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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
28 mars 2015

Record pour une vente de peinture française des XVIIe et XVIIIe siècles depuis plus de vingt ans chez Sotheby's Paris

Louyse Moillon (Paris 1610 – 1696), Nature morte de pêches sur un plat d'étain, boîte de copeau

Louyse Moillon (Paris 1610 – 1696), Nature morte de pêches sur un plat d'étain, boîte de copeau. Signé et daté sur la boîte de copeau Louyse Moillon 1634. Huile sur panneau, 49 x 65 cm. Estimation : 400.000 – 600.000 €. Lot vendu: 1.083.000 € à un collectionneur françaisRecord mondial pour l'artiste. Photo: Sotheby’s / Art digital studio.

Paris – Les résultats obtenus ce soir pour cette collection vendue chez Sotheby’s à Paris en association avec Artcurial ont salué une collection raffinée de peinture française des XVIIe et XVIIIe siècles, constituée au cours de ces vingt dernières années. Avec un total de 8.7 millions € soit 90% des lots vendus et 93% en valeur, cette vente atteint le plus haut montant pour une vente dans ce domaine depuis plus de vingt ans.

Eric Turquin, expert en tableaux anciens : « Pari gagné par le collectionneur pour ces vingt ans de quête passionnée et par nos trois maisons ! Cette vente est un véritable évènement car elle démontre que la peinture française des XVIIe et XVIIIe quand elle est bien choisie, séduit des clients du monde entier et peut toujours déchainer les passions. Le marché a rendu un hommage appuyé au regard et à l’audace de Louis Grandchamp des Raux qui a fait des choix souvent à contrecourant pendant vingt ans. Son goût pour une peinture fraîche avec de belles épaisseurs de matières a été salué par des enchères enthousiastes et des applaudissements nourris à la clôture de la vente. »

Ce sont les femmes peintres, en particulier, qui ont été à l’honneur aujourd’hui avec deux records mondiaux obtenus pour les artistes les plus talentueuses des XVIIe et XVIIIe siècles, rares femmes peintres étant parvenues à s'imposer dans un milieu alors encore réservé aux hommes : Louyse Moillon et Anne Vallayer-Coster .

L’enchère la plus haute de la soirée récompensait une œuvre de Louyse Moillon, Nature morte aux pêches sur un plat d'étain, boîte de copeau sur un entablement, 1634, qui vient d’atteindre un nouveau record mondial à 1.083.000 € après celui obtenu par Sotheby’s en 2013 à Paris* (lot 6, estimation : 400.000 – 600.000 €). Louyse Moillon invite ici le spectateur à la contemplation des pêches disposées avec une grande simplicité et un réalisme saisissant.

Second exemple de l’artiste passée maître dans l'art des natures mortes, une image plus inhabituelle représentant une Nature morte au panier de bigarades et grenades, vers 1650, qui a été disputée bien au-dessus de son estimation jusqu’à 783.000 € (lot 7, estimation : 350.000 – 450.000 €).

Louyse Moillon (Paris 1610 – 1696), Nature morte au panier de bigarades et grenades sur un entablement

Louyse Moillon (Paris 1610 – 1696), Nature morte au panier de bigarades et grenades sur un entablement. Huile sur panneau, 50 x 64,5 cm. Estimation: 350,000 — 450,000 €. Lot vendu: 783,000 € à un anonymePhoto: Sotheby’s / Art digital studio.

Autre artiste femme plébiscitée ce soir, Anne Vallayer-Coster dont le chef-d’œuvre, Portrait de femme assise tenant un violon exécuté, 1773, atteint le record mondial de 903.000 € (lot 22, estimation : 300.000 – 400.000 €). Ce tableau, rare exemple des quelques portraits que nous connaissons de l’artiste, ira rejoindre les collections d’un grand musée européen.

Anne Vallayer-Coster, Portrait of a violinist, 1773

Anne Vallayer-Coster, Portrait de femme assise tenant un violon, 1773. Signé et daté près du violon Melle Vallayer / 1773. Huile sur toile, 116 x 96 cm. Estimation: 300,000-400,000 €. Lot vendu: 903.000€ à un musée européen. Record mondial pour l'artiste. Photo: Sotheby’s / Art digital studio.

