de Gallimard (pour l’édition de 1919) en vue de la première édition de ce volume (1919), formant ainsi "une extraordinaire marqueterie" (P. Clarac). Enthousiasmé par le résultat, Proust commente ainsi ces placards : "le manuscrit […] malgré mon affreuse écriture […] est ravissant et a l’air d’un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini" (Kolb, XVIII, p. 295).

Les placards joints à l’édition de luxe de 1920. Si l’achevé d’imprimer d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs est à la date du 30 novembre 1918, l’ouvrage ne sortit en librairie que le 23 juin 1919, publié par la Nouvelle Revue Française, bientôt couronné par le Prix Goncourt le 10 décembre et, sous l’effet du succès, réimprimé le 16 décembre. Après cette consécration, Proust ne tarda pas à lancer l’idée, peut-être pour des raisons financières, d’une édition de luxe du roman. Parue en avril 1920 chez Gallimard, elle fut limitée à 50 exemplaires disponibles par souscription (en fait 51, puisqu’il existe un exemplaire n° 0 en plus des exemplaires numérotés de I à L). Très recherchée, cette édition bénéficia d’une présentation matérielle tout à fait particulière : réimposé au format in-quarto assez inhabituel (324 x 217 mm), imprimés sur papier bible, ce volume est protégé par un luxueux portefeuille recouvert d’un papier peint au pochoir ; chacun des exemplaires est en outre accompagné d’un portrait de Proust imprimé en héliogravure d’après celui de Jacques-Émile Blanche et, surtout, de deux des placards susmentionnés.

Chacun des placards est unique. À raison de deux placards par exemplaire, ce furent ainsi probablement 102 placards qui furent dispersés. Ces placards ont donc un très grand intérêt pour la compréhension du roman : bien plus que d’"extraordinaire[s] marqueteries [s]" ravissantes à contempler, ces placards dispersés en 1920 au gré des collections sont des manuscrits uniques de parties du roman dont aucune bibliothèque ne conserve la version manuscrite. Fr. Goujon a montré que cette édition de luxe exploitait le dernier manuscrit que Proust avait envoyé à son éditeur en octobre 1917, celui de la "deuxième partie" du roman, ainsi qu’il appelait celle autour des jeunes filles.

Presque entièrement manuscrit, à l’exception de 5 petits morceaux d’épreuves, notre placard correspond aux pages 216 (21e ligne) à 223 (antépénultième ligne) de l’édition des Jeunes filles en fleurs (Pléiade, t. II). Elles contiennent le passage du roman où, rendant visite à Elstir et venant de réaliser que Miss Sacripant n’est autre qu’Odette, le Narrateur réfléchit à l’art du portrait (p. 216-218) et comprend aussi que M. Biche n’est autre qu’Elstir lui-même (p. 218-219). Le héros prend alors conscience qu’il ne lui serait pas impossible de rencontrer à nouveau les jeunes filles qu’il n’avait pas encore pu approcher (p. 219-220). Saint-Loup s’apprête ensuite à partir, et la grand-mère du Narrateur lui offre des lettres de Proudhon en gage d’amitié (p. 221), avant qu’il ne gagne Doncières (p. 221), où son ami promet de lui rendre visite. Le Narrateur analyse le manque de tact de Bloch, qui projette d’aller rendre visite à Saint-Loup à Doncières, sans comprendre que le marquis ne l’avait invité que par politesse (p. 221). Le protagoniste reçoit ensuite une lettre de Saint-Loup dans laquelle il évoque les conversations délicieuses qu’il a eues avec son nouvel ami (p. 223).

Ce placard présente plusieurs variantes par rapport au texte, dont plusieurs sont données dans l’apparat critique de l’édition de la Pléiade (p. 218, a ; 219, a ; 220, a et b ; 221, a (la 1re) ; etc.).

Raturé et corrigé, d’une graphie très spontanée, ce placard restitue l’écriture de Proust dans son jaillissement même, avec tous ses repentirs successifs.

L’exemplaire de luxe de Suzy Proust ? Ce placard était certainement à l'origine inclus dans un des 51 exemplaires de l’édition de luxe publiée en 1920. Provient-il d’un exemplaire que Suzy Proust reçut en 1920 ? C’est une hypothèse vraisemblable, car, si l’on en croit sa correspondance, Proust offrit un des précieux exemplaires à sa nièce en août 1920 (Kolb, XIX, n° 188).

Références : P. Clarac, "Remarques sur le texte des Jeunes filles en fleurs. Projet d'une édition", in Bulletin de la société des Amis de Marcel Proust, n° 2. -- Fr. Goujon, "Le Manuscrit de À l'ombre des jeunes filles en fleurs : le "cahier violet", in Bulletin Marcel Proust, n° 49, 1999, p. 7-16. -- P. Wise, "Le généticien en mosaïste", in Genesis, n° 36, 2013, p. 141-150.

La collection conserve également l’importante lettre que l’Académie Goncourt adresse le 10 décembre 1919 à Marcel Proust pour lui annoncer qu’elle lui décerne le prix Goncourt pour A l’ombre des jeunes filles en fleurs (estimation : 6.000-8.000 €). 

12

Lot 216. Académie Goncourt. Lettre à Marcel Proust. Paris, 10 décembre [1919]. 
1 p. in-8 (210 x 137 mm). En-tête de l’Académie Goncourt. Estimation : 6.000-8.000 €. Photo: Sotheby's. 

