PARIS - Depuis une dizaine d’années, Stephan Vanfleteren photographie des animaux morts dans son atelier à la lumière du jour. Ce travail intense constitue la série Nature Morte - Still Life.

Rien n’est plus difficile que de photographier des animaux vivants. Ils sont méfiants et rapides, ou vivent cachés dans la nuit, on ne peut pas les diriger. Un animal mort est patient. Les animaux ne sont pas morts pour l’objectif du photographe. Le cygne mort a été trouvé au bord d’une rivière, l’agneau était en route pour la boucherie, le canard et le faisan ont été abattus par un fusil de chasse, la corneille est morte dans l’herbe au milieu de la brume et de la rosée, le renard, le loup et le chevreuil ont été renversés par des voitures, le marsouin s’est échoué sur le rivage après une tempête, il est mort dans les bras d’un surfeur, la mésange bleue et le rouge-gorge se sont envolés dans une fenêtre.

Nature Morte - Still Life fait naturellement référence à la peinture classique avec la lumière envoûtante qui pénètre dans l’atelier de l’artiste. Cette lumière douce s’inscrit dans la tradition des maîtres anciens et contemporains. Avec son savoir-faire méticuleux, son cœur d’artiste et sa vitalité inépuisable, il nous rend à la fois témoins et complices d’un délit commis sous des reflets.

La lumière du jour change avec les saisons, la position du soleil et les nuages. Les toiles de fond grises de l’atelier sont aussi chan- geantes que les robes de soirée des divas versatiles. Il est beau de voir comment le gris s’ébat entre les nuances poétiques du bleu pétrole, du vert Lincoln et du rose Mountbatten. Grâce à cette lumière, Stephan Vanfleteren observe, étudie et sublime la beauté de l’animal. La couleur du pelage, la brillance de la plume, le reflet de la peau, la rugosité d’une patte, l’aérodynamisme du corps, le tranchant d’une griffe ou la texture de la peau fascinent le photographe.

La lumière est un sujet qui passionne, Ibn al-Haytham, Da Vinci l’ont non seulement observée, mais ils ont aussi écrit à son sujet. Elle est également admirée dans la Bible, notamment dans le récit de la création, où la lumière est crée le tout premier jour. Le scientifique Hollandais Huygens, au XVIIe siècle a été le premier à disséquer le mouvement ondulatoire. Avant lui, le Danois Ole Roemer a même découvert que la lumière avait une vitesse. La lumière reste un miracle mystérieux, au-delà du point de vue religieux ou scientifique, le fait que la lumière du soleil voyage pendant 500 secondes avant de traverser la grande fenêtre de l’atelier rend Vanfleteren extatique. Cette lumière fatiguée, blessée par la réfraction et la distorsion au cours de son lointain voyage est la raison pour laquelle Vanfleteren l’appelle la vieille lumière.

L’atelier de Stephan Vanfleteren est une sorte de no man’s land qui forme un abri intime où le monde extérieur est oublié. Les gens ne prêtent guère attention à la mort, pour Vanfleteren, la mort alimente la vitalité de la vie. Si vous voulez voir la lumière, regardez l’ombre. Nature Morte - Still Life est un Memento Mori, une nature morte qui nous rappelle notre mortalité.

Stephan Vanfleteren, Moineau, 2015. Photographie à la lumière du jour. © Galerie Rabouan Moussion.

ATELIER

«La lumière est à l’origine de tout. Depuis plus de 12 ans, je vois ce phénomène envahir mon atelier. C’est un émerveillement dont je ne me lasse pas.» - Stephan Vanfleteren 

Ces dernières années Stephan Vanfleteren a photographié très intensivement dans le studio utilisant la lumière du jour dont il dispose à son domicile. Atelier est la somme de ce travail. Le rideau de théâtre gris y est systématiquement présent, en arrière-plan récurrent. Sous la lumière du jour comme sous la lumière artificielle, Vanfleteren recherche la beauté et le sens. Ses sujets forment une large palette englobant à la fois les personnes et les objets. Le photographe s’attache à des personnalités connues et à des anonymes. Il montre le visage d’un vieux pêcheur et inspecte la main de Nick Cave ou une bouteille jetée sur la plage. Il adore ses enfants qui grandissent et les artistes enflammés. Il observe le cadavre raidi d’un martin-pêcheur et le corps d’une danseuse élastique, ou encore la lumière du soleil qui se déplace lentement sur son rideau de théâtre.

Son travail se réfère à la peinture classique, avec sa lumière enchanteresse, sa lumière en filigrane ou son clair-obscur «à l’ancienne». Si le sujet ne peut être photographié chez lui, il hisse les rideaux de théâtre gris et construit son propre atelier sur place.

Le projet Atelier de Stephan Vanfleteren s’inscrit dans la tradition des maîtres anciens et contemporains tels que Rembrandt, Géricault, Zurbaran, Claesz., Cézanne, Borremans, Penn et Roversi. Il constitue une ode à la capacité d’observer, d’imaginer, de sublimer et, enfin, de fixer. Ce faisant, Vanfleteren reste fidèle à son style caractéristique et à son esthétique. Avec son savoir-faire, son coeur d’artiste et sa vitalité, il nous rend à la fois témoins et complices d’un délit commis sous des reflets.

Avec des textes d’Ilja Leonard Pfeiffer et de Stephan Vanfleteren. 

Editeur : Hannibal Books. Nombre de pages : 432. Format : 24,5 x 18,4 cm. Prix de vente : 69,95€. Édition française : ISBN 978 94 6466 657 1

Stephan Vanfleteren, Cygne, 2016. Photographie à la lumière du jour. © Galerie Rabouan Moussion.

Stephan Vanfleteren, Choucas & Corbeau, 2023. Photographie à la lumière du jour. © Galerie Rabouan Moussion.

Stephan Vanfleteren, Hérisson, 2023. Photographie à la lumière du jour. © Galerie Rabouan Moussion.

Stephan Vanfleteren, Marsouin, 2019. Photographie à la lumière du jour. © Galerie Rabouan Moussion.