Provenance: Vente "Du cabinet de Mr de La Borde" et à divers, Paris, Hôtel de Bullion, Me Boileau, 16 mai 1783, lot n°20 ;
Collection Émile Barré ;
Sa vente, Paris, Me Chevalier et Bartaumieux, 30-31 janvier 1894, lot n°55 (comme Autoportrait) ;
Collection Félix Doisteau ;
Sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 9-11 juin 1909, lot n°76 ;
Collection du Dr. James Simon, Berlin ;
Sa vente, Amsterdam, F. Müller and Cie, 26 septembre 1927 ;
Galerie A.S. Drey, Munich ;
Galerie Seligmann, Paris, vers 1948 ; Resté chez M. Seligmann jusqu'en 1989 ;
Vente anonyme, Monaco, Sotheby’s, 16 juin 1989, lot n°378 ;
Acquis chez Didier Aaron, Paris, en 1999 

Exposition: M. Roland-Michel, Anne Vallayer-Coster 1744-1818, Paris, 1970, p. 208, n°310 (perdu) ;
F. Gétreau, « Tableaux de musique. L’art de représenter la musique sous Louis XV », in J. Duron (dir.),Regards sur la musique au temps de Louis XV, Wavre, 2007, p. 6

Note: Anne Vallayer-Coster compte parmi ces femmes remarquables qui ont laissé une forte empreinte dans l'histoire de la peinture française et sont parvenues à s'imposer dans un milieu alors encore réservé aux hommes.

Fille d'un orfèvre de la manufacture des Gobelins, Vallayer-Coster grandit dans une famille d'artisans qui entretient déjà des liens étroits avec les artistes et personnalités de la Cour. Elle est successivement élève de Madeleine-Françoise Basseporte, illustrateur botaniste, et de Joseph Vernet, célèbre paysagiste, dont l'enseignement lui permet d'acquérir rapidement une grande maîtrise picturale au point d'être admise dès l'âge de 26 ans à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. Remarquée par Marie-Antoinette, Vallayer-Coster se fait une place à la Cour et multiplie les commandes de portraits et de natures mortes pour répondre à la demande de la famille royale.

Son corpus reflète l'influence de son prédécesseur, Jean-Siméon Chardin, dont elle admire l'interprétation plus sensible de l'art. Le tableau que nous présentons en est un bel exemple et témoigne d'une approche à la fois poétique et psychologique du portrait. Vallayer-Coster nous emmène ici dans l'intimité du modèle, une jeune violoniste qui interrompt l'exercice musical pour se plonger dans sa partition, et semble-t-il, se perd dans ses pensées.

Un jeu chromatique se fait écho entre le blanc immaculé de la robe de satin et le fond sombre de la composition plus neutre, participant à nous donner cette image de la femme résolument pure, en parfait accord avec la philosophie des Lumières. La scène se veut austère mais douce, mettant en évidence le style d'Anne Vallayer-Coster avec l’utilisation d’une touche nerveuse et délicate où les couleurs se mélangent naturellement.

Réalisé en 1773, alors que Vallayer-Coster, déjà très à l'aise dans la peinture de natures mortes, abordait le genre du portrait avec plus de prudence, ce tableau est considéré aujourd'hui comme l'un des chefs d'oeuvre de l'artiste. Marianne Roland-Michel voit en ce modèle l'une de ses soeurs [1], ce qui semble fort probable tant le portrait dégage une chaleur et une tendresse particulière.

[1]. M. Roland-Michel, Anne Vallayer-Coster 1744-1818, Paris, 1970, p. 208, n°310 

Les acheteurs ont salué des œuvres plus rares que renfermait cette collection comme cette composition magnifique de Pierre-Antoine Lemoine, Nature morte aux raisins, plat de pêches et potiche chinoise sur un entablement en pierre. Cette œuvre, une des quatre connues de cet artiste, a doublé à 423.000 € son estimation haute de 200.000 € (lot 8).