Très importante lettre, annonçant que le Prix Goncourt a été décerné à Marcel Proust pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs.

"Monsieur et cher confrère,
Nous avons l’honneur et le plaisir de vous annoncer que vous avez été désigné aujourd’hui pour le Prix Goncourt pour votre livre :
 À l’ombre des jeunes filles en fleur [sic].

Veuillez recevoir, Monsieur et cher confrère, l’expression de nos sentiments dévoués."

Huit membres du jury ont signé : Gustave Geffroy (président de l'Académie Goncourt), Léon Daudet, J.-H. Rosny aîné, J.-H. Rosny jeune, Henry Créard, Elémire Bourges, Léon Hennique et Paul Ajalbert.

En juin 1919, alors que les Jeunes filles en fleurs viennent de paraître, Proust apprend que son ami Léon Daudet, membre du jury, a l’intention de voter pour lui. Le prix lui est décerné par 6 voix contre 4 : Ajalbert, Hennique, Bergerat et Descaves ont voté pour Les Croix de bois de Roland Dorgelès. En avançant des critères bien peu littéraires, la presse conteste vivement le choix des académiciens, accusés d’avoir favorisé un auteur âgé, trop riche et qui, à la différence de Roland Dorgelès, n’a pas combattu au front.

Le prix Goncourt prit Gallimard au dépourvu : le premier tirage de 3000 exemplaires était épuisé, et, dès le début du mois de décembre, Proust se plaignit que la réimpression ait pris du retard. Celle-ci s’éleva à 6 600 exemplaires et fut suivie de deux autres tirages en février et en juillet 1920. Malgré ces chiffres, les ventes ne furent cependant pas un succès : le tirage total ne dépassa pas celui de Swann, à la différence des Croix de bois, dont le tirage s’avéra trois fois supérieur à celui du roman primé…

"C’est le seul prix de valeur, aujourd’hui, parce qu’il est décerné par des hommes qui savent ce qu’est un roman, et ce que vaut un roman", dira Proust à Céleste Albaret (p. 367).

Expositions : B.N.F., n° 450. -- Jacquemart-André, n° 298.

Références : Kolb, XVIII, n° 293. -- Album Pléiade, repr. p. 260.

[On joint :]
Geffroy, Gustave. Lettre à Marcel Proust13 décembre [19]19. 1 p. in-16 (106 x 140 mm).
Lettre inédite du président de l’Académie Goncourt.
Dans les jours qui suivent le prix, Proust, malade, multiplie les lettres de remerciement ; il prétendra avoir reçu 870 lettres de félicitations. En réponse à celle qu’il adresse à Geffroy, celui-ci lui répond par ces mots admiratifs : "C’est moi, monsieur et cher confrère, qui vous dois des remerciements pour la lecture de vos livres forts et délicieux. J’en aime la netteté vivante, le solide dessin intérieur. J’en aime aussi les méandres et les ombres où je vois toujours briller, proche ou lointaine, la lumière ou la lueur de l’art. J’espère redire mieux tout cela un jour quand vous serez rétabli et que vous viendrez déjeuner chez l’académie Goncourt. De tout cœur à vous, Gustave Geffroy". 

L’amitié de Proust a encore pour témoins les livres qui lui ont été dédicacés. Ils sont envoyés par Cocteau, Colette, Gide, Giraudoux, Morand, Anna de Noailles ou la princesse Bibesco. Mais aussi par le Comte Robert de Montesquiou, poète et dandy insolent qui aurait inspiré le personnage du baron de Charlus dans A la recherche du temps perdu. Ses essais, Elus et appelés, publiés en 1921, portent ses dernières lignes écrites à Marcel Proust avant sa mort qui survint la même année (estimation : 2.000-4.000 €). 

13

Lot 224. Montesquiou, comte Robert de. Élus et appelés. Paris, Émile-Paul Frères, 1921. In-12 (189 x 127 mm). Demi-chagrin vert, initiales "M.P." dorées en pied du dos, tête dorée, couverture et dos (R. Teuliêres). Dos passé, restaurations au dos de la couverture. Estimation : 2.000-4.000 €. Photo: Sotheby's.

Les dernières lignes écrites par Montesquiou à Proust.

Envoi autographe signé : "À Marcel Proust, Auteur que je crois juger juste, Ami, que je sais aimer bien. R. Montesquiou. Octobre 1921", sur le premier feuillet blanc.

Ces lignes furent les dernières que Montesquiou écrivit à Marcel Proust : il mourut le 11 décembre 1921.

Montesquiou dresse un très beau portrait de Marcel Proust parmi ces Élus et appelés : "devant la photographie d'un vieux maître de musique, père de l'une d'elles, et comme s'y prenaient deux héroïnes d'un récent roman à sensation pour aiguiser leurs coupables plaisirs. Quand je rencontrai, parmi toutes les aubépines de cet auteur plein de maîtrise, que je connais et admire depuis longtemps, et qui a toujours été pour moi plein de bons procédés, quand je rencontrai, dis-je, cet épisode effarant, je compris qu'il fallait  attendre, et que toutes les jeunes filles en fleurs et tous les "côtés" qui allaient suivre pourraient bien comprendre le côté du nefas [...] et quand les lecteurs dociles et nombreux de Marcel Proust s'étonnent de voir l'auteur attitré de leurs charmantes variations mondaines les amener vers quelque chose de plus scabreux (...) Cet auteur subtil, ce moraliste avisé, ne se contente pas de faire effeuiller l'aubépine à de petites niaises, il amène au jour les préoccupations secrètes d'hypocrites tourmentés [...] Proust est un homme volontaire et même résolu [...] il traque, il flagelle, il vise, il atteint, et, pendant ce temps là, il ne sort pas de son lit" (p. 263 et 264).

