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Alain.R.Truong
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9 avril 2012

Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré. Japon, période Edo, fin XVIIe - début XVIIIe siècles

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Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré. Japon, période Edo, fin XVIIe - début XVIIIe siècles (porcelaine). Paris, époque Louis XV, vers 1740-1750 (monture).  photo Kohn 

Porcelaine Imari et bronze doré au mercure. H. 28,5 cm, L. 18,5 cm. Lot 4. Estimation : 80 000 / 120 000 €

Cette poule en porcelaine du Japon présente un décor à fond blanc. La crête, les ailes et la queue du volatile ont reçu un décor bleu et rouge, le décor de la queue ayant été rehaussé de poudre d'or. L'animal s'appuie sur un tertre polychrome simulant des rochers parsemés de feuillages. La porcelaine est enchâssée dans une exceptionnelle terrasse de bronze doré offrant un fin décor rocaille ajouré et composé en courbes et en contre-courbes enrichies d'un décor floral.

Comme c'était l'usage pour les pièces de qualité, on a adjoint au cul de la monture une plaque qui dissimule l'intérieur de la porcelaine. L'Europe, grâce aux Compagnie des Indes, importe aux XVIIe et XVIIIe siècles des porcelaines de la Chine et du Japon pour orner des précieux cabinets qui font la fierté de leurs riches propriétaires. Dès cette époque, les connaisseurs, notamment les experts dans les catalogues de ventes, notent une préférence marquée pour les «porcelaines anciennes du Japon», qui sont considérées comme les plus belles et les plus finies. Elles sont de ce fait les plus recherchées. Les plus grands collectionneurs du XVIIIe siècle, princes, nobles ou financiers, conquis par la mode des «chinoiseries», s'arrachent à grand prix, ces porcelaines du Japon souvent montées par l'intermédiaire de marchands-merciers tels que Duvaux, De La Hoguette ou Poirier. Si l'on trouve surtout des vases de porcelaine de la Chine et du Japon, montés ou non, dans les demeures des classes aisées du XVIIIe siècle, il est plus rare d'y trouver la mention d'animaux en porcelaine, chiens de Fô, lions, singes, biches, cerfs ou coqs. Quelques grands noms du XVIIIe siècle nous renseignent sur cet engouement pour le type d'objets. Le pavillon chinois du Palais royal de Drottningholm en Suède conserve quelques beaux exemples de coqs en porcelaine japonaise du XVIIIe siècle (fig. 1).

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Il en est fait également mention dans le cadre de la vente aux enchères de la collection d'Augustin Blondel de Gagny en 1776. Ce dernier, fut l'un des plus fameux collectionneurs du XVIIIe siècle. Né en 1695, à Lyon, fils d'un Conseiller du Roi, il fit fortune au début du XVIIIe siècle, occupa le poste de Trésorier de la Caisse des Amortissements, et oeuvra au service du Roi dans l'administration des Menus Plaisirs. Il consacra les revenus considérables dont il disposait à la constitution d'une éblouissante collection de tableaux, de sculptures et d'objets d'art qu'il exposait dans son hôtel de la place Vendôme et au château de Gargeslès- Gonesse dans le Val d'Oise. «Le cabinet de M. Blondel de Gagny, place Louis le Grand, communément dite de Vendôme, est un des premiers et des plus curieux de Paris tant pour le choix des peintures, sculptures & dessins, que pour d'autres ouvrages extrêmement beaux, comme [...] [les] porcelaines anciennes des plus parfaites, & presque toutes du genre qu'on appelle première sorte, dont les montures semblent disputer de prix avec les pièces qu'elles accompagnent» rapporte Hébert dans son célèbre Dictionnaire historique et pittoresque de Paris paru en 1766, vol. I, p. 36. En 1776, sa vente après décès fait grand bruit. Parmi les chefs-d'oeuvre de Poussin, et de Boucher pour la peinture, de Boulle, pour le mobilier, se trouvent de magnifiques porcelaines montées dont des crabes, des lapins et des coqs, ces derniers achetés par son fils, Blondel d'Azincourt (fig. 2 et 3).

Autre grand collectionneur, Louis François Armand de Vignerot du Plessis, Duc de Fronsac puis Maréchal-Duc de Richelieu, Pair de France (fig. 4). Arrière-petit-neveu du Cardinal de Richelieu, Louis de Vignot du Plessis occupa le poste de Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi dès 1743. A ce poste, il régit les spectacles organisés pour la Famille Royale, notamment pour le mariage du Dauphin (1745). En 1748 il est nommé Maréchal de France, et Gouverneur de Guyenne en 1755. Grand amateur d'art, il rassembla une incroyable collection de porcelaines montées dans ses propriétés parisiennes. En 1788 à son décès, les appartements de l'hôtel de Richelieu, rue Neuve-Saint-Augustin, renfermaient quelques coqs de porcelaine qui furent vendus aux enchères (fig. 5 et 6).