Pierre-Antoine Lemoine (Paris 1605 – 1665), Nature morte aux raisins, plat de pêches et potiche chinoise sur un entablement en pierre

Pierre-Antoine Lemoine (Paris 1605 – 1665), Nature morte aux raisins, plat de pêches et potiche chinoise sur un entablement en pierre. Signé en bas à droite P.A. / LEMOINE. Huile sur sa toile d'origine, 50 x 61 cmEstimation: 150,000 — 200,000 €. Lot vendu: 423,000 € à un anonymeRecord mondial pour l'artiste. Photo: Sotheby’s / Art digital studio.

Le marché a une nouvelle fois confirmé l’incroyable côte d’intérêt pour les grands maitres de la peinture du XVIIIe siècle. Joseph Vernet avec Le départ des pêcheurs au lever du jour daté de 1747, a emporté la troisième plus haute enchère de la soirée à 843.000 € contre une estimation haute de 600.000 € (lot 24). Cette vision pittoresque de la côte méditerranéenne fut classée Monument Historique en 1958, avec l’intégralité du mobilier du château de Ferney-Voltaire.

Joseph Vernet (Avignon 1714 - Paris 1789), Le départ des pêcheurs au lever du jour, 1747

Joseph Vernet (Avignon 1714 - Paris 1789), Le départ des pêcheurs au lever du jour. Signé, localisé et daté en bas à gauche Joseph Vernet f. Roma 1747. Huile sur toile, 98 x 134 cm. Estimation: 400,000 — 600,000 €. Lot vendu: 843,000 € à un anonymePhoto: Sotheby’s / Art digital studio

Provenance: Collection E. Milnes Gaskell ;
Vente de feu Monsieur P. "Jules Pagès", Paris, Galerie Georges Petit, 17-18 juin 1924, lot n°125 ;
Probablement vente anonyme,  Londres, Christie’s, 6 mai 1927, lot n°102 (en paire) (acquis par Halleyn) ;
Collection Roger Ehrhardt de Schiltigheim ;
Probablement vente Schiltigheim, Paris, 16 février 1939, lot n°16 et 17 (en paire) (121 x 171 cm) ;
Château de Ferney-Voltaire ; 
Vente anonyme, Monaco, Mes Calmels, Chambre et Cohen, 1er août 2000, lot n°18 ;
Acquis à cette vente

Note: Nous remercions Emilie Beck d'avoir confirmé l'authenticité de cette oeuvre, d'après un examen de visu.

On devine derrière la brume du matin, un soleil pâle se reflétant sur une mer endormie. Sur le rivage la journée commence doucement, les premières barques s’apprêtent à partir tandis qu’un personnage profite des derniers instants de repos allongé à même le sol.
La transposition atmosphérique de ce moment de la journée est saissisante de vérité. Vernet intitulait ses tableaux en commençant par le moment de la journée qu’ils représentaient. Ce choix exprime à quel point il attachait une extrême importance à rendre avec précision les effets atmosphériques propres aux différents moments de la journée.
Originaire d’Avignon, Joseph Vernet débuta son apprentissage avec son père (peintre décorateur) puis dans l’atelier du peintre Philippe Sauvan mais très vite il déménagea à Aix-en-Provence afin de continuer sa formation chez le peintre de marines Jacques Viali. Héritier de Claude Lorrain, sa première série de paysages attira l’attention de Joseph de Seytes, marquis de Caumont qui lui proposa de financer un séjour en Italie. Pendant son séjour, Vernet devait continuer sa formation tout en réalisant des dessins des ruines de la ville pour son mécène.
Dès son arrivée à Rome en 1734, il s’intégra rapidement dans la communauté des artistes français installés dans la ville. Il eut accès à l’Académie de France où il travailla étroitement avec Adrien Manglard. En quatre ans, son succès fut tel qu’il commença à tenir un livre de commandes. A partir de 1740, sa réputation de peintre de marines et de paysagiste était faite et en 1743 les Italiens reconnaissaient son talent en l’élisant membre de l’Accademia di San Luca. Sa renommée grandit parallèlement en France surtout à partir de 1746 quand commence sa participation au Salon après sa réception à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Mais les Anglais furent sans aucun doute ses clients les plus enthousiastes. Ses œuvres évoquaient les souvenirs du « grand tour » que tout gentilhomme se devait d’accomplir pour connaître le monde de son époque. Des contacts s’établirent d’abord à Rome mais continuèrent tout le long de sa vie sans doute facilités par le beau-père de Vernet, Mark Parker, Irlandais et qui avait appartenu à la marine papale. Vernet avait épousé sa fille en 1745. 
C’est grâce à l’intervention d’un autre important mécène, la Marquise de Pompadour, que Vernet se décida à rentrer finalement en France en 1750. Ce retour aboutira à la commande royale des quinze Ports de France par Louis XV et au titre de Peintre de marines de Sa Majesté.
Onze ans plus tard après la perte des colonies et le traité de Paris, le duc de Choiseul, ministre de la marine et de la guerre, insistait auprès du roi sur l’importance pour la France de posséder une puissante marine. La réponse de sa Majesté fut « Mon cher Choiseul, vous êtes aussi fou que vos prédécesseurs : ils m’ont tous dit qu’ils voulaient une marine : il n’y aura jamais en France d’autre marine que celle du peintre Vernet. »[1].
Sa réputation débordait les frontières à tel point qu’aucune collection en Europe n’aurait été considérée comme complète sans la présence d’au moins un de ses tableaux. 