Expositions : Marcel Proust and His Time, Londres, Wildenstein Gallery, 1955, n° 359.

Voir lot 197 pour un autre envoi du comte à Proust.

CORRESPONDANCE
Les lettres échangées avec son père et son frère Robert sont parmi les plus émouvantes et les plus rares. La plus précieuse est une des trois seules lettres connues à son père qui neconçoit pas que la littérature puisse être un métier, 1893. Marcel Proust se soumet au désir
paternel tout en affirmant sa vocation : « tout autre chose… que les lettres et la philosophie,est pour moi du temps perdu ». La volonté de l’écrivain s’y devine, comme se laisse entrevoir les âpres discussions qu’il a dû avoir avec son père (estimation : 10.000-15.000 €). 

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Lot 152. Proust, Marcel. Lettre autographe signée à son père. 9 boulevard Malesherbes, jeudi 10 heures [28 septembre 1893]4 p. in-16 (109 x 87 mm), sur un bi-feuillet. Encre noire. Signé "Ton fils Marcel". Papier légèrement jauni. Estimation : 10.000-15.000 €. Photo Sotheby's.

Importante lettre sur le choix de carrière : à part la Littérature, tout pourrait être du "temps perdu".

Une des 3 seules lettres connues de Proust à son père.

De retour de Trouville où il a séjourné avec sa mère et après la licence de Droit, son père, qui ne conçoit pas que la Littérature puisse être un métier, le somme de choisir une carrière. Proust se soumet à son désir, tout en affirmant sa vocation littéraire en dehors de laquelle tout lui paraît "du temps perdu" : "Mon cher petit papa, J’espérais toujours finir par obtenir la continuation des études littéraires et philosophiques pour lesquelles je me crois fait. Mais puisque je vois que chaque année ne fait que m’apporter une discipline de plus en plus pratique, je préfère choisir tout de suite une des carrières pratiques que tu m’offrais." Soumis, presque résolu, il ajoute : "Je me mettrai à préparer sérieusement, à ton choix, le concours des affaires étrangères ou celui de l’École des Chartes. Quant à l’étude d’avoué, je préfèrerais mille fois entrer chez un agent de change", avant d’ajouter, cette fois presque menaçant : "D’ailleurs sois persuadé que je n’y resterais pas trois jours !". Revenant sur ce qui est sa vocation profonde, il continue : "Ce n’est pas que je croie toujours que toute autre chose que je ferai autre que les lettres et la philosophie, est pour moi du temps perdu. Mais entre plusieurs maux il y en a de meilleurs et de pires. Je n’en ai jamais conçu de plus atroce, dans mes jours les plus désespérés, que l’étude d’avoué." Citant Baudelaire (qui n’est pas exactement le modèle du bon fils studieux !), Proust poursuit : "Je suis charmé de me retrouver à la maison dont l’agrément me console de la Normandie et ne plus voir (comme dit Baudelaire en un vers dont tu éprouveras j’espère toute la force) : "Le soleil rayonnant sur la mer". Je t’embrasse mille fois de tout mon cœur. Ton fils, Marcel".

Incisif, le style de cette lettre, tout à tour résolue, menaçante, triste et réjouie, tranche fortement avec celui des nombreuses lettres que Proust adresse à sa mère. La volonté de Proust s’y devine, comme se laissent entrevoir les âpres discussions qu’il dut avoir avec son père. À cette époque, Proust consacre déjà beaucoup de temps à l’écriture, notamment aux articles qu’il publie dans la Revue Blanche après en avoir donné beaucoup au Banquet. Dans la Recherche, le père du Narrateur, comme Adrien Proust dans la vie, dut se résoudre à accepter la vocation de son fils : "je vois bien que tu ne feras pas autre chose. On peut trouver cela une bonne carrière, moi ce n’est pas ce que j’aurais préféré pour toi, mais […] il ne faut pas que nous t’empêchions de suivre ta vocation" (Recherche, II, p. 447).

Pour l’une des 3 autres lettres connues de Proust à son père, voir lot 174.

Expositions : B.N.F., n° 115. -- Jacquemart-André, n° 65 -- L’Écriture et les Arts, n° 47.

Références : Kolb, I, n° 102.

[On joint]
Nadar, Paul. Robert Proust. [20 novembre 1886]. Photographie originale. Tirage albuminé d'époque. Format carte de visite (81 x 60 mm). Petite déchirure.
Timbre humide de la collection [Suzy] Mante-Proust au verso.
Références : Nadar, repr. p. 33 (en entier) et p. 37.

La lettre inédite écrite par son frère en 1892 montre un frère attentif. Robert encourage son « bon petit Marcel » qui vient d’échouer aux examens de droit, parti passer l’été à Trouville. Il s’inquiète aussi de ses crises d’asthme (estimation : 3.000-5.000 €). 

