Albert Brenet (1903-2005), Trafalgar, vers 1940
Albert Brenet (1903-2005), Trafalgar, vers 1940, gouache, 70 x 180 cm. Paris, dimanche 27 avril, 39, rue Molitor. Françoise Deburaux & Associés SVV. M. Petitcollot. Estimation : 30 000/35 000 euros.
La scène se passe au large de Cadix, en Andalousie, face au cap de Trafalgar. Un nom, issu de l’arabe taraf al-gharb signifiant cap de l’Ouest, devenu célèbre pour la bataille, qui, les 21 et 22 octobre 1805, opposa les forces franco-espagnoles à la marine britannique.
La victoire revint aux Anglais, grâce à un certain Nelson (1758-1805), Horatio de son prénom. L’amiral n’en est pas à son coup d’essai : engagé dans la Royal Navy à 12 ans, il a participé à la guerre d’Indépendance américaine, a perdu l’oeil droit en 1794 à la bataille de Calvi, le bras droit en 1797, à Tenerife, et a défait l’escadre française en 1798 à Aboukir. Mais c’est Trafalgar qui lui vaut son statut de héros national outre-Manche. En ce début du XIXe siècle, Napoléon n’a pas renoncé à son rêve d’envahir l’Angleterre. Pour cela, il rassemble les flottes basées à Brest et à Toulon. Horatio Nelson fait face, ce qui oblige l’amiral français Villeneuve, réticent, mais cédant aux injonctions de Napoléon, à prendre la mer en direction des Antilles, où la flotte espagnole et celle de l’Atlantique doivent venir en renfort.
Le 12 mai 1805, Villeneuve et les Espagnols ont échappé à l’ennemi et atteignent les Caraïbes. Un mois plus tard, Villeneuve reprend le chemin de l’Europe. Au cap Finisterre, au large de La Corogne, des vents contraires l’empêchent de rentrer dans le golfe de Gascogne. La bataille des quinze-vingt, où il perd deux navires espagnols, le dissuade de poursuivre vers le nord. Filant sur Cadix, il est pris au piège du blocus des 33 vaisseaux de Nelson.
Si les forces sont égales en quantité, question qualité, les choses sont bien différentes. D’un côté, s’alignent des bâtiments homogènes en excellent état, armés par des équipages entraînés et galvanisés par l’amiral. Côté franco-espagnol, les navires sont en médiocre état, les matelots peu expérimentés.
Le 20 octobre, Villeneuve quitte Cadix en direction de Gibraltar. Le soir même, 18 navires anglais se lancent à sa poursuite. Le Français n’a d’autre choix que de se préparer au combat et aligne sa flotte, intercalant vaisseaux français et espagnols. Mais, au traditionnel combat en longues files perpendiculaires au vent, Nelson préfère orienter sa flotte vent arrière, sur deux rangs côte à côte, telle une épée canonnant et transperçant les navires franco-espagnols.
Le bilan est catastrophique : 13 vaisseaux français et 9 espagnols sont pris ou coulés, aucun navire anglais n’est perdu ; 5 000 morts et 3 700 blessés chez les alliés, pour 400 morts et 1200 blessés côté anglais. Toutefois, une victime de taille figure parmi les Anglais : l’amiral Nelson, sur le pont de son navire, le bien nommé Victory, est mortellement touché par la balle d’un marin français posté dans la hune du Redoutable. C’est cet épisode qu’a choisi de représenter Albert Brenet. Si le héros n’a pu savourer son triomphe, Napoléon, lui, a perdu tout espoir de soumettre la perfide Albion !
Il faudra attendre quelques semaines pour voir le soleil briller à nouveau sur l’armée française, un certain 2 décembre à Austerlitz. Claire Papon www.gazette-drouot.com