Bien qu’il ait peint, sur commande, nombre de magnifiques et importants tableaux représentant des lieux bien définis, Vernet s’en tenait plus généralement à des scènes d’imagination. Il semble qu’il préférait ces dernières dans la mesure où elles lui permettaient plus de liberté artistique, ce qui ravissait ses clients. Tout comme Panini assemblait plusieurs ruines pour en faire un tableau, Vernet composait ses paysages et ses marines à partir de divers éléments pris sur le motif.
C’est avec de telles œuvres que Vernet débuta au Salon de Paris. Les contemporains de Vernet furent saisis par l’impression vive de nature qui se dégage de son œuvre, malgré une composition convenue. La Font de Saint-Yenne[2] écrivait « Les effets (de la nature etc…) attachent avidement nos regards dans les tableaux de sieur Vernet par la force de la vérité et le charme de l’imitation…tout cela est d’un grand Peintre, d’un Phisicien[sic] habile scrutateur de la Nature dont il sait épier les moments les plus singuliers avec une sagacité étonnante ».
Vernet n’a jamais été abandonné par le public des Salons, ni par les collectionneurs qui s'arrachaient ses œuvres ; mais à partir de 1760 il avait tendance à s’en remettre à des recettes éprouvées, et, dans ce sens, son succès même était devenu son pire ennemi. En 1769, alors qu’il exposait une paire de tableaux de son époque italienne à côté d’œuvres récentes, Diderot remarquait : « On le compare à lui-même et c’est lui qui se blesse ».
Notre tableau appartient à cette période extrêmement recherchée de l’artiste, où à l’apogée de son art, il scrute la nature, saisissant avec justesse chaque effet de lumière, chaque mouvement de l’eau… Par la conciliation des détails et la conception de l’ensemble, Vernet invente des compositions extrêmement réalistes, grâce à des motifs pris sur le vif, qui réussissent à transporter le spectateur. Comme l’écrivait Sir Joshua Reynolds dans les années 1780 dans une lettre adressée à un jeune candidat à la peinture de marines ; « je vous conseille de peintre directement sur le motif et non d’après de simples croquis, d’apporter votre palette et vos crayons au bord de l’eau. C’est ainsi que procédait Vernet que j’ai connu à Rome. C’est là qu’il me montra ses études en couleur qui me frappèrent par cet accent de vérité qui n’appartient qu’aux exécutées sous le coup de l’impression première. A cette époque il rendait admirablement le caractère de l’eau, si j’ose employer cette expression. Maintenant il n’est plus qu’un maniériste et il n’y a plus à recommander de chercher à l’imiter »[3]. Vernet eut une énorme influence dans la peinture de paysage anglaise. 
Même les Goncourt, écrivant en 1852 au sujet de l’école de Barbizon, pouvaient faire allusion à « l’école du XIXe siècle, inaugurée au XVIIIe siècle par Vernet, qui commençait à regarder ». 