15

Lot 145. Proust, Robert. Lettre à son frère Marcel. [Mi-Août 1892.]4 p. in-12 (177 x 111 mm). Signée "Robert". Filigrane illisible. Un petit morceau de la lettre a été intentionnellement coupé pour en cacher quelques mots. Estimation : 3.000-5.000 €. Photo Sotheby's.

Lettre inédite à son "bon petit Marcel".
 
En août 1892, après un échec aux examens de droit, Proust est allé passer l’été à Trouville avec les Finaly, aux Frémonts, la propriété qu’ils louent aux Baignères. Robert écrit à son "bon petit Marcel", devine qu’il a "beaucoup à faire pendant les vacances à cause de ce malheureux examen de droit" qu’il a raté et s’inquiète de ses crises d’asthme. Il pense que leur mère rejoindra bientôt Marcel à Trouville et demande des nouvelles de fréquentations de son frère : "Que devient Jacques Bizet : dis-lui bien des choses de ma part, et tâche en me donnant de ses nouvelles de me décrire sa vie aussi bien que tu l’imites habituellement." Sachant que les Baignières ont loué leur villa des Frémonts aux Finally, Robert demande si Paul Baignères séjourne tout de même à Trouville ("si tu avais l’occasion de le voir à Trouville dis-lui ce que je pense de lui") et lui réclame un compte-rendu de son dîner chez la princesse [peut-être la princesse Mathilde, chez laquelle il se trouve le 7 août]. Un petit morceau de la lettre a été coupé, probablement pour cacher ce que Robert dit d’une connaissance : « J’ai fait la connaissance ici de Monsieur Meurisot [?] et de ses filles il est bien comme dit Jacques[-Émile] Blanche : "c’est un bon [mots coupés]" et fort aimable. »
 
Les lettres de Robert à son frère sont rares.
 
Sur la villa normande des Frémonts et les séjours de Proust en Normandie, voir lot 143.
 
Références : Tadié, p. 179-183.
 
[On joint :]
Tapuscrit de la retranscription de 4 lettres de Marcel à son frère, en vue de leur publication dans la N.R.F. d’avril 1970, n° 208. 8 p. in-4.

Les lettres à Reynaldo Hahn sont les plus belles de cette correspondance extraordinaire. On y voit le coeur de Marcel Proust mis à nu, comme nulle part ailleurs. Trois exemples bouleversants sont inclus dans cette collection. Le premier est une longue lettre de 6 pages dans laquelle Marcel Proust déclare à Reynaldo Hahn qu’il est « vraiment la personne qu’avec maman j’aime le mieux au monde », 1896 (estimation : 15.000-20.000 €).

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Lot 164. Proust, Marcel. Lettre autographe signée à Reynaldo Hahn. [Probablement 8 Juillet 1896.]. 6 p. sur 3 feuillets in-8 (205 x 108 mm), le premier sur papier vergé et les 2 autres feuillets sur vélin. Signé "Marcel". Estimation : 15.000-20.000 €. Photo Sotheby's.

Longue lettre à l'écriture très dense.

"Vous êtes vraiment la personne qu’avec maman j’aime le mieux au monde".

Reynaldo Hahn est parti pour Hambourg chez l'une de ses sœurs et en reviendra le 16 juillet 1896. Proust est heureux pour lui et lui conseille de rester le plus longtemps possible"Je ne suis pas comme les Lemaire hostile à tous les endroits où nous ne pouvons pas être ensemble [dans Du côté de chez Swann, telle sera bien l'attitude des Verdurin] je vous jure que si les rares instants où j'ai envie de prendre le train pour vous voir tout de suite se rapprochaient et devenaient intolérables je vous demanderais de venir ou que vous reveniez. Mais cette hypothèse est tout à fait invraisemblable. Restez là-bas tant que vous y serez bien. De temps en temps seulement mettez-moi dans vos lettres, rien de mosch, pas vu de mosch [homosexuel, dans leur langage] parce que bien que ce soit sous-entendu par vous, je serai plus content que vous le disiez quelque foi. […] Seulement je serai bien content aussi, ah! mon cher petit, bien bien content quand je pourrai vous embrasser, vous vraiment la personne qu'avec Maman j'aime le mieux au monde".
Il lui fait alors part de ses projets : il sera peut-être à Paris à son retour ou à Versailles avec sa mère, puis fin août il ira "passer un mois ou un peu plus à la mer […] Cabourg par exemple". Proust pourra ensuite le rejoindre avec ou sans sa mère : "D'ailleurs elle ne veut passer qu'un mois avec moi voulant le reste du temps que je me "distraie"." Il lui propose de le retrouver à Bex ou en Suisse. "Et puis si nous ne pouvons pas nous voir du tout nous penserons l'un à l'autre".
Proust lui donne alors des nouvelles des Lemaire qui "partiront sous peu pour Dieppe" et qui espèrent revoir Proust et Reynaldo Hahn : "il ne faudrait pas conclure que je trouve la mère meilleure que la fille, car elles sont bonnes toutes deux et la fille est malgré tout plus tendre. Mais elles sont parfaitement résignées à ne pas nous voir cet été. Seulement je crois que cela leur ferait plaisir si en Octobre nous allions soit à Réveillon soit à la propriété de Madame Lemaire et j'avoue mon cher petit que je crois que ce serait assez amour (ici Reynaldo : "Qu'est-ce que tu as dit : assez amour? ai-je bien entendu? ")."
Proust passe alors au tutoiement et décrit avec beaucoup d’humour une soirée passée chez Madeleine Lemaire en compagnie du peintre Clairin (1843-1919), auteur de portraits de Sarah Bernhardt, Gabrielle Krauss et d'autres célébrités, à peine revenu d’Egypte : "Tu te serais tordu si tu avais assisté hier au retour de Clairin". Il lui raconte comment Clairin égrène ses souvenirs d’Egypte devant une Madeleine Lemaire totalement "immobile comme un lac souriant et perfide. Malgré cela au bout de quelque temps elle s'est mise à écouter avec cet air de sérieux profond que donne une profonde distraction ses récits d'art" et lui donne des exemples de cette conversation totalement insipide sous forme d’un dialogue amusant.

