Le tissage de la soie, activité traditionnelle du village de Van Phuc, province de Hà Tây (Nord), qui a fait sa renommée, demeure plus que jamais au cœur de la vie de ce village.
Il y a bien 1.000 ans de cela à présent, selon une légende populaire, une jeune femme du village de Van Phuc épousa un étranger, un homme venu de Chine, qui porta à la connaissance des habitants du village ce qui allait devenir le cœur et moteur de celui-ci : la soie. Depuis, le petit village de Van Phuc, situé sur les bords de la rivière Nhuê, dans la ville de Hà Dông, province de Hà Tây (Nord), a construit un temple et mis en place un festival annuel afin d'honorer ce couple qui lui a ouvert les portes d'une renommée dépassant les frontières du pays.

L'entrée du village est, comme c'est bien souvent le cas dans le Vietnam actuel, faite de contrastes. Alors que se dessine sur notre gauche une enfilade de boutiques proposant des objets et vêtements de soie tous plus beaux les uns que les autres, sur notre droite, plus en aval, s'écoule une rivière dont la couleur naturellement brunâtre est entachée par une substance bleue-noire s'écoulant de l'entreprise publique de soie Vinatex et dont les pans sont jonchés d'ordures diverses.

En s'enfonçant plus en dedans du village, c'est alors le bruit saccadé des machines truculentes qui attire notre attention et nous conduit à pousser les portes des diverses maisons servant d'ateliers, dont celles de Mme Dô Thi Hâu qui travaille dans ce domaine depuis plus de 30 ans maintenant.

Les difficultés persistent
Il y a 15 ans environ, la confection de la soie se faisait déjà à l'aide de ces mêmes machines, provenant de Saigon et relativement mécanisées depuis une cinquantaine d'années, mais dans le cadre des coopératives qui rassemblaient plusieurs personnes en un même lieu, à une dizaine de kilomètres de là. Suite à la libéralisation économique, la demande de soie vietnamienne augmentant sous la pression extérieure, le besoin de productivité s'est fait plus pesant. Le gouvernement a alors mis en place une politique permettant aux travailleurs d'acquérir leurs propres machines et de confectionner ainsi la soie dans une des pièces de leurs propres maisons réservée à cet effet. La plupart des maisons du
village sont ainsi équipées de 2 ou 3 machines mobilisant le même nombre de travailleurs là où il y en avait 10 pour une seule auparavant. Ce sont ainsi 10 mètres de soie qui sont chaque jour fabriqués dans chacune des ces 600 maisons tisseuses, pendant les 8 heures de travail quotidien dans le bruit assommant des machines (sachant que la confection d'un vêtement en requiert à peu près 50). Une fois filée, la soie est alors vendue, non plus à l'extérieur du village mais, depuis 5 ans maintenant, aux magasins qui se sont multipliés à l'entrée de celui-ci. Ces derniers se chargent alors des couleurs et de la confection des vêtements et accessoires en tout genre qui sont ensuite mis en vente ; ventes qui ont prospéré du fait de l'adhésion du pays à l'Organisation mondiale du commerce en janvier dernier, même si la part de la demande intérieure s'avère-t-elle aussi non négligeable.

Toutefois, ce sont principalement les commerçants qui bénéficient de cette libéralisation laissant libre cours aux exportations de cette soie tant magnifiée. Comme Mme Dô Thi Hâu nous le confie, les ateliers de confection rencontrent aujourd'hui encore quelques difficultés financières, étant donné la faible différence existant entre le prix auquel ils achètent la soie, provenant essentiellement de Lâm Dông, près de Dà Lat, et celui, légèrement plus élevé, auquel ils la revendent une fois tissée.

Ainsi, si la politique d'ouverture du pays, Dôi moi, n'a point pénalisé mais au contraire fait prospérer la confection artisanale de la soie vietnamienne, l'exemple du village de Van Phuc montre, une fois de plus, que la libéralisation économique ne profite pas à tous de la même façon.  (Anaïs Chavanne/CVN)