De par sa provenance, notre tableau a été classé Monument Historique avec l'intégralité du mobilier du Château de Ferney-Voltaire en 1958.
Ce tableau ne peut donc pas quitter le territoire français. 

[1]. Introduction à l’exposition Joseph Vernet (1714 -1789), Musée de la Marine, Palais de Chaillot, Paris, 15 octobre 1976 - 9 janvier 1977
[2] Un des premiers critiques d’art français
[3]. F.W. Hilles, Letters of Sir Joshua Reynolds, Cambridge University Press, 1929, p. 73.

 

François Boucher, Pastorale champêtre avec lavandières et un couple au bord de l’eau figurant dans cette collection, un modèle de la générosité technique de l’artiste a été acquis 267.000 € par un collectionneur français (lot 23, estimation : 120.000 - 180.000 €). La vigueur de sa facture, empreinte de touches épaisses servent la poésie de sa composition.

François Boucher (Paris 1703 - 1770), Pastorale champêtre avec lavandières et un couple au bord de l’eau

François Boucher (Paris 1703 - 1770), Pastorale champêtre avec lavandières et un couple au bord de l’eauHuile sur toile, 72,5 x 60 cmEstimation: 120,000 — 180,000 €. Lot vendu: 267,000 € à un anonyme. Photo: Sotheby’s / Art digital studio

Provenance: Collection M. L. Lévy ;
Sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 18-19 juin 1917, n°10 (20 000 francs) ;
Collection Maurice Fenaille puis Madame Fenaille, Paris ;
Par descendance collection du comte et de la comtesse de Panafieu ;
Leur vente, 9 février 1959, reportée au 23 juin 1959,lot n°12, repr. pl. VII ;
Vente anonyme, Paris, Tajan 14 décembre 2006, lot n°34 ;
Acquis à cette vente

ExpositionFrançois Boucher, Paris, Fondation Foch en l'Hôtel Particulier de M. Jean Charpentier, 9 juin - 10 juillet 1932, n°88 ;
L’art français au XVIIIe siècle, Copenhague, Palais de Charlottenborg, 1935, n°21 ;
Paysage de 1400 à 1900, Paris, Galerie Seligmann, 1938, n°36 ;
De Watteau à Prud’hon, Paris, Galerie des Beaux-Arts, 11 – 31 mai 1956, n°10

Littérature: M. Fenaille, François Boucher, Paris, 1925, p. 59 ;
J. Mathey, « Fantasy in Boucher’s landscapes and Fragonard’s figures », in The Connoisseur, mai 1961, p. 303, fig. I ;
A. Ananoff et D. Wildenstein, François Boucher, Lausanne-Paris, 1976, vol. II, p. 251, n° 608, fig. 1624 ;
A. Ananoff et D. Wildenstein, L’Opera completa di Boucher, Milan, 1980, p. 137, n° 643 ;

Note: François Boucher élève le genre de la scène pastorale au rang des sujets les plus nobles au XVIIIe siècle. Longtemps peu considéré ou presque ignoré par l’Académie royale, le paysage champêtre ou le paysage classique n’avait avant l’artiste que très peu d’écho. Seul Antoine Watteau avec l’invention de la scène galante, paysage où l’on évoque les activités frivoles d’une société en quête d’amusement, avait réussi à créer un sujet propre à l’esprit du XVIIIe siècle naissant. François Boucher invente véritablement la scène pastorale (animée de paysans ou de lavandières). Par la touche tout d’abord, fine et délicate, subtile et parfois aussi, ronde, grasse et généreuse. Par la couleur ensuite, également bleutée, verdoyante, rosée bien souvent, généralement gaie et féminine. Il associe avec succès la couleur et la forme à la rondeur et la grâce d’un XVIIIe siècle rayonnant et rococo.