Enfin, il en vient à la somptueuse fête donnée par le comte Boni de Castellane au bois de Boulogne, le jeudi 2 juillet 1896 : "Au fond je ne sais pas très bien ce que ça a dû être. Madame Lemaire m'a dit : "C'était tout à fait comme au grand siècle, vous savez, du pur Louis XIV." Madame de Framboisie m'a dit : "On se serait cru à Athènes" et notre Tur [surnom d’Arthur Meyer, directeur du Gauloisdit dans Le Gaulois : "On se serait cru au temps de Lohengrin." Vous comprenez que je n'aie pas des idées très exactes sur l'époque que le "jeune Comte" a reconstituée." Proust énumère certains passages ridicules de l’article avec drôlerie. "J'aurais mille autres choses à vous dire mais il se fait tard et je vous embrasse de tout mon cœur en vous priant d'embrasser votre sœur Maria."
Mme Proust venant de perdre son père, Nathé Weill, le 30 juin 1896, son chagrin est encore très fort : "Maman n'est pas trop mal. Elle me paraît prendre le dessus de son immense chagrin avec plus de force que je n'espérais".

Cette lettre précède une autre lettre écrite avant le 8 août (Kolb, I, n° 49), au moment d’une brouille passagère entre les deux amis. Fou de jalousie, Proust avait exigé de Reynaldo qu’il ne lui cache rien, ce qu'il avait accepté le 20 juin, avant de se rétracter et de lui demander, le 8 août, d’être libéré de ce serment. Proust analyse sa jalousie comme "une fantaisie de malade". Lui succédera une autre lettre présente dans cette collection (voir lot 267). Les brouilles s’enchaînent et les deux amis ne partiront finalement pas en vacances ensemble ; l’amitié remplacera progressivement l’amour.

Provenance : Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger (Drouot, 15 et 17 décembre 1958, lot 129).

Références : Hahn, n° XXXIX. -- Kolb, II, n° 44. -- Lettres, n° 65.

Dans la seconde datant de la même période, il laisse éclater sa jalousie et sa tristesse en pleine rupture avec l’être aimé. Ils resteront cependant amis jusqu’à la mort de l’écrivain en 1922 (estimation : 20.000-25.000 €).

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Lot 165. Proust, Marcel. Lettre autographe signée à Reynaldo Hahn. [Entre la mi-juillet et le 8 Août 1896]. 7 p. et une ligne sur 2 bi-feuillets in-12 (212 x 136 mm). Signée "Marcel". Estimation : 20.000-25.000 €. Photo: Sotheby's.

La fin d’un amour, la jalousie, les reproches : Proust est malheureux.

Lettre bouleversante dans laquelle Proust reproche à Reynaldo son égoïsme et laisse éclater sa jalousie : "je crois seulement que de même que je vous aime beaucoup moins, vous ne m'aimez plus du tout".

"Notre amitié n'a plus le droit de rien dire ici, elle n'est pas assez forte pour cela maintenant. Mais son passé me crée le devoir de ne pas vous laisser commettre des actes aussi stupides aussi méchants et aussi lâches sans tâcher de réveiller votre conscience et de vous le faire sinon avouer -- puisque votre orgueil vous le défend - au moins sentir, ce qui pour votre bien est l'utile. […] Vous aviez facilement sacrifié, comme bien d'autres fois, le désir de me faire plaisir, à votre plaisir qui était de rester à souper. Mais vous l'avez sacrifié à votre orgueil […] Et comme c'était un dur sacrifice, et que j'en étais la cause, vous avez voulu me le faire chèrement payer. Je dois dire que vous avez pleinement réussi. Mais vous agissez en tout cela comme un insensé. […] Je ne souhaite pas que vous vous repentiez de rien parce que je ne souhaite pas que vous ayez de la peine, par moi surtout. Mais si je ne le souhaite pas, j'en suis presque sûr. Malheureux, vous ne comprenez donc pas ces luttes de tous les jours et de tous les soirs où la seule crainte de vous faire de la peine m'arrête. Et vous ne [comprenez] pas que, malgré moi, quand ce sera l'image d'un Reynaldo qui depuis quelque temps ne craint plus jamais de me faire de la peine […] Vous ne sentez pas le chemin effrayant que tout cela a fait depuis quelque temps que je sens combien je suis devenu peu pour vous […] Tout aux remords de tant de mauvaises pensées, de tant de mauvais et bien lâches projets je serai bien loin de dire que je vaux mieux que vous. Mais au moins au moment même, quand je n'étais pas loin de vous et sous l'empire d'une suggestion quelconque je n'ai jamais hésité entre ce qui pouvait vous faire de la peine et le contraire. […] Pour le reste je ne regrette rien de ce que j'ai fait […] Aussi je ne crois pas tout cela, je crois seulement que de même que je vous aime beaucoup moins, vous ne m'aimez plus du tout, et de cela mon cher petit Reynaldo je ne peux pas vous en vouloir. Et cela ne change rien pour le moment et ne m'empêche pas de vous dire que je vous aime bien tout de même Votre petit Marcel étonné malgré tout de voir à ce point -- Que peu de temps suffit à changer toutes choses [Tristesse d’Olympio de Victor Hugo] -- et que cela ira de plus en plus vite."
Il signe : "Votre petit poney qui après cette ruade rentre tristement tout seul dans l'écurie dont vous aimiez jadis à vous dire le maître. Marcel."

