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Alain.R.Truong
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1 mai 2008

Diorama, Zarafa, la première girafe de France, vers 1830-1845

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Diorama, Zarafa, la première girafe de France, peinture à l’huile, terre cuite, verre, cuir, dans une caisse de bois à décor de filets de bois clair, vers 1830-1845, 85 x 80 x 40 cm. Estimation : 12 000/15 000 €.
Marseille, samedi 3 mai 2008. Damien Leclere Maison de ventes aux enchères SVV. M. Samuel-Weis.

Voilà tout juste cent quatre-vingt-deux ans, Zarafa posait ses sabots sur le port de Marseille. Zarafa ? La célèbre girafe de Charles X, évidemment. Un présent du pacha d’Égypte Méhémet-Ali au roi de France et, disons-le tout net, un cadeau visant officieusement au réchauffement climatique entre les deux pays. La répression de la révolution grecque par ledit pacha avait en effet quelque peu brouillé les relations franco-égyptiennes ! Pour faire bonne figure, Méhémet-Ali offre donc la divine Zarafa, de l’arabe zeraffa, qui signifie «l’agréable» ou «la charmante», à son homologue français. Séparée de sa mère pour raison d’État, cette nubienne née dans le désert du Soudan embarque à Alexandrie pour la France, sur un brigantin sarde spécialement aménagé pour le royal présent – le pont fut scié afin de laisser à la bête tout loisir d’apprécier le spectacle. Zarafa traverse ainsi la Méditerranée, face au vent, et parvient à Marseille le 23 octobre 1826, dans un relatif anonymat. Petite quarantaine pour raisons sanitaires, elle atterrit ensuite chez monsieur le préfet Christophe de Villeneuve-Bargemon, qui aménage une chambrette à la démesure de la bête. Elle coulera dans la cité phocéenne quelques mois heureux, objet de soins constants et déjà sujet d’études. Mais, dans les rues de Marseille et du royaume de France, on murmure à qui veut l’entendre le fabuleux destin de Zarafa. La légende de la première girafe de France est en marche. Le roi, lui, s’impatiente. Charles X meurt d’envie d’admirer son animal. Toutefois, la duchesse de Berry, sensible au protocole, a refusé de faire les premiers pas : «C’est à la girafe d’être conduite au roi, et non pas au souverain de se précipiter comme le vulgaire au-devant du cadeau qu’on lui fait». Tous s’exécutent. Au printemps 1827, le voyage vers Paris est donc organisé sous haute escorte. Il se fera par voie terrestre, soit 880 km à sabots de girafe, non sans avoir au préalable équipé l’animal d’un imperméable, sur mesure s’il vous plaît. Coût de l’habit : 103,50 francs ! Le naturaliste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, bien que perclus de rhumatismes, prend la tête de l’expédition, la dernière de sa brillante carrière, marquée trente ans plus tôt par la campagne d’Égypte. Tout au long du voyage, la popularité de Zarafa ne cesse de croître et les admirateurs se pressent sur le chemin de la belle. On déplorera même un incident à Lyon. L’hystérie est générale. À mi-parcours, Zarafa est devenue une bête... de scène ! Charles X sera ainsi le dernier à voir l’animal, présenté le 9 juillet 1827 au château de Saint-Cloud. Après un périple de quarante deux jours, Zarafa goûte enfin, des mains du roi, à la douceur des pétales de rose, dont elle se délecte. Pour voir la vedette, ils seront près de 600 000 visiteurs à courir au Jardin du roi. Les recettes du péage d’Austerlitz s’en porteront fort bien, comme d’ailleurs celles des produits dérivés ! C’est la zarafamania, traduisez la «mode girafe». Vaisselle, bibelots, accessoires... déclinent l’effigie de la nouvelle star du Tout-Paris. Ici, un diorama où l’on voit la girafe tenue par son fidèle cornac, le Nubien Atir, devant la rotonde de la ménagerie de Paris, où elle logera jusqu’à sa mort, en 1845. Un petit singe tient la fameuse médaille représentant l’animal, avec pour inscription : «Il n’y a rien de changé en France ; il n’y a qu’une bête de plus», clin d’œil à la tirade de Charles X, quelques années plus tôt. Simple allusion politique ou critique du régime ? Emblème d’un siècle en mouvement, cette girafe, décidemment, aura été la mascotte d’un règne ! Stéphanie Perris-delmas (www.gaeztte-drouot.com)

À LIRE Olivier Lebleu, Les Avatars de Zarafa, première girafe de France, éd. Arlea, 2006.

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