Six ans plus tôt, la vente de la collection du Duc d'Aumont eut un grand retentissement. Aux côtés des colonnes et les vases de marbre et de granit richement montés en bronze doré par Pierre Gouthière, se trouvait la collection de porcelaines montées du Duc, constituées d'achat de pièces anciennes et de vases qu'il fit monter dans les années 1770. Quelques lots de la collection furent achetés par Louis XVI et par Marie-Antoinette pour meubler Versailles comme la cassolette montée en bronze doré aujourd'hui à la Wallace Collection à Londres et pour enrichir le futur Museum du Louvre tel que la paire de vases lisbets en porcelaine de la Chine à fond céladon montés en aiguières, conservés au Musée du Louvre. Louis Marie Victor Augustin, cinquième Duc d'Aumont, longtemps appelé Duc de Villequier, s?illustra par une brillante carrière militaire, Lieutenant-général en 1748, Gouverneur de Compiègne puis du Boulonnais en 1751. Pair de France, il fut, comme Richelieu, Premier Gentilhomme de la Chambre dès 1723 et vécut dans la faveur du roi. Au crépuscule de sa vie, son hôtel situé rue Saint-Florentin, sur la place de la Concorde, était empli de curiosités et objets d'art: meubles, laques, bronzes, marbres, porcelaines. Sept mois après sa mort, son fils Louis-Marie Guy fit vendre ces collections. Dans le catalogue de cette vente de référence on note la présence de quelques coqs en porcelaine, probablement montés dans la première moitié du XVIIIe siècle (fig. 7 et 8).

Autre grand collectionneur, Louis Jean Gaignat (1697-1768) laissa une très belle collection à sa mort. Secrétaire du Roi dès 1738, il occupa la charge de Receveur des consignations de la Chambre des requêtes du Palais dès 1741. Ses hauts revenus contribuèrent à accroître une fortune personnelle déjà bien établie. Veuf en premières noces, il se remaria en 1739. Mais le sort s'acharna et emporta très tôt sa seconde épouse, puis sa fille unique en 1749. Il quitta alors la maison de la rue Saint-Nicaise, associée à trop de malheurs, pour s'installer dans l'hôtel de la Ferté, rue de Richelieu. Suite à ces deuils, il semblerait que Gaignat consacra son temps et ses revenus à l'accroissement de ses collections de tableaux, d'objets d'art, et de livres. Sa collection était si célèbre qu'en 1768, avant la vente aux enchères, l'Impératrice de Russie Catherine II proposa de racheter pour 240 000 livres au minimum le cabinet du défunt, sans la bibliothèque remplie d'ouvrages prestigieux. La vente, dont l'expert était le célèbre marchand-mercier Simon Philippe Poirier, rapporta 208 000 livres. Y figuraient «n°133 deux coqs accroupis de porcelaine blanche du Japon, sur leurs terrasses, avec plantes colorées et de même porcelaine». (extrait de Emile Dacier, Notes et Documents. Le Testament et les Scellés d'un collectionneur au XVIIIe siècle: Louis-Jean Gaignat», in Bulletin de la Société d'Histoire de l'Art Français, 1920 p. 109-133). D'autres coqs montés en bronze doré ont figuré à la vente de Doucet de Bandeville, Conseiller Honoraire au Parlement de Paris, en 1791 ou encore à la vente Mlle Clairon, de la Comédie-Française, en 1773. On le constate à la lecture des catalogues de ventes et des inventaires après décès du XVIIIe siècle, les poules, seules ou en paire avec un coq, montées de surcroît, sont bien plus rares que les coqs et la recherche contribue à souligner le caractère exceptionnel de notre poule dont la qualité de la monture est à la hauteur de la rareté de l'objet. Le musée Fitzwilliam de Cambridge conserve dans ses collections une poule et un coq dont le modèle est très proche de celui que nous présentons (fig. 9).

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUESPaul d' Estrée, Le Maréchal de Richelieu (1696-1788), d'après les mémoires contemporains et les documents inédits, éd. Emile-Paul frères, Paris, 1914

Charles Davillier, Le Cabinet du Duc d'Aumont et les Amateurs de son temps, s.n., Paris, 1870 John Ayers, Oliver R. Impey, J.V.G. Mallet, Porcelain for Palaces, the fashion for Japon in Europe 1650-1750, catalogue d'exposition, du 6 Juillet au 4 août 1990, Londres, British Museum, éd. Oriental Ceramic Society, Londres, 1990

Kohn - Paris. Vendredi 13 avril 2012. Drouot Richelieu - Salle 1. Tel. +33 (0) 1 44 18 73 00.

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