Le point de départ de cette scène réside dans le fait que Reynaldo refusa de rentrer avec Proust après un dîner. Cette dispute inspira une des grandes scènes de jalousie de Swann vis-à-vis d’Odette quand les Verdurin l'invitent à dîner au Bois : "Odette, nous vous ramenons, dit Mme Verdurin, nous avons une petite place pour vous à côté de M. de Forcheville."
Au cours de l'été 1896, leur relation se détériore encore, ils ne partent plus ensemble, s’écrivent moins, et Lucien Daudet prend alors de plus en plus de place dans la vie de Proust. En septembre, tout est fini, l’amitié remplace l'amour. Reynaldo restera l'un des plus proches amis de Proust jusqu'à sa mort ; à la veille de sa mort, Reynaldo sera encore le seul à pouvoir lui rendre visite alors que les visites lui étaient interdites. Ce sera lui encore qui le premier accourra à sa mort le 18 novembre 1922, lui qui préviendra leurs amis de la mort de Proust, lui encore qui le veillera aux côtés de Robert et de Céleste le soir même ainsi que les trois jours qui précéderont ses obsèques.

"Les lettres de 1896 sont les plus belles de cette correspondance extraordinaire. On y voit le cœur de Proust mis à nu, comme nulle part ailleurs" (Dictionnaire Marcel Proust, p. 460).

Provenance : Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger (Drouot, 15 et 17 décembre 1958, lot 125).

Références : Hahn, n° XXXVIII (sans le dernier paragraphe, censuré à l’époque de l’édition, car trop personnel). -- Kolb, II, n° 52. -- Tadié, p. 294 et 319.

Le troisième est la dernière lettre que Reynaldo Hahn écrit à Marcel Proust, un mois avant sa mort. A la demande de son frère Robert, il tente de persuader l’écrivain de se laisser soigner sérieusement : « Je sais [...] que je ne puis rien pour mon ami le plus cher, pour une des personnes que j’aurais le plus aimées dans ma vie » (estimation : 8.000-12.000 €). 

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Lot 229. Hahn, Reynaldo. Lettre tapuscrite signée à Marcel Proust. [Peu après le 20 Octobre 1922]. 3 p. sur 2 ff. in-4 (270 x 206 mm). Signée "Reynaldo" à l'encre. Quelques corrections à l’encre de la main de Reynaldo. Estimation : 8.000-12.000 €. Photo: Sotheby's.

Dernière lettre de Reynaldo Hahn à Proust, écrite un mois avant la mort de l'écrivain.

Marcel Proust refusant de se laisser soigner, son frère Robert avait demandé à Reynaldo Hahn qu’il intercède en sa faveur et qu’il tente de faire changer d’avis le malade. Reynaldo Hahn se charge de cette mission importante, même s’il sait que "que personne n’a de poids sur vos décisions et que je ne puis rien pour ce que je considère comme raisonnable et souhaitable pour mon ami le plus cher, pour une des personnes que j’aurai le plus aimées dans ma vie".

« Mon cher Petit Je vous écris à la machine parce que je suis fatigué de tenir la plume [...] J’ai hier soir, rencontré Robert, qui sortait de chez vous et il m’a demandé de causer avec lui à votre sujet. Bien entendu, je ne lui ai pas dit que je vous avais vu et il ne se doute pas que vous m’avez parlé de lui. Voici exactement ce qu’il m’a dit : "Marcel [souligné] n’a pas quelque chose de grave, il s’agit de pneumocoque, c’est à dire d’une chose qui se soigne et se guérit facilement. Encore faut-il se soigner et Marcel ne veut pas se soigner." » Robert Proust regrette d’avoir effrayé son frère en lui parlant en tant que médecin, d’avoir prononcé les mots de clinique et d’infirmière : "que voulez-vous cette brave Céleste (sic) est peut-être une très bonne fille, mais elle ne peut pas vraiment soigner un malade". Souffrant du refus de Marcel de se laisser soigner, il aimerait néanmoins trouver une solution qui satisfasse son frère ; il évoque alors le cas de Marie Laurencin avec laquelle il a obtenu un bon résultat.
Reynaldo continue son récit et explique à Marcel quelle fut sa réponse : "Vous savez, Robert, que Marcel est difficile à convaincre surtout lorsqu’il s’agit de sa santé et que pour ma part je [ne] me hasarde jamais à lui en parler [...] Je crois en effet qu’il ne faut pas le contrarier, le fatiguer ou l’agiter". Reynaldo répète combien Robert souhaite l’examiner pour juger de son état, mais qu’il en est empêché par Céleste.
"Je n’ai pas besoin de vous dire combien je regrette de n’avoir pas [la] moindre petite influence sur vous". Reynaldo regrette que Proust refuse de se nourrir. "Je sais que personne n’a de poids sur vos décisions et que je ne puis rien pour ce que je considère comme raisonnable et souhaitable pour mon ami le plus cher, pour une des personnes que j’aurai le plus aimées [sous la rature, on lit "j’ai" : le changement de temps a une signification bien particulière, "j’ai" sous-entendrait que Proust est déjà mort] dans ma vie. [...] Je ferai ce que vous voulez et je me résigne puisqu’il le faut, à ne rien obtenir. Mille tendresses de Votre Reynaldo".

