Le feu au derrière
Nasr Eddin se rend dans le bois avec son âne pour faire du fagot. Il place la charge sur le dos de l’animal mais elle est si lourde que le pauvre n’arrive pas à suivre son maître.
Un paysan, voyant la scène de son champ, lui dit :
- Par Allah ! Je n’ai jamais vu un âne aussi paresseux. Il y a pourtant un moyen radical de lui faire accélérer le train.
- Tu veux parler de la carotte, j’imagine ?
- Non, du piment rouge. Tiens, prends celui-ci, ouvre le et frotte-lui-en le cul. Tu m’en diras des nouvelles !
Nasr Eddin prend le piment rouge et il fait comme l’homme le lui a conseillé. Aussitôt, l’âne, le derrière en feu, démarre au grand galop, et Nasr Eddin se met à courir derrière lui pour le rattraper. Mais rien à faire, l’âne est emballé.
Alors Nasr Eddin ne fait ni une ni deux, il lève son djubbé et se frotte les fesses avec le piment. L’effet est immédiat, tellement puissant que notre homme dépasse bientôt l’âne et qu’il entre le premier dans la cour de sa maison, où il commence à tourner sans plus pouvoir s’arrêter.
Sa femme apparaît bien vite sur le pas de la porte pour observer ce prodige. Nasr Eddin lui crie, hors d’haleine :
- Attrape-moi, attrape-moi vite, ô fille de l’oncle, au lieu de me regarder. Je n’arrive plus à m’arrêter !
- Mais comment donc pourrais-je t’attraper ? Tu fonces comme un taureau en chaleur !
- Va chercher un piment et frotte-t’en le cul !
Extrait de "Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja. Tout Nasr Eddin, ou presque." Paroles recueillies et présentées par Jean-Louis Maunoury. Éditions Phébus, collection "Libretto", 2002. © Editions Phébus