Notre tableau est un exemple de la générosité technique de l’artiste. La vigueur de sa facture, empreinte de touches épaisses servant la poésie de sa composition. Les gestes des lavandières venues travailler au bord du ruisseau participent à l’élégance du paysage, l’une et l’autre en pleine osmose. Cette belle scène pastorale reflète ici tout le charme du travail de Francois Boucher. Elle dévoile avec justesse un subtil mélange entre l’observation de la réalité et l’idéalisation. L’horizon est défini par de grandes frondaisons qui ne ménagent au regard que d’étroites échappées. Les taches de couleurs des drapés forment des accents clairs et brillants sur un fond végétal. L’artiste insiste sur le teint rosé des modèles, la texture des étoffes et des rubans. Il met en scène les personnages dans un jeu de lumière subtil. Les tableaux de François Boucher font dès lors le lien entre le paysage idéal ou héroïque du XVIIe siècle et la peinture de paysage romantique qui apparaît à la fin du XVIIIe siècle.

Fils d’un marchand d’estampes français, François Boucher fut formé dans l’atelier de François Lemoyne. En 1720, il remporte le prestigieux Grand Prix de Rome et séjourne de 1727 à 1731 en Italie. Boucher fut reçu à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture en 1734. Il voit alors se multiplier les commandes royales et son art suscite l’intérêt d’amateurs avisés tels que la marquise de Pompadour ou le comte de Tessin, ambassadeur de Suède à Paris. En 1765, il fut nommé Premier peintre du Roi au service de Louis XV, ainsi que Directeur de l’Académie. 

Pour Alastair Laing, ce tableau doit être rapproché du Château et moulin à eau dans un paysage (voir Ananoff & Wildenstein, cat n° 609) qu'il a identifié comme étant l'esquisse pour le décor de la représentation de 1765 de l'intermède Le devin du village de Jean-Jacques RousseauNotre tableau peut donc être daté vers 1765. 

Nous remercions Alastair Laing qui nous a permis de dater le tableau et nous a aidé dans la rédaction de cette notice.

 

Jean-Honoré Fragonard, Paysage italien à l’escalier, peint pendant son premier séjour en Italie entre 1756 et 1761 a été adjugé 267.000 € (lot 26, estimation : 200.000 - 300.000 €).

Jean-Honoré Fragonard (Grasse 1732 - 1806 Paris), Paysage italien à l’escalier

Jean-Honoré Fragonard (Grasse 1732 - 1806 Paris)Paysage italien à l’escalier. Huile sur toile, 32,5 x 41 cm. Estimation: 200,000 — 300,000 €. Lot vendu: 267,000 € à un anonymePhoto: Sotheby’s / Art digital studio

Provenance: Collection Pope ;
Sa vente, Paris, Me Lebrun, 30 janvier 1792, lot n°31 ;
Collection du Comte de Limure au XIXe siècle ;
Collection particulière, États-Unis ; 
Vente anonyme, New York, Christie's, 27 janvier 2000, lot n°149 (comme entourage de et portant une signature Fragonard en bas à droite) ;
Acquis chez Derek Johns Ltd., Londres, en 2003 

Littérature: Baron R. Portalis, Honoré Fragonard, sa vie et son oeuvre, Paris, 1889, p. 284 ;
G. Wildenstein, The Paintings of Fragonard, Londres, 1960, p. 296, n°442 (comme perdu) ;
G. Mandel, L’Opera completa di Fragonard, Milan, 1972, p. 106, n°467 ;
J.-P. Cuzin, Jean-Honoré Fragonard. Vie et oeuvre. Catalogue complet des peintures, Fribourg-Paris, 1987, p. 353, n° D161 ;
P. Rosenberg, Tout l'œuvre peint de Fragonard, Paris, 1989, p. 131 ;
J-P. Cuzin, «Fragonard quelques nouveautés et quelques questions»in Mélanges en hommage à Pierre Rosenberg, Peintures et dessins en France et en Italie XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 2001, p. 173 fig. 10 et p. 44 

Note: Le talent de Fragonard ne semble pas avoir de limite, de la peinture d’histoire à la scène de genre, du lavis d’encre à l’huile sur toile, des figures de fantaisie aux paysages, son pinceau glisse avec aisance et volupté d’une thématique à l’autre sans jamais se répéter ni se lasser.