Marcel Proust meurt le 18 novembre 1922 d’une pneumonie aiguë, contractée à la suite de son pneumocoque mal soigné. Reynaldo est le premier à accourir à son chevet. C’est Reynaldo qui préviendra leurs amis de la mort de Proust, Jacques Rivière le premier, lui encore qui le veillera aux côtés de Robert et de Céleste le soir même, ainsi que les trois jours qui précéderont ses obsèques le 21 novembre, en l'église Saint-Pierre-de-Chaillot puis son enterrement au Père-Lachaise.

[On joint :]
Gavoty, Bernard. 2 lettres tapuscrites signées à Suzy Mante-Proust23 novembre et 13 décembre 1973. L’exécuteur testamentaire de Reynaldo évoque la lettre ci-dessus et et son témoignage dans un film sur Proust.

Références : Kolb, XXI, n° 361.

Un ensemble de 9 lettres à Lucien Daudet, qui remplaça Reynaldo Hahn dans le coeur de Marcel Proust, montre la complicité de l’écrivain avec le fils d’Alphonse Daudet, qu’il encourage avec tendresse dans sa création picturale ou dans ses travaux d’écriture. Dans l’une de ces lettres, Marcel Proust s’interroge et demande conseil à son ami sur l’opportunité de publier d’autres pastiches dans Le Figaro. Il cherche à s’éloigner de l’imitation pour publier un nouveau projet ‘vraiment original’ qui lui est propre. Ce sera A la recherche du temps perdu (estimation : 6.000-8.000 €). 

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Lot 192. Proust, Marcel. Lettre autographe signée à Lucien Daudet. [Mars ou avril 1909]. 4 p. in-12 (177 x 112 mm) sur un bifeuillet. Papier de petit deuil, filigrané "St George’s". La fin est manquante. Estimation : 6.000-8.000 €. Photo: Sotheby's.

Lettre inédite.
La peur d’apparaître comme celui qui ne "sait faire que des pastiches".

Lettre écrite après la parution de ses pastiches dans le Figaro, entre février 1908 et mars 1909 ; alors qu’il commence à travailler à quelque chose de plus important, il demande conseil sur l’opportunité de publier d’autres pastiches : "il me reste encore deux ou trois pastiches que je n’avais pas encore écoulés. Croyez-vous que si je les publie (dans le Figaro) avant qu’ait pu paraître une chose originale (je veux dire qui n’est pas un pastiche, et même vraiment originale je crois) que les gens diront : "Il ne sait faire que des pastiches" et que je ferais mieux d’attendre pour les écouler un temps meilleur où j’aurais pu publier cette chose personnelle et importante. J’ai trouvé qu’en tout il n’y avait que deux personnes à qui je pouvais demander ce conseil. Et comme vous êtes l’une des deux, je me suis permis de vous ennuyer avec cela." Ces pastiches qu’il n’a pas encore publiés sont certainement ceux de Sainte-Beuve, Chateaubriand, Maeterlinck et Ruskin, qui furent publiés par Kolb en 1968 seulement. Ainsi, après cette année 1908 que Bonnet appelle "l’année des pastiches", Proust cherche-t-il à s’émanciper de l’imitation pour créer quelque chose qui lui soit propre ; il redoute même de paraître ne savoir "faire que des pastiches". Du reste, il s'enthousiasme pour un projet d’écriture qu’il a déjà entamé, "vraiment original", certainement son Contre Sainte-Beuve : "La conséquence[de son mal de tête] est qu’une chose que j’ai faite et malgré les traces hélas de cet état qui commençait, trop visibles, la plus sérieuse et la meilleure je crois que j’aie faite et que peut-être vous aimerez, je ne peux actuellement la mettre au net et la publier."

Inédits, ces feuillets sont le début d’une lettre dont Kolb ne connaissait que la fin (Kolb, XXI, n° 476) et qu’il datait de [mars ou avril 1909] ; la concordance du début et d’une fin de phrase, le filigrane et la dimension du papier confirment que ce sont les deux parties d'une même lettre.

Provenance : Jean Davray (Drouot, 1961, l’une des 7 lettres du lot 302).

21

Lot 189. [Anonyme]. Lucien Daudet, probablement. [Vers 1905 (?)]. Photographie originale. Tirage argentique d'époque (204 x 167 mm), contrecollée sur un carton annoté au verso "Lucien Daudet". Petites taches ; un coup dans le papier. Estimation 500 — 800 €. Photo: Sotheby's.

L'élégant aristocrate de la famille Daudet pose devant l'objectif dans son costume trois pièces de tweed.

"Très beau, très élégant, mince et frêle, au visage tendre et un peu efféminé, aux grands yeux bruns (ceux de Proust et qu'il aime à retrouver chez les jeunes gens qui l'attirent) [...], c'était l'aristocrate de la famille, selon son frère Léon" (Tadié, p. 296).
Attiré par le grand monde, devenu proche de l'impératrice Eugénie dont il sera l'un des biographes, il avait ce snobisme qui lui fit dire : "Quand je dîne en ville, j'aime être en bout de table. C'est la preuve que je suis chez des gens biens", ou : "J'aurai tout donné pour que mon nom s'écrivît avec un D apostrophe" (idem, p. 297).

PARIS.- It is extremely rare to see the archives of a great writer appear on the market : after Stéphane Mallarmé's library*, the auction on 31 May at Sotheby’s Paris of the collection of the great-grandniece of Marcel Proust, Patricia Mante-Proust, is a real literary event. This moving collection takes book lovers into the intimate world of a brilliant writer through over 120 photographs, books, manuscripts and letters, all shedding light on his work, friends and love life. 

Designed as a reference work, the catalogue prefaced by Jean-Yves Tadié, extensively documented and illustrated, presents all lots in chronological order: it is a true biography of the writer. 

PHOTOGRAPHS 
Through these photographs, Proust's entire life unfolds before our eyes: as a child of around 11 with his young brother Robert (estimate: €2,000-3,000); his beloved grandmother, who inspired one of the characters in A la recherche du temps perdu (estimate: €1,000-1,500); his parents, of course, and himself as an adult. 

The collection includes one of the most famous portraits of Marcel Proust (estimate: €4,000-6,000). A notorious portrait of three friends by Otto shows the writer with Lucien Daudet, gazing languorously at Marcel, and Robert de Flers. At his parents' insistence, he had to collect up all the prints to prevent the picture from circulating (estimate: €5,000-8,000). 

BOOKS AND MANUSCRIPTS 
The first book published by Proust, Les Plaisirs et les jours in 1896, grouping together all the novellas published since 1892, also features. His brother Robert's copy contains a touching declaration of brotherly love: "O brother dearer than the light of day!" (estimate: €10,000-15,000). 

John Ruskin, a specialist in French religious art, inspired two drawings by Proust – among his best. Unlike Victor Hugo, Proust was not at all a gifted draughtsman, but never lost his humour. One of his most sophisticated drawings, probably from between 1901 and 1904, is of the Amiens Cathedral (estimate: €10,000-15,000). He gave it to Reynaldo Hahn, his closest friend, whom he met in 1894. The passion of their early years developed into an unshakeable friendship that lasted until the writer's death in 1922. 

The first edition of Du côté de chez Swann opens with a long signed autograph envoi, part of which has never been published, to Walter Berry, dated July 1916. "Sir, you probably think, as I do, that the wisest, most poetic and best people are not those who put all their poetry, goodness and knowledge into their work, but those who, with a skilful and prodigal hand, also put a little into their lives." (estimate: €20,000-30,000). The envoi alludes to the volume with the Guermantes coat of arms Berry had given to Proust. 

The remarkable galley proof of A l’ombre des jeunes filles en fleurs [1914-1919], hitherto unknown, and mostly written by hand, sheds considerable light on our understanding of the novel. With many crossings-out and corrections, in extremely spontaneous writing, this galley shows us how the author wrote as the words gushed out, with all his subsequent changes of mind. After the publication of Du côté de chez Swann in 1913, Grasset had begun on that of À l’ombre des jeunes filles en fleurs in 1914, but the war delayed it. Proust took advantage of this to correct his text: working on the printed proofs, he considerably changed and added to it. A l’ombre des jeunes filles en fleurs won the Prix Goncourt, and Proust soon began to explore the idea of a luxury edition of the novel, perhaps for financial reasons (estimate: €20,000-25,000). 

CORRESPONDENCE 
The letters Proust exchanged with his father and brother Robert are some of the most moving, and there are very few. The most precious, dated 1893, is one of only three known letters to his father, who did not consider literature a profession. Marcel Proust submits to his father's wishes while asserting his calling: "For me, anything… but literature and philosophy is a waste of time." The writer's determination can be discerned, just as we can guess at the fierce arguments he must have had with his father (estimate: €10,000-15,000). 

The 1896 letters to Reynaldo Hahn are the most appealing of this extraordinary correspondence. In them, Proust lays his heart bare, as he does nowhere else. Three extremely moving letters feature in this collection. The first is a long six-page letter in which Proust tells Reynaldo Hahn that he is "truly the person I love the most in the world, together with my mother" (estimate: €15,000-20,000). In the second, he expresses his bitter jealousy and sadness in the middle of the break-up with his beloved. However, they remained friends until the writer's death in 1922 (estimate: €20,000-25,000). The third is the last letter Hahn wrote to Proust, a month before his death. At the request of his brother Robert, he tries to persuade the writer to get some serious medical treatment: "I know [...] that I can do nothing for my dearest friend, one of the people I have loved most in my life" (estimate: €8,000-12,000).

A collection of 9 letters to Lucien Daudet, who succeeded Reynaldo Hahn in Proust's affections, shows the writer's closeness with Alphonse Daudet's son, whom he tenderly encourages in his pictorial creations and writing projects. In one of these letters, Proust wonders about the possibility of publishing other pastiches in Le Figaro and asks advice from his friend. He seeks to move away from imitation and publish a new and ‘truly original’ project that is all his own. This was to be A la recherche du temps perdu (estimate: €6,000- 8,000).

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