Ayant obtenu le Grand Prix en 1752 alors qu’il étudiait dans l’atelier de François Boucher, Fragonard effectua un premier séjour romain entre 1756 et 1761. C’est là qu’il fit la connaissance de l’abbé de Saint-Non et d’Hubert Robert, pensionnaire comme lui au palais Mancini, et c’est ensemble qu’ils partirent à la découverte de la campagne romaine, de ses paysages et de ses habitants. La campagne italienne, ses rochers et ses cascades, sa végétation luxuriante et sa lumière si particulière laissèrent sur le jeune peintre une empreinte durable.

Les souvenirs de Tivoli, du temple de Vesta et des jardins de la villa d’Este sont toujours perceptibles dans ce ravissant tableau, que Jean-Pierre Cuzin date entre 1775 et 1780 [1]. Dans le parc d’une villa dont on distingue la façade à droite, un majestueux escalier accueille les promeneurs. Au centre de la composition, Fragonard a placé de vastes pins parasols dont les ramures se rejoignent devant un groupe de hauts cyprès, illustrant ainsi les deux essences d’arbres caractéristiques de ces parcs italiens comptant parmi ses motifs de prédilection, comme en témoignent de nombreux dessins de l’artiste (comme par exemple un Jardin aux pins parasols à Rome, Besançon, musée des Beaux-Arts, fig. 1) [2].

ean-Honoré Fragonard, Jardin aux pins parasols à Rome

Jean-Honoré Fragonard, Jardin aux pins parasols à Rome. Besançon, Musée des beaux-arts et d'Archéologie - Photo Pierre GUENAT.

Au sein de ce parc dont la végétation est tout à la fois domestiquée et capricieuse évoluent de nombreuses petites figures peintes d’une « touche alerte et scintillante » [3]. Le ciel nuageux et la délicatesse avec laquelle est décrit le bouquet d’arbres à droite avec ses fines branches et son feuillage ciselé ne sont pas sans rappeler l’atmosphère des paysages hollandais du XVIIe siècle et notamment de Ruisdael, alors très apprécié des collectionneurs français et auquel le peintre vouait une grande admiration.

Mais la poésie des paysages de Fragonard réside surtout dans la subtilité de ses éclairages, jouant avec les effets d’ombre et de lumière sur les feuillages et déclinant à l’infini les nuances de vert et de brun parsemées de reflets dorés. Notre Paysage italien à l’escalier en est un merveilleux exemple : les rayons du soleil font étinceler le marbre des statues et la robe blanche de la femme au premier plan, tandis que les pins parasols protègent de leur ombre les promeneurs évoluant en toute insouciance dans cet écrin de verdure.

[1]. Jean-Pierre Cuzin, op. cit. 2001, p. 173 
[2]. Citons également Les grands cyprès de la villa d’Este, sanguine, Besançon, musée des Beaux-Arts.
[3]. Jean-Pierre Cuzin, op. cit. 2001, p. 173

La vente dispersait cinq œuvres de François Desportes qui comptent parmi les dix enchères les plus hautes de la soirée. Fruits, fleurs et légumes dans un paysage, 1720, a dépassé à 315.000 € son estimation de 300.000 € (lot 17). Cette nature morte brille par l’équilibre de sa composition et la douceur de son chromatisme. Commande royale pour l’antichambre de l’appartement du roi Louis XIV à Marly en 1702, le triple portrait des chiennes Bonne, Nonne et Ponne, a respecté à 303.000 € son estimation haute (lot 18, estimation : 250.000 – 300.000 €).

François Desportes (Champigneulle 1661 - 1743 Paris), Fruits, fleurs et légumes dans un paysage

François Desportes (Champigneulle 1661 - 1743 Paris), Fruits, fleurs et légumes dans un paysage. Signé et daté en bas à droite Desportes 1720. Huile sur toile, 93 x 119 cmEstimation: 200,000 — 300,000 €. Lot vendu: 315,000 € à un collectionneur françaisPhoto: Sotheby’s / Art digital studio

François Desportes (Champigneulle 1661 - 1743 Paris), Bonne, Nonne et Ponne, chiennes de la meute de Louis XIV

François Desportes (Champigneulle 1661 - 1743 Paris), Bonne, Nonne et Ponne, chiennes de la meute de Louis XIVHuile sur papier marouflé sur panneau parqueté, 34 x 40 cm. Estimation: 250,000 — 300,000 €. Lot vendu: 303,000 € à un collectionneur françaisPhoto: Sotheby’s / Art digital studio

PARIS.- Yesterday’s results for this collection sold at Sotheby's Paris in association with Artcurial, pay tribute to a refined collection of French paintings from the 17th and 18th centuries, built up over the past 20 years. The sale achieved €8.7 million ($9.5 million), 90% sold by lot and 93% sold by value, which represents the highest amount for a sale in this category for more than twenty years. 

Eric Turquin, expert in Old Master Paintings: "This was a gamble that paid off for this collector after twenty years of passionate search and for our three companies! This sale is a real landmark, because it demonstrates that when well-chosen, French 17th and 18th century paintings appeal to customers from across the world and can still unleash passions. The market has paid a special tribute to the bravery of Louis Grandchamp des Raux who often bucked the trend when making choices over the last twenty years. His taste for a fresh painting with wonderful thickness of paint was hailed by enthusiastic bids with applause breaking out at the end of the sale. " 

Women painters were especially, honoured today with two auction records achieved for the most talented women artists of the 17th and 18th centuries, rare women painters who managed to stand tall in a world still reserved for men: Louyse Moillon and Anne Vallayer Coster.  

The highest price of the evening was for a work by Louyse Moillon, Still life of peaches on a pewter charger atop a chip-wood box on a ledge, 1634, which has just set a new world auction record for the artist when it sold for €1,083,000 ($1,191,560). The former record was set by Sotheby's Paris in 2013* (lot 6, est.: €400,000 - 600,000). In this painting, Louyse Moillon invites the viewer to contemplate peaches arranged with great simplicity and a startling realism.  

A second painting by the artist, a past master in the art of still life, is a more unusual picture representing a Still life with a basket of bitter oranges and pomegranates on a ledge, circa. 1650. Competitive bidding took it well above its pre-sale estimate at €783,000 ($861,488) (lot 7, estimate: €350,000 - 450.000).

Another female artist acclaimed this evening was Anne Vallayer-Coster, whose masterpiece, Portrait of a woman with a violin painted in 1773, achieved the world auction record when it sold for €903,000 ($993,517) (lot 22, est.: €300,000 - 400.000). This painting, a rare work of one of the artist's few known portraits, was purchased by a major European museum. 

Buyers showed their interest for rarer works contained in this collection like the beautiful work by Pierre-Antoine Lemoine, Still life with grapes, a platter of peaches and a Chinese jar on a stone ledge. This painting, one of the four known works of this artist, doubled its high pre-sale estimate of €200,000 to fetch €423,000 ($465,402) (lot 8). 

The market has once again confirmed the incredible interest for the great masters of 18th Century paintings. Joseph Vernet with Fishermen leaving at sunrise from 1747, achieved the third highest price of the evening at €843,000 ($927,502) well-above its high estimate of €600,000 (lot 24). This picturesque vision of the Mediterranean coast was listed as a Historical Monument in 1958, along with all the furniture from the château of Ferney-Voltaire. 

François Boucher, Pastoral countryside with washerwomen and a couple at the water's edge, a model of the artist's generous technique was bought for €267,000 ($293,764) by a French collector (lot 23, est.: €120,000 - 180,000. The force with which he applies the paint and the imprint of thick brush strokes create the poetry of his composition. 

Jean-Honoré Fragonard, Italian landscape with stairs, painted during his first visit to Italy between 1756 and 1761 was sold for €267,000 ($293,764) (lot 26, est.: €200,000 - 300,000). 

The auction included five works by François Desportes, which were among the ten highest prices of the evening. Fruit flowers and vegetables in a landscape, 1720, fetched €315,000 ($346,576) exceeding its estimate of €300,000 (lot 17). This still life shines with the balance of its composition and the softness of its colour range. A royal commission for the antechamber to the apartment of the King Louis XIV in Marly in 1702, the triple portrait of bitches, Bonne, Nonne and Ponne, sold for €303,000 ($333,373) (lot 18, est.: €250,000 - 300.000).

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